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Critique de berni_29


Que dire d’un ciel immense qui s’échappe, une vie humble a autant besoin de ciel que les autres, de la lumière, un chemin pour savoir où on est et où aller. Le ciel par-dessus le toit est un magnifique roman écrit par Nathacha Appanah, il évoque par son titre ce très beau poème de Paul Verlaine ; j’ai appris que Verlaine l’avait écrit en prison, lorsqu’il tenta de tuer son amant Arthur Rimbaud.
« Le ciel est par-dessus le toit, si bleu si calme ! ».
C’est à quelque chose près le décor que nous découvrons de cette famille ordinaire, presque comme les autres.
Le roman, cependant, démarre dans la cellule d’une maison d’arrêt. Comment comprendre ce qui a amené celui qui est ici, Loup, un enfant presque encore.
« Un arbre par-dessus le toit berce sa palme ».
Nous découvrons ce fait divers presque anodin qui conduit Loup en prison, mais l’auteure nous amène à découvrir à travers ses propres mots ce qui l’a amené à cela, remonter le chemin dans l’autre sens.
Justement, revenons un peu en arrière, lorsque la mère de Loup était encore une enfant, une petite fille, elle s’appelait alors Éliette. Plus tard elle changera de nom, devenant Phénix, comme une être ressuscitée ou qui veut tout simplement rayer d'un trait l'autre pan de sa vie.
Plus tard elle aura deux enfants, Paloma et Loup.
« La cloche, dans le ciel qu’on voit
Doucement tinte.
Un oiseau sur l’arbre qu’on voit
Chante sa plainte ».
Il y a cette scène d’entrée, la petite fille idéale, qui chante très bien, qui joue à chaque fois son rôle de petite fille modèle, de poupée à la perfection, docile parmi les autres, elle chante admirablement bien, fait la fierté des siens des autres, et puis brusquement sur cette scène de repas de Noël, c'est le repas de Noël de l'entreprise où travaille son père, au lieu de chanter, c’est un cri qui sort d’elle, c’est même plus qu’un cri, c’est quelque chose de plus profond, de viscéral, de guttural, d’effroyable, quelque chose qui ressemble aux ténèbres, à la nuit, au vide. Quelque chose qui l’entraîne en hôpital psychiatrique. Un lieu carcéral. Déjà...
Le cœur de Loup s’emballe souvent. C’est un enfant dont le cœur est comme cela, un cœur qui s’emballe, il a sans doute de bonnes raisons. Parfois certains enfants ne savent pas distinguer le réel de l’imaginaire. Loup est de ces êtres totalement fragiles.
Loup n’a qu’une seule obsession, retrouver sa sœur Paloma, quitte à rouler à contre-sens sur cette entrée d'autoroute, ce qui lui vaudra de se retrouver devant un juge... Loup n'a peut-être jamais su trouver les bons chemins, prendre les bonnes directions...
Et cet oiseau qui chante sa plainte, qui est-il ? La mère ? Paloma, la sœur de Loup qui cherche à protéger celui-ci, à le retrouver ? ou bien Loup lui-même ?
« Mon Dieu ! Mon Dieu ! La vie est là,
Simple et tranquille.
Cette paisible rumeur-là
Vient de la ville ».
Il y a quelques temps, j’ai découvert que Paul Valéry avait une définition originale de l’inspiration et l’accordait non pas à l’auteur mais au lecteur. J’adore cette idée.
Rebondissant sur cette idée, je me suis pris d’empathie pour ce récit. J’ai aimé la poésie qui se dégage de cette très belle écriture, douloureuse forcément mais apportant une infinie douceur. C’est sans doute, je crois, la magie de ce texte...
Les personnages de ce roman semblent en retrait, silencieux, absents de ce qui les anime.
Phénix, reconvertie à la vie, ne veut surtout pas reproduire ce qu’elle a vécu lorsqu’elle était enfant. Ses enfants sont libres, elle les laisse libres, ainsi.
J’ai adoré ce livre, cette ambiance que je viens de décrire m’a totalement emporté, ému aussi.
Mais derrière la poésie de l'écriture viennent aussi des questions douloureuses, l'enfance meurtrie, maltraitée, les non-dits, l'indifférence, ce trop plein d'amour ou pas assez qui peut déjà tout décider de ce qu'adviendra la vie d'après.
" Qu’as-tu fait, ô toi que voilà
Pleurant sans cesse,
Dis, qu’as-tu fait, toi que voilà
De ta jeunesse ? "
Peut-être que le ciel par-dessus les toits,
le ciel derrière les murs, les barreaux des prisons,
le ciel derrière nos peaux, nos coeurs,
nous éclairent et nous engloutit à la fois.
Parfois les liens du coeur peuvent transcender les blessures de l'enfance. Il suffit alors d'une écriture, celle d'un livre, d'une auteure, notre émotion qui vient à sa rencontre, pour rendre le ciel si bleu si calme.
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