Annie Proulx "Entrevista en Colectivo Imaginario - TN"
Il enfouit son visage dans l'étoffe et respira lentement par le nez et la bouche, espérant y trouver la légère odeur de fumée et de sauge, le goût salé de la sueur de Jack, mais il n'y avait rien à sentir, seulement son souvenir, le pouvoir imaginaire de Brokeback Mountain dont il ne demeurait rien sinon ce qu'il tenait dans ses mains.
Les saules aux tiges d'ocre se balançaient avec raideurs, leurs chatons pleins de pollen semblables à des empreintes de pouce jaunes.
Bunny courut jusqu'à la maison, le pouce et l'index serrés l'un contre l'autre.
"Tante, le ciel est la plus grande chose du monde. Devine quelle est la plus petite ?
- Je ne sais pas, mon petit chou. Qu'est-ce que c'est ?
- Ça." Et elle tendit son doigt pour montrer un minuscule grain de sable.
- Je veux voir." Sunshine se précipita et la particule de sable s'envola dans un souffle.
"Non, non, non, dit la tante, arrêtant le poing fermé de Bunny. Il y en a des milliers d'autres. Il y a du sable pour tout le monde."
La chemise lui parut lourde et il découvrit qu'il y en avait une autre à l'intérieur, les manches soigneusement enfilée dans celles de Jack. C'était sa propre chemise à carreaux, perdue depuis longtemps, avait-il cru, dans une putain de blanchisserie, sa chemise sale, la poche arrachée, les boutons en moins, volée et dissimulée par Jack à l'intérieur de sa propre chemise, comme deux peaux, l'une à l'intérieur de l'autre, deux en une.
Le ciel était un filet aux mailles pleines d'étoiles.
"Bon", fit Jack, et ils se serrèrent la main, se tapèrent sur l'épaule, puis il y eut dix mètres de distance entre eux et rien d'autre à faire que de rouler chacun dans des directions opposées. Au bout d'un mile, Ennis eut l'impression que quelqu'un lui extirpait les boyaux avec la main, mètre par mètre. Il s'arrêta sur le bas-côté de la route et , dans les soudains tourbillons de neige, essaya de vomir mais rien ne vint. Il ne s'était jamais senti aussi mal et dut attendre longtemps avant que la sensation ne se dissipât.
" [...] Les gens étaient sociables pour l'unique raison qu'ils menaient une existence trop dure pour se permettre d'avoir des ennemis. C'était nage ou crève. Ça vous rend aimable."
Il prit l'habitude de tourner autour de la caravane en disant à voix haute : "Qui sait ?" Il disait : "Qui sait ?" Car personne ne savait. Ce qui voulait dire : Tout peut arriver.
une pièce de monnaie qui tourne en équilibre sur la tranche peut tomber d'un côté ou de l'autre.
La première neige tomba tôt, le 13 août, trente centimètre,suivie d'un dégel rapide.
Les pieds dans la boue
Il se hissa par-dessus la barrière, pantelant, le souffle coupé par l'effort et la dépense nerveuse. Il était sorti de la bouche du canon. La violence des mouvements, les prouesses d'équilibre, la sensation de puissance, comme s'il incarnait le taureau et non le cavalier, même la peur, satisfaisaient un appétit physique intence qu'il ignorait avoir en lui. L'expérience avait été exaltante et atrocement intime.