Ptit Cab Jusqu'ici tout va bien
- Tu n'es pas seul.
Il a hoché la tête de haut en bas.
- Non, tu n'es pas seul.
- Si.
- Tu m'as, moi.
Il a eu un petit rire triste, avant de répondre :
- Jackie, j'ai toute une vie d'avance sur toi.
Ton choix, libre de toute contrainte. Mais pour faire ça, tu dois regarder au fond de ton cœur et être honnête avec toi-même. Oui, c'est flippant : je sais. Mais la vie est trop longue pour avoir peur.
Je renifle.
-Trop courte, tu veux dire.
-Non. Des années entières à ruminer tes rancœurs, à te convaincre de ne rien tenter qui pourrait te rendre heureuse? Crois-moi, c'est long.
Je croyais avoir bien solidifié ma défense. J'ai passé trois longues minutes dans les toilettes à écouter les instructions d'Easton pour me préparer psychologiquement. J'ai redressé mes épaules, pris une grande inspiration, et répété après elle : "Je suis une grande fille, je peux assumer de revoir mon ex devant un parterre de journalistes de chaînes de télé venus des quatre coins de la planète et... OK, Easton. Non. Ça ne sert à rien."
N'empêche, je m'étais dit que ça irait. Mais quand Nolan franchit la porte, comme toujours vêtu de noir des pieds à la tête, le regard circonspect, les cheveux plus courts que la dernière fois où j'ai passé mes doigts dedans, je réalise que ça ne va pas.
Ça ne va pas du tout.
-Tu pourrais nous faire plaisir, et massacrer Koch demain?
Ils éclatent tous de rire. Se moquent-ils de moi, ou sont-ils avec moi?
- On te serait vraiment très reconnaissants si tu pouvais l'écraser comme une merde, ajoute un autre.
- Chaque fois qu'il perd, un bébé licorne donne naissance à un arc-en-ciel.
- Entendre Koch gémir quand il se retrouve échec et mat vaut presque un orgasme.
- En gros, résume Davies, on ne peut pas le blairer et on se réjouit d'avance de toutes les souffrances que tu pourras lui infliger.
Je meurs d'envie de le savoir, mais je n'ose pas demander. Tant que tu n'oseras pas poser la question, c'est le couple de Schrödinger», m'a expliqué Sabrina d'un ton plein de sagesse. J'ai acquiescé, impressionnée par ses connaissances en mécanique quantique.
Je refuse d'aborder ce sujet avec des gamines de moins de dix-huit ans, et avec des filles de plus de dix-huit ans à qui il faut vingt-cinq minutes de coaching mental pour ajouter un cœur à la fin d'un texto, dis-je d'un ton sans appel.
« – Je n’arrive pas à voir Jupiter. La lune brille trop. Je ne sais pas où elle est.
– Elle est à sa place, ai-je répondu.
– Non.
Il s’est enveloppé de ses bras pour se réchauffer. Quand il s’est enfin retourné, j’ai vu un panache de buée s’échapper de ses lèvres dans le clair de lune.
– Je la trouverai, a-t-il dit. Je ne veux pas rester seul.
– Tu n’es pas seul.
- Les anges ne sont peut-être pas toujours là pour empêcher les drames.
- Dans ce cas-là, je ne vois pas à quoi ils servent.
- A être à nos côtés quand surviennent des drames.
- Ah bon ? Qu'est-ce qu'ils foutaient, alors ?
- C’est un paquet pour Miss Charlotte. Dites-lui qu’on ne peut que se réjouir de l’éclectisme des épiceries américaines en dépit de leur parcimonie quant à leur sélection de produits alimentaires ayant vu la lumière du soleil.
- Elle ne va pas comprendre le mot « éclectisme ».
- « Hétéroclisme » alors.
- Pareil.
Le type a soupiré.
- Le contenu parle de lui-même.
Vous vous souvenez quand je vous ai dit que, quand tout va assez bien, cela signifie en général qu'un truc nul va arriver ?