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Citation de AlainD


À droite et à gauche, d’énormes rochers de granit, posés les uns sur les autres, offraient de bizarres configurations. À travers ces blocs, d’immenses racines semblables à de gros serpents se glissaient pour aller chercher au loin les sucs nourriciers de quelques hêtres séculaires. Les deux côtés de la route ressemblaient à ces grottes souterraines, célèbres par leurs stalactites. D’énormes festons de pierre, où la sombre verdure du houx et des fougères s’alliait aux taches verdâtres ou blanchâtres des mousses, cachaient des précipices et l’entrée de quelques profondes cavernes. Quand les trois voyageurs eurent fait quelques pas dans un étroit sentier, le plus étonnant des spectacles vint tout à coup s’offrir aux regards de Mlle de Verneuil, et lui fit concevoir l’obstination de Galope-chopine.
Un bassin demi-circulaire, entièrement composé de quartiers de granit, formait un amphithéâtre dans les informes gradins duquel de hauts sapins noirs et des châtaigniers jaunis s’élevaient les uns sur les autres en présentant l’aspect d’un grand cirque, où le soleil de l’hiver semblait plutôt verser de pâles couleurs qu’épancher sa lumière et où l’automne avait partout jeté le tapis fauve de ses feuilles séchées. Au centre de cette salle qui semblait avoir eu le déluge pour architecte, s’élevaient trois énormes pierres druidiques, vaste autel sur lequel était fixée une ancienne bannière d’église. Une centaine d’hommes agenouillés, et la tête nue, priaient avec ferveur dans cette enceinte où un prêtre, assisté de deux autres ecclésiastiques, disait la messe. La pauvreté des vêtements sacerdotaux, la faible voix du prêtre qui retentissait comme un murmure dans l’espace, ces hommes pleins de conviction, unis par un même sentiment et prosternés devant un autel sans pompe, la nudité de la croix, l’agreste énergie du temple, l’heure, le lieu, tout donnait à cette scène le caractère de naïveté qui distingua les premières époques du christianisme. Mlle de Verneuil resta frappée d’admiration. Cette messe dite au fond des bois, ce culte renvoyé par la persécution vers sa source, la poésie des anciens temps hardiment jetée au milieu d’une nature capricieuse et bizarre, ces Chouans armés et désarmés, cruels et priant, à la fois hommes et enfants, tout cela ne ressemblait à rien de ce qu’elle avait encore vu ou imaginé. Elle se souvenait bien d’avoir admiré dans son enfance les pompes de cette église romaine si flatteuses pour les sens ; mais elle ne connaissait pas encore Dieu tout seul, sa croix sur l’autel, son autel sur la terre ; au lieu des feuillages découpés qui dans les cathédrales couronnent les arceaux gothiques, les arbres de l’automne soutenant le dôme du ciel ; au lieu des mille couleurs projetées par les vitraux, le soleil glissant à peine ses rayons rougeâtres et ses reflets assombris sur l’autel, sur le prêtre et sur les assistants.
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