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Critiques de Sonia Devillers (107)
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Les exportés

Alors que le régime communiste verrouillait hermétiquement les frontières, les grands-parents de Sonia Devillers quittèrent la Roumanie en 1961. Ces juifs de l’intelligentsia roumaine arrivèrent les mains vides à Paris et n’évoquèrent jamais de leur passé que leurs meilleurs souvenirs. Pourtant, la Roumanie fut, aux côtés des nazis, l’un des pays les plus zélés de la Shoah. Pourtant, quinze ans après la fin de la guerre, ils durent tout quitter et repartir de zéro dans l’exil. Intriguée par les blancs de son histoire familiale, l’auteur s’est lancée dans sa reconstitution, exhumant avec stupéfaction l’effarant et infamant trafic d’humains auquel, dans le plus grand secret, la Roumanie se livra de 1958 à 1989.





Ce n’est que depuis quelques années, avec l’ouverture progressive des archives de la Securitate, le Département de la Sécurité de l’État roumain, que le secret le mieux gardé du monde communiste commence à filtrer : pendant trente ans, des juifs furent troqués au prix fort contre du bétail - des porcs reproducteurs principalement - et du matériel agricole, nécessaires au sauvetage d’une agriculture rendue exsangue par la collectivisation. Les livres de comptes précisément tenus témoignent des transactions dont Nicolae Ceausescu se félicita en ces termes : « Les juifs et le pétrole sont nos meilleurs produits d’exportation ». Plus discret pour la vitrine communiste qu’une vente rémunérée directement en devises, l’échange d’humains contre des bestiaux et des équipements s’effectuait sous l’égide d’un passeur, Henry Jacober, un juif slovaque devenu homme d’affaires à Londres, et qui, bien loin d’un nouvel Oskar Schindler sauveur de juifs victimes du communisme roumain, s’en enrichit grassement, surtout lorsque Israël conclut les plus gros deals pour se peupler.





Ainsi, après avoir échappé de justesse à la Shoah dont le récit rappelle les pires moments en Roumanie, tellement oblitérés par le régime communiste que l’Histoire n’a principalement retenu que les neufs derniers mois de la guerre passés aux côtés des Alliés, les grands-parents de l’auteur, appliqués à se fondre parmi l’élite et les citoyens modèles de leur pays, finirent quand même par tout perdre, menacés et spoliés avant de servir de monnaie d’échange, expulsés quand le rideau de fer interdisait normalement de partir.





Entre récit intime et enquête journalistique, la narration de cet exil qui ne ressemble à aucun autre dévoile salutairement une ignominie restée cachée, qui vient honteusement s’ajouter, après la Shoah, à l’infinie tragédie des persécutions infligées aux juifs. Une histoire aussi douloureuse qu’inconcevable…


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Les exportés

Un livre qui se veut « percutant », un livre lucide, écrit avec une certaine d’objectivité (celle que permet le recul sans doute) et qui fait le point sur nombre de paradoxes historiques de la Roumanie.

L’histoire familiale des Deleanu à l’épreuve des fourches caudines de l’Histoire avec un grand H. Certains passages sont insoutenables par l’inhumanité infligée aux juifs, mais nécessaires à la mémoire collective.

Un fil chronologique linéaire facilite la progression des évènements et leur compréhension. Les sources sont citées au fil de l’eau, sans notes de bas de pages qui auraient alourdi l’évocation. Cela se lit, de fait, assez vite. J’ai apprécié la rigueur dans l’analyse des faits et leur remise dans le contexte, notamment dans la première moitié du livre.

Pour la seconde moitié de cette « enquête » un reproche de généralisation, cependant fort bien exprimé par Marianne Hirsch dans un entretien accordé pour « En attendant Nadeau », à Sonia Combe : « Que la Roumanie ait voulu enterrer son passé fasciste et antisémite, c’est certain. Les Juifs auraient-ils de leur côté enterré leurs souffrances ? La réponse ne peut être qu’individuelle. Mes parents ne voulaient pas, par exemple, être considérés comme des victimes. Ils étaient fiers d’avoir réussi à s’en sortir. Mais le sort des Juifs pendant la guerre et leur vulnérabilité encore au présent faisaient partie de leurs sujets quotidiens. Le rapport au passé de ces dictatures et de la post-mémoire, individuelle et/ou collective, ne peut se résumer à des phrases fortes. C’est un sujet trop grave ». Or, Sonia Devillers par l’emploi de phrases souvent courtes, interrogatives, tente de marquer les esprits un peu à outrance. L’idée de « spectaculaire » ayant fait son chemin progressivement.

Malgré ce reproche, le livre a le mérite, à mon humble avis, de réunir, en plus des archives personnelles, des sources déjà connues en France par une poignée d’historiens et de les « vulgariser ». C’est tout de même un mérite certain.

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Les exportés

Dans ce récit qui retrace l’histoire tragique de ses grands-parents et de sa mère, Sonia Devillers a dû entreprendre de minutieuses recherches, rencontrer de nombreux témoins, car elle ne savait rien de la Roumanie communiste, ses grands-parents n’en contant que quelques bribes qui cachaient l’essentiel.



« J’ai grandi avec un trou au milieu de l’Europe, Une nation informe que je savais à peine situer, une tache aux contours mouvants dans le grand bazar des républiques de l’Est : le théâtre d’un génocide dont mes grands-parents n’ont jamais parlé. »



A l’origine de cette quête, il y a le livre de l’historien Radu Ioanid, qui s’est « plongé dans la mémoire administrative du régime ». Tout débute en 1950 et ce grand commerce durera jusqu’en 1989, date de la chute du dictateur Ceausescu. Durant ces années, la Roumanie soucieuse de se débarrasser de ses juifs, va les échanger contre du bétail : veaux, vaches, poulets, moutons et surtout des porcs, plus particulièrement de des landraces danois réputée pour la pureté de la race et leur productivité. Les roumains profiteront peu de toute cette viande réservée à l’exportation.

Ce tout de passe-passe a été rendu possible grâce à un passeur, Henry Jacober., homme d’affaire expert en import-export d’animaux. Avisé et malin, il va devenir le passage indispensable pour tout juif suffisamment riche souhaitant quitter la Roumanie cadenassée par la Securitate. Les candidats au départ ignoraient tout des conditions de leur échange Cet ignoble marché ne sera connu qu’après la chute du mur, lorsque les archives communistes seront ouvertes.

Au-delà de cet exil particulier, Sonia Devillers trace l’histoire de sa famille maternelle, des juifs expatriés, qui croyaient à un monde nouveau à travers le communisme.

Elle raconte aussi l’antisémitisme tenace d’un pays fermé qui veut effacer toute trace des violences commises contre ses juifs durant la seconde guerre mondiale.

Sonia Devillers a écrit un récit à la fois poignant, humain et bien documenté. Elle a su rendre très vivants les membres de sa famille. Il en résulte une lecture sous tension et grâce à cet éclairage, on apprend beaucoup sur une période de l’histoire longtemps passée sous silence, même chez les victimes.





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Les exportés

Pour quelles raisons avoir jeté mon dévolu sur ce livre , histoire d'une famille juive ayant quitté la Roumanie communiste grâce à la complicité d'un drôle de passeur , je me l'explique surtout par le fait que mon premier voyage , voyage de fin de promotion , nous avait , mes compagnons d'étude et moi , projetés dans un monde inconnu , vanté par les uns , une curiosité pour d'autres ...Bref , notre première expérience touristique nous avait conduits derrière le rideau de fer , dans la Roumanie du dictateur Ceaucescu .Dès l'atterrissage , un certain malaise allait s'emparer de la plupart d'entre nous , malaise qui ne s'estomperait qu'à notre départ :...interdiction de prendre des photos , interdiction d'emprunter tel ou tel trottoir , présence constante d'un policier avec notre groupe , disparition dudit policier la veille de notre départ avec ...nos billets d'avion , magasins réservés aux étrangers , troc de devises par les habitants qui nous invitaient à les suivre dans des endroits retirés ...Bref , une impression ...mitigée , voire plus .Alors , une famille qui fuit la Roumanie en 1961 , voilà de quoi m'intriguer et m'intéresser .L'expérience personnelle vécue m'a vraiment amené à m'interroger : jusqu'où pouvait aller ce système dans son attitude vis à vis de sa population , juive en l'occurence .Ce récit , c'est la petite fille de la famille exilée qui la raconte et nous la narre juste aprés l'avoir découverte , l'omerta familiale ayant censuré tous les souvenirs de cette terrible période .Grande question .Non- dits révélateurs d'une époque où , vous le verrez et pourrez juger combien il valait mieux faire doublement " profil - bas " lorsque l'on était juif .

C'est un récit frappant mais pudique sur une période vraiment inimaginable , bien écrit avec des réflexions trés intelligentes sur le monde tel qu'il a pu être , où l'on se rend compte que , pour certains , ce n'était vraiment pas mieux avant .L'histoire de cette famille s'inscrit dans l' Histoire et le fait que Sonia Devilliers soit journaliste et membre de cette famille donne un relief particulier au récit .

Je me suis permis de vous expliquer mes motivations pour cette lecture et je ne regrette pas ce choix qui m'a éclairé au -delà de ce que je connaissais , au -delà des cours didactiques . Je me suis revu dans certains lieux et j'avoue avoir retrouvé une ambiance lourde , menaçante , peu sereine .D'un autre côté , j'ai été content de découvrir certaines faces cachées de l'être humain , juif ou non .

Ce livre , s'il ne se lit pas tout à fait comme un roman , s'en rapproche souvent ce qui lui donne ce côté diablement efficace , l'Histoire dont on se " délecte " lorsqu'elle nous est ainsi présentée .

*Allez , bonsoir , chers amis et amies et à trés bientôt .
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Les exportés

L’Histoire n’en finit pas de révéler ses ignominies. Et je reste toujours aussi ahurie de tant d’inhumanité. Et toujours cette question lancinante : pourquoi ? N’y a donc t-il que la haine et l’appât du gain qui motivent tant de nos semblables ?

Je reste sans voix devant ces pages d’Histoire. Jamais, elles ne sont le reflet que ce que je découvrais encore hier à l’école. Comme ces leçons étaient bien édulcorées quand on nous montrait la flamboyance du roi Soleil et de sa mégalomanie versaillaise, les conquêtes impériales du petit Caporal, etc. L’histoire avait une autre couleur. La vérité prenait un autre chemin. Les exactions étaient tues.

C’est pourquoi maintenant, je continue encore et encore à lire le dessous des cartes pour essayer de comprendre et d’entrevoir une certaine vérité.



Cette fois-ci, l’horreur vient de Roumanie et de l’éradication des Juifs dans ce pays, au moment de la Seconde Guerre mondiale. Leurs méthodes n’avaient rien à copier du côté allemand, elles s’appliquaient sans faille. Mais après guerre, il n’était plus question d’éradiquer, il fallait faire dans la discrétion. Alors le régime communiste en place a parfaitement su trouver la parade : échanger des Juifs désireux de quitter le pays, alors que les frontières étaient totalement closes, contre du bétail (veaux, vaches, cochons, moutons, matériel agricole…). Oui, vous avez bien lu, les humains devenaient monnaie d’échanges. Le commerce international a fermé les yeux, et avec eux tous ceux qui participaient à cet import-export. Ce trafic d’humains était orchestré par un passeur Henry Jacober, un juif britannique d’origine slovaque, qui a trouvé là un moyen de s’enrichir grassement.



C’est le témoignage de Sonia Devillers, journaliste, qui en remontant dans l’histoire de sa propre famille et en feuilletant les archives de la Securitate enfin publiques (police politique roumaine sous l’ère communiste) a découvert ce pan d’histoire encore bien caché. Ses grands-parents n’ont jamais évoqué ce passé douloureux, seule transparaissait dans leurs souvenirs une certaine légèreté. Et pourtant…

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Les exportés

Longtemps l'Histoire récente de la Roumanie a été tue. Volontairement par le pouvoir dictatorial communiste de l'après-guerre, de façon plus complexe par celles et ceux qui étaient sortis du pays et demeuraient silencieux sur ce qu'ils avaient vécu, ou bien attachés à leurs "bons souvenirs". Ce n'est que des dizaines d'années après la chute du régime de Ceausescu que les archives de la Securitate (services de sécurité) ont été rendues accessibles au public. Par Histoire récente il faut englober la montée de l'antisémitisme et du fascisme dans les années 1930, la seconde guerre mondiale qui fut le théâtre de massacres de juifs plus importants que dans n'importe quel pays autre que l'Allemagne et bien sûr la chape dictatoriale qui s'est abattue ensuite sur le pays. De mon côté j'ai découvert tout ça d'abord dans Eugenia de Lionel Duroy qui m'a amenée à lire le Journal de Mihail Sebastian et quelques autres livres comme le terrible Les Oxemberg & les Bernstein de Catulin Mihuleac. Sonia Devillers a enquêté à travers les livres et également en se rendant en Roumanie, un pays qui n'était pour elle, née en France d'un père donc d'un patronyme français qu'une vague origine lointaine. Ses origines lui viennent de sa mère arrivée en France avec ses parents en 1961 à l'âge de 15 ans. Des origines juives dont elle se souciait comme d'une guigne avant de découvrir ce qu'elles avaient signifié en Roumanie pour sa famille maternelle à chacune de ces époques. Son livre est une édifiante synthèse de ses recherches et un éclairage très précis de près d'un siècle de cruauté puis de cynisme de la part de dirigeants qui ont tout fait pour cacher la réalité de leurs exactions. Le pays a d'abord massacré sa population juive avant de s'en servir comme monnaie d'échange. De les vendre. Tout ceci grâce à un intermédiaire, un mystérieux personnage sur lequel l'autrice enquête également. Le nom de Jacober était connu, mais ses activités et surtout ses motivations c'était plus flou. Voilà qui devient plus clair.

Le récit est assez glaçant mais indispensable. Il sera instructif pour celles et ceux qui ne connaissent rien de l'Histoire de la Roumanie, il complètera les connaissances de celles et ceux qui en savent un peu plus. Pour Sonia Devillers il est aussi le moyen de répondre à des questions qu'elle n'était pas consciente de se poser avant cette enquête et qui ont trait à l'identité. Remplir les silences c'est aussi rendre justice aux Exportés et aux autres, rendre leur intégrité à ceux qui ont préféré oublier leur passé.
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Les exportés

Grâce aux retours des historiens, on a l'impression de déjà bien connaître la profondeur de la bassesse dont est capable l'être humain. Mais régulièrement, une nouvelle anecdote réussit à donner un nouveau coup de pelle pour creuser encore plus loin.



Étant au volant tout au long de la journée, j'ai eu souvent l'occasion d'écouter les émissions radiophoniques de Sonia Devillers et j'adore son travail. Elle est aussi professionnelle que conviviale et l'arrivée de son premier récit m'a tout de suite fait de l'oeil.



Dans ce livre, elle s'intéresse au passé de ses grands parents et même temps à l'Histoire de la Roumanie, le pays de sa famille maternelle. Pendant la seconde guerre mondiale et après celle-ci, les dirigeants roumains se sont rendus coupables d'actes nauséabonds. En accord avec l'autorité nazie, ils ont d'abord traqué les juifs de leur pays. Ils ont ensuite mis en place un système ignoble afin de se séparer de leurs compatriotes de cette confession. Durant toutes ces années, le gouvernement communiste a fait preuve d'une inhumanité affligeante, allant jusqu'à échanger des femmes et des hommes contre des animaux ou des machines.



Une autre chose est aussi choquante pour l'autrice. Malgré toutes les ignominies qu'ils ont vécues, ses grands-parents et une grande partie des victimes préfèrent garder le silence. Ils mettent ces évènements sous un mouchoir pour les faire disparaître. On n'en parle pas donc ça n'existe pas. le mutisme de ses aïeux apparaît alors comme une protection de la mémoire.



Le peuple juif reste un peuple martyrisé par l'Histoire et cette nouvelle parenthèse en est une démonstration supplémentaire. A travers la déchéance de sa famille prestigieuse, Sonia Devillers nous offre un récit dramatique, toujours factuel, qui prouve que l'Homme est capable des pires atrocités au nom d'une idéologie. Ce livre est donc essentiel pour que les crimes du passé nous servent de leçon dans le futur !
Lien : https://youtu.be/YCF05f_Uz80
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Les exportés

Dans ce récit l'auteur nous raconte le périple vécu par ses grands-parents maternels, Gabriela et Harry, avant de quitter Bucarest où ils vivaient avec leur deux filles et Roza, la maman de Gabriela. C'était en 1961 sous le régime communiste. Ils réussissent non sans mal à gagner Paris.

Personne n'était censé en partir pourtant de ce pays qui maintenait prisonnière sa population. La famille obtient les papiers nécessaires et l'autorisation de quitter la Roumanie avec l'aide d'un passeur, payé très cher. L'auteur apprendra des années après, alors qu'elle est adulte, comment tout cela s'est passé, ce qu'elle relate dans ces pages, car sa famille, ses grands-parents, sa tante et sa mère qui n'avait que 14 ans au moment des faits, n'ont jamais voulu en parler devant elle.

Apprendre que ces personnes juives mais pas pratiquantes ont ainsi été "exportés" du pays en échange avec des animaux d'élevage a été un choc pour moi qui n'avais jamais entendu parler de ces faits, révélés des années après lorsque la consultation des archives des Services secrets roumains a été possible. Cela fait froid dans le dos en plus d'être révoltants.

Bien entendu, je n'ignore pas, et l'auteur le dit d'ailleurs, que si sa famille a pu partir c'est parce qu'elle avait de l'argent pour payer le passeur. En fait c'est une personne de leur connaissance qui leur prêtera cet argent qu'ils mettront leur vie à lui rembourser, ce qui n'était pas possible pour tout le monde. Les autres juifs partaient en camp ou étaient exécutés.

Ses grands-parents, elle ne le cache pas, appartenaient à la bourgeoisie, n'avaient pas modifié leur vie avec l'arrivée du communisme. Ils avaient été heureux dans les années 30, époque pourtant vécue "sous le sceau de la monarchie, du capitalisme, des inégalités sociales les plus criantes et d'un fascisme férocement antisémite".

Ils seront exclus du Parti, Gabriela parce qu'elle conteste la manière dont sont menés des interrogatoires dans sa classe, auprès des jeunes filles (questions douteuses trop intimes, demandes déplacées répétées, gestes inappropriés). Elle sera soupçonnée d'espionnage car elle prenait des cours d'anglais avec deux anglaises qui se révèleront être des espionnes. Elle perdra son travail et entrainera son mari dans sa chute. C'est ce qui les décidera à quitter le pays, et ils vont le faire juste à temps, car le grand-père était à deux doigts d'être arrêté, vous découvrirez pourquoi en lisant le livre.

L'auteur a enquêté. Elle est retournée en Roumanie pour tenter de comprendre comment cela se passait derrière le rideau de fer en ce temps-là. Elle qui est née en France, en a voulu à sa famille de ne pas lui expliquer ses racines, l'aider à savoir qui elle était, reconstituer les souvenirs de sa grand-mère issue d'une grande famille, et comprendre pourquoi sa famille un temps membre du Parti a été à ce point rejetée jusqu'à devenir un ennemi à abattre, les obligeant à la fuite pour sauver leur vie.

L'auteur a bien entendu comblé les manques, et les blancs avec l'histoire.



Voilà un récit lucide, écrit avec beaucoup de recul par l'auteur, qui parfois même donne l'impression de ne pas parler de ses proches mais d'inconnus, tant elle écrit avec froideur des choses inimaginables. Il se lit assez vite parce que l'auteur présente son récit d'une manière totalement chronologique ce qui permet de mieux comprendre les différents événements historiques, mais aussi parce qu'aux faits historiques, elle mêle des souvenirs familiaux, décrit la personnalité de ses grands-parents en particulier de sa grand-mère, sa fierté, sa détermination à oublier.

Bien entendu, la famille Greenberg qui deviendra Deleanu après la guerre, est un exemple parmi d'autres de ce qui attendait les juifs roumains.

L'auteur journaliste à Radio France dévoile un pan de ce trafic d'êtres humains, connu seulement de quelques rares historiens et, quels que soient les reproches qui lui ont été fait sur internet, je trouve qu'elle a beaucoup de mérite de le faire de cette façon.

Les listes de Henry Jacober (le passeur) font froid dans le dos. Tout cela se faisait sous le nez du gouvernement qui ne se gênera pas pas pour marchander, obtenir davantage selon le nombre de personnes (ou la "valeur" supposée de la famille) qui veulent être autorisées à partir.

Le silence sur toute cette affaire montre bien que le pays a voulu enterrer son passé fasciste et antisémite, mais c'est tout de même horrible de penser que les juifs ont été ainsi monnayés contre des animaux et cela depuis les années 50, donc je le précise, bien avant l'arrivée de Nicolae Ceausescu au pouvoir. Il sera le dernier dirigeant du régime communiste en Roumanie et le trafic continuera ensuite lors de sa présidence. C'était une entreprise lucrative d'une telle ampleur que c'était impossible pour lui d'y renoncer. Ensuite les juifs seront échangés contre des dollars pour qu'ils quittent le pays et partent s'installer en Israël.

Pour rappel, en Roumanie vivaient 750 000 juifs en 1930, il en restait 10 000 à l'effondrement du communisme mais ceux qui vivaient à Bucarest ont été pendant longtemps épargnés tandis que des massacres étaient perpétrés dans les campagnes.

Un autre événement marquant du livre mais qui parait du coup dérisoire à côté mais non moins violent, c'est quand l'auteur relate l'extermination en 1957 d'un million de chevaux sous le prétexte qu'ils consommaient trop d'avoine et privaient ainsi le bétail de nourriture.

Voilà, malgré ses horreurs relatées, c'est un livre indispensable à découvrir pour justement comprendre ce pan important de l'histoire de l'Europe longtemps tenu caché.
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Les exportés

Saviez-vous qu'après-guerre, des juifs ont été vendus pour sortir de Roumanie ?

Monnaie d'échange : des cochons et autres animaux.

En nous relatant l'histoire de ses grands-parents, de sa tante et de sa mère, Sonia Devillers, nous raconte cette infamie.

De l'avant-guerre aux années 60, la Roumanie va s'illustrer (certes, elle n'est pas la seule) dans la chasse aux juifs.

L'auteure revient sur des épisodes peu connus tant ce pays aura du mal à reconnaitre ses méfaits et les victimes réticentes à en parler.

D'une écriture précise et en maniant des chapitres courts, Sonia Devillers nous plonge dans cette horreur et certains faits relatés sont insoutenables.

Les évènements sont énoncés clairement et sans voyeurisme.

Un récit poignant, saisissant et instructif.



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Les exportés

Les exportés, quel drôle de titre pour ce récit témoignage de Sonia Devillers, qui raconte l'histoire de ses grands parents maternels. Je connaissais jusqu'ici la journaliste pour ses chroniques sur les médias pleines de peps sur France Inter et la découvre ici romancière pour nous livrer ce témoignage important sur une histoire quasi méconnue et pourtant pas si loin de nous dans l'Europe de l'Est voisine. Car les exportés ce sont bien des personnes, même si justement le terme surprend : ce sont les Juifs de Roumanie que pendant des années le régime communiste a échangé contre devises sonnantes et trébuchantes, matériel agricole et animaux d'élevage destinés à améliorer la productivité et l'autonomie alimentaire du pays, Nicolas Ceaucescu ayant même déclaré : « les Juifs et le pétrole sont nos meilleurs produits d'exportation ».



Les exportés est un récit que j'ai lu en apnée et qui m'a plusieurs fois conduite à me demander si tout ça était vraiment vrai, si des faits aussi surréalistes, aussi abjects, aussi inimaginables avaient vraiment pu se passer en toute impunité et sans que leur récit ne soit parvenu jusqu'à nous, en pleine Europe, quasiment jusqu'à la fin des années 80 et la chute du régime Ceaucescu. Sonia Devillers déroule les faits de manière chronologique en remontant le fil de l'histoire de ses grands-parents depuis l'avant guerre. C'est un récit sans pathos, très factuel et qui se lit agréablement malgré encore une fois l'horreur de certains événements évoqués. On est d'abord ébahi devant insouciance du couple d'aristocrates que forment ses grands parents, qui semblent totalement inconscients du destin tragique des juifs autour d'eux, eux qui se sentent avant tout Roumains et faisant partie de l'élite, qui ne sont pas pratiquants et ont quasiment oubliés leurs racines juives. On est aussi horrifiés devant la succession de régimes autoritaires en Roumanie, qui passera d'alliée à adversaire de l'Allemagne nazie et préservera une partie des juifs de ses villes tout en massacrant ceux des campagnes. Et enfin on a du mal à croire à ces persécutions qui continuent bien après la guerre alors que le monde entier s'émeut de l'Holocauste et où le régime choisira cyniquement de monnayer la vie des juifs souhaitant émigrer en les échangeant contre des animaux et du matériel.



Sonia Devillers trouve le bon ton pour nous raconter cette incroyable histoire, sans pathos, toujours très factuelle et très précise avec juste le bon dosage d'explications historiques pour nous permettre de contextualiser sans nous noyer dans les détails. Le plus bouleversant dans son récit est la manière dont tous ces événements ont été occultés par ceux qui les ont vécus, ses grands parents voulant oublier ce qu'ils ont ressenti comme une déchéance et leurs deux filles comme un traumatisme absolu au point d'être incapable de raconter à leurs enfants leur histoire. L'auteure devra mettre tout son talent de journaliste dans ses recherches pour rencontrer les rares témoins de cette époque et essayer de reconstituer cette histoire, son histoire dont elle a été privée. Un livre fort et un témoignage nécessaire pour ne pas oublier la manière dont certains humains et certains régimes ont traité d'autres êtres humains et pour faire la lumière sur des événements qui ont brisé des vies en toute impunité.
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Challenge plumes féminines 2024 – n°48



Trouvé par hasard sur youtube. L’auteure est totalement inconnue pour moi. D’habitude, je ne me serais pas arrêtée mais grâce à youtube, j’aime à diversifier mes lectures, d’autant plus que l’audio est relativement court.



Le début m’a stupéfait. J’aurais dû m’en douter, vu le titre. Mais j’étais loin de l’histoire lue par l’auteure elle-même. Elle a, et ce malgré le sujet, plus d’entrain à sa lecture qu’Estelle Faye… Le sujet choisi concerne ses grands-parents, juifs roumains, sur une période de plusieurs années, d’avant la 2nde Guerre Mondiale jusqu’à 1961 où la famille quitte définitivement la Roumanie. Cette histoire nous ai racontée entre biographie et enquête journalistique où l’auteure essaye de comprendre le parcours de ses grands-parents pendant les turpitudes du régime roumain et de la 2nde Guerre Mondiale. Quand je vois le nombre de bouquins actuels sur cette période charnière de l’Histoire mondiale, je me demande bien ce qu’ils peuvent bien nous raconter de nouveau. Mais certains sortent du lot, comme celui-ci sur un pays dont on parle peu dans les livres d’Histoire et qui pourtant a fait pire qu’Hitler… Pour certains passages, ce livre est vraiment glaçant d’effroi, comme à chaque fois qu’on parle des juifs… Pourquoi est-ce un peuple aussi mal aimé de tout le monde ? Qu’ont-ils fait pour mériter toute cette haine et cette rancœur ? Un livre plain d’enseignements et de résilience de la part des grands-parents de l’auteure. C’est en cherchant et en lisant un livre sur le sujet qu’elle s’y est intéressée de plus près car sa mère et ses grands-parents parlaient peu de cette période et de ce qu’ils ont vécu. Elle n’a d’ailleurs pas pu apprendre sa langue maternelle, le roumain, mais uniquement sa langue d’adoption, le français. Grâce à ce récit, on en apprend de belle sur le peuple roumain et ses politiques. Mais en même temps, pourquoi ça devrait m’étonner ? Il y a toujours eu, et il y aura toujours, des rapaces pour profiter du malheur des autres à leur profit (pécuniaire s’entend). Le pire étant de savoir qu’il était lui-même juif. Était-il philanthrope ou seulement rapace ? Aller savoir, il est décédé depuis trop longtemps…



Comme vous l’aurez compris, ce livre a été une très intéressante découverte, on ne peut pas parler de coup de coeur au vu du sujet. En revanche, le style de l’auteure est simple, sans fioritures et agréable. J’ai d’ailleurs très apprécié que ce soit l’auteure qui lise son histoire (dans tous les sens du terme). Je vous conseille donc de le découvrir, surtout si vous êtes de ceux qui ne veulent pas oublier le passé. Pour ma part, ce sera le prochain cadeau de Noël pour mes parents.



Sur ce, bonnes lectures à vous ;-)
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Sonia Devillers rappelle (je devrais dire : m’apprend) l’histoire violente et chaotique de la Roumanie, conservatrice et antisémite dans les années 1930 ; alliée de l’Allemagne pendant quatre ans, avant de passer du côté des Alliés pour les neuf derniers mois de la guerre, et de se convertir au communisme dès la fin du conflit. Et pendant tout ce temps, un antisémitisme violent, barbare, que Lionel Duroy a déjà décrit dans « Eugenia ». Pourtant le souvenir va en être occulté rapidement et complètement par le nouveau régime, et même par ceux qui en ont été victimes et qui souhaitent regarder vers l’avenir et s’insérer dans la nouvelle société dont le modèle est proposé. Les grands-parents maternels de Sonia Devillers sont de ceux-là.

Mais progressivement, en une dizaine d’années, va exploser une nouvelle émergence de l’antisémitisme, telle que les grands-parents de Sonia Devillers n’auront plus d’autre choix que de quitter la Roumanie avec leurs deux filles et une grand-mère.

Cependant la Roumanie est fermée et la Securitate fait en sorte que personne ne sorte du pays. Alors, reste le recours à un passeur. Un passeur qui se fait payer, évidemment. Mais qui a élaboré un procédé plus complexe, et très certainement plus rémunérateur : les juifs paient une partie du prix de leur passage, le passeur acquiert des cochons, des moutons, des machines-outils, et les remet à l’Etat roumain qui en contrepartie, laisse sortir les juifs du pays. Ceux-ci remettent alors au passeur le solde du voyage.

Les archives consultées par Sonia Devillers font état très clairement de ces « marchés » qui existèrent dans les années 1960, avec marchandages et renchérissements quand ceux qui voulaient quitter la Roumanie avaient particulièrement déplu au régime.

Sonia Devillers raconte l’incroyable revirement de Ceausescu qui, arrivant au pouvoir en 1965, et apprenant « l’existence de ce négoce dont il ignorait tout » pique « une colère d’anthologie » et en interdit la poursuite. Pour se raviser deux ans plus tard et relancer le mécanisme, au motif que « les juifs et le pétrole sont nos meilleurs produits d’exportation ».

Après la mort du passeur, Israël est devenu l’interlocuteur direct de l’Etat roumain, et a continué à faire sortir des juifs de Roumanie, contre paiement en dollars. En toute discrétion.

Le livre alterne ces données historiques et « commerciales » dont Sonia Devillers a retrouvé les traces incontestables, avec des chapitres très évocateurs sur la vie de ses grands-parents, de sa mère et de sa tante, en Roumanie et à leur arrivée à Paris : ce qu’elle en rapporte est plein de charme, ou d’angoisse, selon les périodes évoquées.

Un livre effarant par ses révélations ; et l’histoire d’une famille haute en couleur (je ne peux m’empêcher d’imaginer Gabriela, la grand-mère de Sonia Devillers, sous les traits d’Edwige Feuillère) et infiniment attachante.

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Les exportés

De la Roumanie, je n’avais qu’une seule image, celle de l’arrestation et de l’exécution du couple Ceausescu. Trop jeune pour comprendre les origines de cette violence et pourtant marquée, j’avais effacé cet événement et du même coup tourné la page de l’histoire de la Roumanie. L’ignorance protège mais malheureusement se nourrit de non-dits, de secrets inavoués, de douleurs psychologiques. Elle gangrène ainsi les descendants de victimes. Avec son roman, Sonia Devillers délie avec délicatesse et minutie le fil de l’histoire de sa famille expatriée ou plutôt exportée de la Roumanie dans les années 60, échangée contre des porcs parce qu’elle est juive. Profondément affectée par cette découverte, c’est en journaliste talentueuse qu’elle nous confie sa quête. Elle n’omet rien sur l’histoire d’un pays aux frontières sans cesse modifiées au gré des alliances, sur la montée du fascisme et ensuite sur celle du communisme et sur les événements tragiques vécus par le peuple et plus particulièrement par les juifs. Tuerie, emprisonnement, travaux forcés, déportation puis exportation rien ne leur est épargné. Le pouvoir change mais leur sort est toujours le même. La Roumanie peinant à reconnaître son crime envers les juifs, ce roman devient indispensable pour faire la lumière sur des manigances inimaginables après les horreurs de la guerre. L’avidité et la bêtise humaine ne connaîtront malheureusement jamais de fin. Un roman fort qui m’a profondément ébranlée.

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Les exportés

Je ne connaissais Sonia Devillers que pour l'avoir quelques fois écoutée sur France Inter . Ce premier livre dans la droite ligne de ce qu'écrivit Matatias Carp sur la manière dont furent traités les juifs sous la gouvernance de Gheorghe Gheorghius Dej et sous celle de Nicolae Ceausescu .



le titre " Les exportés " fait référence à la phrase prononcée par Ceausescu : "Les juifs et le pétrole sont nos meilleurs produits d'exportation " . Cynique mais collant de près à la réalité puisque sans vouloir que cela se sache afin de ne pas nuire à l'image de la Roumanie , quelques juifs roumains fortunés furent échangés contre des animaux destinés à améliorer la race de ceux élevés sur place . Livre instructif sur une période de l'histoire roumaine surement peu connue du grand public .
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Les exportés

La journaliste Sonia DEVILLERS a mené des recherches sur un secret familial concernant l'histoire de ses grands-parents maternels. Et à la découverte, au-delà du destin familial, c'est le sort de milliers de juifs roumains qui réussirent à quitter le pays par un ignoble marchandage (échanger des juifs contre du bétail). Oui, vous avez bien lu ! Par l'intermédiaire d'un passeur sans scrupules qui en fera un commerce très rentable.

C'est aussi à travers ce récit, l'antisémitisme d'un pays qui nous est décrit avec force et précision, s'appuyant sur un travail méticuleux (les listes d'échanges notamment sont terribles et ahurissantes !).

Sonia DEVILLERS signe un texte puissant, d'une grande sobriété qui bouleverse, répondant avec une grande précision, aux questions que ces faits historiques méconnus soulèvent.

L'édition poche bénéficie aussi d'une postface fort intéressante suite à la sortie du livre et du retour de roumains non juifs n'ayant pas eu "la chance" de quitter la dictature sous Ceaucescu.

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Les exportés

Imaginez un jour découvrir, dans un livre d’histoire, le nom de vos grands-parents et de votre mère en face d’un nombre de porcs à livrer ! La journaliste de France Inter Sonia Devillers livre un récit à la fois poignant, percutant et passionnant. En se replongeant dans le passé de ses grands-parents, elle décrit la Roumanie du XXe siècle et l’histoire méconnue et aberrante de ces juifs qui furent l’objet d’un échange contre du bétail sous le régime communiste.
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Les exportés

Ce livre est pour une lecture indispensable.



J'ai été choqué d'apprendre que durant pratiquement trente ans au centre de l Europe l horreur existait encore pour le peuple Juif et aucun média n'a enquêté pendant toutes ces années.



Merci à Sonia Devillers d'avoir mis en lumière son histoire familiale mais l'histoire d'un pays, la Roumanie.



Dans ce récit, il y a de nombreux questions qui sont mise en lumière:

-Mon histoire n'est pas forcément celle de mes parents?

-L 'intégration dans un autre pays?

-Le choix d'un pays pour un aller sans aucun probable retour possible?

-De l'histoire d'une famille que vais je laisser à mes enfants?

-Ne pas avoir la même maternelle que ses propres parents?

-Le poids de l'oublie pour pourvoir avancer sur les génération futures?



Ce livre m'a fait penser à deux livres , la carte postale pour le récit familiale et la religion Juif et la ferme des animaux pour mettre en oeuvre l'oubli du collectif.



Le communisme a fait rêver de nombreuses personnes à l'ouest de l'Europe et à l'Est , les peuples vivaient l'horreur. Quel paradoxe !



J'ai aimé la final du récit , elle raconte une scène digne d'un films avec une personne qui est sur les listes.

Ce document mérite à mes yeux qu'un(e )grand réalisateur(triste) fasse un magnifique sur cette histoire.

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Les exportés

Un livre absolument édifiant dans lequel la journaliste Sonia Devillers se penche sur l'histoire de sa famille d'origine roumaine, en particulier sur l'exil de ses grands-parents, de son arrière-grand-mère, de sa tante et de sa mère, qui ne lui ont jamais rien raconté ni dévoilé.



Arrivés en France en décembre 1961, l'autrice découvre avec horreur qu'"ils n'ont pas fui". Ils ont été exportés comme de vulgaires marchandises. "On les a laissés partir, ils ont payé pour cela une fortune." Ce "lot de cinq personnes" a été mis à prix et monnayé contre des bestiaux, des bêtes à haut rendement, de préférence des porcs dont le pays avait un énorme besoin ; pas n'importe lesquels, non, des porcs Landrace, une espèce supérieure et pure...



Ce trafic d'êtres humains, ce processus de troc bien organisé, a commencé dès les années 50 dans la Roumanie communiste puis s'est poursuivi durant plusieurs décennies sous la dictature de Nicolae Ceaușescu. Celui-ci ne déclarait-il pas ? "Les juifs et le pétrole sont nos meilleurs produits d'exportation."

C'est dans les années 2000, longtemps après la chute du Rideau de Fer, que les archives de la Securitate furent accessibles et dévoilèrent leurs monstrueux secrets.



Comme tout enfant d'exilé ou d'immigré, Sonia Devillers a un souci d'identité et d'héritage. Sa famille s'étant enfermé dans un mutisme volontaire, elle ne disposait que peu d'éléments concrets pour comprendre ce qui s'est réellement passé. Mais elle a réussi, grâce à des recherches appropriées, malgré des souvenirs douloureux, des non-dits, des blocages psychologiques, a reconstituer l'histoire familiale enfouie. Son livre, parfaitement documenté, écrit dans un style sobre est puissant et dérangeant.
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Les exportés

« Exportation » renvoie à ce qu'un Etat poduit sur son territoire et vend à l'étranger, pour le profit. Le terme ne s'utilise normalement pas pour des personnes, pour des citoyens. Or, ce titre avec sa connotation économique et géographique désigne bien la réalité historique vécue par les grands-parents de l'autrice qui réalise ici un véritable travail d'enquête.

Ses grands-parents ont donc été l'objet d'un troc, leur exil de Roumanie contre des cochons. La formule est brutale, elle est répétée plusieurs fois pour que le lecteur puisse intégrer toute la violence des faits derrière, violence physique, politique, matérielle, et surtout antisémite et cynique. Les dirigeants roumains ont cherché à s'enrichir en vendant leur population juive, c'est de la real-politik dans un contexte de Guerre Froide, bâtie sur un antisémitisme ancien. Toute une partie de l'histoire de l'Europe défile sous nos yeux dans cette enquête, des États autoritaires des années 30 à la Seconde Guerre Mondiale, au génocide des juifs et à la Guerre Froide avec la division des deux blocs.

Face à ces événements que l'on peine à concevoir, le récit n'est pas froid et désincarné, au contraire, puisqu'il repose sur l'histoire personnelle de la famille de l'autrice, qui dresse un portrait émouvant de sa mère, traumatisée par un exil dans l'adolescence au point de refuser sa langue maternelle, et surtout un beau portrait de ses grands-parents. Intellectuels cultivés et musiciens, bourgeois cosmopolites, véritables communistes... Dans ce couple, Gabriela, la grand-mère de Sonia Devillers, a une personnalité si forte qu'elle semble dominer son mari, fière et consciente de sa valeur. Mais un élément de leur identité, si secondaire pour eux, si important pour les gouvernants, les relègue comme des sous-citoyens : leur judéité, même s'ils ne sont pas pratiquants, même s'ils ne sont pas vraiment croyants. Et c'est cette judéité qui détermine dans cette Europe si troublée leur destin.

J'ai donc été très intéressée par cette « exportation » de juifs par la Roumanie aux Etats de l'Ouest ou à Israël pour en tirer un bénéfice, en dollars ou en animaux d'élevage. Les éléments sont bien amenés, pas besoin de connaissances préalables sur cet Etat qui n'est sans doute pas le premier auquel on pense quand on imagine le Bloc de l'Est. Mais surtout, j'ai été touchée par les portraits de famille, avec les questions de mémoire et de transmission. Sonia Devillers ne sait rien de la Roumanie et de Budapest, elle ne parle pas sa langue « maternelle » dans le sens de la langue de sa mère, sa langue est le français, la langue de sa patrie. Néanmoins, elle ressent une forme de traumatisme, 3ème génération de rescapés de la Shoah, alors que ses grands-parents eux-mêmes ne se reconnaissaient pas comme tels, eux qui n'avaient pas l'impression d'avoir échappés au génocide – alors, que d'un point de vue historique, les preuves sont là, ils ont été persécutés, ils ont perdu leur travail, et ils auraient pu être tués comme certains de leurs proches. Ces réflexions sur la mémoire et la famille m'ont beaucoup touchée.
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Les exportés

Dans les Exportés Sonia Devillers raconte la vie de Harry et Gabriela, ses grands-parents, et aborde de nombreux sujets se rapportant à la politique et la vie en Roumanie des années 1930 à 1961, date à laquelle la famille Deleanu - nouveau patronyme choisi par "appétit de l'avenir et par conviction" - est "exportée" en France. Elle dit les conditions invraisemblables dans lesquelles ce départ a pu avoir lieu " je dirais que mes grands-parents et tant d'autres ont été transformés, à leur insu, en maillons d'une chaîne alimentaire dans laquelle un être humain atteindrait un rang supérieur au cheval, mais inférieur au cochon. Le cochon, suprême prédateur" (p. 174).

J'ai complété ma lecture en écoutant sur YouTube un entretien entre Sonia Devillers et Pierre Coutelle (librairie Mollat). J'ai passé une heure très intéressante à l'écouter parler avec enthousiasme de son livre, d'évoquer avec tendresse ses grands-parents, sa mère et sa tante.



Livre très intéressant particulièrement sur le plan historique en dévoilant des informations inqualifiables sur le sort des juifs roumains.
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