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Citation de lolitajamesdawson


Ma sœur, ma Ninie, Je vais donc par ces écrits te bénir en soignant mes maux par les mots de mon cœur. Tu t'es envolée et moi, impuissante, je t'ai regardée déployer tes ailes. D'un seul coup, ton visage a perdu son masque de souffrance, la paix s'est dessinée sur chacun de tes traits, tu semblais dormir. Je t'ai regardée pour graver au plus profond de ma mémoire chaque détail de celle que tu étais encore. Je t'ai caressé la peau. J'ai porté ta tête contre ma joue et pour que ma main n'oublie jamais sa douceur, j'ai embrassé tes cheveux, pour respirer ton odeur et ne jamais l'oublier. Je t'ai répété à quel point je t'aimais pour que cette mélodie t'accompagne tout au long de ton voyage, je voulais que chacune de mes larmes te pousse vers un nouveau bonheur, vers ce paradis que j'imagine si beau, car la terre était pour toi l'enfer. Tu m'as quittée ! Par amour pour toi, je dois l'accepter, je n'avais plus le droit de te demander de t'accrocher à la vie. Nous étions deux contre tous, et tout n'était que douleur. Tu t'es battue jusqu'au bout de tes forces, et même au-delà, la mort était ta seule délivrance, elle a fini par t'emmener, tu es partie. Je ne sais pas où tu es, j'attends un signe de toi, je sais que tu me le donneras car tu m'aimes, tu vas vouloir me rassurer. Tu es dans mon cœur, encore plus profondément qu'avant. Je t'aimerai jusqu'à mon dernier souffle. Je partagerai avec toi tous les bonheurs, ma pensée t'unira à moi sans cesse. Rien ne nous a jamais séparées, ce n’est pas le ciel qui fera barrage à notre amour. Je me dis que tu es partie en voyage et qu'un jour, je te rejoindrai. Je t'aime, tu le sais, tu m'aimes, je le sais aussi. Ma douleur ne doit pas t'empêcher d'être en paix. Elle est juste le prix de mon amour pour toi. Je vais apprendre à respirer avec elle.

Virginie Mannechez a été assassinée le 7 octobre 2014 par celui :
qu'elle venait de quitter,
dont elle avait un fils de 13 ans,
mais qui était, avant tout, son père biologique.

La mort de ma grande sœur m'a fracassée. C'est la personne que j'ai le plus aimée au monde. C'était la seule lumière dans une enfance violentée, abusée, dévastée. Entre nous, il y avait un secret, ce secret que nous ne devions surtout pas révéler à l'extérieur – même nos frères ne savaient pas réellement ce qu'il en était. Ce secret dans lequel nos parents nous ont plongées et verrouillées. Ce n’était pas un joli secret entre deux sœurs adolescentes, mais un secret horrible démontrant que l'être humain est capable du pire : notre père et notre mère nous ont élevées dans une ambiance sectaire totalement incestueuse.

J'ai mis très longtemps à comprendre que nos parents nous ont volé notre enfance et empêché de vivre nos émotions. Nous devions les enfouir derrière un mur infranchissable. En fait, nous vivions dans une réalité entièrement construite et formatée.

Plusieurs fois j'ai vu ma mère se prendre une « dérouillée ». Pour autant, maintenant que je suis mère à mon tour, je ne peux pas lui pardonner de ne pas être intervenue. Elle était une adulte, nous étions des enfants, elle l'avait choisi, pas nous. Elle était notre mère et nous ses enfants. Son rôle était de nous protéger contre tout, même contre son mari !

D'abord ma mère. Tout chez elle - son discours, son attitude larmoyante - m'insupporte. Certes, elle était sous la menace, sous l'emprise de son mari, mais elle n'a rien fait pour nous protéger. Au contraire ! Elle se présente comme une femme qui était en danger de mort. Sauf que pour se sauver, elle nous a envoyées à l'abattoir tout en nous traitant de putes. Elle était en âge de vivre une sexualité, pas nous. Elle a choisi son partenaire sexuel, elle l'a même épousé. Nous, il nous a été imposé.

C'est tellement bon, la complicité avec ses enfants. Comment mes parents arrivaient-ils à être heureux en nous rendant aussi malheureux ?

- Où est ma Ninie ?
- Ton père l'a tuée, son patron aussi, et lui aussi. T'es pas au courant ? C'est passé hier sur France 3 Picardie à 19 heures. Tout le monde est mort. Sauf l'enfant de Ninie, mais il a tout entendu !
La terre s'ouvre sous mes pieds et je tombe.

Sans la moindre émotion, Denis Mannechez poursuit son œuvre de mort. Il repère Virginie à l'arrière de l'entreprise, sur une dépanneuse, en train de rentrer un 4 x 4. Il tire dans son pare-brise, puis arrive à la portière côté conducteur. Une première balle dans son épaule gauche et immédiatement une autre en plein dans la tempe. La jeune femme de 33 ans tombe sur le côté. Sa sinistre mission accomplie, Denis retourne l'arme contre lui et se tire une balle dans la tête.

En outre, ils disposent d'un témoin de poids qui va leur raconter la scène. Il a entendu le premier coup de feu et entrevu la suite du carnage depuis l'étage : c'est Quentin, 12 ans. Son père-grand-père a tué sa mère-demi-sœur parce qu'elle voulait une vie enfin normale. Je pense à lui constamment. Comment parviendra t-il à surmonter cela ?

La justice, en se trompant lors des deux procès, en ne réincarcérant pas mon père, a commis une terrible erreur et, désormais, de n'avoir rien fait pour empêcher la conséquence, mais c'est trop tard. La juriste qui a aidé passionnément Virginie sera dégoûtée et changera de métier.

Je verse des larmes lourdes, chargées de toute cette histoire. Mes enfants ont désormais peur pour leur maman. Il me faut « combattre le diable avec l'amour » pour eux, car c'est le seul sentiment créatif. C'est aussi le seul que je n'avais pas le droit de ressentir, enfant. Donc il doit l'emporter sur la raison, la force et le courage pour l'honneur de Ninie. Il me faut faire face et déchirer le voile pour laisser la vérité éclatante faire jour. Que cette fois, ce soit bien le procès de mon père, pas le nôtre.

- Tu sais, Denis, Virginie et moi, nous n'étions pas comme ta mère, nous n'étions pas des putes. Le Mal, ce n'est pas nous, le Mal, c'est toi. Moi, j'étais juste une enfant malheureuse qui voulait de vrais parents.

Pour la première fois, nous, les enfants, ne disons pas ce qu'il a envie d'entendre, mais ce que nous avons à lui dire. Et, encore plus surprenant, il écoute et semble comprendre. Denis est remis à sa place, peu importe son handicap. Je suis passée par l'enfant qu'il a été pour l'atteindre. Il sait, au fond de lui, ce qu'il a fait. Il en découvre seulement maintenant les conséquences : ses enfants ne l'aiment pas, Virginie incluse. Sa vie est, par conséquent, un échec complet.
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