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Critique de SebastienFritsch


《Tant que je serais noire et que leur derrière pencherait vers le sol, jamais je ne reverrais ces fumiers prétentieux》: cette pensée de Miss Angelou donne le ton de ce livre, en plus de lui donner son titre français.
En version originale The Heart of a Woman exprime bien mieux ce que l'autrice a voulu transmettre dans ce 4e des 7 volumes de son autobiographie. En retraçant la vie de cette Noire américaine, trentenaire, actrice, chanteuse, écrivaine, mère et célibataire, qu'elle a été, elle montre de quoi son coeur de femme est capable.
Du coeur, elle en a pour aimer son fils adolescent, pour aimer ses amies, ses soutiens ; elle en a pour admirer les grandes figures de la chanson, de la littérature, mais surtout, celles de la défense des droits civiques. Enfin, son coeur, elle y trouve aussi de la place pour les hommes : initialement satisfaite de son célibat, elle lie ensuite, tête baissée, son destin à ceux de deux personnages successifs (un beauf sans ambition puis un activiste sud-africain exilé), dont l'attitude rend ces 2 unions... étonnantes.
Mais le coeur représente aussi le courage ; et Miss Angelou n'en manque pas. Pour mener sa barque, sur le plan professionnel, familial et sentimental, ou encore pour s'investir elle aussi dans la défense des droits civiques, elle montre une belle détermination et un fort esprit d'indépendance (d'où mon étonnement à propos des hommes qu'elle choisit).
Enfin, ce coeur, c'est aussi l'organe qui encaisse les blessures infligées par un pays raciste et qui s'accélère à chaque joie, suscitée par son fils, ses amies ou ses succès dans la lutte contre les injustices. Et c'est ce coeur, également, qui se serre à chaque échec et à chaque trahison.
C'est donc bien le coeur de Maya Angelou qu'on sent battre au centre de ce livre ; et pourtant cette oeuvre ne paraît pas égocentrée ; car chaque battement nous approche un peu plus de la réalité de l'Amérique noire des années 50-60, difficile à saisir pour qui n'a pas vécu dans ces conditions. La ségrégation, le mépris des Blancs, l'activisme des Noirs, le bouillonnement artistique, les références aux ancêtres esclaves, les liens avec l'Afrique, fantasmés, renforcés ou rejetés, la place des femmes et la vision dominatrice que les hommes en ont, l'autrice nous les montre de l'intérieur. Et elle nous invite à croiser Billie Holiday, Martin Luther King, Malcolm X, James Baldwin et tant d'autres hommes et femmes qui écrivent, chantent ou font de la politique et illustrent les multiples facettes de ce monde en mouvement.
Le rythme du récit est enlevé, parfois même tourbillonnant, l'ironie est fréquente, l'émotion également et, point encore plus remarquable, une certaine objectivité ressort clairement du texte : engagée auprès de M.L. King, chantre de la non-violence, l'autrice présente sans la juger la ligne plus agressive suivie par Malcolm X ; sur son cas personnel, elle applique le même point de vue un peu distant, une sorte de recul journalistique, décrivant froidement les occasions où elle se fait menée en bateau, voire humiliée, par l'un des hommes de sa vie.
En conclusion, c'est une lecture riche et très instructive, qui ouvre autant vers l'histoire et la géopolitique de cette époque que vers le coeur d'une personnalité extraordinaire.
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