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Critiques de Fatou Diome (295)
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Le ventre de l'Atlantique

Sous le charme de ce roman aussi solaire que mélancolique, c’est un périple au cœur du Sénégal qui vous attend à l’approche de ce magnifique livre.



L’auteure y relate dans une écriture incandescente les désillusions pour les immigrés à vouloir rejoindre la France, Terre de toutes les promesses. De chez elle à Strasbourg, elle est parvenue à échapper à la pauvreté de son pays ayant un don certain pour l’écriture. Elle se débat entre les rêves déchus de ses proches, la réalité ombragée de la France, la nostalgie qui peuple son cœur au souvenir de son pays.



Ce livre est une pépite qui ravira les amateurs d’histoires et légendes africaines. L’auteure nous raconte les secrets de sa Terre, les marabouts, les coutumes ancestrales, la surnatalité, les croyances dépassées. Le tout s’articulant autour du football, coupe d’Europe, coupe du monde, une passion pour son frère et beaucoup de jeunes qui pensent être la prochaine star du ballon rond. Mais seules les noix de coco fracassent les têtes, la réalité est amère, un monde sépare l’Afrique et la France qui n’ont pas toutes deux les mêmes préoccupations.



La plume de Fatou Diorme est habillée d’une élégance folle, il y a comme de l’envoûtement dans ses mots tant toutes ses descriptions sont à fleur de peau. On pourrait souligner tout le livre tant il résonne au son du tam tam africain ou des rêves qui se fracassent par terre.



Un magnifique livre ode à l’espoir, la liberté sous un ciel qui est pourtant et au final, le même pour tous.
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Le ventre de l'Atlantique

Fatou Diome a 32 ans quand elle écrit « Le ventre de l'Atlantique ». Enfant illégitime, Fatou est née au Sénégal puis elle a émigré en France, à Strasbourg, où elle termine en 2003 un doctorat de lettres modernes. Rejetée par les siens pour cause d'illégitimité, elle se propose dans cet ouvrage de nous expliquer l'Afrique, mettant l'accent sur la vraie nature de l'Eldorado que représente la France pour les jeunes Sénégalais.



Dans ce premier roman, Fatou se met en scène : elle raconte, sans pudeur, son émigration, ses joies et ses déboires. Son regard est lucide, acéré et sans complaisance : elle dénonce les obstacles à l'immigration, les rigueurs de l'hiver strasbourgeois, les chimères, la pauvreté, la précarité des exilés, leur misère, la promiscuité des foyers Sonacotra, la ségrégation, le racisme et la solitude de ses frères Sénégalais, partis à la recherche d'un petit coin de paradis. La France, terre d'accueil, a un gout amer pour Fatou Diome. Elle se souvient. Son frère, voulait la rejoindre pour entrer dans un club de foot, devenir un champion et gagner des millions : l'argent, synonyme d'ascenseur social, était censé faire des miracles. Il la relançait au téléphone, sans arrêt, et lui demandait de lui payer un aller simple en avion pour venir en France. Fatou arrivera à l'en dissuader. Elle a eu du mal à lui faire comprendre et à faire admettre aux siens que cette France mythique vers laquelle ils portaient tous leurs regards ne valait pas leur petit coin de terre, Niodor, petite ile située au sud-ouest du Sénégal, lieu de naissance de la narratrice.



Le style de Fatou Diome est vivant, assez coulé, attachant, fleuri et parfois passionné. Vous découvrirez des scènes de vie du village, la gastronomie locale réduite au couscous de poisson, au thiéboudjéne et au poulet yassa, les coutumes ancestrales, les marabouts qui promettent monts et merveilles (« elle courra derrière toi comme un chien derrière son maitre »), les parents qui marient leurs filles de force, les petits commerce, les dettes qu'on ne peut rembourser, des émotions, des cris de désespoir et des joies. Dans le récit de Fatou Diome, l'Afrique en prend également « pour son grade », car, voyez-vous, l'Afrique n'est pas un Eldorado sauf pour quelques quinquagénaires occidentaux attirés par les beautés locales, tentés par de petits trafiques et se soulant au whisky dans des hôtels cinq étoiles pour touristes. Quelques touches de poésie émaillent l'ouvrage. Les personnages sont très typés : il y a Salie (en fait l'auteure) qui vit en France, Mandické qui veut devenir champion de foot dans un club Français, Sankélé jeune femme au destin tragique (puisque son mari jette en mer le fruit illégitime de ses entrailles), El-Hadj, l'homme de Barbès, revenu à Niodor après s'être enrichi à Paris, Paolo Maldini, superbe idole du football Italien, Ndogou, ex-collégienne et responsable du centre téléphonique de Niodor, Ndétaré, l'instituteur marxiste et syndicaliste qui apprendra quelques rudiments de français à Mandické, Moussa, immigré qui reviendra au pays en charter, encadré par les gendarmes, et qui se suicidera, incapable de se refaire une vie convenable au pays, Gnarelle, une seconde épouse (au Sénégal, c'est la polygamie), qui pour récupérer son mari n'hésitera pas à coucher avec un marabout, Garouwalé, grand adolescent toujours prêt à dire et à redire, et encore bien d'autres ...



Alors, ce premier roman vaut-il le détour ? Oui, si vous êtes passionné par les problèmes de l'immigration. Mais, autant vous le dire, dans cet ouvrage le football est partout, alors si vous n'êtes pas accroc à ce sport vous aurez probablement du mal à poursuivre votre lecture. Un autre point à noter, « Le ventre de l'Atlantique » a manifestement été écrit par une auteure que les thèses marxistes ne laissaient pas indifférente : en Europe, vous êtes d'abord noirs, accessoirement citoyens, définitivement étrangers (page 202). Alors, au-delà de l'absence de concessions, vous aurez peut être l'impression de lire un tract stigmatisant la condition ouvrière des immigrés Africains en France car l'Afrique y apparait comme manifestement manipulée par l'occident : génération africaine de la mondialisation, attirée, puis filtrée, parquée, rejetée, désolée, nous sommes les Malgré-nous du voyage (page 250). Un peu grosse, la ficelle ? Peut-être, car si l'Afrique peine à retenir les siens c'est aussi parce qu'elle ne se presse pas de bâtir les conditions de la confiance dans un avenir local. Maintenant, prenons un peu de recul. Ce que nous conte Fatou Diome, c'est le mal-être de tout être humain déraciné. Elle sent manifestement qu'elle n'est plus tout à fait Sénégalaise et qu'elle ne sera jamais tout à fait Française. C'est probablement la triste réalité de tout immigré, qu'il soit Africain, Brésilien, Russe, Chinois ou d'une autre nationalité. Fatou est une exilée en permanence (page 294); elle est désespérément en quête d'une terre d'accueil (page 295). Douce utopie ? On est toujours rattrapé par son histoire personnelle, accroché à ses racines. Alors oui, Fatou Diome souffre : elle écrit, répondant à une voix intérieure qui lui intime d'obéir, pour dire et faire tout ce que sa mère n'a pas osé dire et faire (page 262) mais aussi pour exprimer sa solitude d'immigrée et son regret d'être rendue si loin du rugissement des pagaies, des parfums de la mer et des algues de l'Atlantique. Le mal du pays dans toute sa splendeur !



Un livre authentique, simple, à mi-chemin entre politique et roman auto-biographique. A ne pas négliger.
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Celles qui attendent

Dans un petit village sur une île sénégalaise, tout le monde rêve de meilleurs jours ou plus simplement d'un avenir. L'Eldorado est l'Europe, devenue l'objectif de beaucoup de jeunes hommes prêts, au risque de leur vie, de tenter l'aventure. C'est l'histoire de 4 femmes, mères et épouses, qui espèrent le retour du fils, du mari, accompagné par la réussite sociale et financière que peut lui apporter l'émigration. Emigration car nous sommes dans le sens Afrique/Europe.



Difficile de commencer une critique face à ce riche ouvrage, tant il génère des émotions.



Le style : très fluide, riche, tour à tour revendicateur et poétique. L'auteure nous livre une magnifique écriture. Elle nous plonge au cœur de l'Afrique, avec ses couleurs, ses traditions.



Les personnages : nous partageons surtout la vie d'Arame, mal mariée, à qui l'océan à déjà prit un fils. Elle tente par tous ses pauvres moyens de nourrir les petits-enfants qu'il lui a laissé. Son deuxième fils est sans ressource, c'est pourquoi il ambitionne de rejoindre l'Europe, en espérant améliorer le quotidien de sa famille.

Ensuite, la meilleure amie d'Arame, Bougna. Bougna est une coépouse. Entre elle et la première épouse de son mari, c'est une compétition acharnée. Tout semble réussir à la progéniture de la première épouse alors Bougna pousse son fils à quitter le continent africain. Elle suggère aussi à Arame de faire la même chose avec son fils Lamine.

Et puis, il y a les deux belles-filles. Toutes, leur fils ou leur mari partis, attendent, espèrent.

Et puis, il y a le village, avec ses non-dits, ses secrets de famille, sa solidarité, ses petites jalousies et aussi ses mesquineries.

Les personnages sont merveilleusement décrits. Lecteur, on partage leur vie, leurs angoisses, leurs pensées les plus intimes. Tout doucement, dans l'attente, avec ces femmes, nous partageons leur difficile quotidien, leur condition de femmes soumises, asservies. L'Afrique vécue de l'intérieur, loin des clichés véhiculés par les touristes qui envahissent les plus belles plages du Sénégal. Cette Afrique que je retrouve au fil des pages, celle que je connais un peu pour régulièrement m'y rendre pour des missions de courtes durées de coopération. Celle où les petits villages sont des chaudrons de misère, sans ressource ou presque, sans eau courante, parfois sans électricité. J'ai aimé revire ces expériences grâce à ce livre.



Et puis le fond : riche et profond, parfois politique, parfois féministe, toujours émouvant. Il nous apporte un regard venant du côté de l'émigration. Pas celui que nous, Européens avons, pas celui de cette Europe qui dresse des barbelés à ses frontières pour se protéger des migrants. Pas de cette Europe égoïste, celle qui veut bien accueillir des immigrés si elle peut les trier, les sélectionner pour le profit de son économie. Ce livre crie l'injustice. Celle de la pauvreté, celle de l'inégalité. Et puis, il y a l'espoir. Celui qui n'abandonne jamais ces femmes qui attendent. Celui qui leur donne la force de continuer. Celui qui crée l'espérance et parfois, malgré l'angoisse, offre un peu de répit et de gaité à ces femmes courageuses.



Je pense que ma critique ne peut être que superficielle devant la richesse de ce livre. Fini, il me laisse de profondes réflexions, des émotions fortes. Je ne peux, pour bien finir, que vous inviter à le lire et à vous forger votre propre opinion.



Une dernière citation, qui claque comme la morale de ce livre : "Ceux qui nous font languir nous assassinent. "



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Le ventre de l'Atlantique

Voilà un premier roman enthousiasmant qui montre avec un regard acéré, la chimère que représente la France pour de jeunes africains. Salie elle, est sur le sol français, seule après un mariage et un divorce qui la laisse seule et désemparée, elle découvre bien vite que l’Eldorado est jonché d’obstacles, bien loin de l’image rêvée. Que la précarité est le lot de nombreux exilés. Son jeune frère Madické, plutôt bon footballeur rêve de rejoindre sa sœur pour lui aussi « profité du Paradis idyllique ».

Un double regard que Fatou Diome (qui elle-même a vécu cette expérience en débarquant à Strasbourg) sait de quoi elle parle.

Son roman est réussit car il n’est jamais dictatique, l’auteur manie avec talent humour, légèreté, pour porter un regard lucide sur une triste réalité. Le tout dans un style fluide, généreux et très attachant. L’espoir fait vivre, mais combien de temps ?

Un joli roman pour découvrir l’univers de Fatou Diome.
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Kétala

Voici un roman atypique, à la belle langue, à la fois joyeux et tendre, qui nous plonge d'une maniére peu usitée au coeur de la tradition orale de l'Afrique, plus précisément au Sénégal, terre de naissance de l'auteur.

"Le Ketala "est le partage de l'héritage .

Il disperse l'ensemble des meubles ou objets qui jalonnaient la vie de celui ou celle qui n'est plus.

En l'occurrence , ici celle de Mémoria, leur défunte propriétaire, tant admirée et aimée.

"Lorsque quelqu'un meurt ....nul ne se soucie de la tristesse de ses meubles. "Peut être des souvenirs magnifiés, réinterprétés ou pire falsifiés. .....

L'auteur nous convie par ce biais original à restituer par la voix des meubles , "réunis" en assemblée, tels "vieux collier de perles"," oreiller" ," canapé, "mouchoir," statue d'ébène " babouches", "montre, "....témoins silencieux de la vie de Mémoria, de ses joies et de ses peines , à lui rendre hommage , en racontant tout ce qu'ils savent ....Un dialogue qui met mal à l'aise au début s'instaure entre ces familiers de l'héroïne disparue.

Le lecteur par ce biais surprenant et inédit revoit la vie de cette jeune femme arrivée vierge au mariage . Elle se voit confiée à un homme choisi par sa famille ....

On découvre les traditions familiales de là bas: pression de la famille, mariage arrangé, culture orale transmise de génération en génération, autorité incontestable du père, simulacre d'union non consommée, solitude à l'ombre d'un époux homosexuel trés discret.

Un drôle de livre magnifiquement écrit, doux, subtil , déroutant et original, nous plongeant au coeur de l'Afrique , qui peut ne pas plaire à tout le monde , de par sa forme ....

C'est aussi un ouvrage de mémoire et de transmission, un bel hommage fin, pétri de poésie,et émouvant à la tradition orale de l'Afrique, à ses particularités et à sa culture ancestrale ....
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Le ventre de l'Atlantique

Le Ventre de l'Atlantique c'est l'île de Niodior, île sénégalaise dans la région du Sine-Saloum. Sur ce morceau de terre battu par les marées les quelques habitants vivent essentiellement de pêche, d'agriculture vivrière et de rêves. Rêves d'évasion, rêves de richesse, rêves de sportifs adulés, tout les portes vers la France. Il reste à Niodior "une sorte de colonisation mentale". "À leurs yeux, tout ce qui est enviable vient de France."



L'héroïne, enfant illégitime, a fini par s'exiler et vit en France. Ce choix ne s'est pas fait de gaieté de cœur et elle ne vit que pour sa passion de l'écriture et pour son demi-frère Madické. Fatou Diome réussit à nous faire emprunter sa souffrance, sa double appartenance, elle est partout chez elle mais ne se sent nulle part légitime, Noire en France, égoïste et individualiste dans son village natal.



Madické est trop jeune pour comprendre et dédie tout son temps libre à sa passion, le football. Admirateur du joueur de la Squadra Azzurra Maldini, qu'il rêve de rencontrer une jour, il n'a d'yeux que pour la France et son équipe nationale composée de nombreux joueurs sénégalais. Lui et ses jeunes compagnons de jeu n'ont qu'un vœu : partir pour la France et y faire fortune. Les rares exilés rentrés avec succès au bercail, les poches pleines et la bouche conteuse, les poussent en ce sens.



Mais où est la vérité dans ce jeu de dupes ? Les hommes rentrés au village racontent-ils vraiment la façon dont la France, pays des Droits de l'Homme les a accueillis ? La vie en France est-elle aussi facile qu'il y semble ?

La sœur de Madické, elle, sait que le racisme y est toujours vivace, que le chômage y est bien présent et que, sans papiers et sans qualifications, la course à l'emploi est une chasse au trésor qui mène le plus souvent au poste de police. Après un petit séjour en cellule on vous remet finalement votre trésor, "une IQF, une invitation à quitter la France". Elle sait aussi que, "Blottis sous les ponts ou dans les dédales du métro, les SDF doivent parfois rêver d'une cabane en Afrique."



Aidée de Ndétare, l'instituteur du village qui tente sans repos de raisonner les jeunes de l'île, elle fait tout son possible pour que son petit frère adoré ne se trompe pas de chemin. Mais comment faire entendre raison à des enfants innocents ? Comment affronter son frère, ce jeune homme prêt à sortir ses griffes si on l'empêche de suivre son destin ?



C'est ainsi que Fatou Diome, utilisant adroitement sa propre expérience, aborde les différents problèmes liés à l'émigration et à l'immigration, sans langue de bois, sans épargner personne. D'une franchise absolue et avec beaucoup d'humour, elle dénonce aussi bien les indélicatesses de la France et son racisme perfide, que le poids du devoir qui accompagne la vie sur son île, une vie âpre et dédiée au partage. En comparaison, la vie occidentale et sa culture de l'individu libère des contraintes de la communauté mais en contrepartie confronte à "l'Ultra Moderne Solitude".



Le style de Fatou Diome est très abordable et sans fioritures, il a seulement manqué pour moi de fluidité et de constance : il est à la fois truffé de magnifiques perles telles :



"Pêcheur de fortune, il se sentait pris dans les filets du destin. Son horizon se liquéfiait sous ce longs cils noirs."



"Seul, face à l'eau, il dérivait comme une barque vers la mer noire de ses souvenirs."



"Sur ce coin de la Terre, sur chaque bouche de femme est posée une main d'homme."



"Le sentiment d'appartenance est une conviction intime qui va de soi ; l'imposer à quelqu'un, c'est nier son aptitude à se définir librement."



mais aussi de longueurs, entre autres sur le football qui occupe une grande place dans le roman. Non pas que je déteste ce sport (faux !), mais le résumé de la finale de la Coupe d'Europe France/Italie 2000 ne fût pas vraiment une sinécure pour moi... J'ai noté toutefois que c'était l'occasion pour Fatou Diome de dénoncer un marché juteux et une belle hypocrisie comme le recrutement de jeunes joueurs étrangers à qui on promet monts et merveilles mais qu'on renvoie sans scrupules et sans ballons dans leur pays d'origine s'ils ne tiennent pas leurs promesses. La peau noire est acceptable à condition de faire honneur au pays mais gare au faux pas ou de fabuleux français, vous redevenez juste Noir.



Bref, un bon premier roman avec de très belles choses et quelques longueurs qui me font baisser la note, mais "C'est un beau roman, c'est une belle histoire" et j'en recommande la lecture.



Je remercie chaleureusement mon ami aouatef79 qui m'a fait découvrir cette auteure vers laquelle je reviendrai sans hésitation.
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Impossible de grandir

Salie est une jeune femme établie à Strasbourg, exerçant le métier de romancière, originaire du Sénégal où elle a passé son enfance. Elle a des ami(e)s, les rencontre souvent dans des restaurants, ne recevant que très peu chez dans son appartement. Sa meilleure amie va provoquer une angoisse inexorable et des terreurs enfouies depuis son enfance, en l’invitant à dîner, dans deux jours, juste un repas familial. C’est justement le familial qui provoque cette angoisse.



Salie a esquivé toutes les invitations de Marie-Odile jusque-là et cette dernière a insisté, presque ordonné sa présence ce soir-là. Elle va ruminer pendant deux jours, sans pouvoir arrêter les pensées intrusives faisant remonter les causes de cette terreur de la famille, nous raconter sa vie d’enfant illégitime, protégée par ses grands-parents, maltraitée par ses oncles, tantes et sa mère qui a refait sa vie.



Le problème vient aussi de son double, la petite, qui lui rappelle ses tourments, lui demande d’être plus franche, sincère, plus honnête aussi vis-à-vis de son passé.



C’est un livre de thérapie, Une histoire d’enfant illégitime maltraité par les siens au nom de croyances stupides, certes, poétique, émouvante, qui parfois, s’égare sur de longs moments de pensées. Et puis, au détour de longs monologues, des mots plus percutants, des phrases jetées comme des cailloux, comme pour se frayer un chemin. C’est aussi une histoire sur l’amitié. N’impose-t-on pas sa propre vision de la vie à ses ami(es) ? Ne peut-on pas respecter et accepter les refus, sans demander de vastes explications et excuses ? L’amitié devrait être basée sur le respect et la bienveillance, non ?



Alors si devenir adulte n’est plus s’enfuir mais faire face, il serait bien, aussi, d’être aidé, en étant respecté dans ses choix de vie.
Lien : http://pyrouette.canalblog.c..
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Inassouvies, nos vies

L'aide-soignante de Félicité était un ordinateur sur pattes.

Quelle coïncidence !



La poésie, la sagesse, la tendresse. Il est des livres - rares ! -où l'on se sent tout de suite chez soi. Des ports où l'escale ne se refuse pas. Une présence, une voix vous convient à entrer, à écouter, à vous laisser entourer d'une histoire …On s'assied, fasciné, sans savoir pourquoi ou par quoi.



Une histoire, ou plutôt une vie. La vie de Betty. Une vie, apparemment, sans histoire. On ne sait rien de son métier, ni de sa famille ou de ce qui l'intéresse. Elle s'intéresse… aux autres. Elle essaye de comprendre qui ils sont. Les gens de l'immeuble d'en face. En les observant, Betty la Loupe. En se renseignant auprès de la boulangère, qui confesse tout le quartier. Elle apprend. Elle comprend. Les amours, les habitudes, les ruses. Elle se rapproche de certains de ses sujets d'étude. En particulier d'une octogénaire, qu'elle surnomme Félicité. La doyenne. Une dure à cuire, mariée peu avant la guerre, elle y a perdu son mari. Veuve, elle est allée travailler en usine. N'a jamais voulu utiliser un centime de sa pension de veuve de guerre - ils me l'ont pris ! je ne vais pas collaborer ! - et vit seule avec son chat. Qui finit par succomber au gavage d'affection et de blanc de poulet.



Passant ainsi en revue toutes ces vies, elle note l'universalité du manque, du besoin. La présence de l'inassouvi dans toutes ces existences, et en tant de domaines. Ainsi est-elle mise, brutalement, en face de ce qui reste inassouvi chez elle. La disparition, il y très longtemps, au temps de l'enfance et des jeux, d'une amie. Irremplaçable. Depuis, l'attente. L'attente d'un retour qui ne viendra jamais. Et le deuil, qui ne peut pas se faire. La vie elle-même, mise en veilleuse, la vie vécue en retrait. La vie que l'on n'ose plus vivre, puisqu'elle trahit et vole justement ce qui fait vivre: l'amitié, la confiance, l'intimité.



Les lecteurs qui consulteront la bio de Fatou verront qu'il y a de quoi alimenter les questionnements concernant l'identité, les racines, les sources de vie. L'on est en droit de supposer un roman qui aura puisé largement dans le vécu. Quant à moi, je constate que la plupart des romans qui constituent ma lecture sont des choses que j'essaye de comprendre.Je me suis fait ainsi. Balzac, Malraux, Pagnol,Yourcenar : quelques auteurs arrivent, on ne sait trop comment, à avoir un contact d'un ordre très différent. S'il y a cotte de mailles analytique, ils passent à travers. Tout de suite et de façon directe, dès les premiers paragraphes. C'est franchement fulgurant. On se sent immédiatement en présence de quelqu'un. Balzac, Malraux, Pagnol, Yourcenar, et Fatou Diome. Ca la ferait rire.



Oui, bien sur, coup de coeur. Si ce n'était que cela.











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Marianne porte plainte !

l''écrivaine franco-sénégalaise ,Fatou Diome , est en colère mais il s 'agit d 'une colère saine car elle s 'élève contre ceux qui en France n 'arrêtent pas de déverser leur fiel contre d 'autres Français dont leur seul crime est d' avoir une peau Noire ou d 'avoir des cheveux crépus , ou d' avoir une religion différente . Les différences sont nombreuses et on n 'a pas à les cité toutes .Fatou Diome clame haut et fort à tous ces gens indignes qu 'elle est avant tout une Française et fière de l 'être . Elle est Française par choix et par amour du pays de Marianne .Aucun autre Français n 'a plus de mérite qu 'un autre Français .Elle dit à ses détracteurs inconscients qu 'elle a galéré durant huit ans où elle a entendu tous les quolibets , elle a subi pas mal de vexations et qu 'elle fait de petits boulots pour arriver là où

elle est arrivée aujourd'hui .

Aujourd'hui ayant un emploi valorisant et un salaire digne

d 'elle : elle travaille et paie ses impôts ! Pour s 'éloigner du marécage du racisme , de la xénophobie ,de l'islamophobie et autre alors elle propose de s 'asseoir autour d 'une table et de débattre du concept de l 'identité nationale .Certes la France est un pays laïque mais il ne faut pas l 'instrumentaliser pour d'autres raisons politiques et ne pas s 'en servir d 'elle comme un registre de commerce .

l''auteur , Fatou Diome , met en avant l'éducation , pilier fondamental pour la construction d 'une nouvelle identité nationale .

Ayant eu l 'occasion , plusieurs fois , de la voir à la télévision française débattre des problèmes du racisme , de l 'identité nationale et autres sujets : on est frappé par

la force de caractère de cette femme , la logique de ses

arguments qu 'elle défend avec force et conviction . Une

vraie battante . Elle défend la France beaucoup mieux

que d 'autres Français supposés de souche .

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Le ventre de l'Atlantique

"Le Ventre de l' Atlantique", est le premier roman de l'écrivaine sénégalaise ,Fatou Diomé .Cette dernière , après quelques aléas de la vie ,s' est installée à Strasbourg après avoir divorcer d' avec son mari français .Elle s' est inscrite à l' université de cette ville où elle à fait des études supérieures et a obtenu son doctorat en Lettres françaises .

Ce roman est aussi autobiographique .Madické est le frère de Fatou il vit au pays , le Sénégal .Il a un rêve :devenir un footballeur professionnel à l'instar de son idole ,Paolo Maldini .En téléphonant chaque semaine à sa soeur pour lui venir en aide et rentrer en France pour réaliser son rêve .La soeur est harcelée et essaie de convaincre son frère qu' il y a une grande distance entre le rêve et la réalité .Elle lui explique la précarité des immigrés africains

en France .

Caustique et humoristique, le roman "Le Ventre de l'Atlantique",explore avec lucidité et perspicacité la question migratoire .L' auteure ,nous convie à

un voyage mental et social au coeur de l'immigration .Le thème de cette dernière est abordé à travers le prisme du foot-ball .

Il s' agit d' un récit poétique sur l' immigration ".Le Ventre de l' Atlantique",

est un roman qui a placé , son auteure ,Fatou Diomé ,comme une grande

figure de la littérature féminine africaine .

Un bon et beau roman qui mérite d' être lu et médité .









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Inassouvies, nos vies

Betty, jeune femme célibataire, aimerait bien se laisser aller. Se laisser-aller à vivre. Mais la vie lui fait peur.

« Au beau milieu de ce mot, il y a le I de l’Inassouvi. Vie, trois lettres, pour les trois parts de notre existence : entre le V de vivre et le E de Exister, se dresse, impériale, la colonne, ce I de l’Inassouvi. Cette césure dans le mot vie, fend le coeur de l’homme et le fait vaciller, en permanence, entre le vide et le plein, entre le fuyant et le saisissable, entre le doute et l’espoir. »



Aussi pour se mêler aux autres à sa façon, entreprend-elle d’observer ses voisins, ceux de l’immeuble d’en face. Et c’est là que petit à petit, elle va s’ouvrir aux autres, apprendre à les connaître et à se connaître elle-même...

« De son étude des différentes vies qui l’entouraient, elle espérait tirer un solide enseignement afin de mieux orienter ses pas. Inassouvi, notre besoin de modèle pour vivre. »



Inassouvies, nos vies ? Oui, sans doute. Mais il me semble que c’est bien là le but de notre existence. Avancer. Essayer. Tomber. Se relever. Mais surtout oser. Oser en dépit de tout mais aussi de tous. Et c’est à travers de multiples réflexions, paraboles ou exemples que Fatou Diome nous emmène à écouter Betty. Il y a beaucoup de poésie dans son écriture et beaucoup d’acuité aussi dans le constat que l’auteure dresse sur notre société : la solitude, la vieillesse, le couple, l’immigration, mais surtout l’amour et le don de soi sont au coeur de ce roman très attachant.

Un petit bijou de lecture !
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Celles qui attendent

"Celles qui attendent" ce sont la mère et la femme d'Issa et de Lamine, ces jeunes aventuriers au rêve d'immigration vers l'Europe pour les faire vivre mieux.



Ce roman nous narre avec sensibilité la vie dans un petit village du Sénégal où l'aspiration au grand départ est omniprésente chez les jeunes. Des pensées humanistes ponctuent l'histoire : "Il n’est pas vrai que les enfants ont besoin de leurs père et mère pour grandir. Ils ont seulement besoin de celui qui est là, de son amour plein et entier"; elle est également émaillée de réflexions bien senties d'ordre politique à propos de l'alphabétisation : "Alphabétiser les filles, surtout en zone rurale, serait leur ouvrir, dans le mur des archaïsmes traditionnels, une brèche salutaire", à propos de l'immigration : "Alors quand on entend "immigration choisie", "on peut se demander : qui choisit qui, comment et pour quoi faire ?" ou encore à propos de l'aide humanitaire (voir citation).



Le style est très imagé et coloré de proverbes africains : "Ne choisit pas ton épouse un jour de fête dit l'adage, tu pourrais ne pas la reconnaître après", "Une calebasse de mil n'empêche pas le bélier de sortir de son enclos mais elle peut lui donner envie d'y revenir", "Pour garder un homme, il faut le tenir doublement par le ventre".



Ce récit est doté d'une belle écriture, avec une profondeur mais aussi des rebondissements qui romancent la vie des personnages dans un univers pourtant réaliste.

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Inassouvies, nos vies

"Inassouvies ,nos vies" , est un roman de l 'écrivaine sénégalaise ,Fatou Diome .Son oeuvre explore notamment les thèmes de l 'immigration en France , la relation entre cette dernière et ses ex-colonies africaines dont le Sénégal .Fatou Diome , fille naturelle , elle est rejetée par toute la société y compris par les membres de sa famille .Elle est élevée par sa grand-mère et son grand-père .Elle va à l 'école et poursuit ses études jus qu 'au baccalauréat .A vingt-deux ans , elle tombe amoureuse d 'un Français ,se marie et décide de le suivre en France . Rejetée par la famille de son mari , elle divorce deux ans deux ans plus tard .En grande difficulté et abandonnée à sa condition d 'immigrée en France ,pour pouvoir subsister et financer ses études , elle doit faire des ménages pendant six ans .En 1994 , elle s 'installe à Strasbourg . Elle y poursuit ses études et obtient un diplôme d 'études supérieures .Elle s 'y consacre à l 'enseignement . C 'est une pédagogue .( j ' ai estimé cet éclairage sur la vie de l 'auteure , nécessaire) .

"Inassouvies ,nos vies", est un roman sur l 'amitié et la solidarité envers les gens du troisième âge .Betty , la trentaine , solitaire , passe son temps à observer les habitants de l 'immeuble d 'en face .Son attention se focalise sur une vieille dame . A cause de son air joyeux et

son entrain ,Betty la baptise Félicité .Cette dernière est une vieille très digne .Elle est placée, contre son gré par des enfants indignes ,dans une maison de retraite .Ayant

appris la nouvelle , Betty vient lui rendre chaque semaine .La vie de Betty est d 'une grande simplicité .Une grande

amitié s 'est établie entre elles .Le jour où Félicité meurt ,

son monde s 'écroule . Elle essaie bien de se raccrocher à

l 'amitié d 'un homme de rencontre , mais celui-ci meurt à

son tour . Alors Betty décide de larguer les amarres et de

partir sans laisser d 'adresse et sans espoir de retour .

Ce récit nous laisse apprécier la générosité de Betty et son amitié sincère pour Félicité .Le livre est triste et

mélancolique .







































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Le ventre de l'Atlantique

Entre la France et le Sénégal, il y a l'Atlantique, qui charrie d'une rive à l'autre les rêves d'Eldorado des uns, et les regrets, la honte ou la nostalgie des autres.



Dans le sens sud-nord, Madické, comme beaucoup de jeunes hommes de son âge, se voit en future vedette du ballon rond arpentant les stades de France, et compte sur sa soeur Salie, installée à Strasbourg depuis plusieurs années, pour le faire venir sur cette Terre Promise. Une ambition légitime, claire et nette, et une conviction absolue que l'avenir est en Europe.



Dans le sens nord-sud, la situation est beaucoup plus complexe pour Salie qui, comme beaucoup d'émigrés, vit chichement, solitaire, et voudrait convaincre son frère que la France n'est pas le paradis qu'il s'imagine : « Pour Madické, vivre dans un pays développé représentait en soi un avantage démesuré que j'avais par rapport à lui, lui qui profitait de sa famille et du soleil sous les tropiques. Comment aurais-je pu lui faire comprendre la solitude de l'exil, mon combat pour la survie et l'état d'alerte permanent où me gardaient mes études ? N'étais-je pas la feignante qui avait choisi l'éden européen et qui jouait à l'éternelle écolière à un âge où la plupart de mes camarades d'enfance cultivaient leur lopin de terre et nourrissaient leur progéniture ? Absente et inutile à leur quotidien, à quoi pouvais-je servir, sinon à leur transvaser, de temps en temps, un peu de ce nectar qu'ils supposaient étancher ma soif en France ». Peine perdue, le nectar est amer pour Salie et la légende est entretenue par les exilés qui rentrent au pays en étalant leur fortune de pacotille, autant de poudre d'or jetée aux yeux de ceux qui ne demandent qu'à les croire. Tout, plutôt qu'avouer la précarité économique, voire administrative, vécue en France, et le temps fou mis pour économiser le prix du billet d'avion et celui des innombrables cadeaux à ramener obligatoirement au pays, sous peine de se faire traiter de radin, d'égoïste ou d'individualiste.



« Le ventre de l'Atlantique » montre donc l'océan d'incompréhension qui advient entre ceux qui partent et ceux qui restent, ceux qui échouent en exil sans oser l'avouer ou même rentrer au pays, et ceux du pays, impatients de partir, persuadés de réussir dans cet Ailleurs où l'herbe (surtout celle des terrains de foot) est nécessairement plus verte.



Roman de l'amère réalité de l'émigration, « Le ventre de l'Atlantique » est aussi le roman de la nostalgie du déracinement et de l'impossible retour au « comme avant » : « Irrésistible, l'envie de remonter à la source, car il est rassurant de penser que la vie reste plus facile à saisir là où elle enfonce ses racines. Pourtant, revenir équivaut pour moi à partir. Je vais chez moi comme on va à l'étranger, car je suis devenue l'autre pour ceux que je continue à appeler les miens. Je ne sais plus quel sens donner à l'effervescence que suscite mon arrivée. Ces gens qui s'attroupent autour de moi viennent-ils fêter une des leurs, me soutirer quelques billets, s'instruire sur l'ailleurs qui les intrigue, ou sont-ils simplement là pour observer et juger la bête curieuse que je suis peut-être devenue à leurs yeux ? »



Dans son premier roman (autobiographique), Fatou Diome n'épargne ni l'Occident, qui exploite les travailleurs migrants, ni l'Afrique, qui ne fait rien pour faire évoluer les esprits et améliorer le sort des plus précarisés : « Faites émigrer de vos têtes certaines habitudes bien ancrées qui vous chevillent à un mode de vie révolu. La polygamie, la profusion d'enfants, tout cela constitue le terreau fertile du sous-développement. Nul besoin de faire des mathématiques supérieures pour comprendre que plus il y a de gens, moins grande sera la part de pain à partager ».



Un roman à l'écriture fleurie et chatoyante, ample et lucide, mais dans lequel l'espoir de trouver le chemin de la liberté reste permis.
Lien : https://voyagesaufildespages..
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Les veilleurs de Sangomar

Coumba vient de perdre Bouba, son mari dans un naufrage au large du Sénégal. Face à la compréhension de ses proches de prendre la mesure de son chagrin, Coumba se réfugie vers l'île de Sangomar qui regroupe les esprits des djins, afin d'évoquer son amour perdu, leur belle histoire d'amour foudroyée bien trop vite et va selon les rites de la religion faire le deuil pendant plus de quatre mois.



Coumba va alors rapidement être accusée de sorcellerie et de tomber dans la folie par les habitants de Sangomar parce qu’elle parle à voix haute à son amoureux mort.



En basant son intrigue sur un naufrage qui a réellement eu lieu, en 2002, qui fut un des plus meurtriers de l'histoire (2000 morts au cours d'un accident qui vit un ferry assurant la liaison entre Dakar et la province de Casamance couler tragiquement), la romancière franco sénégalaise Fatou Diome, l'auteur du "Ventre de l'Atlantique", qui n'avait plus beaucoup donné de nouvelles ces dernières années, nous livre une jolie immersion dans une Afrique racontée à hauteur d'hommes, avec en troile de fond la poésie et la magie des griots.



Insistant sur la quasi impossibilité pour l'héroïne de vivre depuis la disparition de son homme, Fatou Diome prend son temps pour tisser un joli roman de deuil.



Elle y raconte également la place des femmes au sein d'une société très patriarcale, l'impact conséquent et souvent néfaste d'une religion qu'on a pas forcément choisi, les médisances de l'entourage et du qu'en dira t-on et la capacité de résilience qu'on porte chacun en nous.



Un voyage poétique et onirique qui devrait ravir les amoureux de l'Afrique et tous ceux qui aiment les romans qui nous font partir ailleurs .



Et d'ici quelques heures à peine, on vous reparle d'un film qui a pas mal de points communs avec ce beau roman...
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Le ventre de l'Atlantique

Renaud l’avait dit :

C'est pas l'homme qui prend la mer

C'est la mer qui prend l'homme

Fatou Diome nous le chante mille fois mieux : la mer, celle dont on prend ses enfants les poissons, et qui se venge en prenant les hommes, celle dont le ventre recueille les morts et fait vivre les pêcheurs, celle qui berce les palmiers et adopte les racines des palétuviers, celle qui gronde parfois et se gonfle, la mer/mère /ventre de l ‘Atlantique, me paraît le principal protagoniste du roman.

Elle représente, cette mère, la tradition basée sur la nécessité d’accueillir l’autre en son sein, sur l’amour bienveillant des grand mères, sur des dictons (parfois antédiluviens), et aussi tout le carcan des traditions patriarcales: la mise au monde d’un enfant hors mariage, le retour d’un immigré qui devrait rapporter richesses et honneurs, et qui n’ose pas dire ses espoirs déçus, son vécu illégal dans un bateau français,(en Atlantique Nord) sa prison, son rapatriement honteux, sa déchéance, enfin, l’amour non accepté par le père, l’amitié entre deux hommes jugée honteuse, tout cela est rejeté dans les flots.



La marée montait, dit l’auteur en s’exprimant par vagues répétées. La marée montait comme la rumeur, comme les mauvaises pensées, comme la tradition fixiste, intolérante, cette marée qui charrie la boue, jointe à la brise nauséabonde.

La marée monta.

Et emporta dans son ventre amer celui qui déçoit le village.



L’ile de Niodior , au large du Sénégal, ressemble, effectivement, à un petit ventre, entouré par les deux bras de l’Atlantique.

Fatou Diome tisse les rêves de son frère avec sa réalité à elle, et pour cela, elle parle de son ile et d’elle même, pratiquement dans la même phrase. Puis elle détricote au fur et à mesure ces rêves de venir la rejoindre, elle dont la subsistance dépend du nombre de serpillères qu’elle use, étant femme de ménage à Strasbourg et pas invitée par Louis XIV.



Elle épingle les faux espoirs des petits footballeurs du village, pensant tous devenir un Zidane. Elle épingle les footballeurs français complètement incultes et pourtant se croyant drôles. Elle épingle la polygamie, bien sûr, dangereuse par l’excédent de population pauvre alors que la terre et la mer ne sont pas extensibles. Elle épingle la fausse amitié européenne, parlant des négros dans leurs dos. …. Elle épingle les femmes de l’ile dont l’avenir est de se marier, d’enfanter des garçons, parce que les filles iront se marier ailleurs, à quoi ça sert de nourrir des bouches inutiles. Elle épingle la cupidité lorsqu’elle revient au pays, elle épingle les français portant bannière des sportifs africains, sans pour autant leur donner un statut fixe. Elle épingle le tourisme sexuel, venant « visiter des paysages de fesses noires, au lieu d’admirer le Lac rose, l’ile aux oiseaux, nos greniers vides et nos bidonvilles si pittoresques. »

Dans une langue chantante, digne de Youssou N’Dour, mettant toujours le doigt sur chaque faiblesse, et drôle aussi par son retour au plus important dans la vie : Cupidon, ou « lézard frétillant, » Fatou Diome nous parle de son ile natale, de l’appartenance, de la difficulté de faire racine dans un pays, pourquoi lui et pas celui de sa naissance ?



Choisit-on l’endroit où l’on nait ?

Choisit-on l’endroit où on veut vivre ? Ou n’est-on pas toujours trimballés entre les nostalgies et les envies de retour, l’amour du pays de sable blanc, et le désir de culture occidentale ? Comment choisir ? et d’ailleurs , est on obligés de choisir ?

La meilleure manière de parler de ce superbe livre, c’est de laisser la parole à l’auteur, dont le nombre de mes citations.

Petit bémol, les longues pages décrivant des matchs de foot, qui remplace le sport national, la lutte( Cf Aminata Sow Fall) et entraine des envies de s’expatrier basée sur des chimères de richesse.

Ne pas rester sur ce bémol, cette coquine de Fatou Diome nous pique souvent : devant les publicités de couple qui s’enlace devant une canette de Coca ( qui ne fera pourtant pas, dit-elle, pousser le Sahara) les enfants de Niodior se posent la question : qu’est-ce qu’il va lui faire ?

Réponse : « t’es idiot ou quoi ? il va la niquer ».

Allez, un verre de bissap, son arôme, son piquant, jus d’hibiscus délectable.

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Kétala

Fatou Diome après le grand succès de son premier roman ,

"Le Ventre de l 'Atlantique", évoque dans "Le Kétala", la douleur engendrée par la perte définitive d 'un être aimé

Que reste-t-il de nous après la mort ? Cette question constitue la trame principale du roman .Mémoria est morte .

Dans quelques jours , l 'imam va procéder ,comme l 'exige la tradition musulmane , au Kétala , le partage de

l 'héritage .Accablés par la séparation prochaine , les meubles et divers objets familiers de la défunte cherchent un moyen d 'empêcher la dispersion des traces de leur propriétaire bien-aimée .Alors ceux-ci décident de lui rendre un hommage avant leur éparpillement .Pendant les cinq jours et les six nuits qui les séparent de la cérémonie , ils vont reconstituer par la parole ,la mystérieuse vie de leur maîtresse tant aimée .

Ainsi s'organise une assemblée atypique où chaque objet de la défunte prend la parole et raconter aux autres ce qu 'il a vu et seulement ce qu 'il a vu , sans aucune interprétation .Ainsi tous les objets de Mémoria , vont reconstituer le puzzle de la vie de leur ex- maîtresse. Témoins silencieux de ses joies et de ses peines , ils vont donc d 'une manière plus humaine que les hommes , reconstituer le puzzle de sa vie . Il se dégage de ce roman

l'idée que seuls nos meubles et nos objets personnels nous connaissent vraiment car ils nous accompagnent à chaque instant de notre vie , même dans nos moments les plus intimes . l'auteure en cédant la parole à des objets inanimés , elle leur permet d 'une certaine manière de vivre humainement .Ces" voix de l 'absence "comme elle les nomme , ne cessent de critiquer toutes les tares des humains , alors que leurs témoignages révèlent qu 'ils ont

également tous les défauts qu 'ils leur reprochent .

Dans "Kétala", l 'auteure très imprégnée par sa culture africaine , s 'attaque à certaines traditions africaines comme : les mariages arrangés , la femme marginalisée , elle doit se soumettre aux quatre volontés de l 'homme sans aucune considération de son opinion ou avis ...En bref elle dénonce la dictature de l 'homme et le peu de droit accordé à la femme africaine .Elle dénonce

l 'hypocrisie .

La grande richesse de ce roman réside dans l 'écriture poétique et musicale de son auteure qui voulait sans doute rendre hommage à le tradition orale de l 'Afrique .

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Impossible de grandir

En lisant "Impossible de grandir ", de Fatou Diome ,on retrouve presque la même thématique abordée dans un livre précédent ,Le Ventre de l 'Atlantique du même auteure .Cette dernière est une des figures marquantes de la littérature sénégalaise du 21 eme Siècle .Ses débuts dans la vie furent très difficiles .Enfant illégitime ,elle doit faire avec car lors qu 'on est dans un tel cas , il est vraiment difficile de faire son chemin dans la société et dans la vie tout court .Rejetée par la société elle fait des études , se marie avec un Français , elle rentre avec lui en France .Cette union ne dure pas longtemps , ils divorcent et la voilà ,une fois encore seule dans un autre pays et loin des siens .Elle entreprend des études dans la ville de Strasbourg .Elle obtient un doctorat en Lettres françaises .Elle est enseignante et se met à écrire des livres .

" Impossible de grandir" :est un roman largement autobiographique et où l 'auteure fait son introspection pour rejeter ou exorciser ses démons et affronter plus sereinement la suite de sa vie .La narratrice est Salie et elle nous conte ses phobies , ses tourments , les difficultés à trouver sa place dans la société .

Une partie de tout cela est exprimée dans la quatrième de couverture :

"Salie est invitée à dîner chez des amis .Une invitation apparemment anodine mais qui la plonge dans la plus grande angoisse .Pourquoi est-ce si "impossible"pour elle d 'aller chez les autres , de répondre aux questions

sur sa vie , sur ses parents ? Pour le savoir ,Salie doit affronter ses souvenirs Poussée par la Petite ,son double enfant ,elle entreprend un voyage intérieur ,revisite son passé : la vie à Niodor ,les grands-parents maternels ,tuteurs tant aimés ,mais aussi la difficulté d 'être une fille une fille dite illégitime ,le combat pour tenir debout face au jugement des autres et l 'impossibilité de faire confiance aux adultes ".

"A partir de souvenirs personnels ,intimes ,Fatou Diome ,nous raconte ,tantôt avec rage ,tantôt avec douceur et humour ,l 'histoire d 'une enfant qui a grandi trop vite et peine à s 'ajuster au monde des adultes ".

Beau roman de Fatou Diome .















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Le ventre de l'Atlantique

Dans ce premier roman très prometteur, Fatou Diome insufflait beaucoup de sa propre histoire à son héroïne, Salie, jeune sénégalaise émigrée à Strasbourg parce qu’elle n'avait pas trouvé sa place dans son village et pourvue d'un talent, l'écriture. Son jeune frère, Madické, passionné de foot, voit dans le ballon rond la possibilité d'un avenir radieux en Europe, un avenir au pays de l'opulence, où l'argent coule à profusion et où tout est facile. Et Salie a toutes les peines du monde à tenter de l'en dissuader...

Ce texte, très pédagogique, tente "d'expliquer l'Afrique" aux cartésiens occidentaux que nous sommes, et décrypte le miroir aux alouettes que représente pour les sénégalais un pays comme la France. Parallèlement, Fatou Diome met aussi le doigt sur la difficulté à faire admettre aux Sénégalais que la France n'est pas le paradis qu'elle semble être, vue des tropiques.

On dévore ce texte, bercé par une langue fleurie, sans complaisance, et pleine d'humour.
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Le ventre de l'Atlantique

Quand on lit la biographie de Fatou Diome, on ne peut que constater que sa vie ressemble grandement à celle de l'héroïne du Ventre de l'Atlantique. Une naissance que le Sénégal renie , l'obligeant à vivre avec sa grand mère, une passion très jeune pour le Français, une vie étudiante faite de débrouilles et un mariage qui l'envoie en France pour la laisser vite seule à Strasbourg.

Mais ce livre va bien au delà de l'histoire de l'écrivain. C'est avant tout la relation d'une expatriée avec ceux restés au pays. Ce sont les chimères qui se heurtent à la réalité , le rêve qui, au travers du crampon de quelques footballeurs, fait rêver l'Africain d'un monde meilleur où son talent pourra nourrir sa famille pour des décennies.

Salie vient de Niodior, une ile au sud du Sénégal.Une ile qui vit de la pêche en cette année 2000, où les femmes sont au service des hommes depuis qu'elles existent, où la religion musulmane a chassé les païens et les animistes . Une ile où plus on a d'enfants, plus on est respecté .Une île où un fonctionnaire puni par son gouvernement tente de tirer vers le haut des jeunes .

Parmi eux Madické, le frère de Salie , que tous appelle Maldini. Comme le footeux à la chevelure d'ange ? Lui même ce génial défenseur du Milan AC, Paolo le magnifique . C'est son idole à Madické , mais faut pas trop le dire parce que tous ses potes ne jurent que par l'équipe de France , ce pays où les plus chanceux de leurs frères rentrent dans les centres de formation , quitte à falsifier un peu leur année de naissance.



Madické rêve . Il a sous les yeux dans son ile l'éclatante réussite de quelques expatriés de retour. Sa sœur , son instit lui montrent la face caché de l'iceberg, le confrontent au racisme et aux difficultés de l'exil.

Ce livre , qui ne tombe jamais dans la dénonciation gratuite fait aussi la part belle à la culture sénégalaise, la cuisine, la musique , les marabouts, l'arbre à palabres et c'est un pur dépaysement de s'y plonger même si le sordide guette.

Une écriture poétique mais qui sait aussi appuyer là où cela fait mal, une histoire touchante dans un livre qui finalement est un assortiment de tranche de vie permettant à l'auteur d'atteindre son but.



Une petite parenthèse sur le foot. Certes , pour les non initiés, on peut y trouver quelques longueurs . cependant, dans le propos de l'auteur , cette double identification, cette coupe du Monde 2002 est historique pour le Sénégal . Sa victoire sur le France mais aussi son très beau parcours , la fierté de tout un peuple qui s'identifiait foobalistiquement aux "Bleus" me semble très pertinent ici.
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