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Critique de TerrainsVagues


Il est des pays où dire ce qu'on pense n'est pas la meilleure idée qu'on puisse avoir pour couler des jours « mal » heureux. La Turquie fait partie de ces nombreux endroits où la parole est en liberté conditionnelle, où le mot est sous surveillance, le verbe épié, disséqué, condamné.
Ahmet Altan, écrivain et journaliste Turc a été emprisonné et condamné à perpétuité quelques jours après la tentative de putsch contre Erdogan en 2016. La raison invoquée ? Avoir critiqué le gouvernement dans une émission de télé la veille et ainsi, selon Erdogan, avoir appelé à la révolte. En gros pour le pouvoir, il fait partie des instigateurs du coup d'état manqué.
Je ne reverrai plus le monde, ce sont des textes écrits en prison qui ont été sortis feuille après feuille par ses avocats.
Alors que je m'attendais à une charge sur la politique Turque, le nationalisme, la religion ou la liberté d'expression, alors que j'espérais, pour l'auteur, voir que les conditions d'emprisonnement avaient changées depuis Midnight Express (du fabuleux Alan Parker sur un scénario du non moins génial Oliver Stone), alors que… je sais qu'il ne faut jamais faire l'histoire avant d'avoir ouvert un livre, j'ai été surpris. Surpris par le ton du bouquin qui prend toutes mes attentes à contre pied de la plus belle manière qui soit.
« J'écris ces lignes depuis ma cellule. Mais je ne suis pas en prison. Je suis écrivain. Vous pouvez m'emprisonner mais vous ne pouvez pas me garder ici. Comme tous les écrivains, je suis magicien. Je peux traverser vos murs sans mal. »
Tout est dit, Ahmet Altan a choisi de nous dire le chemin qu'il a pris pour vivre sa détention arbitraire. Comment résister et ne pas se montrer abattu aux yeux de « l'ennemi », ne jamais lui donner l'espoir de son renoncement. Un moment de rêve, de méditation, un instant de poésie, furtif, fugitif et voila l'auteur de l'autre coté du mur.
Rien d'extraordinaire dans ces instantanés, rien de révolutionnaire dans ces petits textes et ces tranches de vie mais pourtant, assemblés les uns avec les autres, tous ensembles, quel grand livre.

Il m'est tout de suite venu un texte, une chanson après cette lecture, une des plus belles (lui qui n'a fait que des plus belles) de Daniel Balavoine à mon avis :

https://www.youtube.com/watch?v=DpY1kQiKHmA

Sous la torture
Derrière les murs
Les yeux remplis d'effroi
L'homme aux voeux purs
Souffre et endure
Les coups sourds de la loi
Noyés par les bulles rouges
Ses mots muets
S'élèvent et s'écrasent sur la paroi
L'écrivain plie mais ne rompt pas
Ressent une étrange douleur dans les doigts
Délire en balbutiant qui vivra vaincra

Dans la cellule du poète
Quand le geôlier vient près de lui
Quand plus personne ne s'inquiète
L'homme que l'on croyait endormi
Frappe avec sa tête

A court d'idées
Ils t'ont coupé
Et ta langue et les doigts
Pour t'empêcher
De t'exprimer
Mais ils ne savent pas
Qu'on ne se bat pas
Contre les hommes
Qui peuvent tout surtout pour ce qu'ils croient
Et l'homme infirme retrouve sa voix
Défie le monde en descendant de sa croix
Et sort la liberté de l'anonymat

Dans la cellule du poète
Quand le geôlier vient près de lui
Quand plus personne ne s'inquiète
L'homme que l'on croyait endormi
Frappe avec sa tête
Frappe avec ta tête...
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