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Eluard : Oeuvres complètes - La Pléiade tome 1 sur 3

Lucien Scheler (Éditeur scientifique)Marcelle Dumas (Éditeur scientifique)
EAN : 9782070101894
1663 pages
Gallimard (12/06/1968)
4.62/5   52 notes
Résumé :
1913-1945. Contient des textes écrits en collaboration avec André Breton, René Char, Max Ernst et Benjamin Péret, ainsi que Ode à Salvador Dali de Federico Garcia Lorca
Que lire après Oeuvres complètes, tome 1 : 1913-1945Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique

Je suis un peu triste de constater que je suis le premier à écrire une critique sur ce volume de la Pléiade consacré à un des poètes français majeurs du 20ème siècle. Est-il oublié, ce poète chantre de l'amour fou, ce poète engagé et résistant, auteur du celébrissime "liberté", dont des milliers d'exemplaires furent parachutés sur la France occupée?

Eugène Grindel dit Paul Eluard.

Ce volume rassemble sa production de 1913 à 1945 c'est-à-dire un très grand nombre de recueils et au total d'innombrables poèmes d'une grande beauté.
A part quelques poèmes de jeunesse dans lesquels Eluard utilise la rime, très vite son usage disparaît au profit de vers sans aucune rime, respectant soit une métrique régulière, heptasyllabique souvent, ou à dix syllabes, ou plus rarement alexandrins, ou très souvent des vers libres. Dans plusieurs recueils (par exemple dans Capitale de la douleur), on y retrouve aussi quelques poèmes en prose.

Eluard est, avec Breton, le fondateur du mouvement surréaliste, après avoir adhéré au mouvement Dada, qui contenait en germe cette révolution majeure de la poésie. Il est resté fidèle à ce mouvement, à l'inverse de beaucoup d'autres qui prirent leurs distances, voire furent "excommuniés" par le terrible André Breton.
Cependant, son langage s'est dégagé rapidement, me semble-t-il, de l'automatisme et de l'exploration de l'inconscient, marque de fabrique du surréalisme, pour être celui d'un langage fluide, n'utilisant que des mots simples, souvent associés sans lien logique apparent, mais dont les images ou la musique qu'ils portent apparaissent comme des évidences mentales, tels ces vers emblématiques:
"La terre est bleue comme une orange
Jamais une erreur les mots ne mentent pas" .

De sa production poétique abondante, je dégagerais trois aspects que je trouve les plus importants.

Tout d'abord, Eluard est, peut-être plus complètement que tout autre, un poète du sentiment et de l'expérience de l'amour, du désir, de l'exaltation, de la tendresse, mais aussi de la détresse, du désespoir, de l'abandon. L'amour source du bonheur et du malheur, de la fusion avec la nature, de la présence au monde. Il y a tant de merveilleux poèmes dans "Mourir de ne pas mourir", "Capitale de la douleur", "L'amour, la poésie", "La vie immédiate", "Les yeux fertiles", etc...

Et puis, c'est le poète de la fraternité, de la révolte contre l'injustice, de la lutte contre l'oppression. Un poète adhérent du parti communiste, et engagé dans la Résistance. Ces poèmes, à partir de 1938, et surtout pendant la seconde guerre mondiale, publiés notamment dans les recueils le livre ouvert, Poésie et vérité,Les sept poèmes d'amour en guerre, Les armes de la douleur, Au rendez-vous Allemand, écrits dans une langue simple et accessible, sont des poèmes de combat, souvent bouleversants. Ils parlent de la lutte contre l'oppression nazie, de la traîtrise des "collabos", de la souffrance du peuple de Paris, de la mort en martyrs des camarades. Mais il y a aussi tous ces poèmes de compassion pour les victimes de la vie, les opprimés, les malades mentaux, les femmes tondues à la Libération dans l'émouvant "Comprenne qui voudra".

Un troisième trait marquant de sa création, ce sont ses liens avec les artistes, quelques poètes, surtout Breton, mais aussi Soupault, Peret, Char, avec lesquels il co-écrira plusieurs textes, mais surtout très nombreux peintres célèbres ou moins célèbres auxquels il consacrera de nombreux poèmes, et qui, pour certains, Picasso, Man Ray, Valentine Hugo, Jean Hugo, etc.., illustreront certains de ses recueils.

On trouve aussi dans ce volume de la Pléiade, plusieurs ouvrages didactiques avec souvent une bonne dose de provocation, où Eluard, seul ou avec André Breton, donne de façon passionnante, sa vision de la création poétique, son analyse de quelques grands poètes, Baudelaire, Rimbaud, Lautréamont. Il y a notamment Notes sur la poésie, L'évidence poétique, L'avenir de la poésie, le Dictionnaire Abrégé du Surréalisme.
Et enfin, un texte "hors- normes", l'Immaculée Conception, écrit en 15 jours avec André Breton, sur le mode de l'écriture automatique, une sorte de "somme" baroque sur l'épopée de la vie humaine, sur la maladie mentale et la poésie, sur l'amour et sur les vérités éternelles. Un texte qui mériterait à lui seul une critique détaillée.

En conclusion, un livre inépuisable et magique.
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Citations et extraits (167) Voir plus Ajouter une citation
Les sept poèmes d’amour en guerre

Au nom du front parfait profond

Au nom des yeux que je regarde

Et de la bouche que j’embrasse

Pour aujourd’hui et pour toujours

Au nom de l’espoir enterré

Au nom des larmes dans le noir

Au nom des plaintes qui font rire

Au nom des rires qui font peur

Au nom des rires dans la rue

De la douceur qui lie nos mains

Au nom des fruits couvrant les fleurs

Sur une terre belle et bonne

Au nom des hommes en prison

Au nom des femmes déportées

Au nom de tous nos camarades

Martyrisés et massacrés

Pour n’ avoir pas accepté l’ombre

Il nous faut drainer la colère

Et faire se lever le fer

Pour préserver l’image haute

Des innocents partout traqués

Et qui partout vont triompher.

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Dit de la Force et de l'Amour

Entre tous mes tourments entre la mort et moi
Entre mon désespoir et la raison de vivre
Il y a l'injustice et ce malheur des hommes
Que je ne peux admettre il y a ma colère

Il y a les maquis couleur de sang d'Espagne
Il y a les maquis couleur du ciel de Grèce
Le pain le sang le ciel et le droit à l'espoir
Pour tous les innocents qui haïssent le mal

La lumière toujours est tout près de s'éteindre
La vie toujours s'apprête à devenir fumier
Mais le printemps renaît qui n'en a pas fini
Un bourgeon sort du noir et la chaleur s'installe

Et la chaleur aura raison des égoïstes
Leurs sens atrophiés n'y résisteront pas
J'entends le feu parler en riant de tiédeur
J'entends un homme dire qu'il n'a pas souffert

Toi qui fus de ma chair la conscience sensible
Toi que j'aime à jamais toi qui m'as inventé
Tu ne supportais pas l'oppression ni l'injure
Tu chantais en rêvant le bonheur sur la terre
Tu rêvais d'être libre et je te continue.
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LES YEUX FERTILES

On ne peut me connaître
Mieux que tu me connais

Tes yeux dans lesquels nous dormons
Tous les deux
Ont fait à mes lumières d'homme
Un sort meilleur qu'aux nuits du monde

Tes yeux dans lesquels je voyage
Ont donné aux gestes des routes
Un sens détaché de la terre

Dans tes yeux ceux qui nous révèlent
Notre solitude infinie
Ne sont plus ce qu'ils croyaient être

On ne peut te connaître
Mieux que je te connais.
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LE FOU PARLE


C'est ma mère, monsieur, avec ma fiancée.
Elles passent là-bas, l'une à l'autre pressée.
La jeune m'a giflé, la vieille m'a fessé.

Je vous jure pourtant que je les aimais bien ;
Mais, constamment, j'avais le besoin bénin
D'exiger trop d'amour : ses larmes et son sein.

Je vous jure, monsieur, qu'elles m'ont bien aimé.
Ça n'est certes pas leur faute à toutes deux
Si sans cesse je voulais être plus heureux.

C'est ma mère, monsieur, avec ma fiancée.

Pour moi, elles ne sont qu'un même être et leurs charmes
Sont égaux ayant fait verser les mêmes larmes :
Ma mère a pleuré sur moi, qui sanglotais

Pour l'autre, refusant d'être à moi tout à fait ;
Je ne sais pas lequel de nous trois fut blessé...
C'est ma mère, monsieur, avec ma fiancée.

p.3
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51. Le livre ouvert, II
ROSACES/SOUS L’ANGLE D’OR


Les lions les biches les colombes
Tremblants d'air pur regardent naître
Leur semblable comme un printemps
Et l'abondante femme mère
Accorde vie à la luxure
Le monde change de couleur
Naissance contrarie absence

Lorsque nous nous regardons
Les murs brûlent de vie ancienne
Les murs brûlent de vie nouvelle

Dehors le lit de la nature
Est en innocence dressé
Crépusculaire le ciel baigne
Ta sanglotante et souriante
Figure de musicienne
Toujours plus nue esclave et reine
D'un feuillage perpétuel

Lorsque nous nous regardons
Toi la limpide moi l'obscur
Voir et partout souffle et désir

Créent le premier le dernier songe.

p.1074
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Savez-vous quel recueil de poèmes aurait pu s'intituler « L'art d'être amoureux » ? Par l'un des plus grands poètes français…
« Capitale de la douleur » de Paul Eluard, c'est à lire en poche chez Poésie/Gallimard.
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