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Citation de Aunryz


Non seulement le camp de regroupement plurispécifique constituait un rassemblement très dense de mammifères avec un degré de proximité sans précédent historique connu, mais ce rassemblement était accompagné par la cohorte de toutes les bactéries, protozoaires, helminthes et virus qui prospéraient à leurs dépens.
Dans cette vaste course de nuisibles, les vainqueurs étaient les pathogènes capables de s’adapter rapidement aux nouveaux hôtes habitant la domus et de s’y reproduire en masse. Ce fut le premier franchissement massif de la barrière des espèces par un groupe de pathogènes, qui déboucha sur un ordre épidémiologique entièrement nouveau.
Naturellement, le récit de cette percée est narré depuis la perspective (horrifiée) d’Homo sapiens. Il aurait certainement été encore plus sombre du point de vue, disons, de la chèvre ou du mouton, dont l’appartenance à la domus n’était même pas volontaire. Je laisse à l’imagination du lecteur ce que pourrait être le récit d’une chèvre antique et omnisciente sur l’histoire de la transmission des maladies au Néolithique.

La longueur de la liste des maladies partagées avec les animaux domestiques et les consommateurs de la domus est saisissante.
D’après des données sans doute déjà périmées et sous-estimées, les humains ont en commun vingt-six maladies avec les poules, trente-deux avec les rats et les souris, trente-cinq avec les chevaux, quarante-deux avec les cochons, quarante-six avec les moutons et les chèvres, quarante avec les bovins et soixante-cinq avec notre plus ancien compagnon de domesticité, le chien.
On soupçonne que la rougeole est issue d’un virus de peste bovine ayant infecté les moutons et les chèvres, que la variole provient de la domestication des chameaux et d’un rongeur archaïque porteur de la vaccine et que la grippe est liée à la domestication des oiseaux aquatiques voici quelque quatre mille cinq cents ans.
Cette génération de nouvelles zoonoses trans-spécifiques a prospéré au fur et à mesure que les populations humaines et animales augmentaient et que les contacts à longue distance devenaient plus fréquents.
Ce processus continue aujourd’hui. Rien d’étonnant, donc, à ce que le sud-est de la Chine, en particulier le Guangdong, à savoir probablement la plus vaste, la plus ancienne et la plus dense concentration d’humains, de porcs, de poulets, d’oies, de canards et de marchés d’animaux sauvages du monde, soit une véritable boîte de Pétri à l’échelle mondiale propice à l’incubation de nouvelles souches de grippe aviaire et porcine.

L’écologie des maladies du Néolithique tardif n’est pas simplement le résultat de la densité démographique des humains et des espèces domestiquées dans des établissements sédentaires. Elle est plutôt l’effet de l’ensemble du complexe de la domus en tant que module écologique. Le défrichement et la mise en culture des terres, de même que le pâturage des nouveaux animaux domestiqués créaient un paysage entièrement nouveau et une niche écologique sans précédent, plus ensoleillée, avec des sols plus exposés, investie par de nouvelles espèces végétales et animales, d’insectes et de micro-organismes se substituant au peuplement des écosystèmes antérieurs. Cette métamorphose était en partie intentionnelle, comme dans le cas des espèces cultivées, mais elle était surtout le résultat de la somme des effets collatéraux de deuxième et de troisième ordre de l’apparition de la domus.
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