Not My Problem by Ciara Smyth, KPMG Children's Books Ireland Awards 2022
Il a fourré un gâteau dans sa bouche et mis des miettes partout sur mon lit. Si c'était ça, le quotidien d'une hétéro (avoir un mec dans sa chambre qui fout le bordel), vive la vie de lesbienne. Ce n'était pas la première fois que je bénissais le ciel d'avoir cette chance.
-Tu as raison, je repars à la fin de l'été. On sait déjà qu'en septembre, c'est fini.
-Ok... Ai-je fait, dubitative.
Je ne voyais pas trop où elle voulait en venir.
-Du couuuup... s'est-elle impatientée (apparemment, c'était très clair dans sa tête), pas de surprise, et pas de grand amour à la clé. Juste une expérience simple, pour changer des histoires lesbiennes qu'on voit d'habitude. On garde que les trucs cool : s'embrasser, discuter, sortir... Et personne ne meurt à la fin.
-On garde la séquence romantique et, la suite, on coupe au montage, ai-je fini par comprendre.
-Exactement. Tu ne joues pas ta vie non plus.
Elle n'avait pas tort.
-C'est pas faux.
-Mais le truc, c'est que ça finit toujours par s'arrêter. Tout le monde se sépare, et jamais d'un commun accord. Y en a toujours un des deux qui n'a rien vu venir et qui a le cœur brisé. C'est galère, le bordel... Et de toute façon, je pars à la fac dans deux mois et toi, t'es là que pour l'été. Donc ça ne sert à rien.
-C'est tout ? A-t-elle lâché d'un air incrédule. Pas de relation, parce que ça va forcément se terminer ?
-En gros, ouais.
1. Ne pas sombrer dans la niaiserie. Donc, si je me retrouve avec des étoiles dans les yeux, à me dire des trucs du genre « C'est la plus belle fille du monde », ça sent pas bon ;
2. Le « nous », c'est non. Pas de « Nous, on adore ça, on préfère les chats, on sera heureuses toute la vie » ;
3. Pas la peine de rêver. Si je me mets à fantasmer sur un avenir qu'on n'aura jamais ensemble, alerte rouge ;
4. Zéro conversation sérieuse. On ne parle pas de ma mère, de mes doutes sur Oxford ou de mes émotions contradictoires par rapport à mon père, au mariage, et tous ces trucs ;
5. Pas de disputes, et surtout pas de réconciliations. S'engueuler, ça veut dire s'investir d'une façon ou d'une autre, et se réconcilier, c'est vouloir continuer.
Je me suis juré de n'enfreindre aucun de ces commandements sacrés. Pas d'excuses ni d'exceptions qui tiennent. Ça va, je sais... On se croirait dans un film d'horreur, pile au moment où la fille sort à tout le monde qu'elle "revient tout de suite".
Pour information, on n'est pas allées "jusqu'au bout". C'est pas l'envie qui manquait, au contraire. J'étais comme une boule de feu prête à explorer au moindre contact (oui, c'est une métaphore pour épargner les chastes oreilles).
-Je suis juste... Une fille... Debout devant... Une autre fille, et qui lui demande... Qui la supplie d'accepter... Ce grand... Geste romantique... Pour s'excuser d'avoir été vraiment trop conne.
Nos regards se sont croisés et je me suis demandé si Ruby pensait à la même chose, jusqu'à ce qu'elle me fasse un grand sourire et engloutisse quatre ou cinq Maltesers d'un coup.
Quand Olivier a dit son prénom, mon cœur a fait un petit bond - d'amitié, hein. C'est toujours excitant de se faire des amis.
-L'histoire, c'est notre identité. Le passé nous définit et nous transforme, même les parties qu'on a plus en mémoire.
Impossible de me concentrer, je ne faisais que penser à Holly. Je ne sais même pas si on pouvait parler de pensées, d'ailleurs, j'avais le cerveau recouvert d'une bonne grosse couche de négativité qui dégoulinait de partout. Pas étonnant que j'aie tout foiré en histoire, vu que j'étais débile. Bien sûr que mes scones avaient brûlé - j'étais bonne à rien. Evidemment que j'étais nulle comme amie...
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