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Citation de KATE92


Encore une journée de plein soleil !
Camille reçoit ce grand beau temps comme un cadeau, une grâce que consent quelqu'un de haut placé à ce petit bout d'humanité, dont elle fait partie, en vacances de juillet sur la côte atlantique. Dans le Midi, où elle a vécu autrefois, le soleil est considéré comme un dû et peut briller trois semaines de suite sans qu'on y prête attention. On se contente de reconnaître sa perpétuité, le matin, en s'en plaignant presque : « Ah, ce soleil. À peine levé, il vous brûle déjà... »
Alors qu'ici, à Ré, on s'enthousiasme et se passe la nouvelle : « Tu as vu, il fait beau ! » Et de former en chœur des projets pour la journée afin d'en profiter le plus possible : plage, nage, vélo, petits verres pris sur les terrasses, dans les jardins, avant le retour des nuages, de la fraîcheur, de la pluie qui obligera à changer de programme... En revanche, sur la côte dite d'Azur, on fait tous les jours les mêmes choses : bronzette, apéritif, parties de boules, danse à la belle étoile sur des planches montées à même le sable. On y fait aussi l'amour.
Camille ne peut s'empêcher de comparer les deux régions liées à deux époques de sa vie. Pourtant, elle aime être ici, dans la maison basse léguée à Pierre par ses parents, avec cette cour-jardin plantée de roses trémières, de rosiers grimpants, de lauriers roses - que de rose ! -, de chèvrefeuille, de clématites, avec un solanum, un olivier, tout ce qui peut croître dans un aussi petit espace clos de murs, protégé des regards et du vent.
Les enfants adorent sans vraiment savoir pourquoi : dès qu'on franchit le pont en voiture - et cela, depuis tout petits -, ils changent de comportement, se redressent sur les banquettes, demandent qu'on baisse les vitres pour respirer le « bon air », celui qui sent le varech, les pins ; en fait, la liberté.
Pour répondre à l'excitation des petits - et à celle du chien lorsqu'ils en avaient encore un -, ils s'arrêtent à la première plage, celle de Rivedoux, et tous se précipitent jusqu'à l'eau, saisis par le ravissement, quelle que soit la marée : « C'est merveilleux, tu as vu : la mer est haute ! » Ou : « Quelle étendue, c'est prodigieux quand la mer est basse... »
« À croire, se dit Camille en achevant de préparer le melon, les jus de fruits, le café, le pain grillé du petit déjeuner qu'ils prendront dehors, dès qu'ils daigneront se réveiller, que la mer n'est jamais moyenne... Elle ne sait qu'être excessive, comme tout ici ! »
Ainsi cette comédie, parfois dramatique, qu'ils improvisent tous les étés, dans ce lieu comparable à une scène, avec son groupe d'acteurs-spectateurs, les mêmes d'une année sur l'autre, des habitués quittés en septembre, retrouvés en juillet dix mois plus tard. Tout de suite avides - cela se voit à leur regard - de savoir ce que sont devenus « les autres ». Ceux qui ne sont pas eux...
Camille s'y prépare, soigne sa tenue, son look, trouve des prétextes satisfaisants pour expliquer pourquoi elle a grossi, maigri, modifié sa couleur de cheveux (pour l'instant, elle est noir de jais, avec une coupe à la Louise Brooks), pourquoi Pierre n'arrive qu'à la fin du mois, pourquoi Anna fait la tête - la « gueule », plutôt : à cause d'une amourette ratée -, enfin bref, qu'elle-même a tant de soucis pour « ouvrir » la maison que non, elle n'est pas encore assez libre pour accepter le verre, le café, le dîner...
En somme, elle se place d'entrée de jeu sur la défensive. Passant parfois à l'attaque... Posant à son tour aux curieux des questions pointues, presque agressives... C'est sa façon de retourner l'arme - verbale - vers l'assaillant. Combat perpétuel, quelque peu lassant en vacances, mais seule façon de protéger son intimité.
Qu'est devenu le bon temps de sa jeunesse ? Quand elle n'était rien ni personne, juste une ombre presque invisible aux autres, elle pouvait alors les observer à loisir en se disant : « Jamais je ne serai comme eux ! »
Hélas, la seule façon d'échapper à l'âge adulte et à ses inévitables mutations, c'est de mourir avant d'y atteindre. Ce qu'a fait son jeune frère, et aussi Bertrand, son premier flirt, l'homme de son premier baiser, tard donné, à dix-sept ans. (Jusque-là elle s'était refusée aux caresses.)
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