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Critique de Kirzy


Lorsque j'ai refermé ce livre, la première pensée qui m'a sauté à la figure a été de me demander pourquoi je n'avais jamais entendu parler de Sonia Pierre, avocate haïtienne militante des droits humains, exceptionnelle femme pressentie pour l'obtention du Prix Nobel de la Paix, décédée prématurément en 2011.

Catherine Bardon a fait le choix de la biographie romancée. Tout est donc recentré sur l'incroyable trajectoire militante de Sonia Pierre. Elle, la fillette noire née en République dominicaine dans un misérable batey ( sorte de campement où vivent les braceros, coupeurs de canne à sucre, structure néo-esclavagiste intégrée dans des plantations ), sauvée par l'école et un prêtre instituteur qui a cru en elle. On suit les différentes étapes de son parcours qui démarre à 13 ans, en 1976, lorsqu'elle apprend à lever le poing en organisant une manifestation de braceros pour réclamer de meilleurs salaires et conditions de vie.

L'autrice n'invente rien qui n'aurait pu se passer, trouvant un harmonieux dosage fiction / documentaire afin d'éviter la sécheresse strictement biographique d'un personnage qui a toujours afficher discrétion et pudeur ( Sonia Pierre n'a jamais mis en avant sa vie privée et familiale, ce qu'a respecté Catherine Bardon ). le gras romanesque vient du truculent personnage de Kerline, l'amie d'enfance, totalement fictif : un excellent contrepoint, miroir de ce que Sonia Pierre aurait pu devenir en enchaînant les grossesses précoces et en trimant pour élever dans l'indigence ses nombreux enfants.

Les pages se tournent toutes seules tant Catherine Bardon possède un vrai talent de conteuse. On sent à quel point elle aime son héroïne, mais sans chercher à imposer son admiration, jamais elle ne force le trait pour pousser le lecteur dans un sens. Ce sont ses choix narratifs qui lui permettent de se positionner et de s'indigner. Elle avance subtilement pour susciter l'empathie du lecteur et y parvient d'autant plus aisément que les combats de Sonia Pierre, en plus d'être justes, résonnent de façon très universelle avec l'actualité et l'interrogent.

Lorsqu'elle créé en 1981 la MUDHA ( Mouvement des femmes dominico-haïtiennes ), cette organisation associative a pour but d'éveiller l'opinion publique internationale et dominicaine sur le sort injuste et précaire des travailleurs des bateyes. Très rapidement, l'avocate face au déni permanent des droits basiques des Haïtiens et de leurs descendants en République dominicaine, elle saisit la juridiction de la Cour interaméricaine des droits de l'homme. Mais cela n'empêche la gouvernement dominicain de réformer la Constitution pour supprimer le droit du sol avec effet rétroactif pour rendre apatrides près de 250.000 Dominicains d'ascendance haïtienne, puis pouvoir les expulser … des thématique très actuelles qui ressurgissent en France dans les débats politiques sur la loi immigration.

Il existe toujours 411 bateyes, face bien cachée de la République dominicaine.

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