Charles, mangeant : -Merci, Juliette, merci ; tu es contente de moi ! Ce que j'ai fait n'était pourtant pas difficile. Cette malheureuse femme fait pitié !
Juliette : -Pitié et horreur ! Cet amour de l'or est révoltant ! J'aimerais mieux mendier mon pain que me trouver riche et m'attacher ainsi à mes richesses.
Marianne : -Malheur aux riches ! a dit Notre-Seigneur ; aux riches qui aiment leurs richesses ! C'est là le mal et le malheur ! C'est d'aimer cet or inutile ! C'est d'en être avare ! de ne pas donner son superflu à ceux qui n'ont pas le nécessaire !
Charles, mangeant : -Si jamais je deviens riche, je donnerai tout ce qui ne me sera pas absolument nécessaire.
Juliette : -Et comment feras-tu pour reconnaître ce qui n'est pas absolument nécessaire ?
Charles, mangeant : -Tiens ; ce n'est pas difficile ! Si j'ai une redingote, je n'ai pas besoin d'en avoir une seconde ! Si j'ai une salle et une chambre je n'ai pas besoin d'en avoir davantage. Si j'ai un dîner à ma faim, je n'ai pas besoin d'avoir dix autres plats pour me faire mourir d'indigestion. Et ainsi de tout.
Juliette : -Tu as bien raison. Si tous les riches faisaient comme tu dis, et si tous les pauvres voulaient bien travailler, il n'y aurait pas beaucoup de pauvres.