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EAN : 9782330181888
208 pages
Actes Sud (23/08/2023)
3.87/5   44 notes
Résumé :
À Port-au-Prince, Ti Tony vit dans une seule pièce qu'il partage avec son frère Franky et leur mère Antoinette. Alors que Franky aime les mots et les histoires, il se lance dans l'écriture d'un livre sur Antoine des Gommiers, cet incomparable devin que les haïtiens portent aux nues. Mais la popularité de ce chamane n'est pas l'unique raison d'un tel projet littéraire, Antoine des Gommiers serait le grand-oncle d'Antoinette, une filiation qui change tout même si Ti T... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (13) Voir plus Ajouter une critique
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Un petit voyage dans les Caraïbes, ça vous dit?
Bon, faut que je vous dise qu'on ne va pas aller se prélasser sous les cocotiers aux Bahamas ou aux Antilles, on ne va pas avoir le cigare du coté de la Havane ni siroter un rhum jamaïcain les pieds dans une eau turquoise. Non, nous allons aller juste en face de Kingston, à quelques 500 kilomètres plus à l'est dans la mer des Caraïbes, là où est né et où habite Lyonel Trouillot, poète, romancier, journaliste et professeur de littérature, auteur d' « Antoine des Gommiers ».
Si le voyage vous tente toujours alors embarquement immédiat pour l'un des pays les plus pauvres de la planète, un pays où la misère est accompagnée régulièrement de catastrophes naturelles. Bienvenue à Haïti et dans les bidonvilles de sa capitale, Port au Prince.

Dès votre arrivée vous serez accueillis par Franky et Ti Tony, deux frères habitant l'un des corridors (plus présentable que bidonville comme nom) d'un quartier de Port au Prince délaissé des dieux.
Ti Tony vous servira de guide avec de belles excursions au coeur de la débrouille ou au sein d'amitiés sincères avec des chefs de gang et autres bandits au coeur tendre.
Franky lui, vous mènera à travers les âges et les légendes familiales. Franky, c'est l'amoureux des mots, le littéraire de ce qui reste de la famille, c'est le rêveur, celui qui couche l'histoire de son ancêtre sur le papier.
Franky vous contera Antoine des Gommiers, grand devin d'Haïti, son arrière grand père, reconnu et respecté pour sa sagesse pendant que Ti Tony, plus terre à terre, s'occupera du tout venant.
Vous serez invités à réfléchir à la devise de l'aieul, l'important n'est pas ce que tu vois ou entends mais ce que tu en fais.

Lyonel Trouillot offre avec ce roman une escapade poétique des plus réussies en cale de galère battant pavillon Pauvreté. A l'odeur du dénuement, vient s'imposer le parfum du coeur et de l'amour, de l'amitié. Des effluves de derrière les masques.
C'est écrit juste, sans figures de style pour faire de l'esbroufe ou du volume, c'est écrit magnifiquement. du poétique, y en a malgré la dureté des situations, malgré le mépris de la vie pour ces gens de rien. Un contraste doux amer du plus bel effet aux frissons du ressenti.
Et que dur les moments doux ou que ne durent les moments d'où comme disait presque l'autre…

Pour une fois je vais citer les derniers mots de l'éditeur (Actes Sud) car je ne saurai en avoir de plus justes pour définir ce bouquin :
« Mais quelle est l'essence des récits d'une vie quand elle n'a pas d'avenir ? Avec quelle arme ou quelle faiblesse se construit-on une intériorité, dans les corridors comme ailleurs ? Et quelle est la couleur de la beauté , celle de l'amour, si ce n'est celle que les conteurs et autres rêveurs portent à l'infini ? »

Un coup de coeur ? Non. Un coup au coeur.
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« Antoinette, elle avait deux fils. Franky était le bien, et moi j'étais le contraire. Franky, c'était le dernier maillon de la chaîne qui la liait à son Antoine des Gommiers, et ça la rendait fière. »

Le narrateur, Ti Tony, partage avec son frère Franky une pièce étroite dans une rue d'un quartier pauvre de Port-au-Prince, appelé là-bas corridor. Leur mère, Antoinette, vivait de la vente de rue de menus objets de toilette. Et surtout d'espoir de gagner à la borlette, une loterie populaire.

Franky était son fils préféré car, depuis toujours, doué pour les études, les lettres en particulier. Ti Tony, plus sauvage, multipliait les coups de force pour leur procurer un revenu complémentaire, en compagnie de Danilo, son meilleur ami.

Antoinette se targuait d'un lien de parenté avec un devin célèbre dans les années 1930, Antoine des Gommiers. Chef spirituel d'un lieu de culte vaudou, son nom était passé dans l'imaginaire populaire mais n'avait jamais fait l'objet d'études savantes.

Ce sera Franky qui s'attellera à la tâche, alors qu'il est devenu paraplégique et entièrement dépendant de son frère, après la mort d'Antoinette.

Dans ce roman, Lyonel Trouillot alterne la narration de Ti Tony avec des chapitres consacrés à Antoine des Gommiers, que l'on comprend avoir été écrits par Franky.
Il est difficile de lâcher ce roman une fois commencé. Son auteur possède un style qui, à chaque fois puisque ce n'est pas un écrivain que je découvre, me permet de m'intégrer dans un monde pourtant si éloigné du mien. Une voix forte, singulière dans le bon sens du terme. La société qu'il nous décrit est violente et sans pitié, mais pour autant l'humain l'emporte souvent…
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C'est sans doute le meilleur des romans de Lyonel Trouillot.
Le thème en est pourtant simple : deux frères, vivant à Haïti, inséparables et en même temps si différents.
Ti Tony, celui qui raconte, vit de petites magouilles dans un « corridor » - un lieu où on vit côte à côte avec ses voisins – à Port-au-Prince.
Franky, lui, est le plus lettré des deux. Passionné de poésie, il écrit. Il a suivi son frère dans l'une de ses petites combines, mais peu habitué à ce genre d'exercices, il s'est blessé et est resté lourdement handicapé. Son frère restera donc auprès de lui, pour lui servir de jambes, puisque Franky ne peut plus se servir des siennes.
Leur point commun : la mère, Antoinette. Pas de père, mais une mère qui a tenté de les élever malgré toute la difficulté de la vie dans les quartiers pauvres d'Haïti, et qui a réussi à leur insuffler quelques principes. Alors quand elle décède brusquement les deux frères aimeraient un grand enterrement. On se contentera de la venue d'un historien, pour qu'il dise les mots qu'il faut ce jour-là.
Mais elle leur a légué aussi un trésor : elle n'a cessé de leur parler de l'un de leur ancêtre, Antoine des Gommiers, un homme qu'elle leur a présenté comme extraordinaire : celui-ci vivait dans un coin retiré d'Haïti, mais il attirait des gens venus jusque de la capitale par ses pouvoirs surprenants de divination.
Dès lors Lyonel Trouillot va alterner son récit.
Ce sont les écrits de Franky, plongé dans le passé, reconstituant la vie de son ancêtre qui constituer la moitié du roman. Et ce sont les mots de Ti Tony racontant leur quotidien qui constitue l'autre moitié. Jusqu'à cette scène ubuesque où, Franky ayant terminé son récit, Ti Tony va embarquer les caïds avec lesquels il fraie pour tenter de faire pression sur un vieil historien des beaux quartiers pour faire éditer son frère.
Mais ce qui fait le grand plaisir de lecture de ce « Antoine des Gommiers », c'est un style. Poétique du côté du récit de l'ancêtre, direct et addictif pour le récit du présent. Avec beaucoup de tendresse pour ses deux personnages principaux, ainsi qu'à toute la galerie de portraits de personnages secondaires si bien campés. Romancier et poète, le grand auteur de « la belle amour humaine » ou « Yanvalou pour Charlie » a trouvé ici une forme qui fait de ce « Antoine des Gommiers » l'un de ses meilleurs récits, si ce n'est le meilleur.
Merci aux amis Babeliotes qui m'ont recommandé ce roman, ce fut pour moi un grand plaisir de lecture que je vous recommande à tous.

Lien : http://versionlibreorg.blogs..
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C'est la couverture du dernier roman de l'auteur haïtien qui m'a attirée. Destins de deux frères qui habitent dans un corridor (autre nom du bidonville) à Port au Prince et d'un devin haïtien conté par Franky, amoureux des mots. Une belle écriture poétique qui dépeint la vie sociale de façon réaliste, mais pas toujours facile à suivre.
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Entre conte et récit onirique.

Premier roman de cet auteur que je découvre, et ce fut un magnifique voyage.
Un voyage sur les terres des Caraïbes, un voyage dans les légendes haïtiennes, un voyage dans l'univers de Lyonel Trouillot.

Lyonel Trouillot nous conte l'histoire de 2 frères très proches, que certains confondent tellement leur ressemblance est forte et en même temps si différents. Francky et Ti Tony vivent dans les quartiers pauvres de Port au Prince. Ils vivent, ou survivent plutôt de magouilles, de débrouillent et de rêves avec leur mère Antoinette.
Francky aime les histoires, aime les lettres et aurait pu faire de longues études s'ils en avaient eu les moyens.
Ti Tony ne comprend rien aux grandes phrases de son frère, aux leçons qu'il doit apprendre et préfère la vie dans la rue avec son copain Danilo.

Francky s'intéresse aux légendes, et en particulier à celle entourant Antoine des Gommiers, devin très réputé.
Antoine des Gommiers est un de leurs aieuls. Raison de plus pour Francky de tenter de reconstituer sa vie, son oeuvre.

Lyonel Trouillot nous propose un récit choral. Alternativement, Francky raconte Antoine des Gommiers et Ti Tony raconte leur vie, la rue, et sa fierté pour son frère.

Malgré la misère très présente tant dans le récit de Ti Tony que dans celui de Francky quand il raconte les consultations d'Antoine des Gommiers, ce récit est beau, très humain et souvent poétique.

Une très belle découverte !

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critiques presse (2)
LeMonde
05 février 2021
Notre feuilletoniste a lu la nouvelle fable humaniste de l’écrivain haïtien : un sens du récit proprement merveilleux, un art consommé de l’aphorisme et des scènes jubilatoires.
Lire la critique sur le site : LeMonde
LaCroix
12 janvier 2021
L'Haïtien Lyonel Trouillot croise les destins de deux frères et d'un devin d'avant-guerre dans une fable humaniste.
Lire la critique sur le site : LaCroix
Citations et extraits (18) Voir plus Ajouter une citation
Dans un pays d’aspérités où il se dit que derrière les montagnes il y a d’autres montagnes, une autre particularité des Gommiers est d’être une longue plaine qui finit dans la mer. C’est une mer rebelle qui n’inspire pas les baignades. Les prétendus fils des premier et deuxième secrétaires du maître s’entendent pourtant sur un point. Antoine des Gommiers, qui n’avait rien d’un bel homme ni d’un athlète, partait parfois à l’aube, et, au bout d’une longue marche ponctuée d’arrêts pour saluer les acacias et les eucalyptus, ses arbres préférés à côté des corossoliers, il atteignait la côté, enlevait ses vêtements et plongeait dans cette eau réputée trop forte pour les hommes.
Cet oracle de la sagesse, dont le savoir consistait à prévenir des dangers de l’obsession et de la démesure, osait ce geste que seuls avaient tenté des enfants fous. Quelques-uns y avaient laissé leur vie, emportés par les courants, et leurs corps n’avaient jamais été retrouvés. Les plus chanceux avaient été récupérés par des bateaux de pêche. Ramenés à leurs parents par les marins pêcheurs, les gamins déliraient durant des mois, jurant avoir observé sous l’eau d’étranges mélanges de couleurs et rencontré des créatures fantastiques qu’ils ne parvenaient pas à décrire. Les cauchemars envahissaient leurs nuits, et après avoir essayé tous les remèdes, ponctions et prières, les parents finissaient par les amener au maître.
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Au-delà des stratégies de mise en scène et des artifices de langage si chers à Antoine des Gommiers, nous retiendrons de lui trois choses.

L’intérêt qu’il portait aux enfants, dans lesquels il semblait voir ses véritables interlocuteurs.
Le fait qu’aucun pouvoir institutionnel n’a songé le valoriser. Antoine des Gommiers n’a inspiré ni colloques ni monuments. C’est une légende qui traîne par terre. Qui vit dans les tap-tap, les bas quartiers. Peut-être parce que les pouvoirs n’aiment pas le mystère. Peut-être parce qu’ils savent qu’il n’y a d’autre mystère dans la vie que ce que nous faisons d’elle et de nous et refusent de plébisciter une figure qui nous le rappelle.
La troisième chose, et c’est celle qui nous intéresse le plus en tant que chroniqueur, c’est que, documents authentiques ou apocryphes, sources douteuses ou références vérifiables, l’on ne chronique jamais le passage des êtres. Rien que les vérités et les contre-vérités qu’on veut bien en extraire. A chacun ses mystères et ses révélations dans cette guerre à distance qu’est l’acte de langage.
C’est pourquoi il est vain et utile de dire : « Si tu persistes dans l’erreur … »
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Où a-t-on déjà entendu que le bonheur plie ses bagages pour aller s’installer ailleurs ? Le bonheur n’aime pas les voyages, sauf affaire de villégiature. Pour se prendre en photo et s’inventer des souvenirs. Autrement, il reste chez lui. Et lorsqu’il se rend chez les autres, il voyage léger, tee-shirt, bermuda et appareil photo, avec dans sa poche les moyens de sa curiosité et d’ensuite retourner chez lui pour célébrer sa différence. Il se pose quelques fois ici. En short. Débarqué d’un 4X4 bourré d’équipements. Le temps d’une enquête ou d’un reportage. Ou pour acheter des objets d’art. Le bonheur, il est très crédule. Et comme il n’est pas habitué à la voir dans tous ses effets, il prend la misère pour de l’art quand elle joue avec ses déchets pour éviter le gaspillage.
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Il nous a semblé étrange, à nous, modestes chroniqueur, qu’on ait souvent parlé des prédictions d’Antoine des Gommiers, mais que nul n’ait pensé à lui demander ni à se demander pourquoi il ressentait le besoin de les partager. D’ordinaire, les gens cachent leur savoir ou leurs trouvailles pour ne les révéler que s’ils en récoltent un quelconque avantage, un brevet d’invention ou d’exploitation, une rue qui porte leur nom ou un buste sur une place.

Ne faudrait-il pas lire les prédictions d’Antoine des Gommiers non comme la description d’un avenir inévitable, mais comme le rappel qu’il n’y a d’avenir que comme nous le faisons. Un énoncé somme toute banal, une réflexion à la portée de tous. Mais le propre des humains étant d’oublier ce qu’ils savent, un paysan de la plaine des Gommiers, aidé par des divinités, éduqué par l’école du mystère, ou simplement doté d’une belle intelligence, a pris sur lui, non de nous enseigner la soumission à l’inévitable, mais, au contraire, que lorsqu’on laisse mourir les arbres il est vain d’espérer le retour de la feuillaison, que tout piège qui se referme sur la beauté la détruit, que quand on fait d’un être un arme on ne peut s’étonner qu’elle tue …
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Antoine des Gommiers, c’est un nom qui court sur les lèvres dans la plaine et les corridors pour annoncer le pire. Franky lui a mis dans la bouche des mots qui pourraient être utiles. Avec quoi, dans ce foutu merdier, pourrait-on créer du bonheur? Franky, dans son corridor, sans bouger de sa chambre, il a donné une vie, un sens, un langage, une aspiration à la Grand-Rue, aux corridors [...] aux mères du corridor qui tapent sur les enfants, se trompant de colère et de cible, aux millions de mendiants de miracles qui cherchent une vie, parce que la leur c’est pas ce qu’on appelle une vie. Et parce que la vie, quand tu ne peux pas l’inventer en vrai, tu l’inventes quand même en rêve... »
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Vidéo de Lyonel Trouillot
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0:00:15 Introduction 0:01:02 Clément Camar-Mercier 0:11:47 Yasmine Chami 0:22:56 Sylvain Coher 0:33:49 Lyonel Trouillot 0:44:09 Clara Arnaud 0:55:03 Loïc Merle 1:06:13 Mathias Enard
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Plus d'informations sur notre rentrée française : https://rentree.actes-sud.fr/ #rentréelittéraire #litteratureetrangere
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