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Critiques de Sylvia Plath (189)
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La cloche de détresse

Célèbre d’abord pour sa poésie, Sylvia Plath a publié cet unique roman sous un pseudonyme, en 1963, un mois avant son suicide. Il s’agit d’un roman à clef, inspiré de ses propres troubles bipolaires. Il a été réédité après sa mort, sous sa véritable identité cette fois, provoquant une polémique et s’attirant le procès d’une femme qui s’était reconnue dans l’un des personnages du livre.





Nous sommes dans les années cinquante et l’Américaine Esther Greenwood a dix-neuf ans. Elle est l’une des lauréates d’un concours de poésie organisé par un magazine de mode, et, avec d’autres filles, elle est conviée à un séjour à New York pendant lequel elle découvre une vie futile et mondaine qui l’attire autant qu’elle lui répugne. De retour chez sa mère, alors qu’une profonde dépression s’empare d’elle, elle consulte un psychiatre, suit une thérapie qui ne l’empêche pas d’enchaîner les tentatives de suicide, et se retrouve en institution psychiatrique pour un long séjour dont elle sortira pleine d’espoir. Une fin qui résonne bien tristement quand on sait le dramatique épilogue qui devait succéder à l’écriture de ces pages.





Paradoxalement, aussi terrible soit-elle, jamais cette histoire n’écrase son lecteur de la pesanteur de son désespoir. C’est au fil d’un humour corrosif, qui épingle les travers de la société avec une lucidité pleine de révolte, que l’on s’achemine vers la perception de cette cloche de verre invisible qui se referme peu à peu sur la narratrice, l’emprisonnant toujours plus étroitement dans un sentiment d’étrangeté au monde, avant de déboucher sur celui de l’inanité de vivre.





Cette fille brillante, qui rêve de devenir écrivain à une époque où écrire est encore un geste essentiellement masculin, se voit sans cesse renvoyée à un avenir d’épouse et de mère, au mieux, si son futur mari l’autorise à travailler, à un emploi subalterne de secrétaire : « Ma mère me répétait sans cesse que personne ne voulait d’une licenciée en lettres tout court. Par contre, une licenciée en lettres connaissant la sténo, ça c’était autre chose, on se la disputerait. On se l’arracherait parmi les jeunes cadres en flèche, et elle prendrait en sténo lettre passionnante après lettre passionnante. » Et ce n’est pas le si décevant prix décroché par ses talents littéraires - un séjour dans un hôtel réservé aux femmes, dévolu à de futiles occupations réputées féminines, entre chiffons et maquillage, cadeaux ridicules et infantilisants, et dont elle ne parvient à s’échapper que pour découvrir la très inégale liberté sexuelle des femmes comparée à celle des hommes – qui pourrait lui redonner espoir. « Le problème était que cela faisait longtemps que je ne servais à rien. » « La seule chose pour laquelle j’étais douée, c’était de gagner des bourses et des prix, mais cette ère-là touchait à sa fin. Je me sentais comme un cheval de course dans un monde dépourvu d’hippodromes, ou un champion de football universitaire parachuté à Wall Street dans un costume d’homme d’affaires, ses jours de gloire réduits à une petite coupe en or posée sur sa cheminée avec une date gravée dessus, comme sur une pierre tombale. »





A cette désespérance dont, comme tout le monde alors, il ne peut envisager les dérangeantes origines sociétales, le monde médical n’oppose qu’enfermement et électrochocs, se limitant à des pratiques inadaptées dont les établissements les plus hauts de gamme ne parviennent pas à gommer l’inhumanité foncière. Combien de filles, d’épouses, enfermées et maltraitées parce que non conformes aux normes féminines de leur époque ? Les allusions faites en passant dès le début du roman, puis la restitution de faits précis identiques aux terribles expériences vécues par l’auteur, pointent toutes vers le désespoir de cette femme que sa révolte contre l'écrasante domination patriarcale, les convenances et les attentes sociales à l'égard de ses contemporaines, a mené à une dépression traitée de manière coercitive comme une espèce de folie qu'il convenait d'éradiquer. Esther, tout comme Sylvia, sort calmée de son hospitalisation, bien décidée à se conformer à ce que la société attend d'elle. On en connaît hélas la suite dramatique.





Portrait d'une jeune femme déchirée entre son désir d'acceptation sociale et sa rébellion contre l'inégalité des sexes, ce livre très nettement autobiographique est un acte de désobéissance, une façon de clamer sa révolte alors qu'elle cherche l'issue entre pression sociale et aspirations personnelles, se refusant à choisir entre une carrière d'écrivain et une vie privée heureuse. En y rendant palpable l'étouffement vécu par les femmes, elle réussit une critique au vitriol de la société patriarcale et de cet American Way of Life que le monde envie alors à l'Amérique, transformant ce récit d'un ressenti intime en un document qui n'a pas fini d'alimenter les réflexions sociologiques sur son époque, d'intriguer les innombrables analystes d'une oeuvre désormais reconnue, et de simplement toucher le lecteur, séduit par les qualités du roman autant que consterné du si tragique destin de son auteur. Coup de coeur.


Lien : https://leslecturesdecanneti..
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La cloche de détresse

C'est un livre extrêmement éprouvant , je n'ai pas eu une très bonne idée de l'emprunter à la médiathèque en ce moment .

Au fur et à mesure que nous avançons dans la lecture, nous avons comme l'impression douloureuse de lire le compte rendu d'une mort annoncée.

Nous sommes bouleversés , mal à l'aise , malheureux .......je n'exagère pas !

Esther Greenwood est une fille excessivement brillante, elle gagne une bourse pour rejoindre l'université; sélectionnée pour un stage d'été dans un prestigieux magazine, elle rejoint un hôtel,à New - York, au milieu de onze autres lauréates ,après avoir écrit poèmes ou dissertations .

Elle est censée s'étourdir et s'amuser comme jamais .

Elle se rend compte que quelque chose ne tourne pas rond .

En fait "La cloche de verre " s'inspire de la vie de son auteur , une autobiographie, de Sylvia Plath, son unique roman !

" la Cloche de verre" est une prison mentale dans laquelle Esther se retrouve prisonnière des autres, mais aussi d'elle - même ........elle pose de hautes barrières , un vrai mur sur sa propre nature !

Elle fait semblant d'appliquer une bonne couche de vernis incolore de la jeune fille tellement parfaite ........telle que les autres la fantasment .

Mais le vernis se fissure : une poupée sous cloche et un tout petit espace , minuscule ! Pour une jeune fille pétrie de désirs et d'aspirations .



C'est pourtant une jeune fille talentueuse,une personnalité qui sort de l'ordinaire, contrainte de se cantonner dans un rôle tout à fait secondaire, celui de sténo !

La cloche de verre est le creuset idéal pour recueillir toutes les peurs et les angoisses d'Esther.

Qui l'écoute ?

Elle se sent seule sans cesse , se figure qu'elle ne sert à rien , se noie dans la tristesse .....

Elle se débat contre ses démons , les faiblesses de son caractère, sa perception déformée du monde qui l'entoure, pour ne pas sombrer dans la folie , avec une conscience aiguë , des fulgurances et une lucidité effrayantes !



Elle a l'impression de s'enfoncer de plus en plus profondément , dans un sac noir, sans air ;

"Je voulais faire les choses une fois pour toutes et qu'on en finisse pour de bon ".

Les troubles bi- polaires , la dépression la happent, une jeune poétesse si douée !

Elle ne peut plus dormir, se laver, écrire, lire, se lever, et faire quelque projet que ce soit ...........elle désire que le docteur Gordon l'aide à redevenir elle -même , à sortir de sa souffrance et de son mal être !

Elle hurle sa peine à la pluie froide et salée dans le cimetière où était enterré son père .

" Pour une personne qui se trouve sous la cloche de verre, vide et figée comme un bébé mort, c'est le monde lui-même qui est le mauvais rêve ".

"Même un aveugle se rendrait compte que je n'avais plus de cervelle " .



"J'avais l'impression que mes nerfs fumaient comme des grils et la route saturée de soleil ;"

Peut - être la cloche de verre serait - elle à l'image de la société américaine des années 50 qui ne laissait que peu de place aux femmes pour s'affirmer intellectuellement ?

C'est un ouvrage exigeant , dur, déroutant , questionnant , peut - être demanderait- il une relecture et un peu de recul ?

L'écriture est acérée, brillante , parfois teintée d'humour noir , elle nous submerge , nous atteint , nous enveloppe ........inévitablement ! J'ai été trés touchée par ce récit, il m'a laissé une violente impression de douleur et de désespoir absolu!



Il est traduit de l'anglais par Caroline Bouet .

La première de couverture est belle avec sa petite cage stylisée ;

Ce n'est que mon avis , bien sûr !
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Arbres d'hiver. La Traversée

Il s'agit ici de deux recueils de poèmes, « Arbres d'hiver », précédé de « La Traversée ». Ce qui surprend tout d'abord dans les pages de ces textes, c'est la fragilité d'un paysage, traversé par le chagrin. Cependant c'est beau, c'est beau comme un soleil un matin d'hiver. Il m'est difficile de dire que c'est triste ou désespéré. On voudrait se pencher sur ces mots, les toucher, les retenir avec nos doigts, les empêcher de partir vers l'envers du décor.

Chaque poème ressemble à une barque noire avançant comme sur un lac gelé avec l'éclat d'un ciel blanc et des oiseaux par-dessus tout.

Sylvia Plath savait-elle déjà qu'elle allait mourir au moment où elle écrivait ces poèmes ? Qu'elle allait quitter ce monde par sa seule volonté ? Mais on ne connaît jamais les mystères d'un geste, d'une main au bord du vide, celle d'une marée qui déferle sur elle, celle de la mer après qui se retire laissant le silence derrière le paysage.

Les poèmes de ce recueil disent déjà cela. La lumière n'est jamais loin des ténèbres et l'inverse aussi.

Parfois la poésie aborde nos rivages et les remue comme une vague inlassable dans le fracas des mots. Parfois ce voyage intime est violent, c'est une descente dans un puits sans fin.

La vie défigure nos illusions et la poésie convie des mots magnifiques pour reconstruire ce qui nous aura échappé. Elle nous donne souvent une seconde chance, rebondir dans une forme de résilience...

Ici ce n'est pas cela.

Connaissant pourtant le destin de Sylvia Plath, j'ai pourtant cherché dans ses vers une main tendue vers un semblant de soleil, l'idée que l'écriture pourrait la sauver. Rien, rien n'est ici dans les décombres de ces mots. Aucun espoir.

Chaque poème de Sylvia Plath m'a pourtant tiré la main vers une empathie pour l'autrice.

Elle dit la mémoire mutilée, une enfance idéalisée, plus tard bousculée par la mort de son père. Les poèmes de Sylvia Plath disent cette déflagration. Ils disent l'absence, la mort, un sentiment d'insécurité et d'abandon.

La poésie de Sylvia Plath n'est pas que belle, elle est déchirante.

La poésie de Sylvia Plath est comme un océan tumultueux. Adorant la mer, l'océan, ses mouvements inlassables, regardant ainsi la mer comme toujours comme jamais à chaque fois, mais imaginant tout ce qui a dans ce mouvement de puissant et de dérisoire, j'ai lu ces poèmes avec ce regard intime.

Chaque poème est pourtant un miroir à sa manière, en dépit du désespoir de Sylvia Plath.

Étrangère déjà à un monde où elle a perdu pied depuis sans doute longtemps. Étrangère dans ce monde où elle n'était déjà peut-être plus présente, prenant la beauté du monde, de la nature, tout en tenant à distance toute émotion, elle avance et dévoile des images qui sont déjà des trous où ses pas trébuchent sans cesse...

On voudrait croire à la résilience de la poésie. Sans doute que Sylvia Plath était déjà éloignée de cet itinéraire, faisait déjà de ce texte une sorte de testament.

Guérir par les mots des plaies ouvertes par les seuls méandres d'une vie intérieure douloureuse.



« Pas facile de formuler ce que tu as changé pour moi.

Si je suis en vie maintenant, j'étais alors morte,

Bien que, comme une pierre, sans que cela ne m'inquiète,

Et je restais là sans bouger selon mon habitude.

Tu ne m'as pas simplement un peu poussée du pied, non-

Ni même laissée régler mon petit oeil nu

A nouveau vers le ciel, sans espoir, évidemment,

De pouvoir appréhender le bleu, ou les étoiles. »



Les vers de Sylvia Plath sont fascinants, enivrants, hypnotiques. Son écriture est ainsi, elle traduit d'emblée ce sentiment mélangé de grâce, de mélancolie et d'âpreté aussi.

Ce sont des sons, des images, des respirations suspendues au bord d'un vertige abyssal.

Ce sont des joies déjà lointaines, enfantines, presque oubliées.

Le second recueil est pour moi plus noir, plus dramatique.

Je n'ai pas pu tout lire ce livre d'une traite à cause de ses coups de boutoir et de certains vers qui m'ont paru totalement hermétique à toutes émotions, comme les chassant d'un dernier geste presque dérisoire.

Son esthétique poétique dérange aussi et c'est bien.

Sylvia Plath a une puissance d'évocation saisissante, sidérante. Ses mots aux allures douces-amères deviennent alors comme des déflagrations souterraines dont elle ne s'en remit peut-être jamais.



Ses poèmes ont été publiés après sa mort par son mari et sa soeur. Sylvia Plath s'est donné la mort un 11 février 1963 à Londres, à l'âge de trente ans.

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La cloche de détresse

La cloche de détresse est le récit bizarre de la descente aux enfers et dans la dépression d'une très jeune fille. Esther Greenwood, car c'est ainsi qu'elle s'appelle, oscille entre exaltation et désespoir vengeur tant qu'elle vit des moments excitants à New York. Avant de s'effondrer complètement lorsqu'elle doit rentrer dans sa petite ville natale : impossible pour elle alors de se laver, de dormir, de sortir, d'écrire, de lire, de se lever, de faire des projets... S'en suit une série de soins médicaux : rendez-vous chez le psychiatre, hospitalisations, électrochocs...



Difficile de ne pas faire le parallèle entre l'héroïne et l'auteure elle-même, qui s'est donné la mort à peine un mois après la publication du roman. Pourtant, elle a essayé de donner une fin pas trop pessimiste à son histoire, et elle raconte la dépression de manière désincarnée, comme si elle en était très loin et ne la vivait pas de l'intérieur. C'est d'ailleurs assez troublant de la lire tour à tour abattue par son mal-être ou distraite par une anecdote ou une rencontre.



On a beaucoup dit que sa souffrance venait du dilemme 'être femme et mère' ou 'devenir écrivain'. Mais ce n'est pas ce que j'ai ressenti. J'ai eu l'impression qu'Esther souffrait "juste" de ses questionnements existentiels, de ses doutes, ainsi que d'épuisement moral et peut-être d'une grande lucidité quand au tragique de la vie. Autrement dit 'puisque tout est si vain et si difficile à acquérir, pourquoi même essayer?'.



Ses relations avec les autres sont très étonnantes : un mélange de répulsion, d'indifférence et de désir face aux hommes, une complicité rieuse mais superficielle avec les jeunes filles qui l'entourent, que ce soit à New York ou en hôpital psychiatrique, pas grand chose avec sa famille...



De manière générale, le livre est assez déroutant et dérangeant, et exige peut-être plusieurs lectures pour livrer les secrets cachés dans sa cloche.
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La cloche de détresse



La Cloche de Détresse est un roman à clefs. Sous les traits d’Esther, nous découvrons la vie de Sylvia Plath, ou tout du moins ce qu’elle veut bien nous en dire. Autobiographique, je classerai néanmoins cet ouvrage dans la catégorie Roman. Sylvia Plath nous décrit la société américaine dans les années 50. Elle émaille son récit de réflexions sur la place de la femme, ce que l’on attend d’elle (mariage, soumission, enfants, notamment). Le ton est narquois, sarcastique. Ses rêves d’indépendance et de liberté, son aspiration à devenir une femme écrivain à part entière sont bien souvent mis à mal. Le récit prend un tournant dans une deuxième partie lorsqu’elle découvre à son retour chez sa mère qu’elle n’est pas admise à un cours de littérature. Que va-t-elle faire de ce temps disponible, mais plus généralement de sa vie ? Avec distanciation, de manière clinique, Sylvia Plath nous décrit la spirale d’hospitalisation, traitements, tentatives de suicide, avec en musique de fond les supplications de sa mère lui demandant d’être ‘une bonne fille’, ‘de se comporter correctement’.



Ce roman est remarquable. Sylvia Plath est comme dédoublée lorsqu’elle nous décrit sa vie. Jamais je ne me suis sentie voyeur, mais plus volontiers une amie tenue à distance.





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La cloche de détresse

Esther Greenwood est une jeune fille talentueuse, invitée à New York pendant un mois après avoir remporté un concours d’écriture. Au fil des nuits, elle expérimente les débauches les plus diverses. Mais cet abus d’exubérances la laisse froide, rien ne lui semble ressembler à la vie. Peu à peu, l’obsession de la mort s’empare d’elle. « Je ne pouvais m’empêcher de me demander quel effet cela fait de brûler vivant tout le long de ses nerfs. » (p. 13) Lassée des soirées et des mondanités, elle redoute toutefois le retour chez elle et attend une réponse positive pour assister à un cours d’été en littérature.



Hélas, sa candidature n’est pas retenue et un été morne et vide se profile. Esther se laisse gagner par un lent découragement et une douloureuse prise de conscience. « Le problème était que cela faisait longtemps que je ne servais à rien, et le pire, que ce n’était que maintenant que je m’en rendais compte. » (p. 89) Esther ne peut plus dormir, ni lire, ni écrire ou manger. Rongée de fatigue et désespoir, elle glisse dans une dépression nerveuse et cherche à mourir plusieurs fois, en vain. « C’est alors que j’ai compris que mon corps possédait plus d’un tour dans son sac ; du genre rendre mes mains molles au moment crucial, ce qui lui sauvait la vie à chaque fois, alors que si j’avais pu les maîtriser parfaitement, je serais morte en un clin d’œil. » (p. 176) Esther se détache de la vie, des siens, de son avenir et même de son corps. La voilà « prisonnière de cette cloche de verre » (p. 202) qui pèse de plus en plus et l’isole du monde et d’elle-même.



Esther est admise dans diverses cliniques et subit une électrothérapie. Reprendre pied dans le monde semble inaccessible, même si le retour au collège reste un lointain espoir. Avant toute chose, elle doit se libérer de sa dépression, briser la cloche qui l’emprisonne. « Pour celui qui se trouve sous la cloche de verre, vide et figé comme un bébé mort, le monde lui-même n’était qu’un mauvais rêve. » (p. 260) Esther n’est pas seule dans la clinique, elle retrouve Joan, une ancienne camarade. Entre les deux jeunes filles, un lien étrange se crée. Quand l’une progresse, l’autre va plus mal et vice-versa, comme des Castor et Pollux sous tranquillisants. S’échapper de la cloche de verre, de cette cloche où résonne la détresse comme un écho interminable et assourdissant, c’est plus qu’un combat, c’est un pari sur la vie à la fois hasardeux et nécessaire.



Ce récit à la première personne montre la dépression et la folie comme deux voisines qui se fréquentent de trop près. D’inspiration largement autobiographique, La cloche de détresse est un roman dérangeant et fascinant. Je me suis sentie étrangement proche d’Esther : la jeune fille bouillonne d’inspiration et de génie, mais est incapable de transformer la poussée créatrice en œuvre, au pont d’en venir à se détruire pour finalement produire quelque chose et avoir prise sur un aspect de son existence. La rédemption finale est annoncée dès le début puisque le récit est rétrospectif, mais l’histoire n’en reste pas moins haletante. On voudrait tellement aider Esther, même on se heurte indéfiniment à la même cloche de verre. Voici le roman qui ouvre mon année livresque 2013. Certes, le sujet n’est pas des plus réjouissants, mais la plume est éblouissante, à la fois torturée et vibrante.

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Ariel



Il est difficile de parler de ce recueil sans évoquer le contexte dans lequel il a été écrit...Publié à titre posthume en 1965, deux ans après le suicide de Sylvia Plath, il est sa dernière oeuvre poétique, et le reflet profond de sa détresse intérieure, de sa folie transcendée par son génie créateur , de l'appel ultime de la mort.



Mais j'aimerais me détacher de tout ce qui a fait d'elle une légende, la femme écrasée sous le joug masculin ( son mari, poète lui aussi, vient de la quitter au moment où elle écrit les poèmes d" Ariel"), figure du féminisme, la femme bipolaire, écrasée par ses troubles psychiques et qui s'en libère par l'écriture jusqu'au surmenage.



Si l'on ne regarde que les mots, le texte pur, que voit-on ?



Pour moi, ce qui est frappant, c'est la puissance , la brutalité même, des images, leur nouveauté saisissante: " Si le sang jaillit, c'est la poésie

Rien ne peut l'arrêter"

ou " Je suis cette demeure hantée par un cri.

La nuit ça claque des ailes

Et part toutes griffes dehors, chercher de quoi aimer."



Mais il n'y a pas que la violence du désespoir dans ce recueil, l'humour, la tendresse sont bien présents aussi.



Humour et même auto-dérision , je pense en particulier à cette coupure au pouce dont elle parle ainsi: " D'un coup tran-

Ché mon pouce, coupé pour un oignon.

L'extrémité presque arrachée

Retenue par comme un chapeau."



Tendresse pour ses deux enfants. J'aime beaucoup le poème " Chant du matin" dont voici quelques vers évocateurs:



" Toute la nuit ton souffle de papillon

Vibre au milieu des roses toutes roses.Je m'éveille et j'écoute:

Un océan lointain roule dans mon oreille"



L'ironie sur soi-même n'est pas loin car elle écrit ensuite :

" Un seul cri et je saute hors du lit, trébuche , bovine et florale

Dans ma chemise de nuit victorienne"



Cependant, " l'eau noire" de la mort, elle n'y résistera pas:

" Et je

Suis la flèche,



La rosée suicidaire accordée

Comme un seul qui se lance et qui fonce

Sur cet oeil



Rouge, le chaudron de l'aurore"...



Entrez dans l'univers singulier, hanté de Sylvia Plath, ne vous laissez pas détourner par l'aspect angoissant, déprimant peut-être de ses images, et vous découvrirez des textes foisonnant d'originalité et de force , un monde intérieur certes tourmenté mais tellement riche et unique !
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Carnets intimes

Sylvia Plath est une personnalité tragique et fascinante, brillante et torturée. J'ai trouvé dans ces courts textes, issus de son journal ou ébauches de nouvelles, ce que j'avais cherché en vain dans La cloche de détresse : une pensée singulière, un sens de la description des lieux ou des gens, beaucoup d'esprit et de style.



Ces carnets intimes sont très variés, rassemblant 2 ébauches successives d'une même nouvelle sur la logeuse espagnole qu'elle rencontre lors d'un séjour avec Ted Hugues, des passages autobiographiques sur sa dépression et des histoires imaginaires percutantes comme celle sur l'étudiante aux dents pointues ou la petite fille au regard qui tue...



L'ensemble est très beau, mais très triste. J'ai l'impression qu'on sent le désespoir de Sylvia Plath même quand elle parle de tout autre chose, comme on perçoit son talent même quant elle parle juste d'excursions en montagne ou d'abeilles. Peut-être est-ce une projection de ma part, ou simplement la souffrance si profonde qu'elle ressent qui sourd partout.



Impossible pour moi de dire le texte que j'ai préféré. Peut-être celui sur la petite fille qui découvre la brutalité et l'injustice du monde et se révolte contre Dieu...
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La cloche de détresse

Sylvia Plath a brillamment réussi à réaliser ses ambitions littéraires. Dans la Cloche de détresse, elle évoque ses années de jeunesse avec un certain réalisme biographique dont nous évaluons mal les limites, mais qui s’inspire sans doute des épisodes les plus marquants de son existence. Après une reconnaissance fulgurante de ses poèmes –presque trop pour vouloir signifier quelque chose-, la narratrice Esther Greenwood est invitée à passer l’été à New-York avec les autres lauréates d’un concours littéraire. Si le passage d’une vie routinière à une existence scandée par les soirées mondaines se passe relativement bien, le retour au bercail sera le déclencheur d’une apathie dépressive. Esther Greenwood ne peut plus vivre comme avant. Tout lui semble dénué d’intérêt car si loin de la vie qu’elle aimerait mener… Les interrogations de cette jeune fille sont celles qui hantèrent réellement Sylvia Plath : comment concilier à la fois ses ambitions de femme de lettres et ses envies de fonder un foyer ? Esther Greenwood a découvert une part inconnue de la réalité mais elle s’en sent d’autant plus étrangère que cette incursion dans la vie mondaine lui semblera ensuite inaccessible. L’existence qu’elle a mené jusqu’alors l’a coincée sous une cloche de verre –sitôt découverte, celle-ci est devenue une cloche de détresse.





La suite du parcours d’Esther Greenwood nous conduira de thérapeutes en infirmiers, jusque dans les salles d’électrochocs des instituts psychiatriques les plus réputés. Rien ne semble toutefois pouvoir l’aider à concilier ses ambitions et la réalité. Si les troubles psychiques d’Esther ne s’extériorisent plus, ils continuent cependant à marteler ses pensées. Ces obsessions opèrent en douce et se faufilent dans le texte avec une discrétion presque anodine. Il faudrait relire ce roman plusieurs fois pour comprendre qu’il s’agit du mode opératoire le plus radical de la dépression : elle agit dans le dos de ses victimes et essaie de taire son nom le plus longtemps possible.





La cloche de détresse traduit bien l’expérience d’une dépression vécue de l’intérieur. Dans toute son indifférence et dans la sobriété mesurée de ses propos, Sylvia Plath évoque ses tourments sans complaisance. Elle nous montre que la dépression n’est peut-être pas seulement un mal individuel mais qu’il s’inscrit en continuité d’un sort communément partagé par le plus grand nombre. Ce qui différencie ses victimes, c’est la capacité ou non de chacun à se rendre compte de ses limitations et de l’étau qui restreint les possibilités de son existence.





« Qu’y avait-il de se différent entre nous, les femmes de « Belsize » et les filles qui jouaient au bridge, bavardaient et étudiaient dans ce collège où j’allais retourner ? Ces filles aussi étaient assises sous leur propre cloche de verre. »





Cette constatation, en regard du reste du roman, aurait dû réconforter Sylvia Plath. Et pourtant, c’est une fois arrivée à ce stade de sa réflexion qu’elle se suicidera. Peut-être est-ce là ce qui différencie la vraie dépression de la simple mélancolie lucide.
Lien : http://colimasson.over-blog...
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La cloche de détresse

Je savais que cette lecture serait éprouvante émotionnellement, puisque j'avais lu ce roman plus jeune et qu'il m'avait profondément marquée. Alors je me suis un peu protégée. A l'époque, j'avais quasiment le même âge que la narratrice et je m'étais vraiment identifiée à elle. Aujourd'hui, je pourrais presque être sa mère, et c'est peut-être un autre regard que je porte sur elle.

Esther, le double de Sylvia Plath, a tout pour être heureuse, comme on dit toujours. Etudiante brillante, elle reçoit une bourse et un prix lui permettant de passer un mois à New York tout frais payés, auprès d'autres jeunes filles comme elles, recevant des tas de cadeaux - on dirait des goodies aujourd'hui - en prime. Hôtel, restos chics, réceptions et coktails, une vie de princesse.

Pourtant, cet univers factice, superficiel qui lui correspond peu et la société étriquée des années 50 où une jeune femme est plus destinée à une vie de famille et de ménage qu'à celle de poète renommée, l'éprouvent, et le monde autour d'elle se fait de plus en plus gris; Esther est bien trop ambitieuse et exigeante pour une jeune fille de cette époque...

Petit à petit, la dépression s'insinue en elle, jusqu'à ce qu'elle commence à être obsédée par l'idée de se suicider.

L'une des forces de ce roman très autobiographique, c'est que les raisons de ces idées suicidaires sont multiples et pourraient très bien ne pas atteindre une autre fille plus stable psychologiquement, ce qui rend la compréhension du suicide plus complexe que ce qu'on entend souvent.

L'autre force, c'est cette narration très moderne et de la seule focale de la narratrice. On suit au plus près d'elle sa descente aux enfers, sa relation perturbée par la dépression aux autres, son horizon qui se referme sur lui-même, et ce grand silence quand on est dans l'oeil du cyclone, comme elle.

Un récit bouleversant, qui l'est encore plus lorsqu'on sait que Sylvia Plath s'est finalement suicidée un mois après sa publication, alors qu'elle avait d'autres projets en cours.

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Arbres d'hiver. La Traversée

« Ici, les graminées

Déposent leur chagrin sur mes chaussures »



Oh, merveilleuse Sylvia Plath … Comme elle m’a transportée avec ses poèmes, teintés de ses influences tour à tour romantiques, expressionnistes, surréalistes, … Certains d’entre eux sont carrément des rêves éveillés, des visions saisissantes.



Mais Sylvia est selon moi avant tout une immense romantique (ah, les fameuses chandelles, «ces menteuses » ), avec sa soif d’Absolu (« La bossue dans sa maisonnette Aux petits murs blancs sous les clématites. Et nul grand amour, rien que la tendresse ? »), sa sincérité et son intégrité, sa colère contre un dieu, indolent, qui sourit devant le malheur des hommes, ses obsessions du temps, sa peur de l’inertie (marbre, rocs, statues, êtres vivants pétrifiés, ... sont autant de menaces), sa conception idyllique de l’enfance, son sentiment de vacuité de l’existence (« je serai utile quand je reposerai définitivement ») …



Le ton est généralement sombre :



« La destinée courb[e] chaque chose dans une seule direction »

Ou encore

« Lac noir, barque noire, deux silhouettes de papier découpé, noires.

Jusqu’où s’étendent les arbres noirs qui s’abreuvent ici ? »



De temps en temps, de la couleur apparait, signe qu’un espoir est possible : les gâteaux sont décorés avec un glaçage de six couleurs, signe d’abondance ; les comprimés rouges, violets, bleus illuminent l’ennui du soir qui s’éternise ; les petits coquillages assemblés en colliers ne viennent pas de la Baie des Morts, mais d’un autre lieu, tropical et bleu, où nous ne sommes jamais allés, … Mais c’est un monde de couleurs qui souvent reste inaccessible ou instable.



L’écriture est aussi très visuelle, très photographique : les carpillons jonchent la vase comme des pelures d’orange ; les femmes gravides qui, souriant en elles-mêmes, méditent aussi dévotement que le bulbe de Hollande lorsqu’il prépare ses vingt pétales ; les roues de la voiture sont deux larves de caoutchouc noire qui se mordent la queue ; les chandelles versent leurs larmes troubles puis ternes perles, la mer aux moustaches d’algue étale ses soieries glauques, …



Plusieurs de ces poèmes mériteraient à eux seuls un billet entier, tant ils sont riches de sens et propices aux interprétations. Comme par exemple, « l’agneau de Marie » qui évoque la shoah et préfigure son suicide, puisqu’écrit juste avant…



Oui de la très grande poésie, où je me suis retrouvée avec beaucoup de plaisir, même si le sujet est généralement douloureux. Mais c’est tellement bien écrit qu’on ne peut s’empêcher d’éprouver une sorte de communion avec l’auteure et de l’empathie, et un vrai bonheur de lecture. Bravo et merci, Madame Plath.

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La cloche de détresse

La cloche de détresse est un livre éprouvant.



Dans un quotidien festif- un groupe de jeunes filles couronnées de prix littéraires passe une semaine de fêtes et de banquets dans un grand hôtel new yorkais- s'engouffre soudain ce qu'on attendait le moins: une profonde angoisse existentielle qui déréalise les épisodes les plus mondains , donne aux événements une allure inquiétante, cauchemardesque qu'il s'agisse d'une beuverie ou d'une intoxication alimentaire, d'un flirt assez poussé avec un psychopathe endiamanté ou d'une invraisemblable opération de "séduction" dans un amphi de médecins où a lieu ...un accouchement!



Le ton léger, cynique, cache de plus en plus mal le vertige intérieur qui creuse chaque anecdote, passée ou présente.



La poétesse Sylvia Plath a publié ce premier et unique roman, largement autobiographique, un mois avant son suicide. Elle y entreprend, sur un ton fitzgeraldien , tout d'abord, de retracer un épisode douloureux de sa vie de jeune fille : une terrible dépression, suivie d'un internement et d'une serie d'électrochocs, dont elle sort pour reprendre, brillamment, sa carriere d'étudiante surdouée et de poète. Jusqu'à ce que la maniaco-dépression la retrouve..



La cloche de détresse tinte en sourdine dès les premières pages, puis nettement et jusqu'au malaise.



Elle prend parfois la forme d'un défi absurde -la descente à ski- ou d'une féerie macabre-la garde-robe voletant du haut d'un building dans la nuit new yorkaise.



Parfois celle d'une epreuve initiatique obligatoire- le sexe, la défloration, qui s'apparente au viol, au meurtre.



C'est la cloche du bureau paternel montée en lampe dont le fil pelucheux électrocute la jeune Esther- lui donnant un cruel avant-goût des "soins" qui l'attendent- quand elle veut prendre près d'elle ce souvenir d'un père adoré et disparu, avec le bonheur, quand elle avait neuf ans.



C'est enfin la cloche de verre sous le boisseau de laquelle elle a l'impression de vivre, coupée du réel, isolée de ses propres émotions, comme dans un mauvais rêve.



La retenue, la pudeur, l'élégance de la forme maintiennent à distance les sombres remous des troubles bipolaires qui tentent de happer et parfois saisissent cette jeune poétesse pleine de talents et de promesses.



Mais l'élégance et l'humour -glacé- ne sont pas tout : le style a souvent des fulgurances, des embardées qui laissent pantois. La cloche fêlée, comme celle de Baudelaire, est une cloche de poète. Elle est pleine d'images et de musique.



Cette cloche de détresse avait dans son bronze toute une gamme pour exorciser la folie.



Un triste jour, alors que ses deux jeunes enfants dormaient à l'étage, Sylvia Plath, terrassée par une vague trop forte d'angoisse , n'a plus su ou plus voulu la faire tinter. Et a mis sa tête dans la cuisinière à gaz.
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Arbres d'hiver. La Traversée

Sylvia Plath nous offre une poésie très concrète, d'une intensité presque cruelle; les mots nous compriment l'estomac, nous déchirent légèrement les peaux flasques du confort… en effet les métaphores ont qqch de tactile sinon de clinique:

"Comme une infirmière muette et sans expression, la lune

Pose une main sur mon front."



Héritière lointaine du symbolisme et pourquoi pas d'une certaine forme noble du gothique anglais, Plath nous déploie son art de la description chirurgicale d'un environnement aux accents inquiétants. Les décors froids hantés par les statues antiques et une nature qui s'immobilise renforcent une certaine torpeur dont la poétesse ne s'éveille que pour assumer l'effroi que lui procure son existence.

"Les miroirs tuent et parlent, ce sont des chambres d'épouvante"



Les poèmes dérivent souvent d'une contemplation de la nature ou une admiration toute maternelle des enfants au repos (émotion pleinement vécue par la jeune maman Sylvia) vers un désespoir quasi consenti. Ainsi cette métaphore pour l'agneau pascal nous résume bien le ressenti de Sylvia Plath mis en vers:

"Ô bel enfant d'or que le monde tue et mange."



La douleur exprimée, toute psychique a pu me rappeler certains vers de Nerval. Le parallèle avec Gérard Labrunie est facile mais s'impose quand on sait que l'atrocité du mal d'être, de l'abandon, de l'implacable venue de la vieillesse… la mèneront au suicide.

"Je m'appuie sur toi, aussi engourdie qu'un fossile.

Dis-moi que je suis là."



Mais comme Nerval, difficile pour elle de naviguer entre l'émerveillement que suscite l'imaginaire qui s'incarne en une splendide versification et le gouffre d'une conscience effrayée par l'impitoyable cruauté du vécu.



"L'avenir est une mouette grise et bavarde,

Ses miaulements ne parlent que de partir, partir.

La vieillesse et l'épouvante, comme des infirmières,

veillent sur elle

Et un noyé, se plaignant du grand froid,

Sort en rampant de la mer."



Une lecture exigeante donc dont on ne peut sortir que meurtri et plein de compassion pour ceux qui ont mal à eux-mêmes.

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La cloche de détresse

Avec un langage contemporain, très plaisant à lire, on commence ce roman avec beaucoup d'enthousiasme, sur les pas d'une jeune fille en plein succès de figurer parmi les onze jeunes filles lauréates d'un concours de poésie organisé par un magazine de mode. Elles bénéficient d'un séjour à New-York. Logées dans un hôtel de luxe, elles sont chouchoutées par les organisateurs, elles sont couvertes de fringues et d'accessoires féminins de marque. Elles font la convoitise des soirées mondaines. Même quand elles seront victimes d'une espèce empoissonnement, car après un repas, elles se sont toutes mises à vomir, elles recevront chacune un cadeau de la taille à faire oublier ce désagrément. A ce moment, le livre semble nous promettre un bel avenir pour notre narratrice ou du moins une jeune fille plein d'atouts, imposante et capable d'affronter tout obstacle dans sa vie. Mais tout s'effrite dans la lecture quand Esther commence à s'effriter...elle semble avoir du sable dans la bouche, du sable dans les yeux, du sable dans les oreilles, du sable dans le nez, du sable sur sa peau... tous ses sens se brouillent, tout devient fade à ses yeux, elle n'a plus de sourire pour la vie, et elle pense que la vie n'a plus de sourire pour elle, ... la flamme qui semblait jaillir de sa personnalité au tout début s'éteint peu à peu. La lecture a bifurque dans un univers sombre! C'est touchant!
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La cloche de détresse

"Ain't no cure for the summertime blues" chantait Eddie Cochran en 1958, et ce roman nous plonge dans un blues estival.

En 1953, après avoir gagné un stage au magazine "Mademoiselle" suite à un concours de poésie, Esther Greenwood, 19 ans, passe le mois de Juillet à New York. Cocktails, talons hauts, chapeaux et sacs à mains : oh la belle vie ! Mais le retour dans la maison familiale, dans la banlieue de Boston, la confronte au vide de son existence. Peu à peu, une "cloche de verre" enserre sa tête et emprisonne son esprit ; Esther sombre dans la dépression, veut en finir avec la vie, et découvre les lueurs bleutées de l'électrothérapie.

Ah ! Comment supporter les délices de l'American way of life d'après- guerre, lorsque l'on est une jeune femme intelligente et ambitieuse ? Comment accepter son hypocrisie, sa superficialité et sa violence feutrée ? Pratiquement autobiographique, le récit de Sylvia Plath dresse le portrait glacial d'un pays obsédé par l'électricité, que ce soit pour exécuter des communistes (les Rosenberg) ou redonner le goût de la vie à ceux qui veulent mourir. C'est également un témoignage précis sur la dépression et la façon dont elle ronge le cerveau et pourrit la vie : "Où que je me trouve -sur le pont d'un navire, dans un café à Paris ou à Bangkok- je serai toujours prisonnière de cette cloche de verre." Je crois que je n'ai jamais lu de phrase aussi triste.

Même s'il est forcément attachant, ce n'est donc pas le roman le plus gai de l'année, d'autant que les personnages -même Esther- ne sont pas franchement sympathiques, mais j'ai aimé la colère et la révolte qui sous-tendent l'histoire, et la remise en question de la domination masculine (déjà). La partie new yorkaise m'a un peu fait penser à "L'attrape-coeur" de Salinger, avec ce même regard cru et désabusé de la narratrice sur ce qui l'entoure, et dans la seconde partie, j'ai apprécié la justesse de sa retranscription de la torpeur et de la vacuité de l'été dans les petites villes.

Sylvia Plath s'est suicidée un mois après la publication de cet ouvrage, en 1963, à l'âge de 30 ans. Elle avait pourtant l'air heureuse sur les photos. "Il n'y a pas de remède..." disait la chanson.
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La cloche de détresse

Voici un petit moment que j’avais ce livre dans ma Pal et je me dois d’avouer que j’ai repoussé à plusieurs reprises sa lecture.

Il faut dire que sa thématique ne m’était pas inconnue et je n’avais pas forcément envie de lire ce livre à certaines périodes… Mais voilà, quelquefois, un événement survient et ensuite vous comprenez que la, vraiment, c’est le moment de lire ce livre, histoire de…

Esther Greenwood est le personnage principal de ce roman. Jeune, brillante, elle semble avoir en mains toutes les clefs pour entamer une vie pleine de réussites, que ce soit au niveau professionnel ou au niveau personnel…Et , au fur et à mesure de la lecture, on sent que la machine s’enraye et qu’Esther est dans une terrible souffrance…Cette souffrance va la mener jusqu’à l’institutionnalisation dans un asile psychiatrique.. Nous sommes dans les années cinquante et à l’époque les traitements constituaient particulièrement à faire des électrochocs aux personnes souffrant de dépression sévère….

Sylvia Plath possède une plume particulièrement talentueuse et j’avoue être tombée sous le charme de son écriture.

Une lecture triste, à la limite de l’éprouvant qui m’a beaucoup touchée, car comment qualifier autrement cette terrible plongée dans la dépression d’une jeune femme brillante ? Difficile de ne pas faire le lien avec le parcours de l’auteur, qui s’est suicidée très peu de temps après la parution de ce livre qui est d ‘ailleurs son unique roman.

Repose en paix, petite Marie, car c’est pour toi que j’ai lu ce livre, encore plus que pour moi….



Challenge BBC

Challenge Multi-Défis 2021

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La cloche de détresse

Ce livre, acheté il y a de nombreuses années lors d'un épisode dépressif, m'attendait depuis sagement dans ma bibliothèque.

L'aura planant autour de "La cloche de détresse" et de Sylvia Plath m'impressionnait et m'effrayait à la fois.

Je m'y suis plongée cette année, près de dix ans après mon achat, pour m'aider à trouver les mots face à des sensations parfois innommables.



C'est d'abord un roman, d'inspiration autobiographique certes, mais un beau roman avec une vraie histoire, une héroïne intelligente et un univers, celui de l'Amérique mondaine des années 1950 en pleine évolution, très bien décrit.



Le sujet principal du récit est la chute vertigineuse de la narratrice Esther, dix-neuf ans, au cours de quelques mois qui vont la voir passer de la condition d'étudiante pleine d'avenir à celle de malade mentale, en proie à des envies suicidaires et des angoisses terribles.



Les sensations provoquées par la maladie sont très bien décrites, Sylvia Plath était malheureusement déjà passée par là et cela se ressent dans le choix des mots et des expressions.



C'est aussi un éclairage intéressant, bien que forcément biaisé, sur la psychiatrie de l'époque et ses traitements : sédatifs puissants, électrochocs dans des conditions brutales.



D'autres thèmes sont évoqués, celui du féminisme notamment et du poids des hommes dans une société encore très conservatrice.



Esther est en effet une fine observatrice et porte un regard aiguisé sur le monde qui l'entoure, le récit est donc loin d'être seulement celui d'une descente aux enfers.



C'est un texte très riche au charme particulier, avec des passages réellement superbes, on sent bien la plume de la poétesse derrière ce roman.



Un roman devenu classique, à découvrir...
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La cloche de détresse

J'ai terminé La cloche de détresse et j'ai du mal à trouver les mots pour en parler. Bien sûr que cela parle de dépression, de souffrance psychique, c'est noir, d'autant plus qu'en connaissant un peu la vie de l'auteur et sa mort, et les liens entre ce qu'elle écrit et ce qu'elle a vécu c'est encore plus poignant. Mais en même temps il y a dans le livre un humour (noir certes), une justesse pour analyser les situations les plus désespérées, une lucidité qui même dans les moments les plus terribles ne la lâche pas, que la lecture en est un grand plaisir, malgré tout. Et quelle maîtrise de l'écriture et la structure narrative, c'est soufflant. Un très grand livre, à lire absolument, mais peut être pas dans les moments difficiles.

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La cloche de détresse

Qu’est-ce qui cloche ?

Esther Greenwood a toutes les raisons de se réjouir. Lauréate d’un concours de poésie à dix-neuf ans, elle peut faire de New York son terrain d’expérimentations.

Mais qui se soucie de son talent ? Qui s’intéresse à ses écrits ? (« Je me sentais comme un cheval de course dans un monde dépourvu d’hippodrome »).

Certaines personnes sont dotées d’un sixième sens, pourvues d’une conscience affûtée qui les alerte avant la meute. Lucides, ils savent que les fruits les plus mûrs sont promis à la putrescence. Alors ils s’en méfient. Esther est de ces êtres. Sa vie est un joli tableau dont le vernis craquelle, un miroir dont elle rejette l’image stéréotypée. Sa vie devient si pathétique qu’elle échoue même à s’en défaire. De Charybde en Scylla : parce qu’elle se rate, elle devient sujet psychiatrique.

Tout ça parce qu’elle refusait de se marier, de ressembler à ces mères courage épuisées par le labeur quotidien (p157). Quelle gloire y-a-t-il à s’abîmer ainsi ? Dans les années cinquante, la femme est promise au foyer et à l’asservissement. La bagatelle tourne court, l’amour fait long feu sous le joug domestique et la domination masculine.

Sylvia Plath s’en est scandalisée. Comme souvent, celles qui disent « non ! » beaucoup trop tôt payent leur audace de leur santé mentale. Est-ce sa cervelle qui ne tourne pas rond, ou le beau monde qui l’oppresse ?

À une époque révolue et dans un décor suranné (entre la série « Mad Men » et « Virgin Suicides »), Sylvia Plath livre des réflexions d’une grande modernité.

Bilan : 🌹🌹

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Mary Ventura et le neuvième royaume

"Nouvelle inédite de Sylvia Plath, écrite à l’âge de 20 ans, où se trouve en germe tout ce qui fera son œuvre."

Kits Hilaire in DM
Lien : https://doublemarge.com/cate..
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