Le psychiatre sait tout et ne fait rien.
Le chirurgien ne sait rien et fait tout.
Le dermatologue ne sait rien ni ne fait rien.
Le médecin légiste sait tout, mais un jour trop tard.
Konig dérive dans la nuit d'avril moite et vaporeuse, poursuit sa route sous la lumière crue des lampadaires coiffés de halos transparents et fantomatiques, croise au passage une marée de visages jeunes et animés. Ici, le monde entier est jeune et du coup, lui, il se sent vieux. Débordant d'une jalousie et d'un mépris étranges, le cœur brisé. Leur vitalité le raille. Il scrute leurs visages, ardents, avides, qui cherchent la vie au fil des trottoirs souillés d'immondices.
La rue est un festival d'images et d'odeurs, un fouillis de types ethniques, un entassement de cultures variées et antagonistes. Elle palpite d'une sorte de vitalité sous-tendue d'une atmosphère de violence tangible et prête à éclater.
Tout est écrit là, sous les yeux du médecin, comme si les organes étaient une espèce de papyrus où s’inscrivent les hiéroglyphes absurdes de nos vies
Il s'était souvent dit que, s'il pouvait s'en remettre à la magie et aux sorciers locaux, aux chapelets et aux talismans, tout se passerait bien. [...]
Si seulement il pouvait surmonter le cynisme qui le rongeait, se laver de quarante ans de scepticisme et d'orgueil, atteindre le havre d'une petite oasis verdoyante pour y retrouver le goût de l'espoir, peut-être pourrait-il encore se sauver.
Chaque fois que Konig accomplit cette descente, chaque fois qu’il pénètre dans cet abattoir, ce charnier qu’embrument, toujours plus épaisses, des vagues de miasmes putrides, il se sent submergé par l’impression bizarre, et pourtant parfaitement appropriée, qu’il rentre une fois de plus chez lui
...les médecins comme les prêtres, ont au moins le devoir de feindre une science qu'en fait ils ne possèdent pas. Pour sa part, plus il continue à pratiquer et à étudier, plus forte et plus irrémédiable est sa conviction de ne rien savoir. Rien qui compte vraiment. (p 22-23)
Tassé sur les genoux, Mooney souleva un coin de la bâche et le tint en l'air entre le pouce et l'index : le geste était assez délicat et faisait penser à quelqu'un qui serait en train de ramasser un napperon en dentelle. Cela n'en restait pas moins incongru pour quelqu'un de son diamètre. Sous la toile, il y avait un homme : la quarantaine un peu frêle, il avait les yeux grands ouverts. Tel un hortensia qui vient de fleurir, une excroissance en forme d'ampoule électrique rosâtre lui sortait du crâne, sur le côté de la tête. Mooney fit attention à ne pas laisser traîner la semelle usée de ses oxfords noirs dans la flaque rouge qui partait de la toile. Le sang de la victime continuait de dégouliner sur le trottoir.
Pas très loin de là, il trouva un bloc de ciment d'environ vingt-cinq centimètres de côté sur dix d'épaisseur. Il devait peser dans les vingt kilos. Mooney calcula que, de la hauteur où il était tombé, l'objet avait dû atteindre une vitesse de trois cent cinquante kilomètres-heure en arrivant par terre. Il s'était cassé en quatre morceaux bien nets et pratiquement égaux.
― Ça l'a écrabouillé comme une punaise sous un quinze tonnes, grommela-t-il sans faire attention au flic de service qui se penchait au dessus de lui.
"...la tête numéro 2 appartient au même corps que le tronc complètement reconstitué et que la tête numéro 1 appartient au même corps que le tronc supérieur partiellement reconstitué."
Ce fut d'une étrange façon que Richard Atlee entra dans notre famille. Je ne sais si c'est nous qui l'avons adopté, ou le contraire. en réalité, cela n'a aucune importance. Ce fut peut-être un accord tacite entre nous. Il était seul, et nous aussi. Tout était prêt pour la rencontre.