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Citation de Xav93140


De plus en plus, la recherche de cause se révèle inadéquate et tend à être remplacée par une recherche des lois. La physique mathématique a fait éclater la notion de cause. Aujourd'hui les phénomènes physiques décrits à l'aide de lois mathématiques, c'est-à-dire d'équations qui permettent à partir d'un état donné d'un corps de prédire ce que vont être les états suivants. La notion classique de cause a disparu dans la façon de décrire ce phénomène. Pour Wittgenstein, la croyance en la réalité d'une relation de cause à effet éprouvée dans le temps n'était que superstition. En physique, cette évolution est difficilement contestable parce qu'elle est formalisée, mathématisée. En ce qui concerne les autres sciences, la biologie, les sciences humaines, la médecine, il est difficile de pousser la dénonciation jusqu'à ce point, et l'on recherche encore des causes. Il serait alors prudent d'appliquer la distinction spinoziste entre cause adéquate et causes inadéquates, entre cause partielle et cause totale. En biologie et en médecine, il y a malheureusement encore beaucoup de confusion dont les effets sont très dommageables, parfois catastrophiques.

L'exemple le plus tristement connu nous ramène dans les années cinquante : on avait remarqué que des femmes qui faisaient des avortements spontanés récurrents présentaient un taux d'oestrogènes urinaires plus bas que la normale. Sur la base de cette corrélation statistique faible, on a déduit que l'avortement était causé par ce déficit et l'on a prescrit à ces femmes un médicament, un œstrogène de synthèse, le distilboene. La mode était aux hormones. Vingt ans plus tard, beaucoup de filles nées de ces grossesses ont développé des cancers gravissimes du vagin ou de l'ovaire. Scandale : une étude statistique n'avait montré qu'une corrélation. L'autre étude aurait consisté à rechercher chez les femmes qui avaient un taux d'oestrogènes plus bas que la normale le pourcentage de celles qui avortaient. Mais cette seconde étude, plus lourde, n'avait pas été faite. Plus tard, elle a montré que la corrélation était le fait d'une causalité en direction opposée : les avortements à répétition sont la cause de la baisse du taux d'oestrogènes. Une relation de causalité avait été déduite sans raison. Deux erreurs se sont ajoutées : une première confusion entre corrélation statistique et causalité ; puis une confusion entre cause partielle et cause totale. Il y a bien une forme de superstition dans cette recherche des causes à tout prix et cette incapacité à accepter qu'un évènement puisse exister sans qu'on en connaisse la cause.
(pages 37 à 39)
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