AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
La Traversée des temps tome 4 sur 4
EAN : 9782226467454
Albin Michel (17/04/2024)
3.99/5   86 notes
Résumé :
Noam, héros immortel qui traverse l'histoire de l'humanité, arrive en Grèce ancienne. Il fait la connaissance de Daphné, une jolie Athénienne qui veut l'épouser. Xanthippe, la sœur de cette dernière, s'oppose fermement à cette union car elle ne veut pas d'un métèque dans leur famille. Noam, qui n'est pas citoyen, doit s'intégrer à la vie de la cité pour participer à son effervescence.
-----------------------------------------------------------------
Co... >Voir plus
Que lire après La Traversée des temps, tome 4 : La Lumière du bonheurVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (12) Voir plus Ajouter une critique
3,99

sur 86 notes
5
8 avis
4
3 avis
3
0 avis
2
1 avis
1
0 avis
Après le Déluge, la construction de la Tour de Babel et l'Egypte pharaonique, Eric-Emmanuel Schmitt poursuit sa Traversée des Temps avec le quatrième des huit tomes prévus pour raconter l'histoire de l'humanité à travers Noam, un homme devenu immortel qui, confronté dans un futur proche aux menaces qui pèsent sur le monde, se remémore le long et prodigieux chemin parcouru au cours des siècles pour en arriver là. Avec cette fois la Grèce antique, ce sont les fondements de la civilisation contemporaine, avec l'émergence de la philosophie, de la démocratie, du théâtre et des jeux olympiques, que le narrateur raconte dans un étonnement émerveillé.


Alternant entre longues immersions dans le passé et brefs intermèdes modernes servant surtout à mettre l'ensemble en perspective, le récit de Noam, empêtré entre sa pesante longévité et ses amours désespérément mortelles, rend non seulement particulièrement vivante son expérience hellénique qui lui fait côtoyer, descendus de leur piédestal pour retrouver leur épaisseur humaine, des figures comme Sappho la poète, Périclès le stratège, Hippocrate le médecin ou Socrate le philosophe, mais s'assortit, au gré de notes de bas de page qui démultiplient l'intérêt du livre en établissant des passerelles avec le présent, de commentaires intelligents et érudits sur la condition féminine et sur l'homosexualité, sur le rapport à la force et sur la conception du pouvoir, sur la démocratie versus la démagogie, sur les totalitarismes nés parfois d'une conception trop binaire du bien et du mal, sur l'évolution artistique et ce qu'elle dit de la relation de l'homme au monde, sur le sport d'hier et celui d'aujourd'hui, et sur tant d'autres sujets donnant matière à passionnante réflexion.


Contrat rempli pour ce nouvel opus d'un fantastique voyage au travers des temps, qui, par le biais vivant et ludique du conte, nous fait revisiter des pans majeurs de l'histoire humaine pour, en nous ramenant à ce qui a porté les civilisations successives et permis l'évolution des idées, nous faire toucher du doigt ce que le monde d'aujourd'hui doit à son histoire et à ses racines. Et puis, comme chaque étape de cette évolution appelée « progrès » apporte ses bénéfices comme ses travers, rien de tel que cette formidable mise en perspective des modes de pensée pour nous éclairer dans le défrichage du présent et de l'avenir. Il n'y a de saines constructions qui se désolidarisent de leurs fondations….


Parvenu à mi-parcours de son ambitieuse saga, Eric-Emmanuel Schmitt passionne toujours autant qu'il divertit, et c'est bien volontiers jusqu'à la fin des temps que l'on se retrouve prêt à le suivre, suspendu à ses talents de conteur captivant et érudit. Soulignons au passage son extraordinaire à-propos avec la sortie de ce livre en pleine année olympique parisienne. Coup de coeur.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
Commenter  J’apprécie          786
Voici des années qu'Eric Emmanuel Schmitt nourrit l'incroyable et immense projet de nous raconter l'Histoire d l'humanité de ses débuts jusqu'à notre, et pour ce faire 9 tomes paraîtront. Nous en sommes actuellement au tome 4 « la lumière du bonheur ». Cette période se déroule au Ve siècle avant JC, nous voyageons et atterrissons dans la Grèce antique. Nous retrouvons comme dans les tomes précédents nos protagonistes : Noam , Noura et Dereck puisqu'ils sont immortels. Avec son talent de conteur hors pairs l'auteur nous transporte dans un pan de l'histoire riche culturellement, politiquement etc… comme à son habitude E.E Schmitt fait vivre moult aventures à notre héros Noam. Il acceptera de participer, voire de gagner aux jeux Olympiques afin de pouvoir devenir citoyen d'Athènes. Ce sera alors l'occasion pour l'auteur de nous faire vivre de l'intérieur cet événement, en nous décrivant les infrastructures de l'époque, le déroulement des entraînements et surtout les us et coutumes des citoyens grecs. Par ailleurs il redonnera vie à des figures emblématiques et historiques de l'époque tels que les stratèges Pericles et Alcibiade, en passant par le philosophe Socrate et un éminent médecin, Hippocrate. Il nous fera revivre également les combats opposant Athènes à Sparte, sans oublier la vie religieuse et citoyenne de la Grèce antique. En parallèle nous continuons de suivre le lien fort qui unit Noam et Noura depuis des siècles, un lien qui se distend parfois …. En effet, Noam nourrit des sentiments ambivalents envers Noura, il se sent parfois sous emprise et pourtant il l'aime tant!! Cette situation le ronge, le mine , de ce fait il décide de la fuir et de reconstruire sa vie ailleurs…. J'en ai déjà dévoilé beaucoup à propos de l'intrigue donc je n'en dirais pas plus.
Je finirai par mon ressenti. Comme pour les tomes précédents ce fut une lecture passionnante et enrichissante ! de nouveau nous nous cultivons grâce à une nouvelle période de l'Histoire.comme à son habitude l'auteur avec la finesse, la précision d'un orfèvre, façonne sa galerie de personnages ainsi que l'environnement dans lequel ils évoluent. Son écriture ciselée, érudite , nous narre encore une fois une incroyable épopée. J'ai hâte de pouvoir lire le prochain tome. Si vous ne l'avez pas déjà fait, je vous recommande de lire les 4 tomes de « la traversée des temps ».
Commenter  J’apprécie          146
Il y a trente ans qu'Eric-Emmanuel Schmitt s'est lancé un magnifique défi : raconter 8 000 ans de l'histoire de l'humanité, à travers la voix de Noam. Ce dernier est né, pendant l'ère du Néolithique et a traversé les époques. Il a été le témoin de toutes les évolutions et de toutes les révolutions. Chaque tome de la série correspond à une période charnière de l'Histoire. le premier se déroule à l'ère du Néolithique, le deuxième marque le passage de la Préhistoire à l'Histoire, à l'époque de la création des Cités-états et de l'invention de l'écriture ; il se passe à Babel et raconte la civilisation mésopotamienne. le troisième se situe en Égypte, au temps des pharaons et de Moïse. le quatrième, La lumière du bonheur, décrit la civilisation grecque, aux Ve et IVe siècles avant J.C.

En raison d'une décision de Noura, Noam et elle ont traversé plusieurs siècles sans les vivre et notre héros lui en veut. Ils débutent une nouvelle vie sur l'île de Lesbos, auprès de la poétesse Sappho. Mais Noam ne se sent plus à sa place, il veut se détacher de l'emprise qu'exerce Noura sur lui. « Je ressens le besoin d'être maître de mon destin. » (p. 68) Il fuit celle qu'il a recherchée pendant des siècles. Pendant plusieurs décennies, il s'isole dans une grotte de Delphes. Il suit de loin les guerres et entend parler d'Athènes et de son nouveau régime politique innovant : la démocratie. « Cette cité exerçait sur moi une fascination irrépressible. » (p. 86) Un jour, il consulte la pythie. Il s'interroge sur le message de celle-ci quand un hurlement interrompt ses pensées : une femme a été piquée par un scorpion. Il lui sauve la vie et cette rencontre détermine son destin : il accompagne Daphné à Athènes. Aux yeux de tous, il s'appelle Argos.

Cette immersion dans la cité athénienne a coïncidé avec le moment auquel j'ai ressenti le même engouement que pour les tomes précédents. J'ai rencontré Socrate, que je n'avais pas su comprendre, pendant mes cours de philosophie de terminale, et que j'avais critiqué (merci à mon professeur qui m'avait laissé m'exprimer). J'ai été surprise en lisant les réflexions du philosophe et les discussions qu'il avait avec ses pairs. En effet, lorsque ma fille me pose une question, comme Socrate, je lui demande d'abord ce qu'elle pense. Je lui réponds par une autre question pour l'amener à prendre ses décisions.😀 Grâce à Argos, ma perception du philosophe s'est transformée.

Pour tenter d'obtenir la nationalité athénienne, le jeune homme participe aux Jeux d'Olympie. J'ai aimé découvrir les différences avec les J.O et j'ai été amusée par certaines anecdotes. J'ai assisté à la naissance de la tragédie et son rôle dans la société. J'ai rencontré des illustres personnages, comme Hippocrate, Périclès, Acibiade (à la personnalité fougueuse), etc. J'ai participé à l'avènement et la mise en place de la démocratie et aimé les passerelles effectuées avec celle de notre époque. Cet opus m'a fait énormément réfléchir.

Même s'il m'a fallu un peu de temps pour plonger dans l'Histoire de la Grèce Antique, j'ai, ensuite, été passionnée par ce pan du passé, qui habituellement, ne m'attire pas. Pourtant, j'ai découvert que les liens avec notre époque sont très forts, que cette période a créé nos fondations. Je demeure éblouie par le travail de documentation d'Éric-Emmanuel Schmitt, par son don de transmission et par son talent pour rendre les faits passionnants. J'ai frôlé le coup de coeur pour moi et j'ai hâte de connaître l'histoire de Rome et la naissance du Christianisme, dans le prochain livre.

Lien : https://valmyvoyoulit.com/20..
Commenter  J’apprécie          151
BRILLANT !

Quel plaisir de retrouver Eric-Emmanuel Schmitt et son héros Noam, qui traverse la grande, très grande histoire, pour venir éclairer notre petit bout d'éternité !

Dans ce quatrième tome, Noam devient Argos et nous amène dans la ville d'Athène au Vème siècle avant notre ère. L'occasion pour lui de vivre la naissance et les premières affres de la démocratie, la naissance de la démagogie qui va forcément avec, les joutes d'idées, la rhétorique, Périclès... Cette découverte, au travers des discussions de Noam avec Socrate (ben oui, autant prendre le meilleur haha) interroge sur notre démocratie moderne, en ce qu'elle a de mieux - la citoyenneté n'est désormais plus réservée aux seuls hommes ou à quelques privilégiés - mais aussi ce sur quoi elle n'a pas évolué.

Noam / Argos découvre également la naissance de la philosophie grâce à Socrate ainsi que les premières tragédies, qui l'enchantent ! Et qui de mieux qu'Eric-Emmanuel Schmitt pour nous transmettre les émotions que l'on peut ressentir devant les tragédies antiques ! Et nous amener, en bon philosophe, une petite réflexion sur le bien et le mal !

C'est aussi l'époque des Jeux Olympiques et malheureusement, des tensions dans le monde Grec entre Athènes et Sparte.

Sublimement écrit, magnifiquement documenté, tellement érudit, ce roman nous raconte la Grèce Antique comme aucun prof d'histoire n'a su le faire : au travers des réflexions d'un homme qui vient d'il y a très très longtemps et voit l'évolution de l'Humanité d'un point de vue très large. A travers les petites histoires d'amour et d'amitié, à travers des dilemmes (encore la tragédie !) d'hommes qui se racontent au présent.

Bref, Eric-Emmanuel Schmitt nous enchante, nous cultive et, en nous racontant le passé, éclaire notre présent. J'ai hâte, tellement hâte, de retrouver Noam à Rome !
Commenter  J’apprécie          152
J'attendais ce tome du cycle de la traversée des temps avec impatience.

J'ai été très satisfaits de retrouver les personnes de Noam, Noura et Derek, même si ce dernier roman est beaucoup plus centré sur Noam/Argos.

Pour une plongée dans la Grèce antique, je me demandais quels personnages Eric Emmanuel Schmitt choisirait de mettre en lumière. C'est donc sur la Grèce classique que son choix s'est posé, avec comme figures celles de Sappho, Socrate, Périclès et l'étoile filante qu'est Alcibiade qui sort comme un être emblématique de ce roman. Il est vrai que l'existence de ce personnage est très romanesque. Il symbolise tout à la fois la grandeur et les contradictions de cette Grèce classique.

L'auteur nous livre quelques très belles pages sur le théâtre qui donnent envie de participer aux représentations, mais aussi sur le jeux olympiques, dans un monde divisé par les guerres du Péloponnèse.

Encore une fois, le récit est passionnant et rend un vibrant hommage à la civilisation grecque. Les pensées en bas de page que l'auteur prête à Noam sont toujours très éclairantes et traduisent l'intelligence et la culture de l'auteur.

Un grand roman.
Commenter  J’apprécie          111


critiques presse (3)
Poursuivant sa folle entreprise, l’homme de lettres franco-belge Éric-Emmanuel Schmitt raconte à sa façon la Grèce antique.
Lire la critique sur le site : LeJournaldeQuebec
LeSoir
22 mai 2024
L’écrivain franco-belge poursuit sa saga. Dans « La traversée des temps », il raconte l’histoire de l’humanité à travers son Noam immortel. Ce quatrième tome se passe en Grèce. C’est « La lumière du bonheur ».
Lire la critique sur le site : LeSoir
OuestFrance
18 avril 2024
Dans son nouveau livre La lumière du bonheur, Éric-Emmanuel Schmitt concentre, en 600 pages, la quintessence de la Grèce antique. Une belle occasion de parler démocratie, Jeux olympiques et tragédie.
Lire la critique sur le site : OuestFrance
Citations et extraits (52) Voir plus Ajouter une citation
Face à une crise inévitablement préoccupante, deux attitudes émergent : l’éliminer ou reconnaître son caractère constitutif. (...)
Platon ressentait une profonde angoisse devant les crises qu’il avait observées. (...) Il aspirait ainsi à une cité qui transcenderait les crises, esquissant dans ses écrits une « république » où chacun occuperait sa place naturelle et exercerait son rôle biologiquement défini. Dès lors, s’inspirant du modèle de la ruche, sa philosophie instaurait un totalitarisme qui figeait la vie sociale et supprimait toute lutte antagoniste.
Selon d’autres penseurs, la vie sociale porte en elle un conflit structurel, du fait de notre existence en société. La politique devient alors l’art de gérer les conflits plutôt que de les détruire. Les conflits ne sont pas évacués, plutôt intégrés. Non seulement la crise est considérée comme salutaire, mais l’agonistique, l’art du combat, doit être préservée.
Pour les premiers, les platoniciens, les divisions créent des séparations, tandis que pour les seconds, la conflictualité unit. Alors que la démocratie assume le risque d’une remise en cause permanente, sans chercher à transformer l’homme ni à le dompter, ceux qui, à l’instar de Platon, tentent de dépasser la conflictualité sombrent dans le totalitarisme. Mieux vaut la gestion du mal que l’éradication utopique ou violente du mal. Il est des formes de paix auxquelles il s’avère dangereux de rêver…
Commenter  J’apprécie          191
Le drame est le genre du conflit réductible, la tragédie est le genre du conflit irréductible. La subtilité de la tragédie, à l’époque où je la découvris, livrait un enseignement des plus utiles : le réel est fait de conflits. Notre intelligence morale autant que politique doit consister à reconnaître ces conflits, à tenter de trouver un équilibre sans supprimer la tension, encore moins un pôle de cette tension. Contre ce sens aigu des équilibres, à toutes les époques surgissent des vendeurs de drame, qui prétendent apporter une solution simple à un problème complexe. Ce sont les équarrisseurs du réel. Ils prolifèrent en politique. Ainsi, au XXIe siècle, certains responsables désirent construire des murs pour en finir avec les migrants, des climato-sceptiques nient le réchauffement, des intégristes voudraient qu’un des deux États, Palestine ou Israël, détruise l’autre. Voilà le démagogue : celui qui refuse la complexité en brandissant une solution unique, celui qui refuse de regarder en face la tragédie et qui lui substitue la vision binaire du drame. Même s’il nous déplaît ou nous fait peur, nous devons apprivoiser le tragique. Le reconnaître, le mesurer, tout en repoussant les menteurs qui l’oublient. Certes, il y a de l’inconfort à se montrer lucide, mais le confort ne constitue pas une solution. Notre horreur des tragédies ensanglante le monde plus que les tragédies elles-mêmes. Il nous faut cultiver le sens de la tragédie. Parfois, la sagesse consiste à reconnaître qu’il y a des problèmes sans fin.
Commenter  J’apprécie          20
La force de la tragédie vient du fait qu’elle simule le désastre et l’esthétise. Quoique ressentant la terreur et la pitié, je me pâme et je saisis. Le spectacle me rend le bruit et la fureur du monde compréhensibles et admirables. En m’offrant l’intelligibilité et la beauté, il me donne l’occasion de sublimer, de dominer la condition humaine, et donc instaure ou restaure un équilibre psychique. Aristote ajoutait qu’il y a plus de vérité dans la tragédie que dans l’Histoire. Car l’Histoire raconte ce qui a eu lieu, confinée dans le singulier et l’accidentel, tandis que la tragédie signale l’ordre du général et du nécessaire. De surcroît, le théâtre possède la vertu d’être accessible à tous, pas seulement aux gens instruits. La tragédie crée une écoute émotionnelle de problèmes très intellectuels.
Commenter  J’apprécie          40
En vous observant, je vois des poupées russes – vous connaissez, n’est-ce pas, ces ensembles où chaque poupée contient une poupée plus petite, et ainsi de suite jusqu’à la dernière ? En surface, vous apparaissez comme des démocrates ; en réalité, vous n’êtes que des démagogues, pas la voix du peuple, uniquement la voix de certains. Que dissimule la poupée du démagogue ? Un ambitieux, qui nourrit une envie indécente : le goût du pouvoir ; pas le pouvoir pour agir, mais le pouvoir pour le pouvoir. Et derrière la poupée de l’ambitieux ? Un narcisse, convaincu qu’il doit détenir le pouvoir parce qu’il se considère comme supérieur. Je me trouve ici au milieu d’individus souffrant de troubles de la personnalité et qui devraient consulter des spécialistes, plutôt que d’assumer des responsabilités. Vous usurpez la place des véritables cerveaux politiques, ceux qui visent haut et loin, qui sont obsédés non par la prochaine élection mais par l’avenir du pays, voire du globe.
Commenter  J’apprécie          22
L’après-midi, je flânai dans Athènes. Depuis mon premier contact avec la cité, je remarquai deux propriétés que, deux mille cinq cents ans plus tard, je lui reconnais encore : elle inventait le présent et rendait barbare le reste du monde.
Athènes inventait le présent, car, au rebours de la Mésopotamie ou de l’Égypte, elle ne prenait pas le passé pour référence. Aux yeux des despotes mésopotamiens ou des pharaons, gouverner correctement consistait à rejoindre la source, à remonter au temps des dieux. Il fallait reproduire le passé, voire le réinstaurer au cas, fâcheux, où l’on s’en serait éloigné. On marchait avec l’avenir dans son dos. Une nostalgie de l’origine attribuait au présent les couleurs d’un passé dévalué. Au contraire, les Grecs pensaient qu’au départ sévissaient le chaos, le désordre, les combats ; Cronos, fils de l’Ouranos primordial, avait tranché le sexe de son père d’un coup de faux ; il avait ensuite mangé ses enfants, sauf Zeus qui lui avait fait recracher de force ses frères et sœurs puis s’était emparé du pouvoir, ce Zeus qui, lui aussi, s’était d’abord livré à d’immondes exactions, mais s’était assagi peu à peu. En fait, les dieux se polissaient, ils finissaient par devenir des dieux à hauteur de dieu. L’ordre s’imposait au fur et à mesure. Aujourd’hui valait donc mieux qu’hier, aujourd’hui résolvait les crises d’hier. Le présent triomphait du passé. Personne n’avait jamais conçu cela ! Pour les hommes de jadis, l’Histoire égrenait une décadence ; pour les Hellènes, l’Histoire accomplissait un progrès.
Oui, Athènes rendait barbare le reste du monde. Son goût de la mesure accusait chaque excès. Si la cité d’Athènes goûtait la gloire et la munificence, elle les différenciait de la pompe et de l’ostentation. En la parcourant, en m’y délassant, j’apercevais a posteriori la grossièreté brutale des Mésopotamiens, la prétention suprême des Égyptiens, l’abus conquérant des Perses. La juste mesure, voilà le coup de poignard qu’Athènes infligeait à tout ce qui n’était pas elle : pour toujours, elle raillait la grandiloquence, dégonflait les boursouflures, moquait la mégalomanie, dénonçait l’étalage du luxe, ridiculisait la parade immodeste. S’il existait diverses civilisations, il n’y avait qu’une civilisation civilisée : Athènes.
Commenter  J’apprécie          00

Videos de Éric-Emmanuel Schmitt (109) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Éric-Emmanuel Schmitt
Alain Damasio et Eric-Emmanuel Schmitt - Rencontre inédite
autres livres classés : romanVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (574) Voir plus



Quiz Voir plus

la vie rêvée d'Hitler...

Par quoi commence le récit et la vie d'Adolf H.?

par sa réussite au concours d’entrée à l’Ecole des Beaux-Arts de Vienne.
par son mariage avec Sarah
par son coming out

9 questions
454 lecteurs ont répondu
Thème : La Part de l'autre de Eric-Emmanuel SchmittCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..