AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Ta-Nehisi Coates (160)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


La danse de l'eau

Rentrée littéraire 2021 #34



Virginie. Dans une plantation de tabac en déclin comme toutes celles du secteur à la veille de la guerre de Sécession. le mur de l'esclavagisme commence à s'effriter. Les gros propriétaires sudistes, par incompétence et cupidité, ont travaillé leurs terres jusqu'à leur épuisement, réduits à brader leurs esclaves pour maintenir leur vie de luxe oisif. C'est là qu'est né Hiram, d'une esclave et du maître, d'une Asservie et d'un Distingué si l'on reprend le vocabulaire de l'auteur.



« Et c'est le seul endroit où j'aurais pu l'apercevoir, là, sur le pont de pierre, une danseuse drapée de bleu diaphane, parce que c'est ainsi qu'ils avaient dû l'emmener, quand j'étais petit, à l'époque où la terre de Virginie était encore rouge comme la brique et rouge de vie, et, même si d'autres ponts enjambaient la rivière Goose, c'est celui-ci qu'ils avaient dû lui faire traverser, pieds et poings liés, car c'est par ce pont qu'on accédait à la grand-route qui s'enfonçait en serpentant entre les collines vertes jusqu'au bas de la vallée avant de bifurquer dans une direction, une seule, et cette direction était le sud. J'ai toujours évité ce pont, car il était entaché du souvenir des mères, des oncles et des cousins qui avaient disparu sur la route de Natchez. Mais conscient aujourd'hui du formidable pouvoir de la mémoire, conscient qu'il peut ouvrir une porte bleue menant d'un monde à l'autre, (...), conscient que la mémoire est capable de replier la terre comme un morceau de tissu, (...), je sais aujourd'hui que cette histoire, cette Conduction ne pouvait commencer que là, sur ce pont fantastique entre le pays des vivants et le pays des disparus. »



Ce sont les premières lignes et elles m'ont embarquée direct. La plus belle idée de ce roman est de placer la mémoire au coeur de la question raciale. Hiram possède un pouvoir extraordinaire, mystérieux, lié à l'eau : la Conduction qui lui donne la capacité de se transporter magiquement d'un endroit à un autre. Mais pour activer ce pouvoir, il doit puiser dans son passé, il doit déverrouiller des souvenirs d'enfance traumatiques, il doit se souvenir de sa mère qui lui a été arrachée lorsqu'il avait neuf ans. Et il a tout oublié. Dans la majeure partie du roman, Hiram cherche à comprendre ses mécanismes de déclenchement, les explorer pour obtenir une maitrise totale et s'en servir pour libérer d'autres esclaves, à commencer par sa mère adoptive et son grand amour. Des mentors, blancs ou noirs, seront là pour l'aider, en Virginie ou en Pennsylvanie où il intègre le fameux réseau de l'Undergournd railroad.



Ta-Nehisi Coates déploie une imagination très féconde à partir d'un trope similaire à Underground railroad, roman dans lequel Colson Whitehead poussait brillamment la métaphore du chemin de fer clandestin en imaginant littéralement un vrai train souterrain permettant aux esclaves de fuir vers le Nord. Ici, l'auteur part du mythe des Africains volants ou marcheurs sur l'eau ( des esclaves qui sautaient des navires négriers les déportant en Amérique pour éviter leur sort et qui retourneraient sains et saufs en Afrique ) en l'adaptant en téléportation surnaturelle. C'est très très réussi. Cette touche fantastique apporte une énergie presque optimiste laissant entrevoir une possibilité d'échapper à un destin tragique. Comme si la mémoire avait le pouvoir de vous transporter vers la Liberté, comme si la transmission de chants, de danses nés en Afrique pouvaient être un moyen de survie. Pas de naïveté pour autant. Toute la condition de l'esclave est décrite de façon très réaliste, dure, avec l'autre face de la mémoire, plus sombre, celle qui s'apparente à un abyme qui peut vous engloutir dans le désespoir. J'ai rarement lu un roman qui décrit aussi bien l'horreur émotionnelle de l'esclavage qui sépare des familles.



Le récit est très riche du point de vue romanesque, empli de personnages, de lieux, de cavales, d'histoires d'amour, de trahisons. Chaque chapitre infuse comme un bouillon qui ne sera pas utilisé immédiatement mais beaucoup plus tard. La construction est parfois un peu alambiquée, avec des personnages secondaires pensés comme des outils pour transmettre des thèses. J'ai parfois eu du mal à suivre les mécaniques de l'intrigue, ce qui a pu m'enlever l'immédiateté de mon plaisir de lecture, ce dernier ressortant très souvent lors de scènes lyrico-poétiques absolument superbes et terriblement sensibles.



Malgré ces quelques réserves, La Danse de l'eau est un roman ambitieux et surprenant qui explore l'héritage de l'esclavage en démontrant puissamment que le crime des Etats-Unis n'est pas seulement d'avoir laissé l'asservissement d'humains se perpétrer dès son origine, mais de refuser de regarder son passé en face en luttant contre ses séquelles contemporaines.



Lu dans le cadre d'une Masse critique privilégiée

Commenter  J’apprécie          1240
Une colère noire : Lettre à mon fils

Ta Nehisi Coates raconte dans cet ouvrage, combien il est difficile d'être noir dans cette Amérique capable d'élire un président noir mais aussi de frapper parfois en toute impunité un population afro américaine qui doit encore se battre en 2016 pour le plus élémentaire des droits, celui d'être l'égal de la population blanche. A partir de sa propre expérience, s'appuyant sur des références littéraires, politiques, sa réflexion sur le quotidien des noirs montre que la ségrégation, le racisme, la violence gratuite envers les noirs est malheureusement toujours d'actualité. Les assassinats par la police étant le triste reflet d'une réalité insoutenable. La liste ne cesse de grandir avec souvent pour tout jugement un acquittement pour le meurtrier blanc (Michael Brown 18 ans, Trayvon Martin 17 ans, Eric Garner 43 ans, Laquan McDonald 17 ans, Tamir Rice 12 ans, la liste macabre est bien trop longue) autant de vies insupportablement enlevées à cause de leur couleur peau. Des émeutes s’ensuivront à Baltimore, Ferguson, Baton Rouge. Coates met en garde avec raison son fils devant ce que l'Amérique n'a toujours pas réglée à ce jour, un passé ségrégationniste et raciste.

Son texte remarquable résonne avec d'autant plus de force.

Commenter  J’apprécie          580
Une colère noire : Lettre à mon fils

Dans la catégorie "essai" le magazine LIRE vient d'élire Une colère noire de Ta-Nehisi COATES meilleur essai de l'année 2016.

Cette chronique, touchante déclaration d'identité des Afro-Américains, nous conte le vécu d'hier et d'aujourd'hui de ceux qui tentent, coûte que coûte, depuis des décennies, de conquérir leur autonomie aux Etats-Unis, les personnes de peau noire.

Dans ce pays où le racisme est affaire de hiérarchie, véritable entreprise de domination, la compréhension des rapports entre les noirs et les blancs, grâce à ce livre, est édifiante et violente pour tout occidental non au fait de la réalité du quotidien des noirs en Amérique du Nord.



A l'origine de cet écrit, il y a les pleurs du fils de l'auteur (15 ans) après l'acquittement des policiers responsables de la mort de Michael Brown, un adolescent noir abattu dans le Missouri. Alors son père décide de lui écrire. ...



Jonglant entre la grande histoire des Etats- Unis et celle de sa famille, cette longue missive va retracer la vie des noirs de Baltimore à l'université noire d'Howard pour son auteur, partout ailleurs sur le territoire américain pour les autres, le tout dans un style superbe.



Attention, car Ta-Nehisi COATES fait tomber les masques d'une Amérique qui ne comprend pas grand chose de l'acceptation de l'autre, et ça décoiffe.

Grace à ce véritable cri de rage, on se dit qu'on a toujours besoin d'apprendre pour comprendre le monde, et c'est ce que ce livre réussit fort bien. Une lecture hélas coup de poing.

Le magazine LIRE avait vu juste selon moi.




Lien : http://justelire.fr/une-cole..
Commenter  J’apprécie          470
Une colère noire : Lettre à mon fils

Ta-Nehisi Coates est un journaliste afro-américain, la quarantaine, né à Baltimore sur la côte Est des Etats-Unis, chroniqueur pour The Atlantic chroniqueur à The Atlantic, qui est devenu grâce à ce livre qui a fait fureur aux STATES, l'un des intellectuels les plus écoutés du moment.



Avec cet essai paru en début 2016 aux Editions Autrement et qui a reçu de façon totalement méritée le prix du meilleur essai de la rédaction de Lire, il livre un témoignage coup de poing qui pose la question de la négritude aux USA, question qui revient souvent dans l'actualité à chaque crime terrible d'un noir par un blanc aux USA et une question qui va faire d'ailleurs l'objet de deux films chocs début 2017, A birth of nation et Moonlight, on en reparle d'ailleurs très vite



Dans cette brulante et brillante missve écrit à l’attention de son fils de quinze ans , Coates nous dit ce que c'est que d' être noir aux Etats-Unis de nos jours avec un talent littéraire qui saute aux yeux :







« N'oublie jamais que nous avons été esclaves dans ce pays plus longtemps que nous n'avons été libres"







Un état des lieux sans concession sur ce monde en décréptitude, , une réflexion intérieure d'un homme qui se demande quel monde il laissera à ses descendants à sa mort, un livre écrit avec les tripes mais aussi le coeur, un des incontournables essais de cette année 2016..
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
Commenter  J’apprécie          322
Une colère noire : Lettre à mon fils

Livre phénomène.... Quelle est donc cette colère noire ? Quel est donc sa raison?

Depuis plusieurs jours, d'aucuns s'inquiètent de savoir si cette colère noire existe en France, ou si elle peut exister ..Pourquoi cette inquiétude ? Prendre le livre et le lire.

Une colère noire, c'est une lettre, qu'un homme adresse à son fils. C'est l'histoire de cet homme, la formation de cet homme, c'est l'histoire d'un homme noir qui parle à un autre homme noir. Des années les séparent, l'amour les unit.

Oui, on devient noir, on vous apprend à l'être , par force, et oublier cela dans cette Amérique c'est prendre le risque d'en mourir. le Rêve. le Rêve américain. le grand rêve, l'usine à rêve. Tu fais partie du rêve ou tu es l'ennemi du rêve. Tu es personnage du rêve ou tu n'es rien. Tu ne comptes pas. Et tous les présidents de la terre entière n'y changeront rien. Ils font partie du Rêve. C'est le Rêve qui les a créés. Oublier que ce monde marchand, stéréotypé, programmé, sécuritaire n'est pas synonyme de liberté c'est prendre le risque de prendre une balle, de prendre un coup, de perdre son corps. Ne pas baisser la garde, et toujours lutter. Lutte et conscience voilà ce que contient cette lettre. Rester éveiller, ne pas se laisser endormir, et faire de sa vulnérabilité une force, un rappel constant à la vigilance.

Mémoire. Il ne peut y avoir de pardon possible si il n'y a pas de mémoire.

Mensonge. Il ne peut y avoir de justice là où le crime est impuni.

Liberté. Il ne peut y avoir de liberté là où la sécurité devient une priorité, «  une valeur ultime ».

Non, il ne peut y avoir de colère noire en France. Mais il peut y avoir une colère qui aura sa propre couleur, la couleur d'un même sentiment. En lisant le préface d'Alain Mabanckou on le comprend. La blessure des africains-américains est leur blessure. Pillés, ôtés, volés, arrachés. C'est une blessure qui n'est comparable à aucune autre. Ni supérieure, ni inférieure, elle est la leur. Elle la soeur de sang de celle de Césaire, de Glissant, de Baldwin, de Fanon.

On peut comprendre ce à quoi le Rêve que l'on veut nous imposer risque de tous nous mener.

Nous entretenons, protégeons également un Rêve. Notre colère a t elle la même couleur ?

Non la richesse des États Unis ne s'est pas construite comme cela, par la grâce de Dieu et par la grande vertu des hommes. Non l'Indépendance n'est pas née d'un pur mouvement humaniste.

Oui, le Rêve vend du rêve, produit du rêve, mange du rêve, consomme du rêve, bénit et s'absout de son cauchemar. Rêve. Mais à quel prix ? Quel est donc la matière première qui a servi à faire marcher moteurs, cylindres, et rouages de la machine du rêve ? L'humain, la peau, la chair, les os des hommes. Des vies.

Et les dieux ne sauveront personne, parce que le diable n'a besoin de personne. Il n'a besoin que de lui même et de serviteurs. Oui un livre étonnant. Parce qu'une voix américaine nous parvient, une voie soeur qui revient, de loin, du fond de nous mêmes, et qui nous fait penser qu''il y a décidément de très belle, très saine colère. Souhaitons nous cette colère. Ici et sur tous les continents. Là où le rêve désincarne l'humain . Un livre important. Une reprise de parole qui comme le souligne Toni Morrison «  comble le vide intellectuel ». Il nous faudra nous aussi sans doute reprendre parole. Combler notre vide intellectuel qui nous anéantit. le Rêve nous a terrorisés, nous a rendus obéissants, peureux, muets. Nous avons perdu toute couleur. Nous sommes uniformément les sujets d'un Rêve qui nous soumet.

Création liberté de penser, dialogue voilà les armes de ce lutteur. Création. Imagination. Dialogue. Parole.

Mais quel est donc ce rêve ?

« Une civilisation installée et contrôlée par la sauvagerie ». Une sauvagerie qui se dédouane continuellement grâce à de perpétuelles « bonnes intentions ». Et puis tans pis pour les omissions, pour les dommages, pour la destruction des sans nom. «  le Rêve est ennemi de tout art, de toute pensée courageuse, et de toute écriture honnête. le rêve prospère sur la généralisation, sur la limitation des du nombre des question possibles, sur la préférence pour les réponses immédiates ».

cette colère noire a la couleur d'un sentiment, celle de la colère. «  Peut-être qu'être appelé « noir » n'avait rien à voir avec tout ça ; peut être qu'appeler quelqu'un « noir » c'est juste une façon de donner un nom à celui qui était en bas de l'échelle, à un être humain devenu objet, à un objet devenu paria ».

Lettre d'amour d'un père à son fils. Un appel au refus de croire, de croire que le rêve peut justifier le fait d'oublier tous ceux que nous perdons.



Astrid Shriqui Garain

Commenter  J’apprécie          284
La danse de l'eau

C'est l'histoire d'un jeune esclave, plus communément appelé un "asservi" dans ce roman.

Fils bâtard du maître et d'une mère esclave dont il a été séparé, il un don.

Un talent mystérieux que le réseau, organisme clandestin qui oeuvre pour libérer les esclave, espère qu'il mettra au profit de leur combat.

D'une écriture envoutante, Ta-Nehisi Coates raconte le destin de ces hommes et femme opprimés, assujettis mais déterminés à trouver la liberté.

Plus que les tortures, la douleur la plus criante est la séparation des familles, des époux, des enfants et des parents.

L'auteur hurle cette souffrance là.

Il a des passages poétiques, presque mystiques.

L'écriture est dense, très dense et élégante.

Ta-Nehisi Coates s'est éloigné de la non fiction pour ce premier roman ; c'est une réussite.



Lu dans le cadre du prix du Livre de Poche 2023

Commenter  J’apprécie          270
Une colère noire : Lettre à mon fils

Il m’aura fallu le film de Kathryn Bigelow diffusé ce soir, le 27 septembre 2020 sur Arte, pour prendre véritablement la pleine conscience de ce que signifie être Noir en Amérique, parce que cela défi l’entendement.

Comment un pays bâti sur l’accaparement des terres aux premières nations, aux guerres bactériologiques envers les indiens, au recours de main d’œuvre forcée dans les les premiers temps, un pays bâti sur la misère des émigrés irlandais qui valaient moins que le billet de transport qu’ils payaient pour arriver sur la terre promise, à la police des comtés, et j’en passe pour que le fric ruisselle du haut vers le bas et que des innocents soient tués au nom des statistiques et des résultats.

Mais il n’en reste pas moins que ce sont Monsieur et Madame Toutlemonde qui vont devoir faire leurs emplettes avec des familles dans le deuil.

Moment très difficile à vivre

Tellement d’injustice et de malversations :-(

Franchement cela mal à l’aise poursuivre met l’homme au dessus de la « race » en vertus de nos principes et nos principes laïcs et égalitaires.
Commenter  J’apprécie          270
Le grand combat

La dernière chronique littéraire qu'on avait consacré en 2016 concernait Ta-Nehisi Coates qui avec son essai "Une Colère Noire" avait été un des grands événements littéraires de l'an passé : il semble d'autant plus logique de boucler la boucle en commençant les chroniques sur les livres de 2017 avec le premier roman de cet auteur, dont la publication de ce Grand Combat chez Autrement un an après la parution d'une Colère Noire (le Prix du Meilleur Essai 2016 du magazine LIRE) est dans le prolongement direct de l'immense succès de celui-ci.



Ta-Nehisi Coates est un journaliste afro-américain, la quarantaine, né à Baltimore sur la côte Est des Etats-Unis, chroniqueur pour The Atlantic chroniqueur à The Atlantic, qui est devenu grâce à Une colère Noire , l'un des intellectuels les plus écoutés du moment.



Dans la lignée de cette si rageuse et percutante Colère Noire, l'auteur creuse le sillon de la question de la négritude aux USA avec ce grand combat, formidable roman d’apprentissage dans lequel il y raconte la naissance de sa conscience politique, héritée de son père ancien militant des Blacks Panthers dans le West Baltimore des années 1980.





Avec son narrateur ( l'auteur lui même) guidé par les principes éducatifs d'un père érudit qui l'a initié aux Blacks Panthers et aux mouvements d'émancipation des noirs, "Le grand combat", mélange de fiction et d'autobiographie décrit comme un jeune teenager un peu maladroit et pas forcément adapté aux grandes luttes de ce monde, va devoir apprendre à se battre dans la violence d'une amérique urbaine des années 80 gangrénée par la délinquance, le crack, et le sida , quitte à prendre les armes lorsque les belles paroles ne suffisent pas ou plus.



En réinvitant sa propre histoire avec le lyrisme et la flamboyance qu'il démontrait déjà dans UNe Colère Noire, Ta-Nehisi Coates livre une saga épique et urbaine dans lequel la débrouille et le hip-hop tiennent forcément les premiers rôles.



Un roman écrit avec les tripes mais aussi le coeur, qui en nous donnant quelques clés, et décrivant les tenants et aboutissements de la question raciale il y a plus de trente ans, permet d'apporter un éclairage sur la question raciale si complexe aux USA, malgré deux mandats d'un Barcak Obama qui n'a pas vraiment réglé les problèmes, malgré tous les espoirs placés en lui au début de son premier mandat.

Assurément un des incontournables romans de cette rentrée littéraire de janvier 2017 qui on l'espère devrait en compter un certain nombre.


Lien : http://www.baz-art.org/archi..
Commenter  J’apprécie          260
Le grand combat

Ta-Nehisi Coates nous raconte comment son père, ex-membre des Black Panther Party, a tenté de l'éveiller à la Conscience noire afin d'échapper au déterminisme social des gangs, de la misère et de la place de citoyen de seconde zone que l'Amérique réserve à leur peuple. Il l'initie aux œuvres rares de figures noires marquantes qu'il réédite. Il lui enseigne les racines originelles. Mais Ta-Nehisi est alors un adolescent rebelle et mal adapté, poussé à la fois par l'exemple que tente de lui faire prendre son père et les codes de la rue où plane toujours une violence à la fois indéterminée et prévisible, comme une colère rentrée prête à exploser à tout moment.



Ma lecture je dois le dire a été assez laborieuse, car je n'ai pas perçu de vraie analyse sociétale. J'ai vu dans ce récit une tranche de vie parsemée d'anecdotes qui m'ont laissée froide. Je suis donc fort déçue par ce grand combat qui ne m'a pas ouverte davantage à la connaissance de la lutte des Noirs Américains. Il existe bien des lectures plus percutantes sur ce sujet et je ne vous recommande donc pas ce livre que je trouve très dispensable.
Commenter  J’apprécie          250
La danse de l'eau

Hiram est né dans une plantation de tabac en Virginie, ce qui veut dire qu’il n’a aucun droit si ce n’est celui de servir son maître.

Le jour où sa mère est vendue sur l’estrade aux esclaves, il se retrouve seul et va devoir apprendre à se débrouiller, jusqu’à ce que Thena, une vieille domestique, le prenne sous son aile.

Au-delà du destin d’Hiram, qui devenu adulte n’aura de cesse de défendre la liberté, Ta-Nihisi Coates nous raconte l’histoire d’hommes et de femmes qui ont passé leur vie sous le joug de l’asservissement. Il met en lumière les liens qui les unissent à travers de beaux personnages.

Nous assistons à l’effroyable lorsque les mères et les enfants sont vendus et séparés à jamais, à l’impuissance des hommes dans l’incapacité de protéger leur famille.

Ce premier roman est bouleversant, mais jamais larmoyant, l'ambiance est parfois envoûtante et on assite à des parenthèses de joies éphémères, traversées par les rires, rythmées par le son du banjo et les danses autour du feu.

« La danse de l’eau » a plus d’un atout dans ses pages : roman initiatique, histoire de l’esclavage, histoire de survie, de courage, d’amitié, de trahison et par-dessus tout une ode à la liberté.





Commenter  J’apprécie          240
La danse de l'eau

Le sujet de ce roman est vieux comme le monde,et pour cause...Ta_ Nehsi Coates n'est pas le premier à s'en être emparé mais cette Danse de l'eau apporte une vraie nouveauté. Tout d'abord parceque pour une fois l'histoire est racontée par le lion et non le chasseur ! L'esclavagisme dans le Sud des États-Unis prend donc une couleur bien différente,sans mauvais jeu de mots.

D'autre part, le récit s'articule autour du thème de la mémoire. Celle qui fait défaut parce que pour survivre il faut parfois oublier, celle qui est nécessaire parce qu'elle est collective et porte le devoir de résistance, celle qui fait mal mais qu'il est primordial de dompter pour accéder à la liberté. De très belles phrases jalonnent le récit " nous n'avons rien oublié toi et moi,dit Harriet. Oublier c'est demeurer esclave. Oublier c'est mourir." ou "se souvenir mon ami,dit_elle.Car la mémoire est le pont qui permet de quitter la malédiction de l'esclavage pour rejoindre la bénédiction de la liberté."

Et puis, l'auteur apporte un brin de fantastique,de magie à travers Hiram,le narrateur parce qu'il a justement une mémoire hors du commun. Mémoire dont il va découvrir le pouvoir puisqu'elle va lui permettre le don de " conduction" que je traduirais de façon réductrice par la téléportation. Cela pourrait paraître déplacé face au sujet douloureux de l'esclavage,mais l'auteur qui a beaucoup travailler sur ce thème,souligne que la magie faisait partie du monde des "asservis". La nécessité de l'imaginaire pour conserver l'espoir est un bien commun à tous les peuples opprimés.

Le talent de Ta_Neshi Coates est d'avoir su distiller toute la richesse de ses connaissances historiques tout en écrivant une histoire totalement romanesque. On y trouve l'amour,la trahison,la solidarité, l'action,le mystère,tout est en place pour passionner le lecteur. Et puis je trouve que l'auteur a parfaitement réussi à faire ressentir la violence indiscible faite aux familles. On a tous en tête des scènes d'humiliation lors des marchés aux esclaves,des scènes de violence physique mais peut-être moins du déchirement vécu par tant de familles qui assistaient impuissante à leur dislocation parce que femme, homme et enfants pouvaient être séparés pour être vendus sans aucun espoir de retrouvailles.

Je conclue en disant que je suis surprise du peu de lecteur pour ce très beau roman qui constitue l'un de mes coups de cœur 2021.
Commenter  J’apprécie          242
Une colère noire : Lettre à mon fils

Ta-Nehisi Coates écrit à son fils aimé, et c'est fascinant... Par moment, presque suave et sensuel. Toujours exigeant, mais accessible.

Coates parle de sa vie, de son chemin difficile fait de peur et d'automatismes de survie. son leitmotiv, c'est de préserver son corps d'un anéantissement précoce qu'il sent comme probable.

Ta Nehisi Coates est noir, originaire des quartiers populaires de Baltimore.

Ses ancêtres ont subis l'arrachement à leur terre africaine, pour faire la richesse de ces États-Unis de violence: Ce Pays où la ségrégations et ses lois ineptes ont succédé à l' esclavage.

Ta Nehisi coates m'a mis le nez dedans, littéralement, fait sentir cette atmosphère lourde et menaçante qui enveloppe le noir dans la rue de son quartier, à l'école: Il faut courir et sans cesse adopter une stratégie de l'immédiat, empêchant de se projeter. le vol du corps noir perdure, même après la fin des lois ségrégationnistes. Le vol s'étend aux autres minorités, au pays, à la terre entière.

Après Chester Himes, Richard Wright, André Brink, julius Horwitz... C'est Coates qui s'y colle à me faire voir cette réalité si lucide, si... noire.
Commenter  J’apprécie          232
Une colère noire : Lettre à mon fils

"Une colère noire" (Editions Autrement) de Ta-Nehisi Coates est la lettre que l'auteur adresse à son fils de 15 ans.



Ta-Nehisi Coates, n'est pas rouge de colère mais noir de colère, un cri, une douleur, un hurlement primal devant le corps inanimé de son ami Prince Jones, une fois encore le policier qu'il l'a tué n'est pas inquiété, n'est pas condamné, comme pour tant de noirs afros américains,



« personne ne serait tenu responsable de cette destruction, car ma mort ne serait le fait d'aucun être humain : seulement le résultat d'un malencontreux mais immuable fait racial, que le jugement impénétrable de dieux invisibles imposait à un pays innocent.

Un tremblement de terre ne peut pas être cité à comparaître.

Un typhon ne plie pas devant la menace d'une inculpation.

Ils ont donc renvoyé le meurtrier de Prince Jones à son travail, car ce n'était plus du tout un tueur.

C'était une force de la nature,l'agent impuissant des lois de la nature. »



"Prince Jones tué alors qu'il était dans sa Jeep

Trayvon Martin est mort à cause de son sweat à capuche

Pareil pour Iordan Davis c'était la musique trop fort

Iohn Crawford n'aurait jamais dû toucher le fusil sur le présentoir

Kajieme Powell aurait dû apprendre à ne pas être fou.

Tu as appris ça pour la première fois avec Michael Brown"



A la finale olympique d'un 200m, des jeux de Mexico en 1968, Deux noirs 2 médailles or et Argent dressent le poing, dont Tommie Smith champion Olympique, leur vie est devenue ensuite un enfer...(18'83 Pierre louis Bass)



Mais ce livre aurait pu en rester là comme ces 2 poings levés, tout au contraire, Ta-Nehisi Coates conduit une réflexion morale, sociologique, philosophique...

Fini « I have a dream »

la réalité américaine ce sont sept morts impunis et tous les autres cités brièvement par Coates.

Reçu à la télévision croyant que son message est enfin passé la présentatrice, affiche plein écran un enfant noir pleurant dans les bras d'un policier blanc, et la présentatrice d’ajouter n'avons nous pas des raisons de croire à un nouvel espoir ! Rêver que cette image est possible que " l'espoir fait vivre ".

Là j'ai compris dit Coates que tous les spectateurs auront tout effacé, et qu'il ne restera que cette image Bizounours§



Un livre incontournable, lumineux,d'une fougue inimaginable, mais pas la haine, car on apprend dans ce,livre que tous noirs vivent dans la peur

"LA PEUR accompagne maintenant son fils", sa vie ne pèse rien, tout homme blanc peut l'effacer sans être inquiété, comme pour son copain Michael Brown .
Commenter  J’apprécie          222
La danse de l'eau

Une étrange alchimie nous emmène dans ce livre étonnant. Dans la lignée des romans américains sur l'esclavage, Coates nous fait découvrir le fabuleux destin de Hiram, né d'une mère esclave et du propriétaire d'une plantation de tabac en Virginie. Lorsque sa mère est vendue, il joue le rôle ambigu de serviteur de son demi-frère blanc et se fait remarquer pour son intelligence exceptionnelle et ses capacités de mémorisation. Tout est posé, sans le moindre misérabilisme : les familles dévastées par les séparations, l'indifférence des maîtres qui deviennent barbares lorsqu'ils s'ennuient, le travail éreintant, les conditions de vie insupportables.

Pendant quelques années, Hiram vit entre deux mondes : celui de ceux qu'il appelle les Distingués et celui des Asservis. Jusqu'à la mort de son frère. Lorsqu'il comprend qu'il sera toujours un esclave, à moins de conquérir lui-même sa liberté.



Cette réalité sordide se décline en même temps qu'apparaît, par petites touches, des bribes de magie, de poésie et de surnaturel qui évoquent le courant du réalisme magique, cher aux auteurs sud-américains. Une poétique de l'eau se met en place, autour de l'image d'une mère rêvée exécutant une traditionnelle danse de l'eau africaine. Et l'on découvre ainsi un singulier pouvoir, celui de la Conduction dont Hiram aurait hérité de sa grand mère. Ce pouvoir, métaphore d'un extraordinaire désir de liberté, permettrait de libérer des esclaves et de leur donner le statut d'Affranchis.

Recruté par un réseau clandestin de libération des esclaves, dirigé par une aristocrate blanche, Hiram va se devouer entièrement à cette cause et apprendre à maîtriser son pouvoir.



Si ce livre est magique, c'est qu'il est terriblement ambitieux et terriblement réussi. Il fallait une grande délicatesse, une sensibilité extrême à la poésie pour réussir le tour de force d'un juste équilibre entre le sordide de l'histoire de l'esclavage et le prodige d'un individu aux pouvoirs surnaturels. Cette divagation romanesque aurait pu faire plonger le roman dans le ridicule., mais elle lui donne au contraire une intensité et une dramaturgie singulières.
Commenter  J’apprécie          201
La danse de l'eau

Ta-Nehisi Coates situe son roman vers 1850/1860, à la veille de la guerre de sécession (1861 à 1865) en Virginie. Comme tant d’autres autour d’elle, la plantation de tabac Lockless, qui appartient à Mr Walker est déclinante, car la terre exploitée de façon intensive depuis trop d’années est désormais exsangue. Les petits propriétaires terriens souhaitent maintenir leur train de vie et garder leurs domaines. Mais cela se fait souvent au prix de la vente d’esclaves. C’est ainsi que la mère d’Hiram a été vendue à une autre plantation. Mais lui reste à Lockless, car il est aussi le fils du maître.



Hiram Walker devient le gardien de son frère. Mais pas de n’importe quel frère. Si Hiram Walker est un esclave fils d’une esclave et du maître, son frère Maynard est l’héritier de la maison Walker.



Hiram a des dons et en particulier une mémoire photographique prodigieuse. Il lui suffit d’entendre ou de voir une fois, et tout est gravé à jamais dans sa mémoire. Éduqué avec le fil du maître, il devient très vite son gardien et son protecteur. Même s’il reste à jamais un asservi, alors que Maynard est un distingué.



Car ici, l’auteur ne parle pas de maître ou d’esclaves, de blanc ou de noir, mais de distingués, ce sont les plus ou moins riches propriétaires des plantations ; de blancs inférieurs, ce sont ceux qui supervisent et contrôlent les esclaves pour les blancs supérieurs ; d’affranchis, ce sont d’anciens esclaves, et enfin d’asservis.



Hiram comprend à l’adolescence qu’il a également un pouvoir très particulier, celui de la conduction. C’est la capacité à se déplacer d’un endroit à l’autre en faisant uniquement appel aux souvenirs. Si les premières années ce pouvoir apparaît lorsqu’il est dans des situations dangereuses ou dramatiques, par la suite il se rend compte qu’il est intiment lié à l’eau, cet élément que domptait déjà sa mère lorsqu’elle pratiquait La Danse de l’eau.



Hiram doit apprivoiser ce don mystérieux lié à l’eau : grâce à la Conduction il peut se transporter d’un endroit à un autre. Mais pour que cela fonctionne, il doit se remémorer les souvenirs traumatiques de son enfance et les moments le plus douloureux de son passé, par exemple à chaque fois lui revient le souvenir de sa mère disparue lorsqu’il avait neuf ans, cette mère qu’il voit pratiquer la danse de l’eau.



L’auteur nous propose un roman initiatique d’un genre tout à fait singulier. Un texte hybride entre récit initiatique, histoire de l’esclavage traitée par le point de vue d’un esclave, mais aussi roman qui montre la puissance de la liberté quand elle permet d’échapper à sa condition.



chronique complète en ligne sur le blog Domi C Lire https://domiclire.wordpress.com/2022/07/04/la-danse-de-leau-ta-nehisi-coates/
Lien : https://domiclire.wordpress...
Commenter  J’apprécie          180
Une colère noire : Lettre à mon fils

Outre-atlantique, Ta-Nehisi Coates est une voix différente parmi les essayistes et journalistes afro-américains. Il dit les choses sans détour et avec une grande honnêteté. Dans Une Colère Noire, lettre à mon fils, il s'adresse aux jeunes afro-américains trop souvent victimes de violences policières et si facilement incarcérés. le livre est né suite au meurtre de son ami Prince Jones, tué par balle par un policier, sans motif. Ce meurtre s'ajoutait à une longue liste de crimes policiers impunis. Cet essai n'a pris la forme d'une lettre qu'en cours d'écriture. L'auteur s'est inspiré de James Baldwin, qui dans les premières lignes de The Fire Next Time (La prochaine fois, le feu, 1963) adresse lui-aussi une lettre à un jeune noir de 15 ans, son neveu. Mais contrairement à Baldwin, Coates ne délivre pas un message d'espoir mais un message de lucidité. Il tient à ouvrir les yeux de son lectorat sur le fait que malgré les conquêtes de la lutte pour les droits civiques, malgré l'élection d'Obama à la présidence, la violence contre les « corps noirs » demeure et ces derniers souffrent d'un manque de liberté et d'égalité, alors que « ceux qui se croient blancs » considèrent ces mêmes-droits comme leur étant acquis. Coates revient de manière intéressante sur ses années d'enfance à Baltimore et sur sa confrontation à la violence. Il explique son cheminement intellectuel et sa quête de sens et avoue parfois s'être trompé. C'est une pensée très claire, émaillée de références et qui se place dans une perspective historique. C'est aussi un récit personnel intéressant en tant que tel. Je vous conseille vivement ce livre, qui est aussi une bonne lecture à recommander à des ados. Plus de détails sur mon blog lectures-d-amerique.
Lien : http://lectures-d-amerique.com
Commenter  J’apprécie          180
La danse de l'eau



Ta-Nehisi Coates est un journaliste afro-américain, chroniqueur pour The Atlantic chroniqueur à The Atlantic, qui est devenu grâce à Une colère Noire , l'un des intellectuels les plus écoutés du moment.



Dans la lignée de cette si rageuse et percutante Colère Noire, l'auteur continuait de creuser le sillon de la question de la négritude aux USA avec le grand combat, formidable roman d’apprentissage mais qui restait dans le domaine de l'autobiographie et de l'essai dans lequel il y raconte la naissance de sa conscience politique, héritée de son père ancien militant des Blacks Panthers dans le West Baltimore des années 1980.

Ta-Nehisi Coates change de braquet avec La danse de l'eau, son premier véritable roman.Celui ci , on le voit dès les premières pages, est moins frontalement engagé et plus romanesque et il s'inscrit largement dans la droite lignée de la littérature américaine sur l’esclavage.



The Water Dancer, sorti aux États-Unis en 2019, est publié en français sous le titre La Danse de l'eau.



La destinée d’Hiram , jeune esclave noir, fils illégitime du propriétaire auquel il appartient et dont la mère fut vendue sous ses yeux. et qui se rend compte que ses souvenirs sont porteurs d'un pouvoir magique, la « conduction », nous tient terriblement en haleine.



La destinée surprenante de ce garçon au pouvoir mystérieux, se dévoile peu à peu grâce à la plume parfaitement maitrisée de l’auteur dont le lecteur se délectera avec beaucoup de plaisir

La force de l'eau c'est un un récit d'apprentissage a priori classique qui montre comment on peut échapper à sa condition mais la dimension surnaturelle apporte une poésie et une belle féérie à un discours qui reste engagé et essentiel sur ce qu'il dit sur le racisme.





,L’auteur très reconnu aux USA nous livre ici un roman très réussi fortement mprégné de magie et de réalisme dans un seul et même élan.



La danse de l'eau nous montre bien à quel point aux Etats-Unis, l'histoire des races et celle de l'esclavage sont une seule et même histoire.



La Danse de l’eau est un roman qui rend hommage au courage incroyables des esclaves ainsi qu'une ode à l’imaginaire et au surnaturel.



Un très beau livre de cette rentrée en littérature américaine! Merci à Babelio et aux éditions Fayard !!
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
Commenter  J’apprécie          170
Une colère noire : Lettre à mon fils

L’Amérique décrite par Baldwin dans son œuvre et qu’il a quitté en 1948 pour s’installer en France a-t-elle changé ? La lutte pour les droits civiques initiée par Martin Luther King dans les années 60 a-t-elle porté ses fruits pour les noirs américains, victimes de ségrégation ? Apparemment pas. Dans cette lettre écrite à son fils de 15 ans en 2015, Ta-Nehisi Coates parle de survie et de violence : les ghettos noirs de Baltimore où la violence de la rue est pour beaucoup de jeunes la seule forme de réponse possible à l’absence totale d’avenir, les coups de ceinturon des parents anxieux de protéger leurs enfants, l’école et son discours mensonger, la peur qui vous poursuit toute votre vie, parce qu’un regard mal perçu, un mot de trop, une attitude ambiguë peut vous coûter la vie. Sentir dans sa chair la vulnérabilité du corps traité comme de la marchandise, vendu aux enchères, meurtri, violé, anéanti. Se sentir réduire à la couleur de sa peau et bafoué dans son humanité et sa dignité par ceux qui se veulent Blancs et ont inventé la race pour justifier leur domination sur des critère de supériorité et asseoir leur domination économique. Comment protéger son enfant du regard d’une société dont le rêve ultime est d’habiter une maison cossue et suréquipée en banlieue, loin de toute réalité et à tout prix, même celui du sacrifice de milliers de noirs américains pour qui l’avenir se réduit à une mort par balle ou un emprisonnement à vie ? « Tu dois vivre – il y a tant de choses qui valent la peine d’être vécues. » « Pourtant je t’engage à lutter. Lutte en mémoire de tes ancêtres. Lutte pour la sagesse. Lutte pour ta grand-mère et ton grand-père, pour ton nom. » Et pour les Rêveurs, ceux qui continuent de piller la planète après avoir pillé les corps, « contente-toi d’espérer ».

Lecture salutaire car le « racisme », cette négation de l’autre, n’est pas particulière aux Etats-Unis, c’est même une déformation de l’esprit fort répandue et qui guette tout un chacun. Essayer de comprendre ce que ressent l’autre, sa peur, mais aussi ses aspirations est un premier pas vers la reconnaissance de son altérité.

Commenter  J’apprécie          170
La danse de l'eau

Avant de participer au prix Audiolib, je n’avais jamais entendu parler de ce roman qui m’a fait forte impression, que ce soit en raison des thématiques abordées, des personnages ou de la plume de l’auteur aux qualités littéraires indéniables. Car sans jouer sur le pathos tout en restant proche des protagonistes, et donc des lecteurs, Ta-Nehisi Coates arrive à nous faire ressentir une large et intense gamme d’émotions, de la révolte pure, à l’admiration en passant par la compassion, mais aussi le dégoût de ces hommes qui se sont arrogé le droit de vie et de mort sur d’autres en raison de leur couleur de peau.



Dans ce roman, l’auteur dépeint toute l’horreur d’un système esclavagiste basé sur l’exploitation des Noirs par les Blancs. Des Blancs qui traitent les Noirs comme des bêtes immatures tout juste bonnes à travailler encore et encore pour qu’eux puissent se baigner dans la luxure et l’oisiveté. À cet égard, le demi-frère mal dégrossi d’Hiram est un symbole à part entière. Blanc et fils légitime, il jouit de tous les privilèges que sa couleur de peau lui octroie quand Hiram, fils d’une esclave, doit se contenter de le servir et de veiller sur lui. Une injustice parmi tant d’autres qui m’a révoltée et brisé le cœur.



Racisme, trahisons, mensonges, chasses à l’homme, viols, violences physiques et morales, la pire étant peut-être celle consistant à séparer des familles afin de répondre à la loi de l’offre et la demande comme si un être humain était une marchandise comme les autres… D’ailleurs, ne parle-t-on pas de titre de propriété dans les plantations où sont enchaînés tant d’hommes, de femmes et d’enfants ? Certaines choses sont très dures à entendre, a fortiori quand on sait qu’elles sont tirées d’une histoire pas si lointaine que cela, et que le roman est basé sur la vie d’une famille ayant réellement existé. La danse de l’eau contient néanmoins aussi de beaux moments emplis d’amitié, de solidarité, de complicité, d’amour sous différentes formes, de connivence, d’échanges…



Parmi les personnages, j’ai été particulièrement touchée par Hiram, ce jeune homme courageux et droit qui fera de son mieux pour faire avancer la condition des gens qu’il aime, mais aussi des autres esclaves. Ainsi, après des péripéties et des désillusions, il va intégrer un mouvement clandestin abolitionniste qui n’est pas parfait, mais qui apportera un vent de révolte nécessaire pour briser le mur de l’oppression. Il y rencontrera notamment une figure de la lutte contre l’esclavage, Harriet Tubman impressionnante de détermination ! Le réseau permettra également à Hiram de prendre la pleine mesure de sa force et de l’étendue de son surprenant don. Car sa mémoire prodigieuse, qui lui permet de tout retenir, n’est pas son seul et plus grand atout…



Je n’en dirai pas plus sur cet élément original que je n’avais jamais rencontré dans un roman, mais j’ai adoré en apprendre plus sur celui-ci, en tester les limites et découvrir comment il va aider Hiram dans sa lutte pour la liberté. Au fil des pages, le jeune homme gagne en force, mais finit également par réaliser l’importance d’aimer sans avoir envie de posséder, grâce, entre autres, à une jeune femme tout aussi résiliente et déterminée que lui. D’ailleurs, si Hiram se révèle attachant bien qu’avare quand il s’agit de partager ses sentiments, la galerie de personnages secondaires ne manque pas d’intérêt. J’ai, pour ma part, été très touchée par une femme en apparence froide, mais bien plus tendre qu’on pourrait le penser. Plus on en apprend sur elle, son passé et toutes ces épreuves que les Blancs lui ont fait vivre, plus on se prend d’affection pour cette survivante d’un système qui broie tout sur son passage !



Quant à la voix du narrateur, je l’ai trouvée extrêmement fidèle à la représentation que je me suis faite d’Hiram au fil des pages. À moins que ce ne soit le ton posé, mais ferme d’Alex Fondja qui m’ait aidée à former une image précise d’un jeune homme courageux qui s’affranchira d’un système oppressif pour venir souffler un vent de liberté communicatif…



En conclusion, La danse de l’eau est un roman puissant dont le titre prend tout son sens à mesure que l’on se plonge dans l’histoire d’Hiram, un jeune esclave qui va affronter bien des épreuves avant de s’approprier son don unique et un passé qui s’était dérobé à sa mémoire. Intense et parfois très dur de par la violence historique à laquelle il nous confronte, ce roman n’en demeure pas moins porteur d’espoir et de beaux instants d’amitiés et d’amour sous différentes formes. Une histoire de courage conjuguée au pluriel et de lutte pour la liberté !
Lien : https://lightandsmell.wordpr..
Commenter  J’apprécie          160
Une colère noire : Lettre à mon fils

Se mettre dans la peau de l'autre est toujours un exercice difficile. Même s'il existe les professionnels de théâtre et la littérature, rien ne remplace pour cela le témoignage.

En cela je m'étais précipitée sur Between the world and me avant qu'il ne soit traduit en français sous le titre, Une Colère noire.



Bien sûr il y a des éléments très intéressants dans cette longue lettre à son fils dans laquelle Ta-Nehisi Coates disserte sur ce qui fait l'identité d'un Afro-Américain dans les États-Unis post ségrégation. Mais quel fouillis !



Il est vrai que contrairement à lui je ne partage pas particulièrement les thèses de Malcom X, mais qu'importe. Cette répétition incessante et très journalistique du mot «corps» m'a parfois fortement agacée tant il me semble que ce petit mot recouvrait des réalités bien différentes que celui qu'on lui prête.



Certes, c'est l'essai qui lui a permis de se faire connaître à un large public et si beaucoup de Noirs de plusieurs pays se sont reconnus dans son discours, j'imagine qu'il est donc parvenu à décrire la réalité d'une expérience.



Mais je ne plierai pas sur le fait que l'accumulation de sentiments érigés en faits (avec quelques faits d'actualités plaqués ici et là) sans analyse réelle (ok, exercice difficile quand on est concerné, mais James Baldwin l'avait très bien fait) : journalisme superstar.... pfff ... Ce manque de structure est tout de même particulièrement agaçant dans un essai !





Challenge multi-défis 2019

Challenge USA 2019
Commenter  J’apprécie          150




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Ta-Nehisi Coates (770)Voir plus


{* *}