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Marguerite Capelle (Traducteur)
EAN : 9782072835964
304 pages
Gallimard (07/01/2021)
3.68/5   748 notes
Résumé :
Un bref instant de splendeur se présente sous la forme d’une lettre qu’un fils adresse à sa mère qui ne la lira jamais. Fille d’un soldat américain et d’une paysanne vietnamienne, elle est analphabète, parle à peine anglais et travaille dans un salon de manucure aux États-Unis. Elle est le pur produit d’une guerre oubliée. Son fils, dont la peau est trop claire pour un Vietnamien mais pas assez pour un Américain, entreprend de retracer leur histoire familiale : la s... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (162) Voir plus Ajouter une critique
3,68

sur 748 notes
Un jeune homme écrit à sa mère. Toute la beauté du geste réside dans le fait que la mère, illettrée, ne pourra jamais lire cette lettre. Ce qui autorise le narrateur à une incroyable sincérité, souvent très crue. le procédé n'est pas nouveau, on pense forcément à la formidable Lettre à mon père dans laquelle Franz Kafka dresse un réquisitoire bouleversant, analysant cette figure paternelle terrible qui l'a construit dans la peur et la culpabilité.

Un bref instant de splendeur est un roman d'apprentissage. Océan Vuong raconte comment il s'est construit, dans la solitude, sans père, sans frère ni soeur, aux côtés d'une mère aimante mal maltraitante et d'une grand-mère schizophrène, toutes deux hantées par la guerre du Vietnam qu'elles ont fui en passant par les camps philippins avant de migrer à Hartford dans le Connecticut. Sa solitude d'enfant puis de jeune adulte est exacerbée par son altérité ( petit, pauvre, asiatique, homosexuel ).

Océan Vuong écrit sa lettre dans une liberté absolue, faisant fi de toute logique chronologique. Son récit est fragmenté, maniant audacieusement ellipses et analepses, sculpté de fragments qui errent dans les cercles de la mémoire de façon spiralaire mais revenant toujours vers l'épicentre de la construction chaotique du moi. Ainsi les vignettes sur les mauvais traitements maternels s'allument puis s'éteignent rapidement comme des allumettes que l'on frotte.

Si le texte peut sembler un peu inégal et parfois même répétitif, il est traversé d'instants de pure magie littéraire. Océan Vuong est un grand poète, capable, par la seule force de ses mots, de créer des images impressionnistes touchées par la grâce. Dans cette mise à nu, les émotions sont toutes palpables et bouleversent, comme si nos sentiments nous faisaient penser. Il parvient à capturer des sensations fugaces presque irréelles, suspendues à un fil, à partir de quelque chose de très tangible.

J'ai relu de nombreux passages tellement ils m'ont éblouie par leur intensité : lorsqu'il raconte son travail dans les champs de maïs aux côtés de migrants latinos, ou son histoire d'amour et l'éveil à la sexualité avec Trevor, un jeune Redneck avec lequel il vit une relation à la fois tendue et passionnée mais qui ne peut survivre à l'âge adulte. Ou encore les superbes pages sur la mort de la grand-mère.

Je referme ce roman autofictionnel très singulier subjuguée par la vulnérabilité et la force qui se dégage de cet auteur. Envahie par la mélancolie née d'un paradoxe : le chagrin et la liberté d'Ocean Vuong grandissent à mesure qu'il écrit son chemin loin de ses ancêtres, lui qui a fait des études, lui qui s'est réfugié dans l'amour des livres, dans l'écriture de la poésie pour se construire, à mesure qu'il tend des fils entre des mondes qui ne se touchent plus.
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« Je n'essayais pas de faire une phrase – j'essayais de me libérer. Parce que la liberté, paraît-il, n'est rien d'autre que la distance entre le chasseur et sa proie. »

De l'horreur à la splendeur, il n'y a parfois qu'un mot.

Mettre en mots son histoire, pour le poète vietnamo-américain Ocean Vuong, c'est la transcender, se livrer pour mieux la mettre à distance et la revisiter, voire y découvrir une beauté insoupçonnée. Une histoire familiale dont l'arbre généalogique tordu enfonce ses racines à l'épicentre de la guerre du Vietnam. Une histoire personnelle torturée par l'intolérance crasse qui règne partout, rythmée par les coups de sa mère traumatisée qui l'aime pourtant, baignée des vapeurs toxiques du salon de manucure où celle-ci travaille, et du parfum du riz au jasmin préparé par sa grand-mère détraquée mais bienveillante qui l'appelle Little Dog.

« Comment qualifier l'animal qui, découvrant le chasseur, s'offre pour être mangé ? Un martyr ? Un faible ? Non, une bête qui acquiert un pouvoir rare, celui de dire stop. Oui, le point dans la phrase - c'est ça qui nous rend humains, Maman je te le jure. C'est ce qui nous permet de dire stop pour pouvoir continuer. »

Dans une déroutante spirale de pensées couchée sur le papier sous la forme d'une lettre à sa mère, l'auteur scrute ces fils de son histoire avec une sincérité parfois crue, sonde leurs entremêlements jusqu'à leurs noeuds les plus intimes. Sur ses blessures et ses différences si lourdes à porter, il pose des mots sublimes qui nous prennent de court par leur pouvoir d'évocation et leur justesse.

La magie de la littérature est à l'oeuvre ici comme rarement. Celle qui déployait des univers-refuges entiers dans l'imaginaire du jeune Little Dog. Celle qui, par le même pouvoir des mots, nous fait ressentir dans notre chair le déracinement, le poids des traumatismes et des non-dits familiaux, la façon dont la guerre fait irruption dans le quotidien des décennies et des milliers de kilomètres plus loin, les violences de race, de genre et de classe dans la société américaine, le piège des addictions ; mais aussi le pouvoir rédempteur de la soumission, de l'amour et de l'écriture. Celle qui révèle l'humanité et la grâce, même fragile et éphémère, là où on s'était accoutumé à ne plus attendre que le monstrueux. Celle qui voit le récit faire naturellement place à la poésie, réduisant sa langue à l'essentiel, lorsque les émotions prennent le dessus.

« Quel est le prix à payer si on passe toute sa vie côte à côte avec les gens qu'on aime sans pouvoir leur parler, sans pouvoir leur dire exactement ce qu'on ressent ? »

Alors certes, la mère à qui cette lettre est adressée ne pourra jamais la lire – elle a été enfermée toute petite par une attaque américaine au napalm sur son école dans la « capsule temporelle » de sa langue d'alors. La communion et l'amour filial qui transpirent dans les pages de ce roman sont d'autant plus bouleversants qu'Ocean Vuong désespère de pouvoir les communiquer.

Un bref instant de splendeur n'est pas une lecture facile (et je ne me suis pas facilité la tâche en décidant de le lire en anglais) : la construction est déstabilisante, le propos souvent terrible. Pourtant, cette courageuse mise à nu est libératrice aussi pour le lecteur puisque chacun de nous a sa part de « monstre ». J'en retiens aussi la beauté de plusieurs scènes – cette mère et cette grand-mère disloquées qui parviennent malgré tout à puiser des réserves de tendresse, la façon dont Little Dog prétend que l'inscription homophobe sur leur porte signifie « Joyeux Noël » pour préserver sa mère ou celle dont le grand-père tourne la page de son amour perdu.

Voici un roman violet, mélange de tristesse et de ravissement. Un texte troublant, qui ouvre les yeux et éblouit.
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Ce genre de livres, on croit le reconnaître de suite même s'il est unique. Il y a une musique familière, elle ressemble à la mélodie du dépouillement d'une âme, aux accents de sincérité traumatisée. Elle vous infuse dès les premières phrases, peu importe presque ce qui se racontera, peu importe qui se racontera. Est-ce Ocean Vuong, est-ce un double narrateur ? C'est « Little Dog » plus sûrement, tel qu'il se présente : « J'ai 28 ans, je fais 1,63 m, 51 kg. Je suis beau sous trois angles exactement, et sinistre de partout ailleurs. Je t'écris de l'intérieur d'un corps qui autrefois t'appartenait. Autrement dit, je t'écris en tant que fils. »
C'est donc sous une forme épistolaire à sens unique que s'engage cette confession, une longue lettre écrite à sa mère analphabète qui ne pourra pas la lire : « Petite fille, tu as regardé, depuis une bananeraie, ton école s'écrouler après une attaque américaine au napalm. À cinq ans, tu n'as plus jamais remis les pieds dans une salle de classe. » C'est aussi sous la forme de flashs, de scénettes pas forcément chronologiques que se révèle son histoire morcelée. Il y interroge sa construction identitaire et ses origines, plus généralement le déracinement de Vietnamiens expatriés aux USA, la violence de la société américaine, la découverte de l'homosexualité, à travers la schizophrénie de sa grand-mère traumatisée à jamais par les bombes américaines au Vietnam, mais aussi son premier amour dramatique, ou son grand-père qui n'en était pas vraiment un.
Mais c'est surtout par la langue que ce livre porte le lecteur. Une langue à la fois tendre et sulfureuse, à la jeunesse fougueuse, crue et poétique, à ingurgiter à petites doses. Une belle langue, avec des mots qui peuvent glisser ou dire, suggérer ou transcender. Il faut parfois leur laisser le temps pour imprégner la conscience, pour que les scènes se déposent au fond des rétines, qu'elles se déclarent à l'émotion. Jusqu'à entendre « l'impossibilité même que tu lises ceci » comme « la seule chose qui me permet de te le dire », et qui fait résonner l'écriture de ce livre comme un pansement pour son auteur.

« Bien joué mec, m'a dit un jour un homme lors d'une soirée, tu fais un massacre avec ta poésie. Tu les exploses tous ». Avec ce premier roman, Ocean Vuong fait aussi une entrée pour le moins remarquée en littérature.
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Un premier roman flamboyant…nous faisant passer tout au long de la narration du désespoir à la joie… lecture aussi époustouflante qu'éprouvante !

Ce jeune poète Ocean Vuong nous donne à lire, les plaies ouvertes de trois générations d'exilés vietnamiens aux États-Unis…. le déracinement, la violence omniprésente, les multiples discriminations ,le mal-être des personnes transplantées, la drogue, les dérives multiples, etc.

Un premier roman des plus singuliers…dont le style est très étonnant : tour à tour haché, fluide, rempli de poésie et d'hyper-réalisme… Un texte perturbant mettant en scène un jeune garçon d'origine vietnamienne, transplanté en Amérique, élevé par une mère analphabète, qui se tue au travail dans un salon de manucure, une grand-mère aimante mais schizophrène (à cause de la guerre du Vietnam, et des bombes), délirante…Le récit se présente comme une longue lettre d'un fils à sa mère ; lettre qu'elle ne pourra jamais lire, celle-ci n'ayant jamais pu maîtriser l'anglais, la nouvelle langue de l'exil, après la terre vietnamienne…les traumatismes de la guerre…Le jeune garçon lorsqu'il était auprès de sa mère l'aidait dans son quotidien, à se faire « comprendre » :
« Ce soir-là je me suis promis que les mots ne me manqueraient plus jamais quand tu aurais besoin que je parle pour toi. C'est ainsi qu'a commencé ma carrière d'interprète officiel de la famille. A compter de ce jour, à chaque fois que je le pourrais, je comblerais nos blancs, nos silences, nos bégaiements. Je me suis reprogrammé. J'ai retiré notre langue et arboré mon anglais comme un masque, afin que les autres voient mon visage, et par conséquent , le tien. (p. 47)”

Un jeune garçon , en butte aux discriminations car il est différent, il est « jaune »… ne maîtrise pas bien sa nouvelle langue… Il découvre en grandissant qu'il est « gay »…différence qui s'ajoute aux autres facteurs d'exclusion… le parcours de ce jeune garçon est un mélange de désespérance, de survie, et d'infimes instants de splendeur et de tendresse… à l'image de la belle et touchante illustration choisie pour la couverture : cette biche à la fois douce, élégante , attendrissante…sur des passages cloutés… dans les dangers supposés de la ville !

« Parfois, quand je suis insouciant, je crois que survivre est facile : il n'y a qu'à continuer à avancer avec ce qu'on a, ou ce qu'il reste de ce qu'on vous a donné, jusqu'à ce que quelque chose change – ou jusqu'à prendre conscience, enfin, qu'il est possible de changer sans disparaître, qu'il suffisait d'attendre que la tempête passe sur vous pour découvrir – eh bien oui – que votre nom est toujours rattaché à une chose vivante.”

Comme l'exprime justement une phrase du 4ème de couverture : « Un livre d'une justesse bouleversante sur la capacité des mots à panser les plaies ouvertes depuis des générations »… sans oublier la tendresse et la compassion venant contrebalancer l'insupportable, la violence, la noirceur de certains humains , sans oublier les Etats entraînant dans la guerre leurs peuples!...

Un réquisitoire sous-jacent contre toutes les guerres qui abiment le monde et plusieurs générations, chaque fois. Les cicatrices sont longues à se guérir !. Reste que cette Lettre à sa mère si vaillante garde, envers et contre tout, la tendresse, l'Espoir...l'amour de la Vie qui passe par l'amour des mots !

« Depuis tout ce temps je me disais que nous étions nés de la guerre, mais je me trompais, Maman. Nous sommes nés de la beauté.
Que nul ne nous confonde avec le fruit de la violence-mais cette violence a beau avoir traversé le fruit, elle n'a pas réussi à le gâter. « (p. 270)

Près de 60 critiques 5 mois après sa sortie…Résultat riche de promesses, pour un tout premier roman… Critiques que je ne lirais pas avant , d'avoir rédigé mon “propre ressenti”. Un vrai choc de lecture dû à la fois à l'intensité du contenu et à la Musicalité très colorée de sa prose , prodigue en images fulgurantes, couleurs, sons et odeurs , liées harmonieusement…
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Ce roman raconte l'histoire de Little Dog un jeune homme d'origine vietnamienne, né en 1988, qui est hanté par la guerre du Vietnam qu'il n'a pas connue. Ce roman est présenté comme une longue lettre que le fils adresse à sa mère et dans laquelle il retrace l'histoire de sa famille.

Rose sa mère est la fille d'un soldat américain, sa grand-mère Lan était obligée de se prostituer pour survivre. Lan restera traumatisée toute sa vie par les bombardements américains. À cinq ans, Rose a vu son école s'écrouler après une attaque américaine, elle n'a plus jamais mis les pieds dans une salle de classe. Aujourd'hui analphabète elle use ses mains dans un salon de manucure.

Par petits flashs, l'auteur nous entraîne dans l'horreur de cette guerre. Des villages entiers qui partent en fumée, dix mille bombes lâchées par l'armée américaine sur un pays pas plus grand que la Californie, davantage que le nombre de bombes déployées pendant toute la Seconde Guerre mondiale. Il n'y a rien à manger, les gens mettent de la sciure de bois dans le riz pour le rallonger. Quand il y a un rat au menu, c'est un jour de chance. Rose souffre d'un syndrome post-traumatique, elle frappe son fils, elle n'est pas normale, elle est malade du cerveau.

La seconde partie du roman tourne autour du personnage de Trevor, qui va être pour Little Dog la révélation de son homosexualité, l'auteur ne nous épargne aucun détail de cette passion dévorante et les ravages de la drogue.

L'écriture de ce roman est splendide, poétique, violente, crue, mais la lecture m'a semblé difficile. La construction du récit est faite de juxtaposition, de séquençage, des époques différentes se chevauchent en permanence. Je dois dire que j'ai été un peu déstabilisé par cette fragmentation de l'histoire bouleversante de ce jeune homme à qui on a appris à se rendre invisible pour être en sécurité.
Un roman d'une grande richesse sur la violence de la guerre, du déracinement, sur des plaies qui ne se refermeront jamais, sur la différence, sur le racisme, sur le mirage du rêve américain.
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critiques presse (9)
Telerama
04 janvier 2023
C’est bien là que réside la puissance du livre, dans une déstructuration magnifiquement maîtrisée de l’écriture, pour exprimer l’amour pour une mère, pour approcher au plus près la condition des Américains du Sud-Est asiatique, pour mettre des mots sur son premier amour et la découverte du désir homosexuel.
Lire la critique sur le site : Telerama
Bibliobs
17 mars 2021
En remuant toute la glaise qui l’a façonné, trempée d’amour et de violence, il dépose aux pieds de sa mère un plaidoyer bouleversant pour qu’elle l’accepte tel qu’il est.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
LeDevoir
15 février 2021
Le livre rend compte aussi avec éclat d’un autre affranchissement, peut-être plus radical encore, à travers l’acte créateur, capable d’un même souffle de sublimer la beauté et d’arrêter le temps.
Lire la critique sur le site : LeDevoir
LaLibreBelgique
29 janvier 2021
Pour son premier roman, intitulé Un bref instant de splendeur (On Earth We’re Briefly Gorgeous), Ocean Vuong a opté pour une forme peu usitée, celle d’une lettre qu’il adresse à sa mère qui, analphabète, ne la lira vraisemblablement jamais.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
LePoint
28 janvier 2021
À travers son double littéraire, l’écrivain retrace le parcours chaotique et vibrant d’un jeune Vietnamien immigré avec sa famille aux États-Unis.
Lire la critique sur le site : LePoint
LesInrocks
21 janvier 2021
“Un bref instant de splendeur”, un premier roman bouleversant qui donne voix aux violenté·es de l’Amérique.
Lire la critique sur le site : LesInrocks
LeFigaro
15 janvier 2021
Un premier roman fascinant sur le déracinement, la violence, l'incommunicabilité, écrit par un poète américain né à Hô Chi Minh-Ville en 1988.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
FocusLeVif
08 janvier 2021
Le poète Ocean Vuong donne à lire, dans une langue éblouissante, les plaies ouvertes de trois générations d'exilés vietnamiens aux États-Unis.
Lire la critique sur le site : FocusLeVif
Actualitte
05 janvier 2021
[Un]premier roman plutôt remarqué.
Lire la critique sur le site : Actualitte
Citations et extraits (297) Voir plus Ajouter une citation
With Lan, one of my tasks was to take a pair of tweezers and pluck, one
by one, the grey hairs from her head. “The snow in my hair,” she explained,
“it makes my head itch. Will you pluck my itchy hairs, Little Dog? The
snow is rooting into me.” She slid a pair of tweezers between my fingers,
“Make Grandma young today, okay?” she said real quiet, grinning.
For this work I was paid in stories. After positioning her head under the
window’s light, I would kneel on a pillow behind her, the tweezers ready in
my grip. She would start to talk, her tone dropping an octave, drifting deep
into a narrative. Mostly, as was her way, she rambled, the tales cycling one
after another. They spiraled out from her mind only to return the next week
with the same introduction: “Now this one, Little Dog, this one will really
take you out. You ready? Are you even interested in what I’m saying?
Good. Because I never lie.” A familiar story would follow, punctuated with
the same dramatic pauses and inflections during moments of suspense or
crucial turns. I’d mouth along with the sentences, as if watching a film for
the umpteenth time—a movie made by Lan’s words and animated by my
imagination. In this way, we collaborated.
As I plucked, the blank walls around us did not so much fill with
fantastical landscapes as open into them, the plaster disintegrating to reveal
the past behind it. Scenes from the war, mythologies of manlike monkeys,
of ancient ghost catchers from the hills of Da Lat who were paid in jugs of
rice wine, who traveled through villages with packs of wild dogs and spells
written on palm leaves to dispel evil spirits.
There were personal stories too. Like the time she told of how you were
born, of the white American serviceman deployed on a navy destroyer in
Cam Ranh Bay. How Lan met him wearing her purple áo dài, the split sides
billowing behind her under the bar lights as she walked. How, by then, she
had already left her first husband from an arranged marriage. How, as a
young woman living in a wartime city for the first time with no family, it
was her body, her purple dress, that kept her alive. As she spoke, my hand
slowed, then stilled. I was engrossed in the film playing across the
apartment walls. I had forgotten myself into her story, had lost my way,
willingly, until she reached back and swatted my thigh. “Hey, don’t you
sleep on me now!” But I wasn’t asleep. I was standing next to her as her
purple dress swayed in the smoky bar, the glasses clinking under the scent
of motor oil and cigars, of vodka and gunsmoke from the soldiers’
uniforms.
“Help me, Little Dog.” She pressed my hands to her chest. “Help me
stay young, get this snow off of my life—get it all off my life.” I came to
know, in those afternoons, that madness can sometimes lead to discovery,
that the mind, fractured and short-wired, is not entirely wrong. The room
filled and refilled with our voices as the snow fell from her head, the
hardwood around my knees whitening as the past unfolded around us.
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Back in the apartment, we had no oxtail. But we did have three mood rings,
one glinting on each of our fingers. You were lying facedown on a blanket
spread on the floor with Lan straddled across your back, kneading the knots
and stiff cords from your shoulders. The greenish TV light made us all seem
underwater. Lan was mumbling another monologue from one of her lives,
each sentence a remix of the last, and interrupted herself only to ask you
where it hurt.
Two languages cancel each other out, suggests Barthes, beckoning a
third. Sometimes our words are few and far between, or simply ghosted. In
which case the hand, although limited by the borders of skin and cartilage,
can be that third language that animates where the tongue falters.
It’s true that, in Vietnamese, we rarely say I love you, and when we do, it
is almost always in English. Care and love, for us, are pronounced clearest
through service: plucking white hairs, pressing yourself on your son to
absorb a plane’s turbulence and, therefore, his fear. Or now—as Lan called
to me, “Little Dog, get over here and help me help your mother.” And we
knelt on each side of you, rolling out the hardened cords in your upper
arms, then down to your wrists, your fingers. For a moment almost too brief
to matter, this made sense—that three people on the floor, connected to each
other by touch, made something like the word family.
You groaned with relief as we worked your muscles loose, unraveling
you with nothing but our own weight. You lifted your finger and, speaking
into the blanket, said, “Am I happy?”
It wasn’t until I saw the mood ring that I realized you were asking me,
once more, to interpret another portion of America. Before I could answer,
Lan thrust her hand before my nose. “Check me too, Little Dog—am I
happy?” It could be, in writing you here, I am writing to everyone—for how
can there be a private space if there is no safe space, if a boy’s name can
both shield him and turn him into an animal at once?
“Yes. You’re both happy,” I answered, knowing nothing. “You’re both
happy, Ma. Yes,” I said again. Because gunshots, lies, and oxtail—or
whatever you want to call your god—should say Yes over and over, in
cycles, in spirals, with no other reason but to hear itself exist. Because love,
at its best, repeats itself. Shouldn’t it?
“I’m happy!” Lan threw her arms in the air. “I’m happy on my boat. My
boat, see?” She pointed to your arms, splayed out like oars, she and I on
each side. I looked down and saw it, the brown, yellowish floorboards
swirling into muddy currents. I saw the weak ebb thick with grease and
dead grass. We weren’t rowing, but adrift. We were clinging to a mother the
size of a raft until the mother beneath us grew stiff with sleep. And we soon
fell silent as the raft took us all down this great brown river called America,
finally happy.
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Some people say history moves in a spiral, not the line we have come to
expect. We travel through time in a circular trajectory, our distance
increasing from an epicenter only to return again, one circle removed.
Lan, through her stories, was also traveling in a spiral. As I listened,
there would be moments when the story would change—not much, just a
minuscule detail, the time of day, the color of someone’s shirt, two air raids
instead of three, an AK-47 instead of a 9mm, the daughter laughing, not
crying. Shifts in the narrative would occur—the past never a fixed and
dormant landscape but one that is re-seen. Whether we want to or not, we
are traveling in a spiral, we are creating something new from what is gone.
“Make me young again,” Lan said. “Make me black again, not snow like
this, Little Dog. Not snow.”
But the truth is I don’t know, Ma. I have theories I write down then
erase and walk away from the desk. I put the kettle on and let the sound of
boiling water change my mind. What’s your theory—about anything? I
know if I asked you, you’d laugh, covering your mouth, a gesture common
among the girls in your childhood village, one you’ve kept all your life,
even with your naturally straight teeth. You’d say no, theories are for people
with too much time and not enough determination. But I know of one.
We were on a plane to California—do you remember this? You were
giving him, my father, another chance, even with your nose still crooked
from his countless backhands. I was six and we had left Lan behind in
Hartford with Mai. At one point on the flight, the turbulence got so bad I
bounced on the seat, my entire tiny self lifted clean off the cushion, then
yanked down by the seatbelt. I started to cry. You wrapped one arm around
my shoulders, leaned in, your weight absorbing the plane’s throttle. Then
you pointed to the thick cloud-bands outside the window and said, “When
we get this high up, the clouds turn into boulders—hard rocks—that’s what
you’re feeling.” Your lips grazing my ear, your tone soothing, I examined
the massive granite-colored mountains across the sky’s horizon. Yes, of
course the plane shook. We were moving through rocks, our flight a
supernatural perseverance of passage. Because to go back to that man took
that kind of magic. The plane should rattle, it should nearly shatter. With the
laws of the universe made new, I sat back and watched as we broke through
one mountain after another.
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No object is in a constant relationship with pleasure, wrote Barthes. For
the writer, however, it is the mother tongue. But what if the mother tongue is
stunted? What if that tongue is not only the symbol of a void, but is itself a
void, what if the tongue is cut out? Can one take pleasure in loss without
losing oneself entirely? The Vietnamese I own is the one you gave me, the
one whose diction and syntax reach only the second-grade level.

As a girl, you watched, from a banana grove, your schoolhouse collapse
after an American napalm raid. At five, you never stepped into a classroom
again. Our mother tongue, then, is no mother at all—but an orphan. Our
Vietnamese a time capsule, a mark of where your education ended, ashed.
Ma, to speak in our mother tongue is to speak only partially in Vietnamese,
but entirely in war.
That night I promised myself I’d never be wordless when you needed
me to speak for you. So began my career as our family’s official interpreter.
From then on, I would fill in our blanks, our silences, stutters, whenever I
could. I code switched. I took off our language and wore my English, like a
mask, so that others would see my face, and therefore yours.
When you worked for a year at the clock factory, I called your boss and
said, in my most polite diction, that my mother would like her hours
reduced. Why? Because she was exhausted, because she was falling asleep
in the bathtub after she came home from work, and that I was afraid she
would drown. A week later your hours were cut. Or the times, so many
times, I would call the Victoria’s Secret catalog, ordering you bras,
underwear, leggings. How the call ladies, after confusion from the
prepubescent voice on the other end, relished in a boy buying lingerie for
his mother. They awww’d into the phone, often throwing in free shipping.
And they would ask me about school, cartoons I was watching, they would
tell me about their own sons, that you, my mother, must be so happy.
I don’t know if you’re happy, Ma. I never asked.
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It’s true that, in Vietnamese, we rarely say I love you, and when we do, it
is almost always in English. Care and love, for us, are pronounced clearest
through service: plucking white hairs, pressing yourself on your son to
absorb a plane’s turbulence and, therefore, his fear. Or now—as Lan called
to me, “Little Dog, get over here and help me help your mother.” And we
knelt on each side of you, rolling out the hardened cords in your upper
arms, then down to your wrists, your fingers. For a moment almost too brief
to matter, this made sense—that three people on the floor, connected to each
other by touch, made something like the word family.
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Vidéo de Ocean Vuong
Lecture par Olivier Martinaud Rencontre animée par Marie-Madeleine Rigopoulos - Interprète : Marguerite Capelle
Le premier roman d'Ocean Vuong, Un bref instant de splendeur, prenait la forme d'une lettre adressée par un fils à sa mère analphabète. Dans son recueil de poèmes le temps est une mère, Ocean Vuong renoue avec cette voix singulière, qui témoigne de la violence des traumas autant que des éblouissements de l'amour. Confiant dans les pouvoirs du langage, il use ici des ressources vivifiantes de la poésie pour faire face à la perte de sa mère et donner forme à l'absence. D'un poème à l'autre, des souvenirs émergent, révélateurs des blessures de l'Amérique. D'une rare intensité émotionnelle, la langue d'Ocean Vuong casse la syntaxe, s'autorise des audaces formelles toujours irriguées par un lyrisme incandescent, faisant de ce recueil un sommet d'humanité.
À lire – Ocean Vuong, le temps est une mère, trad. de l'anglais (États-Unis) par Marguerite Capelle, Gallimard, 2023.
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