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Citation de ChouettedeMinerve


Le départ pour la pêche avait lieu en mars. Il était précédé, fin février, de l'impressionnant "pardon des terre-neuvas" et de la bénédiction des bateaux. Une foule immense venait assister aux préparatifs de la campagne. On empilait à l'avant des goélettes, coque en l'air, les doris, ces petites embarcations à fond plat et extrémités élancées que les pêcheurs emploient sur les bancs de Terre-neuve pour mouiller leurs lignes de fond.
Car, en ce temps-là, les gars des goélettes pêchaient la morue à la ligne.
On les lâchait à deux dans les doris, avec leurs lignes amorcées d'encornets ou du fameux capelan de Terre-Neuve, qui est une espèce de petite morue. Ils posaient les lignes le soir, ils allaient les relever le lendemain matin.
C'était un métier de chien, une existence de galérien. Une fois les morues pêchées, il faut leur couper la tête, les vider, les saler et les mettre en cale. Tout ça, bien sûr, par tous les temps : dans les coups de mer plombés et les coups de chiens qui acculent le navire, dans les ouragans noirs et les tempêtes grêlées.
Les plus malheureux étaient peut-être les gars des chalutiers.
Car les voiliers ne font qu'une campagne, de mars à septembre. Mais les chalutiers ont le temps d'aller deux fois sur le banc.
Imaginez un peu, pendant ces deux campagnes, ce que pouvait être la vie d'un soutier à fond de cale, chargé d'enfourner continuellement du charbon dans les chaudières en surveillant la pression d'huile du coin de l'oeil. La tempête, à chaque instant, le brinqueballe contre les tôles brûlantes. Il regarde ses pauvres mains, crevées de cicatrices de furoncles. Quand il monte sur le pont pour fumer une cigarette, ce qui l'accueille, c'est l'eau grise, les brouillards glacés et les planchers gluants couverts d'écailles et de tripes de poisson. Le soir, écrasé de fatigue, il n'a pour havre à sa misère qu'un poste d'équipage puant où quarante hommes se jettent tout bottés sur la paille des couchettes.
L'hiver, quand les bateaux étaient mouillés au port, les marins ne dessoûlaient pas.
On les voyait passer, le bonnet affalé, la vareuse en pantenne, louvoyant bord sur bord et jetant leur solde à tous les vents du quai.

Chapitre VII, p63 à 65.
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