Les tomes 2 & 3 du cycle "Blood Song" forment un tout, et pour l'apprécier à juste valeur il faut arrêter de penser qu'Anthony Ryan est un émule de Patrick Rothfuss ou un héritier de Robin Hobb. Avec le recul c'est évident, puisque qu'avec la révolte du Cumbraël et le désastre de l'invasion de Linesh on passait du récit intimiste, biographique voire autobiographique, à de la bonne vieille fantasy épique ! Les choix effectués ont ainsi permis de découvrir tranquillement les personnages, l'univers et ses enjeux à travers les yeux de Vaelin avant que les choses sérieuses commencent…
L'auteur reprend le principe de la construction en analepse, et ici les flashforward que constituent les témoignages de Verniers Alishe Someren spoilent absolument tout et c'est tant mieux : l'important n'est plus de savoir ce qui va arriver, car nous le savons déjà, mais comment cela est arrivé… le récit devient choral, et Vaelin qui revient au pays plus en mauvais souvenir du passé qu'en héros de guerre partage la vedette avec de nouveaux personnages principaux destinées à devenir des POV à part entière :
- Reva incarne une partie apprentissage : fille de l'ancien Vassal rebel de Cumbraël, élevée dans la haine de Vaelin / Sombrelame par des fanatiques religieux non pas pour le tuer mais pour être tuer par lui et devenir une parfaite Martyre de la Cause…
- Frentis qui a réchappé au désastre de l'invasion de Linesh pour tomber les griffes d'une sorcière psionique (oui on t'a reconnu Sylar de "Heroes" ! ^^) incarne une partie aventure : avec lui l'univers s'étend quand il doit participer contre son gré à un road trip meurtrier dans les provinces volariennnes et alpiranes (cette phase du récit est quasiment la version grimdark des pérégrinations de Garion dans "La Belgariade" et/ou "La Malorée" de David Eddings)
- Lyrna, qui est envoyée en mission diplomatique chez les Lonaks / Amérindiens, incarne une partie intrigue et complot : après un tome 1 qui la présentait sous un jour peu flatteur, nous apprenons à la connaître réellement au fur et à mesure de ses confrontations avec l'un des volesprits du triumvirat maléfique au service du traditionnel Méchant Millénaire
J'ai trouvé que la 1ère partie du roman ronronnait un peu, voire tirait à la ligne, mais vu le nombre de personnages et d'événements du tome 1 ce ce n'était pas du luxe de se remettre tranquillement dans le bain.
Puis vient Pearl Harbor / le 11 Septembre 2001 / les Noces Pourpres et c'est parti pour le chaos et la destruction ! Passé ce cap, difficile de lâcher le roman et j'ai bien fait de réaliser un bonne pause juste avant le mega twist de ce pavé de 740 pages bien tassées et bien remplies…
- Vaelin qui pensait être en retrait forcée dans la Tour du Nord est obligé de devient le Seigneur de Guerre, l'homme providentiel sur les épaules duquel repose tous les espoirs et le nexus autour duquel tous les événements gravitent et se précipitent
- Reva qui avait enfin trouvé enfin une famille n'a pas d'autre choix que d'organiser la défense de sa cité avant de partir au front : Reva la paria athée devient Reva l'héroïne envoyée du ciel dans un gros revival Jeanne d'Arc ! Trop cool !!!
- Frentis tombé au fond du gouffre de la servitude (un gimmick des "Chroniques de Krondor" ^^) retrouve la liberté pour devenir un Robin des Bois plus badass tu meurs ! Oh, ça sent bon David Gemmell là !!!
- Lyrna survie à la défiguration, à la déchéance, aux marchands d'esclaves (encore un gimmick des "Chroniques de Krondor"), aux "Dents de la Mer" (^^) et à la Bataille de Salamine (^^) pour incarner la soif de vengeance de tout un peuple et au bout de son chemin de croix elle obtient ce qu'elle avait toujours refusé…
On entre dans le vachement bien puisque les personnages influent sur l'univers et inversement, au contraire de toutes ces séries à rallonge qui retombent systématiquement dans le statu quo ! Pourquoi se priver vu qu'en plus on nous offre un combo Bataille de Fort-le-Cor / Bataille de Minas Tirith ? Oh Yeah !!!
Alors oui, on sent arriver le « War Against Terror », les « Rogue States » et tout le toutim des éléments de langage occidentaux…
Mais qui sont les méchants ? Certes les Volariens ont une bonne tête de Murgos et les Alpirans une bonne tête de Maloréens, mais point de méchants Bougnoules / Niakoués / Russkoffs / Chicanos (rayez les mentions inutiles)… Non, on pioche à la fois dans les Immortels de l'Empire perse achéménides, dans les janissaires de l'Empire turc ottoman, mais aussi dans l'esclavagisme l'Empire romain et l'impérialisme de l'Empire américain…Et comment s'appelle le pays qui va devenir le leader du monde libre en réunissant dans une Grande Alliance antifasciste WASP, Gallois, Écossais, Irlandais, Arabes et Amérindiens ? The United Kingdom / le Royaume-Uni(fié) ! mdr
Après tout n'était pas réussi non plus, au-delà de la différence entre le 1er tome a été affiné durant des années et les tomes 2 et 3 qui ont été écrits en 1 an chacun :
- pas fan des romances lesbiennes qui arrivent un peu de nulle part et qui ne sont pas vraiment développées ou exploitées (fantasmes de la part de l'auteur, élément imposé par l'éditeur, ou appel du pied à un certain type de lectorat ?)
- pas fan de ces conneries de prophéties qui fort heureusement se font quand même plutôt discrètes, et on reste quand même dans le schwartz concernant l'Allié et ses lieutenants volesprits… (encore une fois, remember le film "Le Témoin du mal" ^^)
- après m'être régalé avec les X-Men fantasy de Jim Butcher dans "Le Codex Aléra", et les X-Men urban fantasy de Larry Correia dans "Les Chroniques du Grimnoir", ben là je suis resté sur ma faim niveau pouvoir super-héroïque (c'est con car on a quand même les alter egos du Professeur X, Tornade, Iceberg, Pyro et cie)
- malgré tout je reste persuadé qu'en taillant dans vif niveau personnages secondaires et péripéties de remplissage, il y a avait moyen de raconter la même histoire avec 200 pages de moins, mais c'est sans doute ma fibre howardienne qui parle… (et après tout on arrive bien pour le meilleur et pour le pire à laisser totalement de côté quelques personnages importants du tome 1)
- en partageant l'affect du lecteur entre 4 personnages principaux on perd en intensité ce qu'on gagne en variété, d'autant qu'il n'y a pas unité de lieu, de temps et d'action avec des personnages qui ne croisent pas souvent…
- concernant le mega twist on est dans le dilemme hitchcockien du choix entre la surprise et le suspense, et j'ai trouvé qu'à ce niveau là on était quand même un peu le cul entre 2 chaises
- on nous présente l'Empire volarien comme invincible car éliminant à l'avance ses opposants grâce à ses liseurs d'avenir… et ensuite la résistance du Royaume Unifié lui pourrir la vie et il ne voit rien venir ? Incohérence des familles ou nouveaux twists à venir ???
- en fin de tome l'auteur abuse un peu des arias de fin genre « on le revit plus jamais », « elle savait qu'il ne le reverrait plus », « ce furent les derniers mots qu'on entendit de lui »…
- la 5e et dernière partie du tome n'est qu'un cliffhanger assez putassier… Mais j'avais le tome 3 sous le coude pour enchaîner de suite donc OSEF, mais je compatis à la douleur des lecteurs de la première heure ! blink
Rien de mauvais loin ne s'en faut, mais ce sont ces détails qui font qu'il manque l'intensité nécessaire pour aller titiller les poids lourds de la catégorie…
Au final, un tome 2 moins abouti, moins homogène et moins équilibré que le tome 1, mais un tome bien cool et bien fun, et d'autant plus agréable qu'il revitalise de beaux classiques des années 1980 en rendant hommage aux oeuvres de David Eddings, Raymond Feist et Joe Dever le papa de la saga "Loup Solitaire" !
Et vous me connaissez bien, impossible de résister à tentation de glisser quelques quenelles donc je l'ai toutes rassemblées à la fin… blink
- oui j'ai encore entendu des spécialistes du genre rouspéter contre le manque de littéralité du cycle
1) on est en fantasy épique, donc le style on s'en bat royalement les steaks si l'ensemble reste efficace
2) à l'image de ses confrères néoclassiques Anthony Ryan ne fignole pas ses œuvres, mais livre l'intégralité de son cycle en 3 ans et pas en 30 ans (genre GRR Martin, Scott Lynch, Patrick Rothfuss…) On ne peut pas tout avoir !
- mais quelle critique pisse-froide, pourave et sans aucune analyse de Gillossen l'expert d'Elbakin.net, on est une nouvelle fois dans la condescendance et la mauvaise foi… Mais bon, il ne fallait pas s'attendre à autre chose vu que le cycle appartient à la fantasy épique qu'il n'aime pas, qu'il est édité chez Bragelonne qu'il n'aime pas, et qu'il a écrit par un self-made man qu'il n'aime pas…
3) je ne vous comprends pas certains, vous êtes les premiers à raller contre la pantouflardise de moult cycles, et là vous en avez un qui a les couilles de se remettre en question pour sortir de sa zone de confort, et au lieu de saluer l'initiative vous râler que les personnages évoluent, que l'univers évoluent et que l'histoire avance… Vous auriez préférez que l'auteur raconte par le détail toute la vie du héros et l'intégralité des états d'âmes dans un cycle à rallonge de 18 tomes et 7500 pages ???
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