Votre fils a vécu combien de temps en prison avec vous ?
Ses vingt premiers mois. Aujourd'hui, il en plaisante en disant qu'il a déjà fait de la prison ! J'étais heureuse de l'avoir avec moi, mais je me sentais coupable. Nous avons ensuite été séparés pendant dix mois, jusqu'à ma libération. Heureusement, c'est mon petit frère qui en avait eu la garde. Il n'avait pas été placé, c'était une consolation.
Perdre la liberté puis la garde de son enfant, j'ai cru que c'était la chose la plus difficile à vivre. Je pensais avoir touché le fond. Jusqu'à la perte de ma fille quand elle allait avoir 20 ans.
(Extrait de la Nouvelle République du 16 mai 2024 - édition du Loir-et-Cher)
On peut se reconstruire après avoir vécu tout cela ?
On essaie. Mon fils me disait toujours qu'il voulait un papa qui l'emmène à l'école. J'ai demandé le divorce. J'ai refait ma vie. Je suis devenue épicière à Saint-Août (dans l'Indre). C'était un rêve d'enfant. Mais bon. J'ai été condamnée à 10 ans de réclusion criminelle. Quand je suis sortie, j'ai cru que ma peine était purgée. C'était faux. On ne retrouve pas une vie normale en sortant de prison. Les portes pour le boulot ou le logement se ferment, les gens continuent à vous juger. Aujourd'hui, je m'en fous. C'est d'ailleurs pour cela que j'ai écrit ce livre. Ma vie a été racontée dans tous les sens. Ce livre, c'est ma vérité de femme, ma libération.
(Extrait de la Nouvelle République du 16 mai 2024 - édition du Loir-et-Cher)
Vous étiez enceinte d'un mois au moment de l'arrestation. Comment être mère et braqueuse ?
J'étais prête à attendre mon mari vingt ans s'il le fallait. Sauf qu'un jour, au parloir, après ma libération, Jean-Charles m'a demandé de le faire évader une deuxième fois. Par hélicoptère. Là je n'ai même pas réfléchi. Je lui ai dit non. J'avais un enfant et je ne pouvais plus me permettre de risquer ma vie ou de retourner en prison. Après ce non catégorique, nous sommes restés en bons termes, mais il y a eu comme un détachement de ma part. J'ai eu du mal à accepter qu'il me redemande de risquer ma vie alors qu'on avait un enfant. Ma vie appartenait désormais à cet enfant.
(Extrait de la Nouvelle République du 16 mai 2024 - édition du Loir-et-Cher)
C'est Jean-Charles qui m'a demandé si je pouvais le faire sortir. Je n'ai pas hésité. Je me suis préparée et le jour J, j'y suis allée d'un pas décidé. C'était ou mourir, ou le retrouver, ou retourner en prison.
Le fait d'être avec Jean-Charles m'avait rendue acceptable à leur table. J'ai fait quelques braquages avec eux. Après l'évasion du palais de justice, les truands m'appelaient la femme aux couilles.
(Extrait de la Nouvelle République du 16 mai 2024 - édition du Loir-et-Cher)
Combien d'années de prison vous a coûté cette vie ?
Trop. On n'imagine pas ce que c'est que la liberté tant qu'on ne l'a pas perdue. En tout, je suis restée en prison presque cinq ans. En deux fois.
(Extrait de la Nouvelle République du 16 mai 2024 - édition du Loir-et-Cher)
Dans les années 1970, les journalistes me présentaient parfois comme une jeune naïve aveuglée par son amour pour un truand de légende. Pourtant, au moment de monter au braquage, j'étais là et je n'avais peur de rien.
Il (Jean-Charles Willoquet) m'a demandé une fois après m'avoir tout raconté si je souhaitais rester ou partir. Je n'ai pas hésité un seul instant. J'ai épousé sa vie de gangster.
(Extrait de la Nouvelle République du 16 mai 2024 - édition du Loir-et-Cher)