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Critique de Allantvers


Vidée... Je sors épuisée, ébranlée et vidée de cette lecture éprouvante et essentielle. C'est à des livres comme celui-ci que l'on prend la mesure de ce que les livres d'histoire ne diront jamais, et j'ai résisté un nombre incalculable de fois à l'envie d'en noter des citations pour les partager : il vaut bien mieux s'y plonger entièrement et le lire...

Il parait que d'aucuns ont questionné le bien fondé du prix Nobel accordé à l'auteure au motif que le mode narratif de l'interview, "ce n'est pas de la littérature". Ce sont des interviews en effet, mais le travail littéraire de réécriture au plus près du réel est aussi spectaculaire qu'invisible, et témoigne autant d'une forte pertinence historique que d'une puissante sensibilité.

Des interviews et rien d'autre : une longue série de monologues entrecoupés de quelques scènes de "conversations de cuisine", multipliant les points de vue dans la bouche d'anonymes d'opinions, confessions, convictions, trajectoires personnelles différentes.

Le résultat est bouleversant : à travers cette litanie de souffrances, de violences, de frustrations et de désillusions, on reconstitue par bribes ce qu'a été qu'être et vivre en Union soviétique, celle des débuts triomphants et implacables, celle des guerres, celle de Staline, celle de la perestroika, puis d'avoir assisté, pris part ou subi son effondrement et son basculement brutal dans un capitalisme barbare.

Du soldat de la première heure méprisé sous l'ère d'Eltsine à l'Arménienne brutalement jetée dans une condition de paria; de la jeune fille calculatrice et matérialiste à l'ex Komsomol enthousiaste condamnée à la mendicité dans ses vieux jours, de l'amour à la fatalité, de la naïveté à l'amertume, chaque voix apporte un éclairage nouveau à cet Homo Sovieticus dont la somme de ces témoignages finit par cerner la diversité, la complexité et la profondeur.

Edifiant, magnifique!

Car une fois l'émotion primale retombée, le caractère universel apparait : il y aura un jour une Svetlana pour témoigner de la chute du monde occidental, comme il doit y avoir eu des témoignages - écrits censurés, narrations orales perdues - de la chute du monde romain, du monde ottoman, du monde maya, de toutes les utopies, de tous les totalitarismes, de toutes les formations sociales crées par l'homme. Toujours la même histoire, les mêmes inégalités de pouvoirs, les mêmes espérances, les mêmes violences.
Va y croire, avec ça...
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