Faisons un petit détour par l'histoire. Jusqu'au XIXème siècle, les foules allaient le dimanche à Charenton "voir" les malades mentaux, et le "fou du village" ne faisait peur à personne car, sous l'Ancien Régime, les sains d'esprit et les déments, les aristocrates et les serviteurs, les Blancs et le Noirs, les hommes et les femmes, les infirmes et les valides, étaient séparés par une altérité infranchissable. D'une nature totalement dissemblable, les "autres" n'inquiétaient pas, et ce n'est qu'avec la Révolution française et l'idée de l'égalité des hommes et des femmes que "l'autre" n'a plus été tout à fait un étranger pour les bien portants.
Enfin il y a des corps. Des corps nus de femmes aux chairs tendres et un peu affaissées, des corps habillés qui s'étreignent, un dos d'homme nu et musclé comme un dos de Michel-Ange, et puis des corps amputés et désirables et des corps entiers, épuisés, à bout.
Les images de Jane ne sont pas innocentes. En s'approchant ainsi de ceux qu'elle photographie, elle veut franchir ce mur qui nous sépare des exclus, elle veut les comprendre et, ce faisant, elle arrive, souvent, à les saisir au plus près d'eux-mêmes, dans cet instant où ils révèlent le plus intime et où nous devenons leurs parents.