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Critiques de Artem Chapeye (13)
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Les gens ordinaires ne portent pas de mitra..

Rien ne forcer Artem Chapeye, ukrainien, à faire autre chose que réfléchir, s'interroger, triturer des idées, transmettre ses réflexions, les confronter avec d'autres puis les écrire dans des livres pour que d'autres se mettent à réfléchir, etc. ! "La réponse est simple: je ne connais pas le choix tant que je ne t'ai pas fait." Car Les gens ordinaires ne portent pas de mitraillettes, sauf quand on envahit leur pays. Alors, difficile de ne pas s'armer !



Une centaine de pages d'une confession d'un homme, pacifique en temps de paix, qui explique pourquoi les premiers jours de l'invasion de l'Ukraine, il a souhaité entrer dans le camp des résistants. À travers sa fuite pour mettre sa famille à l'abri, Artem Chapeye prend conscience qu'il veut pouvoir continuer à se regarder dans le miroir, sans éprouver " la honte espagnole ", comme on dit en Ukraine.



La décision que prend Artem Chapeye est lourde de conséquences, pour lui, pour sa femme, pour ses fils, ses compatriotes, son pays, mais aussi pour nous, encore insouciants de notre chance.



Artem Chapeye décrit son engagement, son affectation, son évolution psychique, ses pleurs, ses méditations, ses culpabilités, Bref, un récit à vif, découvert dans un souffle celui de l'émotion et du respect de l'expérience rapportée comme d'une voix du fond des tranchées, au bord des villages ravagés et de notre conscience européenne.



Depuis deux ans, l'Europe est à nouveau en proie à la guerre.

730 journées où Artem Chapeye, journaliste et écrivain, tente de garder son humanité et d'expliquer comment. Il a appris qu'un soldat ne peut que parler à un autre soldat, tellement les mots ne suffisent plus. Que son choix, il ne le regrette pas, même si son plus cher rêve est de serrer de nouveau, dans ses bras, ses deux fils, exilés avec sa femme en Allemagne.



Ses doutes, il ne les contourne pas et nous les révèle. Mais, pour lui, mieux vaut se battre que de mourir torturé ou de vivre prisonnier. "Nous sommes obligés d'épuiser la dictature par nos propres souffrances."



Ce récit est publié dans la nouvelle collection, Bayard Récits, qui "s’inscrit dans le genre de la narrative non-fiction, au croisement entre le journalisme et la littérature, le document et le roman". Artem Chapeye se livre sans fard, presque un testament entre l'homme d'avant "le vingt-quatre" et celui d'après "le vingt-quatre". Un récit qu'on ne peut oublier !
Lien : https://vagabondageautourdes..
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Loin d'ici, près de nulle part

Yourriï et Olia Tkatchouk sont tous les deux diplômés mais dans l'Ukraine post soviétique les salaires sont faibles et parfois même pas payé en numéraire, ils vivent donc modestement avec leur deux enfants Sheriï; jeune homme en colère et Volodia, adolescent réservé et studieux. L'ainé doit bientôt rentrer à l'université même s'il passe plus de temps avec son groupe d'amis nationalistes qu'à étudier.  Alors pour le couple, la question se pose, pourquoi ne pas faire comme certains de leurs compatriotes et partir temporairement pour améliorer leur quotidien d'autant qu'un évènement va les pousser à réagir... 



Dans un style abrupt, l'auteur nous dépeint sans concession, à travers cette famille,  son pays. A une période non nommée mais que j'ai supposé être dans les années 2005 après l'ouragan Katarina, nous découvrons un pays encore fortement marqué par l'Union Soviétique. Le nationalisme est très présent et certains sont prêts à allez loin pour le faire comprendre à ceux qui ne rentrent pas dans leur vison de l'Ukraine. La chronologie est surprenante, nous passons d'un protagoniste à l'autre en changeant de paragraphe seulement, il y a aussi plusieurs ellipses temporaires mais c'est maitrisé et donne du rythme au récit. L'immigration et les sacrifices qui en découlent sont au cœur de l'histoire, partir loin de ses proches pour un meilleur avenir, ici ou ailleurs pour pouvoir avancer. Lorsqu'on devient un émigré il faut alors faire face à l'absence de ses proches, la distance mais aussi subir le racisme voire la violence, l'auteur nous rappelle que demain nous pouvons tous être à la place de celui qui part et malheureusement l'avenir lui a donné raison car aujourd'hui de nombreux Ukrainiens sont loin de chez eux. Une histoire assez sombre mais la distance mise par la narration rend presque les évènements anodins. 



J'ai vraiment apprécié ma lecture que j'ai trouvé plaisante et riche, je suis ravie de l'avoir vécu en lecture commune. Un roman vraiment intéressant qui aborde avec justesse le déracinement et ses conséquences. Une maison d'édition que je vais suivre, une découverte que je vous conseille! 
Lien : https://leslecturesdemamanna..
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Loin d'ici, près de nulle part

La situation en Ukraine, même avant la guerre, n’était pas très heureuse pour la famille Tkatchouk. 



Youra n’a plus qu’un travail à temps partiel, sa femme Olia vient d’être licenciée. Leur fils aîné est en pleine crise d’adolescence et multiplie les actions xénophobes, leur plus jeune fils dévore les livres, perdu dans son monde.



Youra et Olia s’aiment, mais ne peuvent pas rester ensemble dans leur ville de Bily Sad. Il va falloir trouver une solution pour l’argent, notamment pour payer les études des enfants. 



Youra décide de tenter sa chance six mois aux États-Unis. Lui, l’ingénieur doit devenir ouvrier pour pouvoir envoyer le plus d’argent possible à sa famille. Malheureusement, l’expérience ne se déroulera pas aussi bien que prévu.



Ce sera alors au tour d’Olia de tenter sa chance en qualité de badante, aide à domicile, en Italie auprès de personnes âgées. Un statut de clandestine où il ne faut pas compter les heures, mais qui permet d’envoyer de l’argent à la famille, mais à quel prix…



Autant le dire tout de suite, ce roman m’a beaucoup plu. 



Le destin des Tkatchouk est très sombre et illustre bien la destruction d’une famille qui veut juste une vie meilleure. 



Leur pays ne leur offrant pas une situation économique stable, ils sont condamnés à tenter leur chance ailleurs, et tout s’effondre alors. 



Leur famille se désagrège car chacun avance dans une direction différente, se persuadant d’agir pour le mieux. Comme bien d’autres dans leur situation.



Les enfants sont sans parents, élevés par des grands-parents . L’adultère et les divorces, les vies qui se créent au loin et la maison qui n’en est plus une pour ceux qui partent. 



La xénophobie semble aller de pair avec cette perte de sens social mais là où Serhïï, le fils aîné, multiplie les actions xénophobes en Ukraine, alors que sa mère est l’étrangère en Italie. 



Je n’ai pas lâché ce roman jusqu’à la dernière page, et j’espère que, lorsque la guerre en Ukraine sera terminée, Artem Chapeye aura beaucoup d’autres romans à nous faire découvrir. 
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Les gens ordinaires ne portent pas de mitra..

Le recit bouleversant de Artem Chapeye, écrivain, journaliste et traducteur urkrainien qui s’engage dans l’armée, contre l’invasion russe (C’était le 24 février, il y a deux ans !) et nous parle de son ressenti, ses questionnements, ses souffrances.



C’est écrit comme un roman. Mais ce n’en est pas un !



Ce livre fait également écho « au repas des fauves » pièce de théâtre sur le thème de l’occupation allemande, qui fait elle ressortir le pire de chacun.



Difficile de pouvoir imaginer ce que nous aurions fait dans ces situations.

En espérant ne jamais avoir à se poser ces questions.

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Loin d'ici, près de nulle part

Bily Sad est une petite ville en Ukraine. Ici vivent Youra, Olia, parents de Sheriï, jeune homme rebel et Volodia, ado intello

La vie est difficile en Ukraine, les grandes entreprise se font racheter, jetant la plupart de ses employés dans la pauvreté, sans emploi, et le quotidien est gangrené par l'alcool, la violence et le racisme.

Bien que très diplômés, ces deux parents ne trouvent pas de travail et peinent à faire vivre leur famille correctement.

Pour s'en sortir, Youra décide de partir travailler aux Etats-Unis et d'envoyer son salaire à sa famille. Là, il dépeint une toute autre manière de vivre, pas forcément meilleure : le boulot au jour le jour, le racisme et la pauvreté.

Lorsqu'il rentre, Olia décide de partir en Italie où elle sera embauchée pour s'occuper de deux vieilles dames et sera payée une misère. Là encore ce n'est que désillusion, entre pauvreté, solitude et escalvage moderne.

Leurs enfants, restés en Ukraine, réagiront différemment face à cet éclatement familial : Sheriï s'investira de plus en plus dans le clan des Loups blancs, organisation raciste et violente, qui fait régner la peur sur le quartier, et Volodia s'enfermera dans une relation platonique avec une demoiselle très silencieuse, très discrète.



C'est une lecture touchante sur la vie d'une famille, sur les fractures entre générations, sur ce que font des parents pour offrir à leurs enfants une vie meilleure, sur le racisme et le rapport à l'étranger.



C'est un roman que j'ai beaucoup aimé et que je vous recommande!

Artem Chapeye a d'ailleurs été finaliste du prix BBC pour ce titre.
Lien : https://www.instagram.com/p/..
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Les gens ordinaires ne portent pas de mitra..

Au lendemain de l’invasion de son pays par la Russie, l’écrivain ukrainien Artem Chapeye décide de s’engager dans l’armée. Ce choix soudain et libre va marquer les mois, les années à venir et même la vie de l’auteur.



Un texte intime et bouleversant, écrit sur le vif, tout entier construit autour de la question de l’engagement .Rédigé sur le front, ce récit est celui d’une personne ordinaire qui n’aurait jamais dû porter une mitraillette si la guerre n’avait pas été déclarée.

A travers un texte poignant et intimiste, l’auteur interroge la manière dont nos choix font notre identité, dans un contexte de conflit armé comme dans chaque moment de vie où le destin bascule



« Il m’est apparu clairement que la charge principale

de la guerre, comme toujours, retomberait

sur les épaules de gens ordinaires. »


Lien : http://www.baz-art.org/2024/..
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Loin d'ici, près de nulle part

Les Éditions Bleu & Jaune ont publié en mars dernier l’auteur Artem Chapeye, qui s’est engagé dans la défense militaire de son pays contre l’envahisseur russe. Si dans cet ouvrage, la guerre n’est pas au centre de l’histoire et des préoccupations de la famille Tkatchouk, qui en ont d’autres aussi vitales, celle de survivre en premier lieu, elle n’est en revanche jamais bien loin.



Bily Sad est une ville moyenne d’Ukraine, ou où la famille Tkatchouk, composée des parents Youra et Olia, de leurs deux fils, Yourïï, le garçon des rues, et Volodia, l’intellectuel. On pénètre dans cette Ukraine sombre où les oligarques raflent tout sur leur passage et rachètent les entreprises nationalisées – il y a de forts échos du roman Les Loups de Benoit Vitkine -, où le racisme s’exprime à coups de semelles crantées dans les rues de la ville, l’alcoolisme embrume la vision des aînés entre deux tasses de thé, le travail se fait rare quand bien même vous êtes diplômé des meilleurs instituts. Où les générations sont fracturées par une incompréhension réciproque, des parents qui essaient de trouver des solutions à la précarité de leur vie, des jeunes qui méprisent et détestent leur parent en retour. Artem Chapeye donne à voir une Ukraine profondément corrompue, vidée de ses richesses par quelques individus rassemblé en meute, détruite, rasée par eux, dévastée, pillée, où les gens de condition moyenne doivent se surpasser pour survivre. Qui dit appauvrissement, dit nationalisme exacerbé, le moindre individu un peu différent est observé d’un regard noir, a minima.



Il y a cette phrase terrible « Voyons, le patriotisme n’a encore fait de mal à personne » du père aveuglé, qui baigne encore dans ses illusions alcoolisées de cognac, et qui ne distingue pas une simple fierté patriotique d’un nationalisme rampant, ni celle de l’endoctrinement systémique. Le racisme, qu’Artem Chapeye, l’illustre allègrement sous toutes ses formes, dans tous les pays, entre toutes les origines. Tout est partout pareil, dans les États-Unis Sudistes ou l’Ukraine reculée, Hondurais ou kazakh, la haine de l’étranger suinte. Avec Youra, ouvrier sous-qualifié, homme à tout faire en Louisiane, la mère en Italie, garde-chiourme de vieilles italiennes, c’est l’occasion de comprendre la différence de traitement réservée aux travailleurs pauvres, selon vos origines. La preuve d’un racisme ordinaire dont il ne se rend même plus compte. Loin d’ici, près de nulle part, raconte aussi l’éclatement d’une famille, des parents comme des valeurs familiales d’un clan, d’une ville, d’un pays, qui ont fini par se perdre, disséminées aux quatre coins du monde. D’un pays qui a fini par engendrer des « orphelins sociaux ».



Roman politique, social, d’une voix désabusée, Artem Chapeye soulève également ce qui nous est inconnu à l’ouest, ces « orphelins sociaux » dont les parents ne sont pas morts, mais disparus volontaires dans des pays à la recherche de mains d’œuvre, celle qui est prête à accepter n’importe quel travail. Bily Sad, la ville industrielle de taille moyenne par excellence, est typiquement de celles qui ont souffert des abus des oligarques, après une industrie riche, du retour de bâton de la privation, de l’appauvrissement, de la désertification. Il est là pour mettre en valeur sous la lumière crue de son projecteur les recoins les plus laids d’une ville, et d’un pays, dont la moindre miette de richesse s’est fait grignoter par une minorité qui se vautre dans le luxe alors même que la majorité crève à petit feu sous les maux d’une vie quotidienne qui n’en peut plus d’amertume et d’absurdité. Un regard dur, sans concession qu’est celui de l’auteur ukrainien, avec le constat sans illusion que son pays est devenu un territoire de seconde zone, ravagé par un nationalisme puant et latent, déserté par les siens, par ceux qui tiennent vraiment à leur nation. Pas ceux qui se goinfrent sur leur yacht de luxe. Une dureté qui fait écho à la violence d’y vivre, de s’y faire sa place, et surtout de ne pas perdre la sienne. La mort rode, dans le récit d’Artem Chapeye, les plus faibles n’y résistent pas, les autres s’endurcissent, d’autres en perdent la raison. Les guérillas urbaines ne sont pas si loin, la guerre non plus. Et sur fond de menace de guerre du voisin aviné et bourru, l’image est trop forte pour être hasardeuse, apparaissent comme des fantômes Kiev et Kharkiv, dont les noms nous sont désormais trop familiers.



L’Ukraine post-sovietique met du temps à remonter la pente, et ce ne sont pas ces nouveaux riches à la barre du bateau qui vont améliorer sa situation. Artem Chapeye pose un regard très lucide sur son pays, sans concession, désespéré parce qu’il voit en lui un bateau en train de couler, les ukrainiens avec, sans personne pour le redresser. Avec la guerre qui s’impose, ses milliers de corps suppliciés, violés, torturés, dont personne ne peut entrevoir la fin, on peut se demander de ce qu’il adviendra de ce pays dans les décennies à venir. Alors même que les membres des pays de l’OTAN viennent de se rendre compte que l’ukrainien est une langue bien différente du russe.








Lien : https://tempsdelectureblog.w..
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Loin d'ici, près de nulle part

Parfois la rencontre avec un texte ne se fait pas...

Cela ne signifie pas que le texte est mauvais ou que l'histoire est sans intérêt, cela tient souvent à un ressenti très personnel, à un moment de lecture qui n'était pas le bon... c'est ce qui vient de se passer pour moi avec Loin d'ici, près de nulle part de l'auteur ukrainien Artem Chapeye.



Ce roman raconte l'histoire d'une famille dont les parents vont décider de quitter l'Ukraine pour mieux gagner leur vie. Le père part d'abord aux États-Unis mais son expérience s'avère décevante. Il rentre, dépité. La mère quitte alors à son tour sa famille pour partir en Italie où elle devient l'esclave moderne de deux vieilles dames. Les fils doivent alors faire avec un père perdu et qui ne sait cuisiner que des pommes de terre sautées. L'ambiance générale du pays et cette vie de famille abîmée par les séparations vont alors avoir des conséquences différentes sur les deux adolescents de la famille, Serhiï et Volodia, deux frères que tout oppose presque.



Personnellement j'ai eu du mal à m'attacher aux personnages, sauf peut-être à Volodia. Il m'a également manqué une certaine musicalité au niveau du texte qui m'a parfois semblé un peu "décousu". Je suis allée au bout de ma lecture mais j'ai fait beaucoup de pauses, incapable de me plonger totalement dans l'histoire.



Je suis bien désolée de faire ce retour mitigé, d'autant que le roman semble avoir séduit beaucoup de lecteurs et que son auteur a été finaliste du prix BBC livre de l'année en Ukraine, mais je suis malheureusement passée à côté de cette lecture. 🤷



Peut-être accrocherez-vous plus que moi?!...

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Les gens ordinaires ne portent pas de mitra..

Dans « Les gens ordinaires ne portent pas de mitraillettes », l’écrivain et ex-journaliste Artem Chapeye raconte pourquoi il a décidé de rejoindre l’armée après le 24 février 2022.
Lien : https://www.lesoir.be/570098..
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Les gens ordinaires ne portent pas de mitra..

L'écrivain ukrainien Artem Chapeye s'est engagé le 25 février 2022, le lendemain du début de l'invasion russe. Il fait le récit de son trajet dans l'inconnu.
Lien : https://www.lemonde.fr/livre..
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Les gens ordinaires ne portent pas de mitra..

En février 2022, l’écrivain ukrainien Artem Chapeye s’est engagé dans l’armée de son pays pour repousser l’agression russe. Deux ans plus tard, il raconte sa vie sous les drapeaux dans son livre Les gens ordinaires ne portent pas de mitraillettes.
Lien : https://www.la-croix.com/cul..
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Loin d'ici, près de nulle part

Je suis effrayée si je pense à l'Ukraine, à cette guerre proche et meurtrière. Quand j'ai gagné un roman ukrainien lors d' un concours organisé par @editionsbleuetjaune , je me suis demandé : Que peut la littérature en ce temps de guerre ? Après la lecture de ce roman, j'ai aujourd'hui une réponse : la littérature nous rappelle notre humanité.

L’écrivain - devenu depuis le début du conflit un soldat - a écrit un roman très sombre sur les fractures économiques et sociales de l'Ukraine post-soviétique.



L'histoire :

Les ingénieurs Youra et Olga Tkatchouk s'inquiètent pour l'avenir de leurs 2 fils. Comment sortir de la précarité et assumer financièrement leurs études supérieures ? Faut-il que l'un des deux partent travailler à l'étranger ? Youra part six mois aux Etats-Unis d'où il rentre sans un sou. Olga choisit alors de tenter sa chance en Italie où elle devient badante, esclave des temps modernes au service de personnes âgées. Tous deux croient pourtant qu'ils sont très différents des autres travailleurs migrants et qu'une vie meilleure est encore possible...



Ce livre est, pour moi, une succession de découvertes :

*J'ai appris que les États-Unis et l’Italie sont des destinations privilégiées pour les travailleurs qui quittent l’Ukraine. Je ne savais pas que les Italiens embauchent depuis des années les ukrainiens pour résoudre la pénurie d’aidants à domicile. Entre 300 000 et 1 million d'immigrants Ukrainiens sont installés en Italie, dont environ 80% des femmes. Artem Chapeye raconte avec un réalisme noir ce phénomène de migration ukrainienne.

*Cette histoire m'a révélée, la situation économique de l'Ukraine. Le pays est aux mains des oligarques et l’emploi est précaire pour les classes moyennes. Les descriptions de Bily Sad, ville industrielle en déshérence, et de son climat social embrumé par l'alcool, la violence et la corruption font froid dans le dos

*J'ai fait connaissance avec les « parents -billets » qui de l'étranger envoient de l'argent à leurs enfants qui se considèrent comme des « orphelins sociaux ». Au final, l’exil pour aider la famille se transforme en un éclatement des structures familiales en général. Enfin, l'auteur dissèque le racisme dans son pays. L'immersion dans la tête d'un "loup blanc " est effrayante. Quelle angoisse de suivre les pensées intimes d'un adolescent qui rejoint un groupe xénophobe qui s’attaque aux Afghans et aux Syriens, à tous ceux qui viennent d’ailleurs. La colère des jeunes abandonnés, doublée d'un patriotisme exacerbé, nourrie des scènes de violence raciale extrême. Notons que le racisme n'est pas que l'affaire des Ukrainiens qui redoutent la concurrence économique des migrants du Caucase et de l'Asie centrale. Artem Chapeye s'attache aussi à illustrer le racisme sous toutes ses formes, dans tous les pays, dont la Russie, les Etats-Unis, l’Italie et l' Amérique centrale. Il n'occulte pas le racisme entre les migrants eux-mêmes. Soulignons aussi que cette jeunesse qui semble perdue et désabusée montre depuis plus d'un an son courage pour protéger ses aînés et son pays.
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Loin d'ici, près de nulle part

Ecrivain et journaliste ukrainien, Artem Chapeye (de son vrai nom Anton Vasilyovich Vodyanyi) a fait l’objet de plusieurs articles dans les journaux français ces derniers mois, car il est allé rejoindre les rangs de l’armée ukrainienne pour combattre l’envahisseur russe. Dans Loin d’ici, près de nulle part, il met en scène une famille ukrainienne dont les membres choisissent de s’exiler pour offrir un avenir meilleur à leurs enfants.



Le livre est scindé en 4 parties. Dans la première, nous faisons connaissance avec Youra et Olia Tkatchouk, qui vivent avec leurs deux enfants dans la ville de Bily Sad. La situation économique est difficile pour eux et Youra se décide finalement à partir aux Etats-Unis avec un visa touristique de 6 mois ; le lecteur suivra ses pérégrinations dans la ville de La Nouvelle-Orléans dans ce qui constituera la seconde partie intitulée « Un doorman ». Malgré ses ambitions, il se retrouve comme bénévole pour nettoyer des maisons détruites par les inondations, ce qui lui procure au moins un logement, et travaille au noir comme portier. Le récit alterne entre la vie de Youra aux Etats-Unis et celle de la famille restée à Bily Sad (et particulièrement le fils Serhii, adolescent rebelle).



Dans la troisième partie, c’est au tour d’Olia de partir cette fois en Italie où elle travaillera comme « badante », s’épuisant à s’occuper de deux vieilles dames grabataires.



Le roman se termine enfin sur une partie intitulée « Les loups blancs » et consacrée au fils aîné. Ces « loups blancs » sont des groupes xénophobes qui s’attaquent aux migrants en Ukraine et que Serhii a rejoint.



Voilà pour la structure du livre. Qu’en penser ? Beaucoup de bien, car c’est d’abord un livre relativement riche par l’histoire et les thèmes qu’il développe, mais très accessible à lire. Artem Chapeye a un style très direct, et le lecteur est facilement embarqué dans le quotidien de Youra aux Etats-Unis et d’Olia en Italie. Quant aux thèmes, ils sont nombreux :



• tout d’abord, la situation en Ukraine n’est pas enjolivée : économiquement, le pays est aux mains des oligarques et l’emploi est précaire pour les classes moyennes. Youra et Olia ont tous les deux fait des études supérieures mais ne peuvent trouver ou garder d’emploi satisfaisant pour subvenir à leurs besoins ;

• le pays est de plus animé par des groupes qui s’en prennent ici aux Afghans, là aux Syriens, enfin à ceux qui viennent d’ailleurs ; des activités nourries par un patriotisme exacerbé ;

• Artem Chapeye ne se limite pas à une critique de son pays. Il décrit très bien que la même situation s’applique ailleurs : aux Etats-Unis, ce sont les Mexicains et autres Sud-Américains qui sont rejetés. En somme, on est toujours l’étranger d’un autre ;

• la misère pousse les gens à s’exiler et ils viennent de partout pour trouver leur chance et améliorer leur situation. Youra et Olia ont fait tous les deux des études supérieures et pensent que leur situation n’est pas comparable aux autres ;

• au final, l’exil pour aider la famille se transforme en une entreprise conduisant à son éclatement.



On ressort certes assez désabusé de Loin d’ici, près de nulle part (qui résume finalement bien la situation de Youra et Olia), qui m’a rappelé par certains côtés l’excellent « La fatigue du matériau » de l’écrivain tchèque Marek Šindelka ; mais l’on se dit que cette littérature a le pouvoir de décrire des réalités de notre monde contemporain comme nul autre.


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