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Critique de vincentf


C'est quoi, L'Ethique à Nicomaque ? Une recette de sagesse ? Une argumentation savante à l'usage des aspirants bienheureux ? La voie du bonheur ? Je n'en sais rien. Aristote fait du bonheur le bien suprême pour l'homme et ce bonheur est à la fois vertu et plaisir. Ce bonheur, il est non un état mais un acte. Il dépend de nous. Il consiste (j'aplatis hélas, comme toujours, il le faut) à vivre vertueusement, c'est-à-dire en évitant les excès, en cherchant sans cesse la moyenne entre ce qui est trop (la témérité par exemple) et ce qui n'est pas assez (la lâcheté). Il consiste à développer ce qui est le plus beau (d'où vient ce beau, quel est donc ce concept si souvent lancé et jamais clair ?) en nous, à savoir les vertus intellectuelles.

Quoi qu'est-ce ? le bonheur, à la fin du livre, c'est la méditation (sur quoi ? comment ? pourquoi ?), activité durable, contrairement aux plaisirs, qui sont bons, très bon (Aristote est hédoniste, contrairement à mes idées reçues), mais éphémères. Pourquoi privilégier l'intelligence ? parce que nous sommes peut-être les seuls à la posséder ? Qu'est-ce qu'on en sait (il faudrait que je relise, en guise de contrepoint, L'Apologie de Raymond de Sebonde) ? Cela dit (je saute du coq à l'âne, je suis terriblement a-aristotélicien), il y a du bon (voilà que j'utilise moi-même ce concept si difficile à problématiser) dans la pensée d'Aristote, qui met l'accent sur la responsabilité de l'individu dans ses actes, les actes vertueux étant choisis en pleine conscience : "D'abord, il (l'homme vertueux) doit savoir ce qu'il exécute ; ensuite le décider et, ce faisant, vouloir les actes qu'il accomplit pour eux-mêmes ; enfin, troisièmement, agir dans une disposition ferme et inébranlable".

Et vlan ! Tout ça est terriblement exigeant. Il faut connaître (c'est déjà foutu, le "connais-toi toi-même" part en couille si souvent) ; il faut vouloir, pas dans son intérêt propre mais dans l'intérêt du bien (gratuitement, ou du moins en se rendant compte que la vertu ne peut que rendre heureux en fin de compte, et qu'il faut donc souffrir pour être belle) ; et finalement une fois qu'on veut, il faut s'y tenir.

Bref le bonheur, Aristote le dit lui-même, c'est plus divin qu'humain. Si c'est humain, c'est réservé à "l'homme vertueux", un type dont l'essence serait bonne, un saint ou un fou (bien sûr le philosophe ne dit pas ça, bien au contraire, c'est le non-vertueux, le banal pêcheur, qui est fou), bref un monstre. Aristote, une philosophie hors de portée ? une éthique impossible à mettre en application ? Ce qui est génial, c'est qu'en lisant son argumentation, malgré l'immensité de la tâche et l'incertitude quant à sa propre disposition à la vertu, on se dit que ça vaudrait quand même la peine d'essayer, que faire un bout de route est possible, qu'on peut aller vers le bonheur en flânant en chemin, du côté des vertus (pas toujours exaltantes hélas, parce que médianes, alors que l'on désire l'extrême, et que le jusqu'au-boutisme est plus beau pour un esprit moderne, qui se méfie de la sagesse comme de la peste, parce que méditer, c'est laisser faire Hitler, même si le sage aristotélicien n'aurait pas laissé faire, je l'espère, sinon toutes les belles phrases sur la vertu tombent à l'eau), de la justice, de l'amitié, du plaisir. Bref, la vie selon Aristote, c'est un peu ennuyeux, mais le bonheur, puisque c'est stable, c'est ennuyeux. Ennuyons-nous donc avec plaisir.
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