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Critiques de Yannick Grannec (380)
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Les simples

Ecrire un roman historique est , à mon sens , un exercice très difficile . Ecrire sur cette période de fin du Moyen Age ajoute à la difficulté et situer l'action au coeur d'une abbaye nécessite une bonne dose d'érudition et de travail .Incontestablement , Yannick Grannec est érudite et travailleuse , comme en attestent les nombreuses références situées à la fin du roman . On peut donc être rassuré quant à la vérité historique du propos , même si l'auteure nous apporte quelques précisions quant à l'inévitable part d'invention qui a été sienne .Voilà donc qui fait de ce roman un excellent ouvrage didactique et apporte à ceux qui s'y intéressent, un très bel éclairage sur une période souvent méconnue du grand public , grand public dont je fais partie , bien sûr. Ainsi , on va apprendre l'organisation hiérarchisée des religieuses , parler du clergé régulier , du clergé séculier, de la médecine et ses limites , de l'organisation de la vie des religieuses , des règles imposées , des différentes prières , du rôle des soeurs et de l'Eglise auprès des nécessiteux et des malades , des motivations des unes et des autres à se réfugier dans un lieu sacré , un lieu protecteur , certes , mais aussi impitoyable avec ses querelles de pouvoir , ses jalousies , ....Pas mieux pour le clergé séculier qui s'adonne sans vergogne à la jouissance des plaisirs de la vie , bien loin de l'enseignement de la religion...Et puis , l'Inquisition dont on pourra apprécier l'atroce efficacité....

Voilà pour un décor , si je puis m'exprimer ainsi , de grande qualité .

Les vraies héroïnes de l'histoire ce sont les " simples " ces plantes que les religieuses récoltent pour les transformer en médicaments réputés et vendus dans une grande partie du monde occidental et surtout très prisés de la cour du pape .Les revenus sont tels qu'ils excitent au plus au point l'envie des hautes autorités religieuses séculières locales . Comment parvenir à s'emparer de ce trésor ? Les intrigues vont se succéder et même l'intervention du " Malin " sera sollicitée...

L'auteure a donné à son roman une teneur particulière en notant des recettes , des poémes , des dictons , des repères temporels au début des chapitres .Le style est très agréable même si un vocabulaire spécifique peut parfois en freiner le rythme .On est parfois aussi surpris par la grossièreté de certains propos placés dans des bouches que l'on aurait pensé plus modérées , exercice voulu , bien entendu , pour coller au plus près de la réalité.

Cette peinture sociétale est fort plaisante même si nombre de lecteurs ne " plongeront " pas forcément spontanément dans cet univers clos puisque situé exclusivement dans l'abbaye et ses abords immédiats . Les attitudes nous montreront toutefois que , finalement , l'âme humaine n'a guère évolué de nos jours et c'est plutôt inquiétant.

J'avais entendu l'auteure présenter son livre dans l'émission médicale de Marina Carrére d'Encausse sur la 5 et j'avais été très intéressé au point d' acheter et lire cet ouvrage . Je n'ai pas été déçu .....même si je ne suis pas forcément adepte des romans historiques . Au final , je dirais toutefois que le bel "emballage " descriptif me semble un peu plus remarquable que l'intrigue elle- même et cela pourrait sans doute gêner certains lecteurs . Ce n'est que mon humble avis .
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Les simples

Fin XVIème siècle, l'évêque Jean de Solines veut obtenir la tutelle d'une abbaye de moniales bénédictines, qui prospère en toute indépendance grâce à son régime de la commende octroyé quelques siècles auparavant. Il veut surtout mettre la main sur ses importants bénéfices obtenus par le commerce des simples, des plantes médicinales dont une religieuse herboriste connait tous les secrets. Il est prêt à tout, quitte à discréditer, quitte à créer un scandale du moment qu'il parvient à ses fins. Il y envoie pour enquête deux vicaires dont le jeune Léon qui tombe en pâmoison devant la beauté d'une future novice. A partir de là, tout va se déglinguer dans cet univers clos, ascétique, à la sexualité bridée, le fragile équilibre de la société monacale explose.



Les premiers chapitres sont un régal. De sa plume aiguisée et pleine de verve, Yannick Grannec présente les personnages principaux de sa tragédie en de réjouissants portraits d'une précision souvent jubilatoire, parfois féroces, les chapitres consacrés à chacun alternent les points de vue : l'évêque, le jeune vicaire, la soeur herboriste, l'abbesse, la novice sont brillamment dessinés, à la façon d'un Saint-Simon croquant les courtisans, avec plus de tendresse tout de même pour certains.



L'intrigue monte en puissance progressivement, construite avec minutie tel un thriller à partir du principe de l'effet papillon, la chaine d'événements devenant folle à mesure que le roman avance. La tension est permanente, d'une violence contenue jusqu'à la déflagration, attendue mais qui surprend par sa force. C'est d'autant plus remarquable que l'auteure se permet de nombreuses parenthèses digressives ( sur l'herboristerie par exemple ). On sent qu'elle s'est obligée à « couper » dans son énorme documentation. Et c'est réussi, le dosage entre érudition et romanesque est parfait pour tenir le lecteur en haleine tout en l'instruisant.



Au-delà d'une construction habile, ce que j'ai particulièrement apprécié dans ce roman, c'est son regard sur la condition féminine à la fin du XVIème siècle, à une époque charnière où on commence à brûler les femmes « déviantes », trop libres, trop éloignées du dogme catholique , c'est l'époque des grands procès en sorcellerie. Et les Bénédictines du roman sont beaucoup trop libres aux yeux de la société patriarcale et de la hiérarchie diocésaine ...



Surtout, Yannick Grannec décortique sans fard le fonctionnement cruel du microcosme monastique, traversé par une stupéfiante lutte des classes entre les Marie et les Marthe : ces dernières, les converses étant issues du peuple, chargées des travaux manuels et des affaires séculières, alors que les Marie, nées nobles, occupent les postes les plus prestigieux et se consacrent aux offices et aux études tout en méprisant les Marthe.

L'auteure rend également très prégnantes la question de l'origine de la "vocation religieuse" : se retrouver moniale n'est que très rarement un choix personnel guidé par la foi, parfois un moyen d'échapper au mariage pour poursuivre des études, plus souvent une façon pour les familles nobles de caser les rebuts du marché matrimonial ( les trop laides, les trop "folles", les trop agitées ), pour les familles pauvres de se débarrasser d'une bouche à nourrir. Avec toutes les aigreurs et les rancoeurs que cela peut engendrer.



Je suis très surprise que ce roman n'ait été que peu mis en avant lors de la rentrée littéraire de septembre dernier tant il est passionnant pour faire résonner très subtilement des thématiques féministes très contemporaines à partir d'une intrigue dépaysante avec un vrai souffle romanesque.
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Au-dedans

°°° Rentrée littéraire 2023 # 13 °°°



Lorsque nous faisons la connaissance de Christa en 2019, elle a quarante-quatre ans, divorcée, deux adolescents – crispants - à la maison, un assistant virtuel à la Siri nommé Andrew qu'elle a entièrement codé. Elle dirige une start-up de la Silicon Valley, spécialisée dans les biotechnologies, qui investit d ans l'intelligence artificielle et plus particulièrement dans un système prédictif de captation des données biologiques. Et elle vient juste d'apprendre qu'elle est atteinte d'une maladie neurodégénérative - de pure invention - qui, lorsqu'elle s'exprimera, la privera de tout accès à ses émotions, la rendant insensible à tout ce qui l'entoure. Elle se lance à la recherche d'une thérapie lui permettant de rester elle-même.



Durant tout son roman, Yannick Grannec explore avec brio notre rapport aux émotions et sentiments, ainsi que la place qu'on leur donne dans nos sociétés de plus en connectées, auscultation d'autant plus intéressante que son héroïne est surnommée la « Reine des glaces » tellement elle s'est bâtie une carapace pour réussir dans un monde d'hommes, se méfiant de toute émotivité extravertie alors qu'intérieurement, elle bouillonne d'amour pour ses enfants ou de colère vis-à-vis de son ex-mari.



« Comment aurait-il pu faire comprendre à Christa la complexité de la question des affects en quelques mots ? Comment, sans en dénaturer la beauté, résumer ce grand ballet neurochimique ?  Les sentiments donnaient au-dedans d’un être une représentation secrète ; les émotions, elles, s’offraient à la vue de tous en une chorégraphie continue de variations physiologiques et expressives, soumises à la musique des hormones et au tempo des viscères. Oui, aurait-il pu s’exalter, les affects étaient un spectacle si magnifiquement rodé ! Ça frétillait comme du Mozart, ça se déchainait comme du Wagner, ça pleurait comme du Mahler, et parfois … Et bien, parfois, ça merdait au niveau du cerveau. Le cortex-chef d’orchestre prenait une pause syndicale ou la diva limbique avait ses vapeurs. »



La deuxième partie bascule dans une superbe ellipse temporelle qui projette la quête scientifique et intime de Christa en 2099, prenant un tour inattendu dont il ne faut rien dire de plus si ce n'est que l'I.A. a pris une place démesurée. J'ai particulièrement apprécié les références et résonances avec le Frankenstein de Mary Shelley autour de la question de l'acquisition ou pas d'une conscience par l'I.A. qui pourrait ou pas aimer au-delà de l'empathie artificielle pour laquelle elle serait programmée.



La lecture est intense, très exigeante avec ses passages très érudits sur la science et les biotechnologies ( la bibliographie finale est impressionnante ). Il m'a été impossible de gloutonner le livre comme à mon habitude et ai eu besoin de nombreuses pauses pour digérer son propos. Mon manque de culture scientifique n'a cependant pas été un frein pour apprécier ce texte foisonnant et déstabilisant. Je n'ai sans doute pas tout compris, mais je me suis sentie intellectuellement stimulée et ça fait du bien de lire une roman audacieux misant sur l'intelligence de ses lecteurs en proposant une réflexion aussi poussée ( et avec beaucoup d'humour ) sur la transformation de notre monde et son devenir, réflexion portée par un écriture de grande qualité qui aide à s'immerger ...



... jusqu'au dernier chapitre, juste sublime dans ce qu'il dit de déchirant sur le souvenir et la mémoire ainsi que sur l'émerveillement émotionnel qui serait encore possible dans une monde de plus en plus virtuel faisant doutant de la réalité de l'humanité de certains et ne plus douter de celle qu'auraient acquises d'autres sous-estimés.
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Les simples

Ah il s'en passait de jolies dans les abbayes, moi je vous le dis.

A la fin du XVIème siècle, dans le sud de la France, la paisible congrégation de Notre-Dame du Loup rayonne et prospère grâce aux remèdes à base de simples dont elle détient le secret (simples… comprendre plantes médicinales, pour ceux à qui le titre évoquerait plutôt une assemblée de benêts).



Cela posé, la suite est un peu plus compliquée. Car si nos bénédictines coulent des jours à peu près sereins, la concupiscence du nouvel évêque de Vence, bien décidé à s'en mettre plein les fouilles, va semer le chaos bien au-delà de ses propres espérances. Autant préciser que là ça va partir en quenouille.



Peu à peu l'intrigue parfaitement structurée monte en puissance, portée par une rare finesse d'analyse des caractères et des personnages. De sa plume très juste, Yannick Grannec lentement façonne une ensorcelante fiction historique, quelque part entre la poésie de Carole Martinez et la truculence de Jean Teulé. C'est dire ce que ce roman complexe recèle de richesse, d'érudition et d'originalité.



Pour faire simple (et si je puis donner mon avis), ça c'est de la pure lecture de rentrée.




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La déesse des petites victoires

Elle a sept ans de plus que lui, divorcée, catholique, travaille dans un cabaret, n'a pas fait d'études et son père est photographe de quartier. Lui prépare à vingt ans son doctorat en mathématiques, est luthérien et son père un industriel prospère. Ils n'ont rien en commun, ou du moins si peu. Nous sommes en 1926 à Vienne, "....une toute petite inflexion de l'angle du départ fait une énorme différence à l'arrivée. Dans quelle dimension, quelle version de notre histoire, ne m'a-t-il pas raccompagnée ce soir-là ?"

Une histoire de cinquante ans de vie commune, celle d'Adèle et de Kurt Gödel, le plus fascinant et hermétique mathématicien du XXie siècle.

Le sujet de ce livre part du "Nachlass", des documents scientifiques non publiés et supposés de grande valeur que Gödel légue à sa mort, à sa femme. L'université de Princeton charge Anna, une jeune documentariste de les récupérer à la veuve, qui semble loin d'y lâcher prise. À travers cette confrontation qui va les rapprocher, Yannick Grannec nous dresse deux portraits de femme, dont celle remarquable d'Adéle Gödel. Les pieds bien sur terre, à l'intelligence lucide redoutable, très loin d'être inférieure à celle de ce mari, génie de la logique et des mathématiques, elle gére avec brio un homme égoïste qui sombre fréquemment dans la folie, aux nombreuses manies, dont des problèmes d'anorexie et de terrorisme vestimentaire qu'il s'impose.....Entre amour, génie et folie, au prix d'une vie semée d'embûches et d'amertume, elle s'efforce de soulever des montagnes pour son Herr Warum ( Monsieur Pourquoi ). Une traversée époustouflante du XXe siècle, de la Vienne des nazis qui jetèrent dans le même sac les positivistes, la logique, les mathématiques et les Juifs, au Princeton provincial, où elle sera "une exilée entre les génies " pour finalement en arriver à lutter dans un ultime effort, à sauvegarder ce "Nachlass"( réduction, remise), derniers vestiges en sa possession d'une vie "d'incomplitude" avec le Génie.

Une prose superbe, très subtile, trés documentée ! J'ai adoré les personnages d'Adéle et d'Einstein dépeints avec beaucoup d'humour. Avec ou sans affinités avec les mathématiques, une lecture fascinante, où Adèle arrive toujours à temps avec son bon sens et son humour pour vous décomplexer sur les discussions de théorèmes et de logique....qui peuvent éventuellement dérouter.

Waouh Nastie, merci ! Ce bouquin gisait depuis 2013 dans les tréfonds de mes Pals et sans ton billet enthousiaste il allait probablement y rester encore longtemps !

Un coup de coeur !

Et en passant un clin d'oeil à la formidable BD « Logicomix »de Doxiadis/Papadimitriou/ Papadatos, que j'avais adoré aussi et si non encore lu, vous le conseille expressément ! Et vive les Maths !



"-Vous avez eu beaucoup de courage. Vous avez vécu une histoire absolue.

-Vous êtes naive ! À l'échelle d'une vie, l'absolu d'une vie est pavé de petits

renoncements."



"Le mental intuitif est un don sacré , le mental rationnel un serviteur fidèle. Nous avons créé une société qui honore le serviteur et a oublié le don......Un jour, les machines pourront résoudre tous les problèmes, mais aucun d'entre elles ne pourra en poser un ! " (Einstein)



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La déesse des petites victoires

Confession préliminaire : La buse intégrale en matière d’axiomes et de théorèmes, la littéraire pur jus notoirement hermétique à la chose matheuse depuis la classe de sixième... c’est moi. Pour m’avoir séduite à ce point, La Déesse des petites victoires – brillant produit de littérature mais avec plein de maths à l’intérieur – relève donc à mes yeux du prodige absolu.



Autre étonnement à mi-parcours de ma lecture : à l’inverse d’un ex champion de raquette reconverti dans la ritournelle démagogique, Yannick Grannec est... une femme. Queuoi ? – m’étranglai-je à l’évocation soudaine de LA prof inflexible qui me dégoûta à jamais de tout ce qui ressemble même de loin à une racine carrée – c'est une femme qui va enfin lever mes inhibitions ? se permettant même de commettre sur le sujet un ouvrage émouvant, au style impeccable et fluide ? Vaazy décidément je kiffe ce bouquin, m’interpellai-je, toujours à mi-parcours de ma découverte.



Digressions mises à part, venons-en à la vie d’Adèle. Ici point de couleur chaude ou de cheveux bleus mais La Déesse des petites victoires, c’est bien elle, Adèle. Et ses « petites victoires » constituent le cœur de cinquante ans d’abnégation aux côtés d’un mari prestigieux, Kurt Gödel, mathématicien de génie, complexe et attachant mais néanmoins pas bien facile à vivre comme garçon. Victoires minuscules mais essentielles d’une femme pragmatique et décalée, qui consacrera son existence à soutenir – au propre comme au figuré – son illustre et fragile bien-aimé. Victoire de l’amour sur la raison pure, victoire de la volonté sur la démence, victoire de Yannick Grannec sur mon aversion pour les ma... Bref.



Bien que romancés dans cet ouvrage, les personnages d’Adèle et Kurt Gödel ont réellement existé, même si Gödel marqua moins les esprits qu’Einstein dont il fût par ailleurs un ami très proche. Mais Yannick Grannec est allée plus loin : à travers l’éclosion de liens inattendus entre une veuve acariâtre et une jeune femme désabusée, l’histoire gagne encore en profondeur et s’articule élégamment entre passé et présent.



Amitié, passion, génie, folie, Histoire du vingtième siècle, sciences et philosophie, autant de thèmes qui se mêlent admirablement pour offrir un récit habité, passionnant, et manifestement documenté à l’extrême. Un bijou d’humour et d’érudition, un doux pétillement qui a illuminé ma fin d’année, comme une petite victoire sur le marasme ambiant.




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Les simples

Notre-Dame du Loup est une forteresse austère nichée sur les hauts vençois. Ici les bénédictines dirigées par mère Marie-Vérane, abbesse viagère, tiennent un hôpital pour les nécessiteux et font commerce de plantes médicinales. Une vie bien réglée bientôt menacée par l'évêque de Vence. En effet, cette année 1584 l'ecclésiastique a missionné ses vicaires, dont le jeune et beau Léon de la Sine, en vue de prendre en défaut les soeurs pour obtenir les bénéfices de leur commerce et la translation du reliquaire de Sainte-Vérane. Mais le prélat va se heurter à une difficulté de taille : l'abbaye renferme un autre trésor, la jolie novice à venir Gabrielle d'Estéron...



Voilà un roman historique de ceux qui érudits apprennent beaucoup, sans jamais lasser grâce à une tension perpétuelle et une belle verdeur de langage. Ainsi si la fin du XVIe siècle est le temps de la truculence des serviteurs de Dieu, elle est aussi celle de la lutte impitoyable entre clergé régulier et clergé séculier. Un jeu de pouvoir où les femmes, détentrices d'une médecine empirique destinée surtout aux plus pauvres, savent qu'exercer et transmettre leur savoir sera à l'avenir impossible. Une drôle d'époque qui croit aux miracles mais brûle des femmes craignant leur pouvoir sur les corps et les âmes.



Challenge MULTI-DÉFIS 2020
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Le bal mécanique

J’ai tellement aimé ce pavé de près de 540 pages que j’ai fait durer la lecture, je n’avais pas envie de laisser ces personnages. L’auteure a si bien su introduire ses personnages fictifs dans l’Histoire et les faire entrer dans la vie des grands artistes qu’on a parfois l’impression qu’ils ont vraiment existé.



Ce livre est composé de deux parties, qui se complètent et se répondent (alors qu’il aurait pu fort bien s’agir de deux romans distincts).



La première se déroule de nos jours et nous fait découvrir Josh et son émission de téléréalité (les cinquante premières pages, j’ai un peu rongé mon frein car la téléréalité et moi cela ne fait pas bon ménage du tout) mais cela valait le coup, l’auteure décrivant très bien notre époque où le virtuel est roi et surtout en le prenant au deuxième degré, Yannick Grannec évoque le couple, la filiation (Vickie, la compagne de Josh est enceinte), ce que l’on transmet à l’enfant que ce soit par la génétique ou par l’amour (ou pas) que l’on reçoit.



En fait, Josh est lucide, il dit par exemple : « Narcissisme et fond de teint sont la base du métier. » ou encore, « La solitude ne m’effraie pas, elle est même mon seul luxe. Je concède mon narcissisme et je le rentabilise. » P 85



Le roman réussit à nous ferrer lors de l’entrée en scène de Carl, le père de Josh, peintre ravagé par l’alcool, la guerre de Corée, sa propre filiation : il a été confié par son père à des amis qui ont fui le nazisme pendant qu’il était encore temps et il a toujours su ce qu’il en était jusqu’à ce que tombe une nouvelle : un marchand d’art qui a spolié les tableaux juifs pendant la guerre vient d’être « découvert » provoquant des révélations lourdes de conséquences qui nous emmènent sur les traces de parents biologiques de Carl… inutile de préciser ce qu’il pense du travail de Josh.



C’est le sujet de la seconde partie, sublime qui met nos pas dans ceux de Théodore et Luise, leur rencontre, leur mariage, la naissance de leur fille Magdalena leur vie qui s’inscrit dans ce début du XXe siècle, la « folie créative » des années 20, le Bauhaus de Nessau : sa création, son architecture, ses professeurs, ses élèves : on vit littéralement avec Paul Klee (le parrain de Magdalena alias Gurkie), Kandinski, Otto Dix, Gropius, Hannes Meyer, un déchaînement de couleurs, de créativité, de génie, que les nazis appelleront « l’art dégénéré ».



Beaucoup auront une fin tragique ou seront contraints à l’exil…



Ce roman m’a plu car il mêle des thèmes que j’aime, et au passage l’Histoire, la politique et l’art, qui sont des personnages en eux-mêmes. Il est intense, documenté et éveille la curiosité du lecteur.



A chaque chapitre, Yannick Grannec nous propose une œuvre : tableau, photographie… en relation avec le thème du chapitre. Inutile de préciser que j’ai été vissée sur Internet pour trouver l’œuvre en question, et déniché tout ce que j’ai pu sur cette période.



Je ne suis pas experte en peinture : en général, ça se limite à des coups de cœur pour tel ou tel artiste et je suis très éclectique dans mes goûts. Un déclic dans une salle d’attente il y a très longtemps pour une reproduction de Kandinski qui m’avait touchée et donné envie d’en savoir plus, idem pour Klee, alors avec le Bauhaus feu d’artifice !



Le titre du roman est évocateur : c’est le nom d’un tableau de Paul Klee, mais il évoque aussi, dans le livre, un autre bal, organisé par les étudiants du Bauhaus…



Le deuxième roman de Yannick Grannec et bien sûr il m’a donné envie de lire le premier : « La déesse des petites victoires » dont le titre m’avait intriguée alors…



J’ai terminé ce roman, il y a près de quinze jours, et j’en suis restée tellement imprégnée que j’ai eu du mal à rédiger ma critique, et je n’ai en fait qu’une suggestion : à lire absolument !
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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La déesse des petites victoires

Voici une fiction historique d'une rare intelligence , instructive , brillante qui tisse une grande fresque du XX° siècle en même temps qu'une vulgarisation mathématique accessible malgré l'aride domaine de la logique formelle ....Pas de long commentaire : tout a été dit déjà ...





Une ode au génie humain à travers la rencontre entre Adéle, danseuse et serveuse , de sept ans plus âgée , qui n'a pas fait d'études en 1926, avec Kurt Gödel, un GÉNIE des mathématiques , de tempérament inquiet , fascinant ,

égoïste , rongé parfois par des accès dépressifs, anorexique , aux nombreuses manies , fragile physiquement , qui prépare son doctorat à l'époque..

Il est luthérien . Son père est un industriel aisé.



Adèle est catholique et divorcée, très mal accueillie par sa belle- mère .



Ils vont vivre cinquante ans de vie commune , Adéle, les pieds sur terre, pétrie de bon sens , à l'intelligence aiguisée va vouer sa vie à son génie de mari avec abnégation .. « Derrière chaque grand homme , il y a une femme .... »

Tel est le cas dans ce récit drôle , addictif , remarquable, stimulant, entre folie, génie et amour où Albert Einstein échangeait avec Kurt lors de balades digestives, un de leurs rares goûts communs , comme une sorte de gymnastique intellectuelle , Kurt qui dédia sa vie à l'élégance mathématique.

.Albert Einstein disait : « Nos promenades sont l'acmé de mes journées . ,...Personne n'ose plus me contredire à part vous. C'est assommant ... »

Un roman profond et érudit pétri de formules mathématiques, pourtant accessible pour une littéraire comme moi.

Grand merci à mes amis de Babelio qui me l'ont fait connaître.



«  J’ai vécu deux conflits majeurs . Je suis épuisé d’en craindre de nouveaux. Je ne sais comment sera la troisième guerre mondiale , mais je suis certain qu’il n’y aura plus beaucoup de monde pour voir la quatrième .... »

Albert Einstein .

.J’ajoute que c’est un premier roman d’une belle maîtrise !



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Les simples

Vous désirez vous évader en ces temps modernes, ces temps d'intelligence artificielle et de 5G ? Revenir à quelque chose de plus simple ? Je vous propose précisément Les simples de Yannick Grannec, et sa parenthèse enchantée, heu non médiévale. Bien médiévale. Là où les femmes sont dépourvues de liberté et n'ont d'autre choix que d'être au service des hommes (lorsqu'elles sont belles) ou de Dieu (lorsqu'elles sont laides ou simples), là où toute forme de liberté féminine donne lieu à des procès pour sorcellerie.



Bienvenue donc en 1584, dans l'Abbaye des Louventines tenue par soeur Clémence, en Provence, dans laquelle on y découvre un microcosme de bénédictines qui y vivent en autarcie, de façon indépendante (chose rare et permise par le roi), selon un ordre hiérarchique stricte, et où le travail est rythmé par les prières. Nous suivons leur art de cueillir et d'utiliser les simples, ces fameuses plantes médicinales qu'elles recueillent autour de l'Abbaye. Les soeurs commercialisent les traitements obtenus et gèrent un hôpital…Un lieu apaisant et exigeant de recueillement me direz vous…un lieu où les passions sont domptées et muselées à coup de discipline et de travail. Mais c'est sans compter quelques ingrédients qu'ajoute avec férocité cette conteuse hors pair qu'est Yannick Grannec : jalousie, querelles, conspiration, trahison, duplicité, folie… L'arrivée du perfide évêque et de son fils, qui louchent sur les gains retirés de ces activités, vont notamment bouleverser ce petit monde et faire souffler un vent de révolte et de rébellion. Et ces femmes, que l'on pense simples au début du livre, se révèlent être rusées et combattantes. C'est par moment jubilatoire, par moment cru, féroce mais très souvent délicat et exquis.



Le tout est ciselé par une écriture fine, érudite, très belle. L'alternance des prises de parole entre les protagonistes (un chapitre par protagoniste) m'a parfois ennuyée mais sinon, après un petit temps d'adaptation, j'ai beaucoup aimé ce roman qui m'a dépaysée et m'a emmenée loin dans le temps. Comme je viens de le lire pour un tout autre livre ici ce matin d'un babeliote, un livre qui permet de s'extraire de notre rythme effréné, de sortir de la course du temps. Précieux !

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Les simples

Les simples c’est le nom qu’au moyen-âge, on donnait aux plantes médicinales.

Les Bénédictines du couvent Notre-Dame du Loup, situé en Provence, se sont spécialisées dans la cueillette des plantes et la préparation de remèdes, et cela attise la convoitise d’un évêque qui espère bien mettre la main sur cette manne financière.



Le roman oscille entre une description détaillée de la vie de ces femmes qui n’ont d’ailleurs pas toutes choisi d’entrer au couvent mais y ont été placées par leur famille, et les manigances des uns et des autres pour récupérer la gestion de l’abbaye en faisant le plus de coups bas possibles.

Nous suivrons ainsi le destin de plusieurs personnages : l’abbesse, l’herboriste, de simples servantes, des hommes d’Église, des nobles de la région, la sage-femme, un jeune vicaire…



J’ai beaucoup aimé cette plongée dans la vie d’un couvent au moyen-âge et les portraits de ces femmes qui se sont vouées à Dieu.

L’auteur nous permet de découvrir de l’intérieur ce lieu d’ordinaire secret et nous montre bien ce qu’était la vie à cette époque, que ce soit le travail, les maladies, la pauvreté, la croyance en Dieu et en la sorcellerie, les jalousies et les luttes de pouvoir et surtout la condition des femmes.

Un très beau roman, dans une langue simple mais juste.

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Les simples

Une «simple» guerre de religion en Provence



Formidable roman autour d’une abbaye provençale qui suscite bien des convoitises en cette fin de XVIe siècle. Yannick Grannec nous fait découvrir les vertus des simples et les vices de la hiérarchie catholique. Diabolique!



Commençons par décrire l’endroit, car l’esprit du lieu joue ici un rôle important. Nous sommes en Provence, du côté de Vence, plus précisément à l’abbaye bénédictine de Notre-Dame du Loup. Si Yannick Grannec nous explique dans la postface qu’elle n’a jamais existé, le lecteur n’a aucune peine à visualiser les sœurs, à imaginer leur vie et leurs activités. À tel point qu’une adaptation du roman au cinéma pourrait faire un excellent film.





Voici donc, par ordre d’apparition à l’image sœur Clémence, la doyenne, qui connaît si bien les simples et leurs vertus. Un savoir qu’elle tente de faire partager à Fleur, une oblate, c’est-à-dire «une enfant consacrée à Dieu et donnée par son père aux louventines». Une Fleur qui va s’épanouir au fil des mois et trouver sa place dans une communauté dont les règles de vie strictes n’évitent pas les sentiments bien humains de convoitise et de jalousie, sans parler de quête pour défendre ou accroître ses prérogatives, son pouvoir.

Un pouvoir que les hommes n’entendent pas laisser aux mains de ces femmes. C’est au tour de Léon de la Sine et du vicaire Dambier d’entrer en scène. Le jeune homme et son aîné sont envoyés par l’évêque de Vence, Jean de Solines, pour une mission d’inspection. Car cette abbaye bénéficie d’un statut particulier que le prélat entend remettre en cause par tous les moyens. Rappelons que la toute-puissance de l’église catholique est déjà fragilisée par les réformateurs dont les idées ne cessent de gagner du terrain. Mais Léon a encore bien des choses à apprendre et trouve bien du charme à cet endroit et à la belle Gabrielle qui, quelques temps plus tard

On va dès lors assister à un affrontement, d’abord à fleurets mouchetés, avec échanges d’amabilités, puis plus violent. Un combat durant lequel chacune des parties va jouer avec ses armes. En recueillant en leur sein Léon de la Sinne, victime d’un grave accident, et en le soignant, les sœurs vont disposer d’un argument de poids et pouvoir démontrer les vertus des simples et de leurs médications, le bien-fondé de leur mission hospitalière. Elles sont aussi dépositaires des reliques de Sainte Vérane et comme les habitants croient que la poudre de son tombeau et l’eau de sa source guérissent les malades.

L’évêque fédère quant à lui le clergé, le corps médical – qui entend interdire aux sœurs le droit d’exercer ans diplôme – et la baronne douairière Renée de Solines, sa maîtresse, qui entend monter à ces «salopes de nonnes» de quel bois elle se chauffe. La mission «récupération du fils en perdition» est lancée. Elle va donner lieu à quelques épisodes truculents et à bien des remises en cause. Mais je vous laisse apprécier par vous-mêmes et cède volontiers la plume à Gaëlle Nohant pour la conclusion: «Autour d'une trame passionnante, Yannick Grannec tisse un roman éblouissant à l'écriture poétique et implacable, dont l'humour acerbe vous réjouira avant que sa tendresse pour ses personnages ne vous bouleverse. C'est un livre puissant, qui creuse loin et vous emporte avec lui.»


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La déesse des petites victoires

Quelle belle surprise que ce premier roman de Yannick Grannec, qui réussit à être à la fois drôle, sensible, intelligent, mordant… le tout en nous parlant de mathématiques ! Rassurez-vous, pas besoin d’être féru en la matière pour apprécier cet ambitieux et foisonnant roman ! Et quel joli titre pour définir Adèle Gödel !!!



Mais qui est Adèle Gödel ? La femme du plus grand mathématicien du XXe siècle, Kurt Gödel , ami d’Einstein ? Une danseuse de cabaret qui ne reçoit que le mépris de l’entourage de ce dernier ? L’aide-soignante, véritable (et seule) bouée de secours d’un mari hors normes pour le monde et son époque, incapable ne serait-ce que de survivre sans elle ? Une vieille folle recluse dans une maison de retraite, refusant de transmettre les archives de son mari, pourtant si précieuses pour l’humanité ? Adèle est tout cela et bien plus encore, et c’est ce que nous révèle ce magnifique roman au travers de la confrontation de deux femmes, Adèle et Anna Roth, jeune documentaliste chargée par l’université de Princeton de récupérer les archives du maître.



On navigue donc entre l’histoire contemporaine qui se noue entre les deux femmes, bien loin des clichés et de la bienséance, sur fond de maison de retraite glauque, et le récit d’Adèle, de ce que fut sa vie aux côtés de son génie de mari durant 50 ans. Celle-ci retrace leur couple atypique - en mettant à nu ses rouages- et leur incroyable parcours, ancrés dans un XXième siècle mouvementé, de la Vienne bouillonnante des années 30 jusqu'au Princeton d'après-guerre où Einstein et Oppenheimer, voisins et amis, étaient fréquemment conviés à goûter la cuisine Mitteleuropa d'Adèle, entre autres...



Yannick Grannec nous raconte une histoire fascinante, croque des personnages complexes, avec un sens redoutable des dialogues, une narration rythmée et juste… Réflexion sur le génie, la connaissance et la folie, il s'agit avant tout de la retranscription d' une histoire d'amour tourmentée, mais insubmersible, mettant en présence deux personnalités hautement dissemblables : "un homme qui ne savait pas vivre" et "une femme qui ne savait qu'aimer". Equation difficile, pour ne pas dire insoluble... Qui fournit la matière, en tout cas, d'un livre aussi passionnant qu'instructif dont les 460 pages se dévorent quasiment d'une traite.
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Les simples

J'aime beaucoup ce qu'écrit Yannick Grannec , c'est le troisième roman que je lis d'elle . J'apprécie sa plume et les voyages temporels qu'elle nous offre.



Dans les Simples , elle ne conjugue pas le passé et le présent, comme dans ses deux premiers livres. On saute à pieds joints à la fin du 16 eme siècle, en Provence dans un couvent imaginaire, dont le modèle économique prospère attire la convoitise de l'évêque qui intrigue et manipule à tout va, au risque de se faire dépasser par ses complots.



C'est l'occasion de nous ouvrir sur une époque sombre de guerres de religion, mais aussi lumineuse du désir de comprendre le monde et d'en soulager les misères humaines, une époque de superstitions aussi, dans laquelle les femmes libres sont toujours considérées comme des sorcières.



L'herboriste Clémence, Marie-Verane, mère supérieure, fille d'un grand seigneur huguenot, la belle Gabrielle, fille cadette pas si naïve que ça, placée au couvent , Léon, le fils cadet , prêtre malgré lui, car les aînés héritent et on ne sait que faire des cadets de famille...Tous les personnages ont leur complexité et leur mystère . Ils nous intriguent et nous les suivons dans un récit qui a parfois la truculence de Rabelais.



Le croquis d'ambiance est réussi, faites bouillir de l'eau , et installez-vous avec une tisane pour une lecture d'automne assez addictive .

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La déesse des petites victoires

« Derrière chaque grand homme, il y a une femme. » dit le dicton, dont le couple Gödel est une illustration parfaite.

Kurt Gödel était un mathématicien et logicien autrichien. L'un des plus grands du vingtième siècle.

Un génie à qui l'on doit des travaux d'une importance scientifique capitale.

Un génie tourmenté, un génie fragile. Physiquement et psychologiquement.

Mais derrière Kurt, il y avait Adèle.

Adèle qui n'a pu empêcher Kurt de sombrer, de se noyer dans ses névroses, mais qui a sans cesse lutté pour ralentir la chute.

Kurt n'a pas eu la vie facile, Adèle non plus.

Vivre dans l'ombre d'un être torturé, tout en jouant le rôle de l'indispensable tuteur qui lui permet de rester debout. Et sans rien attendre en retour : Kurt aimait Adèle, mais à sa façon, comme peut aimer quelqu'un qui vit dans un monde parallèle.

Arrivée au bout de son parcours, Adèle tire un bilan sans concession de sa vie de couple, et l'auteur lui fait dire ces mots cruellement lucides : « C'était bien lui qui m'avait usée, lui qui s'était servi de moi comme d'une batterie d'appoint. »

Yannick Grannec m'a enthousiasmée avec son livre remarquablement documenté et très bien construit.

C'est une double biographie à cheval sur deux époques : la jeunesse et la vieillesse d'Adèle.

L'auteur y réussit le tour de force d'aborder une multitude de sujets et d'aspects sans que jamais rien ne soit confus, ne soit lourd ou superflu.

Sciences, philosophie et histoire s'imbriquent parfaitement.

Imaginez un peu la vie à Princeton à partir de la fin de la seconde guerre mondiale.

Princeton, cette faculté américaine qui concentre tous les cerveaux de l'époque, dont beaucoup ont fui la guerre et l'Allemagne nazie.

Princeton, intellectuellement bouillonnante.

On y croise des prix Nobel et des récipiendaires de la Médaille Fields à chaque coin de rue ou presque.

Gödel, Oppenheimer, Einstein et bien d'autres : avec de tels convives un dîner tout à fait informel se transforme en un passionnant débat d'idées, en un échange scientifique, mais aussi philosophique sur les différentes façons de concevoir la science et de voir le monde.

Yannick Grannec nous invite à ces soirées et nous offre une place de choix pour suivre toutes les conversations.

N'ayez crainte : nul besoin d'être un as des mathématiques pour apprécier, l'auteur met plus en avant l'enchaînement des pensées que le contenu scientifique proprement dit. De plus, le texte est agrémenté de nombreuses notes explicatives très claires. Là encore, chapeau bas devant la qualité du travail documentaire accompli !

Si vous n'êtes pas vous-mêmes scientifiques, vous vous imaginez peut-être que les mathématiciens, physiciens et autres logiciens sont de purs esprits, vivant à demeure dans leur monde abstrait. La déesses des petites victoires vous fera comprendre qu'il n'en est rien et que derrière une façade de grands chercheurs se cachent des êtres humains, avec leurs failles et leurs faiblesses, comme tout un chacun.

Yannick Grannec nous parle de sciences, d'histoire, de politique et de philosophie, mais en définitive, c'est d'humain qu'il s'agit, et c'est pour cette raison que son texte nous touche autant.

Cerise sur le gâteau : de l'humour, justement dosé, complète parfaitement ce merveilleux mélange.

Un immense plaisir de lecture, un livre que je ne peux que recommander.

Venez découvrir à votre tour les petites victoires d'Adèle, venez rencontrer Kurt, dont Einstein disait : « Je ne vais à mon bureau que pour avoir le privilège de rentrer à pied avec Kurt Gödel. »
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Les simples

Première lecture de l'an de grâce 2021 qui m'a propulsée fin du XVI siècle, Dieu que ce n'était pas non plus la fête à cette époque et encore moins quand on était du sexe féminin. Choisir entre un époux non désiré et le cloître il n'y avait peu d'alternative. Etre "esclave " d'un mari ou d'une communauté que choisir.

C'est un excellent roman sur l'état des nonnes et des jeunes filles selon leur condition elles pouvaient prétendre à un rang au sein de la communauté. Le roman nous peint un portrait très réaliste de cette vie religieuse.

J'ai bien apprécié les personnages parfaitement représentatifs des différents statuts de la société de l'époque. J'ai beaucoup aimé le style de l'auteure, avec une pointe d'acidité mais aussi un soupçon de poésie qui rend le texte agréable à lire.

C'est un bel ouvrage simple comme les simples mais tellement riche pour le côté historique et sur la condition de la femme de cette époque.

Une lecture qui nous apprend beaucoup et nous rappelle que la vie n'est jamais facile il y a toujours des Hommes et sa folie pour nous mettre des bâtons dans les roues.

A lire si vous aimez vous enrichir à la lecture des romans historiques.

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Au-dedans

Christa, la quarantaine, est à la tête d'une start-up de la Silicon Valley spécialisée dans les biotechnologies. Surnommée « la Reine des Glaces » en raison de son habitude de dissimuler ses émotions, elle se rend compte par hasard qu'elle est comme sa mère porteuse d'un gêne la prédisposant à une maladie neurodégénérative qui justement risque de bloquer l'accès à ses émotions. Cela lui permet de réévaluer la personnalité de sa mère qui est en hôpital psychiatrique et la terrifie pour son propre avenir. Forte de ses capacités et de son entreprise, elle va imaginer une IA susceptible de l'aider. ● Si vous aimez la terminologie et la glose scientifiques, les notes en bas de page comme dans les manuels universitaires, les romans qui font du surplace, alors ce livre est pour vous. J'ai rarement lu quelque chose d'aussi aride et d'aussi peu romanesque. La tension narrative est absente, la fin hautement prévisible. ● L'autrice s'efforce par tous les moyens d'établir des parallèles avec Frankenstein, eh bien je vous donne un conseil : lisez le magnifique roman de Mary Shelley plutôt que ce livre complètement raté, prétentieux et nul que j'ai dû me forcer à lire jusqu'au bout : une vraie purge !
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La déesse des petites victoires

"La femme est l'avenir de l'homme", disait le poète.



J'aurais aimé savoir ce que Adèle Gödel aurait pensé de cette phrase, mais ce qui est certain c'est que sans elle, Kurt Gödel, son mari, n'aurait pas eu l'avenir qu'on lui prédisait en 1926.



A Vienne, à cette époque, à 20 ans, Kurt est déjà un prodige des mathématiques, un futur génie dont les travaux auront une importance capitale. Il est aux maths et à la logique ce qu'Einstein est à la physique, le charisme en moins. Les deux sont d'ailleurs contemporains et deviendront de proches amis.

Quand Kurt et Adèle se rencontrent, on ne donnerait pas cher de leur couple, tant ils sont de milieux et de tempéraments différents. Elle est divorcée, catholique, danseuse et serveuse dans un cabaret, a sept ans de plus que lui et n'a pas fait d'études, elle vient d'un milieu modeste et a un tempérament de feu, terre à terre, solide. Lui, qui termine son doctorat, est luthérien et fils d'un industriel prospère, a la santé et le mental fragiles, ne comprend pas grand-chose aux relations humaines et vit dans son monde de sciences à des années-lumière de la "vraie" vie. Et pourtant, leur histoire d'amour durera 50 ans, jusqu'au décès de Kurt en 1978. Et s'il n'est pas mort plus jeune, c'est uniquement grâce à Adèle, qui l'aura soutenu, porté, tiré, au propre et au figuré, tout au long de ces années, de Vienne à Princeton où ils se sont exilés au début de la deuxième Guerre mondiale.

Un demi-siècle de vie commune, certes, mais de bonheur et d'amour ? C'est à se demander si Kurt en était capable. Il a un caractère compliqué, connaît des épisodes anorexiques et dépressifs, est interné à plusieurs reprises, il est maniaque et tend à la paranoïa, autant de troubles qui iront en s'aggravant, jusqu'à ce qu'il sombre dans la folie à la fin de sa vie. Et Adèle, infirmière et mère plus souvent qu'épouse et amante, le soigne, le nourrit, le protège, lui démontre un dévouement et une abnégation sans faille, sacrifie ses besoins, ses désirs, sa santé, sa vie, à ceux de son homme. Sans être payée de retour, mais fidèle et loyale jusqu'au bout. L'aimer, elle ne sait faire que ça.



Le roman commence en 1980, à Princeton, quand Anna, jeune documentaliste désabusée, est chargée d'amadouer la désormais acariâtre et mourante Adèle, pour la décider à confier les archives de Kurt à l'université. Revêche, Adèle ne claque pourtant pas la porte au nez d'Anna, et au fil des visites de la jeune femme, lui raconte son histoire, son versant de son histoire avec Kurt Gödel.

Et quelle histoire ! Quel homme ! Quelle femme ! Comment a-t-il pu se torturer, se laisser couler à ce point ? Comment a-t-elle fait pour ne pas craquer et le planter là ? Que de souffrance morale pour ces deux-là, et pourtant, que seraient-ils devenus l'un sans l'autre ?

Bien sûr, tout ceci est romancé, mais c'est tellement bien écrit que cela semble crédible. Portraits d'un génie fragile et d'une femme amoureuse pour le meilleur et pour le pire, ce roman raconte aussi l'histoire du 20ème siècle, avec la montée de l'antisémitisme et du nazisme, la fuite des cerveaux, le statut des ressortissants allemands et autrichiens aux USA pendant la guerre, la bombe atomique, l'histoire des sciences et de leurs liens avec la philosophie. Une histoire de transmission, des archives de Gödel, mais aussi de l'expérience de vie d'Adèle à Anna. Des personnages complexes et attachants (le portrait d'Einstein est savoureux), pour un roman riche et dense, documenté et érudit mais très lisible, captivant et émouvant, dans lequel le mystère vertigineux de l'amour et des mathématiques confine à la poésie.
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Les simples

J'aimerais trouver les mots pour vous convaincre d'ouvrir ce livre. Il est passionnant !

Mais d'abord je remercie JeanFrançoisLemoine pour son commentaire, qui m'a tentée et m'a donné envie d'emprunter ce roman disponible dans ma bibliothèque préférée.

Un vrai coup de coeur pour cette histoire de religieuses, de complots autour de ce monastère. Un vrai plaidoyer féministe ! Un beau texte qui décrit la vie des religieuses au sein de leur couvent, la frontière infime entre générosité (soigner les plus pauvres grâce aux plantes) et sorcellerie. Une époque très dure pour les femmes. Et pourtant ce n'est plus le Moyen-Age (j'aime le nom anglais "dark ages", temps sombres) mais la Renaissance, qui a malheureusement toujours la même vision des femmes....

Un texte magnifique, une histoire prenante.... Que demander de plus à un livre ?
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Les simples

Les simples ont été offerts par Dieu à l’homme pour qu’il trouve remède à ses maux, sans tout l’attirail d’une pharmacopée complexe. Jusqu’ici tout va pour le mieux. Mais les simples ne le sont guère. Faut-il se fier à leur forme qui suggèrerait quel organe soigner? Mais alors pourquoi le lait de laitue contrarie-t-il la lactation de l’accouchée? Sans compter que, comme le dira Paracelse, la dose seule fait le poison et que la même plante peut soigner ou tuer. Bref, Dieu a peut-être donné les simples mais il n’a pas fourni le mode d’emploi.

À celle qui se plaint, « La maîtresse des petites est un vrai poison », son aînée répond « Elle n’est ni bonne ni mauvaise par nature. Tâche seulement de doser sa compagnie. ». Yannick Grannec file la métaphore : il n’est pas de bon ni de méchant dans son livre, mais des êtres trop avides de pureté pour ne pas se jeter entre les bras du démon. « Les Marthe et les Marie se confortent comme l’armoise et la sauve. Chaque herbe a ses vertus. » Mais les « plantes des jardins clos [...] se montrent sujettes à la maladie et à la complainte. » Autant dire que quand vous enfermez les pseudo fiancées de Dieu derrière la clôture d’un couvent, vous êtes sûrs de semer de semer de méchantes petites graines. Surtout lorsque certaines s’avisent de vouloir goûter au fruit de la connaissance.

Commencée comme la chronique d’un humble petit paradis, l’histoire voit se développer les hautes flammes de l’enfer. Au royaume de Dieu, malheureux sont les simples d’esprit.
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