Incontournable Avril 2023
Comme il est étrange, ce petit bout de récit qui se dit "roman jeunesse", avec sa poésie, sa douceur soyeuse et ses personnages hétéroclites.
Dans ce roman, vous trouverez:
Un chauffeur de bus, nommé Jour de Fête, qui adore escorter les jeunes vers leur lieu de Savoir.
Un gardien d'école, un "samouraï" qui a trois prénoms, ceux de ses défuntes amours, femme et fille, s'est rebâtit dans cette même école.
Un Directeur d'une école particulière, Capitaine de son navire, l'oeil à l'affut, qui s'est vu confié la surveillance d'un garçon par son papa globe-trotteur.
Ce même papa, médecin et spécialiste qui parcours le monde, qui a ramené avec lui, un jour une "princesse indienne", pour la mettre à l'abri.
Cette princesse indienne, Asha, muette, mais pas complètement, peinturant des gouttes dorées sur les murs de la chambre de son fils, qu'elle aime d'un amour solaire.
Soleil, "Ravi" en sanskrit, a dix ans. Enfant choyé et aimé, il fréquente une école singulière, où un capitaine-directeur, un chauffeur-gardien, un gardien-samouraï et tous un réseaux de gens chaleureux gravitent dans son univers.
Ces personnages ont chacun leur histoire et ici, leur histoire les mène sur le chemin de Ravi. Notre jeune héro vit en quelque sorte dans un écrin aussi beau que chaleureux, mais son histoire comporte une part d'ombre.
Attention, à partir d'ici, il y aura des divulgâches.
Étienne Perrier, son père, offre à Ravi un gâteau confectionné par un grand pâtissier à chaque anniversaire, délivré à l'école, où tous les enfants peuvent en profiter. Cette particularité sous-tend deux choses. La première, que monsieur Perrier est en réalité peu présent auprès de sa famille, qui vit en Alsace, à Sainte-Marie-Aux-Mines, dans une grande maison. La seconde: La maman de Ravi ne vit pas selon le calendrier connu. Elle ne parle toujours pas français et semble vivre dans leur maison comme on vit dans une bulle, en retrait de tout.
Ravi a donc une famille peu commune, avec une maman avec laquelle il ne peut pas réellement communiquer et un père toujours absent. Mais nous apprendrons que pour ses dix ans, Ravi se verra confier un secret, celui de l'histoire de sa mère, et donc un peu de la sienne. Femme indienne rescapée sur le bord du Gange, alors qu'elle n'était qu'un nourrisson, Asha grandit dans un orphelinat. Elle a une affection toute particulière pour les bébés de l'orphelinat, auxquels elle chante des chansons. Un jour, s'est le drame. Elle se fait agresser. Et tombe enceinte. Elle subit un nouvel accident qui lui fera rencontrer le docteur Perrier. Touché par l'histoire de la jeune maman en devenir, il lui propose de l'épouser pour la ramener chez lui, en France, où elle et son enfant à naitre seront à l'abri.
Cette histoire me fait penser à un conte, un peu en raison de la narration, mais aussi en raison du côté "improbable" de son univers. Dans ce monde, toutes les blessures vont guérir. Toute le monde est incroyablement altruiste. Il se dégage de ce livre une réelle chaleur, qui fait écho au prénom du héro. À travers cette histoire, on sent la forte présence de la philosophie, qui interroge la vie, élabore sur le deuil, l'art de se reconstruire et la compassion des humains pour d'autres humains. Est-ce que c'est réaliste? Peut-être pas. Mais ça fait du bien. C'est comme boire un thé à la pomme un matin d'automne.
En soi, il s'agit d'un personnage qui doit faire face au fait qu'il est un enfant du viol. Cependant, il y a eu un tel degré de préparation de la part des divers acteurs sociaux autours de lui et un tel amour de la part de ses parents, que Ravi va passer au travers somme toute facilement. Je ne pense pas que le but était de rendre le tout réaliste, mais plutôt de mettre l'accent sur les éléments protecteurs qu'on peut trouver autours des enfants. L'auteur semble engager les adultes à être présents, soucieux, et empathiques. En cela , il aurait bien raison.
J'ai trouvé l'histoire de Daïsuke, le "samouraï" aux trois prénoms, touchante, certes, mais sa reconstruction et sa guérison lui donne ainsi un parcours du combattant. Combiné a sa philosophie du bushindo, Daïsuke possède un "savoir expérientiel" et une écoute active très pertinente à Ravi. Connaître l'adversité rend plus fort, mais aussi plus empathique. Nombre d'intervenants ont été eux même des gens en détresse. J'aime que cette dimension de l'expérience soit ici mise en lumière.
Aussi, nous sommes bien plus que notre naissance. Nous sommes la somme de nos expériences, de nos rencontres, de nos forces et de nos rêves. Ravi avait beaucoup de ces éléments, même si je peux comprendre son sentiment à l'égard de son papa absent. Heureusement pour lui, une fois affranchit de son secret, le médecin prend plus de place au sein de sa famille.
J'aime l'idée de la force collective comme bouclier autours des enfants. Chaque personnage de l'école avait un rôle très engagé, de toute nature et sans hiérarchie. Tous ont leur importance et tous sont cohérents ensemble. Cet espèce de cocon bienveillant mériterait d'exister pour de vrai.
Je pense qu'a travers les phrases d'une grande poésie et les nombreuses "leçons de de vie", le livre peut être intéressant à faire extrapoler par les jeunes lecteurs. Il n'est pas confrontant ou scabreux, au contraire, il est d'une incroyable douceur. Plusieurs passages peuvent paver des discutions sur des aspects sociaux, personnels ou philosophiques. Il y a un peu cette idée d'évoluer en tant que personne, de recoller les morceaux brisés et de guérir, peut importe que la blessure soit mentale ou physique.
Donc, en résumé: C'est beau, c'est chaleureux, c'est inspirant et à certains égards, réconfortant. Je serais curieuse d'entendre mes jeunes lecteurs me confier ce que ce livre leur a inspiré. Et comme je souhaiterais que tous nos enfants à travers le monde puisse être aussi intensément estimés que Ravi.
La couverture est fort jolie et reflète très fidèlement l'atmosphère du roman.
Pour un lectorat du troisième cycle primaire, 10-12 ans.
Commenter  J’apprécie         40
L’illustration de couverture de Thibault Prugne procure une impression prometteuse de douceur et de chaleur. L’histoire va la confirmer : Ravi est un garçon à l’aise dans ses baskets, tout à fait à sa place.
Lire la critique sur le site : Ricochet
Etre un guerrier ne consiste pas seulement à se battre contre les autres avec un sabre, lui explique le vieil homme. C'est avant tout et surtout se battre contre les réactions instinctives et primitives que nous avons en nous et qui peuvent jaillir n'importe où, n'importe quand et n'importe comment. C'est refuser d'être le jouet de la colère, de la peur ou de la jalousie, par exemple. C'est accueillir la tristesse quand elle vient, tout en se disant, qu'un jour, ces larmes feront peut-être jaillir des fleurs secrètes… Tu sais, les larmes réparent l'univers. Elles aident la vie à rejaillir encore plus belle. Elle nous apprennent à devenir délicats.
En fait, être un guerrier, reprend Daisuke-Natsuki-Akimasa, c'est apprendre en toutes circonstances à contrôler ses émotions pour pouvoir se mettre au service des valeurs les plus hautes. Et, quand tu contrôles tes émotions, tu permets aussi à l'autre de mieux contrôler les siennes. Tu fais donc d'une pierre deux coups, termine le gardien.
pages 67-68.
Et quand leurs mères les pleurèrent, leurs larmes se changèrent en ces pierres. Car les larmes ne sont jamais vaines, précisa l'homme. Avec elles, la vie bâtit toujours quelque chose. Tout comme le pardon, ce sont les armes les plus fortes. Elles donnent les pierres avec lesquelles, collectivement, plus tard, seront bâties les citadelles.
page118.
Parce que, pour ma part, à cet âge- là je suis tombé gravement malade ; j'ai dû mener un grand combat. Il n'y a pas d'âge, les enfants, pour devoir surmonter des épreuves. Ravi, déclare-t-il, que ce château symbolise ta demeure ou ta force intérieure. C'est le château de ton coœur. Tu es le chevalier que voilà, et voici la princesse à sauver des griffes de ce dragon maléfique. La princesse représente le cœur de ton cœur, la plus jolie et la plus douce part de toi-même, celle qu'il faut toujours protéger. Et le dragon symbolise toutes tes peurs si tu en as, tout ce qui te blesse, te rend triste et qui brûle ton univers. Car nous sommes sur la terre pour protéger notre beauté et notre douceur, et pour éteindre les feux qui pourraient les atteindre, ne croyez-vous pas ? Nous sommes tous d'abord des pompiers, puis ensuite des jardiniers. Nous devons nous abreuver les uns les autres pour qu'un jour fleurisse la joie !
C'est ça se faire tireur de fil... c'est poser sur l'autre un regard si confiant et si doux qu'on l'aide à se déplier à l'endroit où il était froissé, comme on le ferait avec une marionnette de papier
Mais, en apparence tout au moins, le capitaine du navire ne fait rien tout de suite. Une rivière de tristesse ne peut se traverser très vite. Le bon passeur le sait. Malgré son envie d'aider, il doit laisser des larmes couler avant de tendre la main au voyageur désemparé. Les larmes ont leur rôle à jouer. Elles obligent celui qui est triste à se rendre. Il reconnaît son impuissance. Il appelle les autres à l'aide. Il mobilise l'arche.
Cette semaine, la librairie Point Virgule vous propose une sélection de romans destinés à la jeunesse.
- Monstres, Stéphane Servant & Nicolas Zouliamis, éditions Thierry Magnier, 15,80€
- Bonaventure et compagnie, Alex Cousseau & Charles Dutertre, éditions du Rouergue, 13€
- La maison des mots perdus, Kochka, Flammarion jeunesse, 13€