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Critique de Alfr


« Je voudrais que mon prochain roman illustre le rapport à autrui dans sa vraie complexité. Supprimer la conscience d'autrui, c'est puéril. Il faudrait aboutir à un acte ayant une dimension sociale ». Ainsi s'exprime Simone de Beauvoir dans ses notes, juste après avoir écrit son premier romanL'Invitée. Elle ne veut en reproduire ni le thème, ni la fin qui se solde par un meurtre.

Pour le sang des Autres, publié en 1945, le choix du thème de la Résistance n'était pas instinctif. Ce choix va pourtant s'imposer à elle au début de l'écriture, et l'intrigue tournera autour d'un suspense : le signal d'un nouvel attentat doit-il être donné malgré les récents événements ?

L'incipit a de quoi désarçonner : il commence par la fin (ce qui rappelle d'ailleurs le début des Mains Sales de Sartre). On comprend que Jean Blomart est au chevet d'une Hélène mourante pendant l'Occupation. le reste du roman va alterner entre les points de vue des deux personnages et raconter leur rencontre ainsi que leur rapprochement induit voir « forcé » par Hélène (on comprend ici mieux pourquoi le roman est dédié à Nathalie Sorokine qui a usé des mêmes ruses pour se rapprocher de Simone de Beauvoir).

La narration est déstabilisante et complexe pour tout lecteur aimant le coup porté par le récit, direct, voir incisif (ce qui est mon cas). Ici, il faut se familiariser avec les choix narratifs de l'auteure : « le récit centré sur Hélène, je l'écrivis à la troisième personne, mais pour Blomart (…) il parlait de soi à la première personne quand il adhérait à son passé, à la troisième quand il considérait à distance la figure qu'il avait eu aux yeux d'autrui ». Il m'a fallu quelques chapitres pour le comprendre et mes hypothèses de lecture me l'ont parfois gâchée, il faut bien l'avouer…

Peu à peu se dévoile l'histoire de leur relation, remise en cause par le choix d'exister de Jean, davantage obsédé par le sens donné à ses choix que par la vie elle-même. Hélène, au contraire, semble vivre pour elle-même, et évoluer au gré des événements ce qui fait d'elle l'axe le plus intéressant du roman. de l'aveu de l'auteure, le personnage d'Hélène a « plus de sang », elle y a mis davantage d'elle-même.

"C'est un livre fraternel" selon Camus, c'est un roman sur la résistance selon d'autres et selon l'auteure elle-même c'est un roman qui présente les défauts d'un roman à thèse (roman mettant en scène des personnages destinés à illustrer ou représenter des concepts ou des courants philosophiques) : « je partais d'une expérience authentique, et je rabâchais des lieux communs (…) on n'invente des idées ni dans les salons ni dans les romans ». / « tout converge au lieu de foisonner ». Ce qu'elle se reproche c'est d'avoir tout misé sur la ligne d'une existence : ses personnages se conforment un peu trop à la direction qu'ils souhaitent lui donner. Ainsi, en cherchant trop à donner à voir, elle a trahi et appauvri l'idée qu'elle voulait défendre.

Ses contemporains ont jugé cette oeuvre inférieure à la première, je serai beaucoup moins critique car pour un lecteur d'aujourd'hui, il est plus difficile d'avoir accès aux schémas de réflexions existentialistes entourant le couple Beauvoir-Sartre et il est donc appréciable de découvrir autrement que par un essai le concept de cette philosophie, qui rappelle l'importance des actes pour exister et la difficulté de vivre en conscience avec les autres en faisant ses propres choix.
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