Troisième et dernier volet d’une saga relatant le parcours d’une famille Kabyle de 1939 à 1962, ce roman nous plonge, pendant les derniers mois de la guerre d’indépendance, dans une Algérie sur le point de tourner la page du colonialisme.
Mars 1962. Les accords d’Evian aboutissant à un cessez-le-feu n’ont pas été signés depuis huit jours qu’éclate la fusillade de la rue d’Isly. Tournant à la panique pour une raison indéterminée, une manifestation de civils favorables à l’Algérie française est mitraillée par des soldats tricolores. Des dizaines de morts et deux centaines de blessés tombent sur le pavé d’Alger. A son grand désarroi, l’avocat frais émoulu Adam El Hachemi Aït Amar, tout entier à ses idéaux d’une Algérie indépendante rassemblant démocratiquement habitants de souche et immigrés français, se voit confier la défense d’Emilienne Postorino, une fervente partisane de l’Algérie française, accusée d’avoir déclenché la panique et le massacre en tirant la première.
Ajouté à la perspective quasi certaine de l’indépendance – un référendum d’autodétermination doit avoir lieu dans trois mois –, cet épisode qui, entre attentats de l’OAS et du FLN, enlèvements et assassinats, vient renchérir sur le climat de violence, précipite l’exode massif de ceux que l’on appellera pieds-noirs et harkis. C’est donc dans un contexte plus que jamais tourmenté qu’Adam, déchiré entre convictions personnelles, éthique professionnelle et inquiétude pour son père vaquant à de mystérieuses affaires dans sa campagne, doit décider quel parti adopter.
« Il y a trois sortes d’avocats : ceux qui se soumettent aux lois, au-dessus ceux qui les refusent, au-delà ceux qui s’en imposent. Débrouillez-vous avec ça, mon cher confrère. Pardon, j’en oublie une, les avocats hors-la-loi, ceux qui n’écoutent que la loi de leur cœur. » Pour notre personnage capable de se garder de tout manichéisme dans un environnement pourtant dramatiquement clivé, ce sera donc la voie du coeur, sans haine et avec la prise de recul autorisant une pondération lucide et douce-amère. Lui qui a dû fuir Paris pour échapper à la conscription ne sait que trop ce que déracinement veut dire et saura reconnaître aussi bien les torts et travers réciproques que l’intensité des drames vécus de part et d’autre.
Immersif et rythmé, le récit très cinématographique embarque efficacement le lecteur dans ses péripéties historiques. Et même si les épisodes relatifs au père finissent, dans leur improbable conclusion, par verser dans l’outrance mélodramatique, l’on se laisse volontiers séduire par cette histoire si bien contée qui sait avec intelligence et empathie souligner responsabilités et souffrances de chaque camp. A noter qu’il n’est pas besoin d’avoir lu les précédents tomes de la saga pour apprécier celui-ci.
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