« Il faut marquer notre singularité », martelait-elle en 2015, lorsqu'elle remplaça Olivier Poivre d'Arvor (dont elle était l'adjointe) à la tête de France Culture. Sandrine Treiner, ex-journaliste et passionnée de littérature aussi autrice du roman L'Idée d'une tombe sans nom , a voulu rendre la chaîne, souvent perçue comme élitiste, accessible au plus grand nombre. En rajeunissant et féminisant ses producteurs, en évitant les spécialistes trop pointus, leur préférant des passeurs plus généralistes. Et voilà que la station bat des records d'audience : elle affiche fièrement 1 472 000 auditeurs par jour (selon Médiamétrie). Rencontre avec une directrice qui cherche obstinément à atteindre les oreilles des curieux.
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L'amnésie antérograde a cela de bon qu'elle économise bien des tracas. Du jour de l'accident qui l'a provoquée, on ne fabrique plus aucun souvenir. Arrivé a un certain moment de la vie, c'est parfois préférable.
« Faites que le rêve dévore votre vie afin que la vie ne dévore pas votre rêve. »
Antoine de Saint-Exupéry
Je me souviens que nous avions franchi les limites de la ville, pour parler de tout cela, librement sur un marché, c'était la nuit, je me souviens comme d'un rêve effrayant de ces féticheurs, de ces commerçants qui négociaient pied à pied, des fantômes qui me frôlaient de leurs boubous, de Pierre qui évoquait Amaal, et, non loin de là, de la forêt profonde, la forêt togolaise d'où s'échappait, de quelques couvents vaudous, une mélopée un peu triste, je me souviens des tam-tams qui battaient au rythme de plus en plus accéléré de mon coeur, tant grandissait l'émotion de rencontrer une enfant, mon enfant. Je l'imaginais quelque part, dans cette nuit, là-bas, ce sabbat africain, dans la ville qui scintillait au loin, je me la représentais, dormant, si étrangère, si différente, portée jusqu'à moi par l'air chaud de Lomé, saturé du parfum âcre des petits feux de bois au carrefour des grandes avenues. Ces senteurs si fortes, s'ajoutant à celles des cultures sur brûlis, me tournaient la tête comme la perspective de cette alliance ; j'étais ivre, incrédule et pourtant je consentais à cette vie nouvelle, à cette transformation.
"Ce serait l'un des plus grands triomphes de l'humanité si l'on parvenait à élever l'acte responsable de la procréation au rang d'action volontaire et intentionnelle." Cette phrase de Sigmund Freud avait retenu mon attention et m'avait amené à m'interroger sur cet instinctif besoin de donner la vie. La question était donc bien celle de la volonté de l'individu, cette volonté d'affronter l'imprévisible de l'autre et d'espérer en même temps le prolongement de soi-même, et elle ne pouvait se résumer à celle, classique, d'un couple soumis au déterminisme social, essayant de concilier, cahin-caha, la joie d'être parent, le devoir de transmettre et le besoin de donner de l'amour à l'enfant.
"La sagesse, c'est d'avoir des rêves suffisamment grands pour ne pas les perdre de vue lorsqu'on les poursuit."
Oscar Wilde
Amaal et son air chafouin comme un bouton de coquelicot qu'on vient d'ouvrir et qui libère une fleur toute froissée au coeur de laquelle une étamine d'un noir bleuté resplendit de son éclat sombre.
Les trois vendeuses s'amusent de voir ce couple de garçons blancs affairé à habiller une petite fille noir d'ébène
J'estime que j'ai eu de la chance d'être né dans une période de découvertes remarquables, et peut-être plus encore d'inventions merveilleuses.
Minuit sonne a l´horloge. Je suis née en ce jour ou j´ai failli mourir. Maintenant, je vais enfin pouvoir dormir. Manger encore, ne plus peser, trier, cacher, restituer. Le crime est accompli, je vais renaitre. Jouir, me satisfaire, me donner sans retenue, vivre simplement.
En retournant la tête de Barbe Noire vers lui, le matelot a une vision d’horreur. Deux yeux, énormes, globuleux, farouches et cruels, deux yeux qui se fixent sur lui et qui esquissent un très léger mouvement des paupières. Tout le visage est effrayant : cette barbe noire immense, immensément crasseuse, qui monte jusqu'aux yeux et recouvre la poitrine. Des tresses faites dans la poussière et la graisse du temps et des rubans dans la chevelure tournés autour des oreilles pour effrayer l’ennemi. Tout comme, placées dans son chapeau, ces deux mèches encore allumées qui encadrent le visage. Un regard de furie. Le tout dans le nuage de fumée blanche procuré par les mèches de chanvre enduites de salpêtre.
Barbe Noire l’illusionniste.