Tom Felton

La seule monnaie véritable dont on dispose, c’est l’effet qu’on produit chez les autres.

De tous les grands noms que j’ai côtoyés pendant le tournage des Harry Potter, c’est de Daniel que j’ai le plus appris et c’est en lui que je me reconnais le plus.
Ça paraît bizarre, peut-être, d’autant plus que nous avions été engagés en raison des similarités entre nous et les personnes que nous incarnions. Harry et Drago sont ennemis dès le début après tout. Mais ce n’est pas comme ça que je le vois. Je dirais que Harry et Drago sont les deux faces d’une même pièce, et c’est aussi comme ça que je nous vois, Daniel et moi.

Richard Harris, John Hurt, Helen McCrory…, la liste des acteurs de Harry Potter qui ne sont plus parmi nous s’allonge inexorablement. Quand je pense à leur mort, je me retrouve au purgatoire, car ce n’est qu’aujourd’hui, parvenu à l’âge adulte, que je commence à mesurer leur influence sur moi et la chance de les avoir eus comme modèles.

« Je ne suis pas riche, a-t-il précisé doucement, je n’ai pas beaucoup d’argent. Je n’ai pas une grosse maison. Je n’ai pas une belle voiture. Mais j’ai ma femme et mes enfants, et mes petits-enfants, ce qui veut dire que je suis riche. Très riche. » Il m’a renvoyé un regard perçant, puis il a incliné un peu la tête. « Et vous, vous êtes riche ? »
Mon réflexe a été d’éclater d’un rire piteux. « Si je suis riche ? Je suis millionnaire ! Et me voilà à vous mendier une bouteille d’eau et votre dernier billet. » En moi-même j’ai pensé, sans le dire tout haut : Je ne suis pas riche du tout. Pas à ta façon.

Le public peut re-regarder un film autant de fois qu’il le souhaite. Il sera toujours là pour lui. Pour les comédiens et l’équipe de tournage, c’est plus compliqué. La magie est dans la création, et ce procédé a eu lieu dans un temps déterminé du passé. On peut se rappeler ce temps, en être fier, mais on ne peut pas le revivre.

Ma loge était dans un autre couloir. Une plaque apposée sur la porte indiquait « Drago Malefoy ». C’est la coutume d’écrire le nom du personnage plutôt que celui de l’acteur. (Pour le sixième film, Alan Rickman a modifié la plaque de sa loge en « le Prince de sang-mêlé ».)

Une lettre en particulier m’est restée en mémoire. Un type aux États-Unis avait changé son nom légal en Lucius Malefoy, et le nom de sa maison en Manoir Malefoy. Il voulait que je change mon nom en Drago Malefoy et que je vienne vivre avec lui. Ma mère a poliment décliné la proposition pour mon compte. (Chris : « Non, vas-y, laisse-le y aller ! ») Ça paraissait drôle, à l’époque. Nous en avons ri à la maison. Ce n’est qu’avec le recul que je m’aperçois que c’était aussi un peu glauque.

Depuis plus de vingt ans maintenant, nous nous sommes aimés à notre façon. J’ai perdu le compte du nombre de fois où quelqu’un nous a dit : « Vous avez dû vous embrasser un soir de beuverie au moins une fois ! » « Un baiser, au moins ! » « Il y a quelque chose derrière tout ça ! » Mais c’est bien plus profond que ça. C’est un amour parmi les plus purs que je puisse concevoir. Nous sommes des âmes sœurs et nous nous protègerons toujours mutuellement.

(préface d’Emma Watson)

Mais pas un jour ne passait sans qu’Alan Rickman, la robe de Rogue flottant derrière lui, ne soit vu tenant son plateau dans la queue de la cantine comme tout le monde. Il m’intimidait beaucoup, depuis le début. Il m’a fallu trois ou quatre ans pour parvenir à articuler plus qu’un « Salut, Alan ! » couinant et un peu terrifié à chaque fois que je le croisais. Mais de le voir ainsi, attendre patiemment en costume son sandwich à la saucisse, ça adoucissait un peu son image.

Je ne suis pas le seul à affronter ces sentiments. Tout comme nous connaissons tous un jour ou l’autre des problèmes de santé physique, nous connaissons tous un jour ou l’autre des problèmes de santé mentale. Ce n’est pas honteux. Ce n’est pas un aveu de faiblesse. Si j’ai décidé de coucher ça sur le papier, c’est en partie pour cette raison. Pour que mon expérience contribue à aider ceux qui luttent.