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EAN : 9782381340142
300 pages
Marchialy (07/04/2021)
4.55/5   41 notes
Résumé :
Une anthropologue, une enquêtrice, une journaliste : trois femmes font parler les morts et les vivants, en quête de vérité dans un pays marqué par la guerre.

Senem est anthropologue judiciaire, et Darija enquêtrice. L’une travaille avec les morts, l’autre avec les vivants, dans un pays traumatisé par les guerres des Balkans : la Bosnie-Herzégovine.

Ces deux femmes d’une trentaine d’années n’ont pas choisi leurs métiers très particulier... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (13) Voir plus Ajouter une critique
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Remuer la terre et les morts pour soulager les vivants ?

Taina Tervonen, journaliste finlandaise nous livre ici un témoignage important, une quête pour le devoir de mémoire.

Elle part à la rencontre de deux femmes qui tentent jours après jours de mettre des noms sur cadavres que la terre a engloutis. Corps exécutés au nom d'une guerre nationaliste qui éclate en 1992. Les corps, preuves honteuses de la folie sanguinaire humaine pour assurer une suprématie ethnique, sont disséminés sur différents charniers, plus ou moins connus.
Ces victimes, soldats ou civils, sont en grande partie des hommes, emportent avec eux bien peu de chose si ce n'est l'anonymat. Il y a bien quelques fragments d'effets personnels : une chaussure un pull un morceau de pantalon que la terre n'a pas encore eu le temps de digérer, mais en temps de guerre tout s'échange et le pull d'un mort est précieux pour survivre au froid… Les techniques d'identification de l'époque – principalement visuelles sont très hasardeuses et de ce fait les erreurs d'identifications sont nombreuses. Ce n'est qu'avec la banalisation des recherches ADN que des recherches sérieuses vont être relancées pour que des noms puissent être apposés sur ces ossements humains retrouvés enchevêtrés dans des charniers.

Document assez intimiste sur la quête d'une journaliste qui retrace une partie du parcours qui l'amènera à rebours de charnier en institut médico-légal improvisé dans une usine, on fait avec les moyens du bord, et ils sont faibles. La poursuite du quotidien répétitif d'une anthropologue judiciaire, qui aidée par une enquêtrice de terrain qui récolte l'ADN chez les familles qui souhaitent le partager, pour pouvoir rendre un corps à sa famille et à la terre une dernière fois.

Si les trois femmes de ce récit sont lumineuses par la cause noble qu'elles poursuivent, le récit lui est d'une noirceur déprimante, rentrer dans le quotidien de ces proches marqués par une guerre qui a dévasté le pays et les liens familiaux, et qui force le silence, c'est dur.

Une lecture pénible, non pas à cause du style journalistique, très agréable, mais par la réalité de l'horreur et l'ambiance constamment terne de mort qui est omniprésente. Je m'attendais, comme pour certains autres ouvrages publiés par l'excellente maison Marchialy, à une enquête fouillée, poussée et riche sur le pourquoi et le comment avec de chouettes rebondissements et de grandes surprises…je suis malheureusement sur témoignage d'une grande noirceur qui m'a apporté beaucoup de tristesse, d'amertume et peu de plaisir de lecture. Un pays et un ensemble de nationalités marqués par les horreurs de la guerre, et cloitré dans un silence glacial, l'auteur arrive à leur extirper quelques mots mais qu'ils sont durs...

Un témoignage difficile mais nécessaire pour ne pas oublier que la barbarie de l'homme même enfouie là où on ne veut plus la voir n'est jamais bien loin pour nous hanter pour de bon.


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Dans son ouvrage les Fossoyeuses, Taina Tervonen, une journaliste francophone d'origine finlandaise, nous fait le récit de plusieurs voyages entrepris en Bosnie-Herzégovine à la rencontre de Senem et de Darija, chargées de repérer et de fouiller les charniers de la guerre yougoslave, et d'en identifier les corps grâce à des prélèvements d'ADN sur les familles qu'il faut parfois convaincre.

Pas de filtre de l'auteur sur cet environnement macabre fait de corps, d'os, de cadavres en décomposition que l'on conserve dans des chambres froides ou simplement avec du sel : les fossoyeurs s'arrangent avec les moyens du bord pour préserver des restes qui viendront peut-être permettre enfin le deuil d'une famille à la recherche de ses disparus.

Cette thématique des disparus durant la guerre m'a d'ailleurs renvoyée au très beau livre d'Hisham Matar, la terre qui les sépare, ou à celui de Justine Augier, de l'ardeur : faire disparaître les gens, sans que leurs familles ne sachent s'ils ont été tués, torturés, détenus, déplacés est une constante des guerres civiles et de la terreur imposée à la population. On est donc un peu surpris, en tant que lecteur occidental préservé, lorsque l'on lit les réactions des familles, heureuses et définies comme « chanceuses » lorsqu'un de leur proche est identifié dans un charnier : le deuil est enfin permis, et le doute disparaît.

Le silence et le tabou du passé de ceux qui travaillent dans ces charniers est également patent, tant la guerre civile est temporellement proche et les tensions entre communautés vives : des collègues ne discutent pas de leur appartenance « serbe » ou « bosniaque », pour ce que cela veut dire ; les résidents situés non loin des charniers sont muets eux aussi. Ce qui n'est finalement que peu étonnant dans un pays où une partie de la population réfute les tueries de masse qui y ont eu lieu, et où les témoins des atrocités n'en disent rien, potentiellement coupables du crime par leur simple statut de survivant.
Les politiques en prennent aussi pour leur grade et ne suscitent que du dégoût envers les personnes travaillant dans les fosses : les moyens alloués sont minimes, et les mises en scène nombreuses, et jamais dénuées d'instrumentalisation pour gonfler ou réduire le nombre de morts, réécrire l'histoire ou renforcer un concept de nation bien peu adapté.

J'ai beaucoup aimé lire les réflexions de Taina Tervonen, bien consciente de sa spécificité de journaliste occidentale, et les portraits qu'elle dresse de Senem et Darija, deux étonnantes et détonantes trentenaires à l'étroit dans un pays pingre en perspectives pour sa jeunesse.
Encore une très chouette découverte aux éditions Marchialy !
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Difficile de trouver des mots pour parler de ce livre, Les fossoyeuses.
Je commencerai par dire que j'en ai aimé l'écriture. le sujet est traité avec beaucoup de sensibilité. Au milieu de ces corps, de ces os, un travail de réhumanisation. Mais aussi un travail de fourmi, d'enquête, d'aller au devant des gens qui ont perdu leurs proches pour espérer leur rendre un jour.
La chance de pouvoir leur offrir une sépulture, de les retrouver.
Le roman rend hommage au travail de ces deux personnes.
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Road trip en compagnie de Senem, anthropologue judiciaire et de Darija enquêtrice, toutes deux chargées de faire parler les morts pour réparer les vivants dans une Bosnie-Herzégovine traumatisée par des années de guerre. La première identifie les ossements humains dans les charniers, la seconde rencontre les familles des disparus pour prélever de l'ADN afin de rendre une identité aux cadavres anonymes.
Raconté ainsi, ce documentaire de Tania Tervonen peut rebuter bien des lecteurs. A tort. La documentariste nous embarque non seulement dans les méandres d'un épisode pas si ancien de l'histoire européenne. Elle nous fait surtout rencontrer deux figures exceptionnelles par leur travail, leur humanité et leur humilité.
A leurs côtés, au jour le jour, durant plusieurs années, Tania Tervnonen nous fait entrer dans leur intimité, nous fait partager l'étourdissante responsabilité et le poids de leurs charges, leur engagement et leur fatigue tout comme leurs éclats de joie. Portées par une quête de vérité et de réparation, les deux femmes écartent tout idée d'héroïsme ou d'angélisme pour ne retenir que leurs devoirs envers les vivants et les morts. Grâce leur soir rendue.
Ouvrage à lire de toute urgence autant pour l'importance des stigmates des guerres de Bosnie que pour ses deux personnages uniques. Ce billet est aussi l'occasion de dire et redire la grande qualité des éditions Marchialy. Que ce soit par le choix des textes, toujours originaux et d'une force littéraire indéniable, que par la composition graphique de l'objet livre.
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Un immense et difficile coup de coeur. Une plongée dans une réalité peu connue de l'après guerre. Taina Tervonen nous guide avec justesse dans ce récit violent, triste et en même temps nécessaire, à la rencontre de deux femmes qui luttent pour aider les familles à retrouver leurs disparus. Et si notre façon de considérer les morts en disait bien plus sur notre humanité que nous ne voulons le croire ? Comment faire face à ce passé de guerre, de perte, de silence, de honte, de deuil sans corps, pour y trouver, qui sait, la paix ? J'ai lu ce livre les yeux humides, je ne peux que le conseiller. J'avais trouvé « À qui profite l'exil » très instructif et intéressant, « Les Fossoyeuses » est bouleversant. Un grand livre.
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critiques presse (2)
LaCroix
25 mai 2021
Pendant six ans, la journaliste Taina Tervonen a suivi le travail de deux femmes chargées d’identifier les corps des disparus de la guerre de Bosnie-Herzégovine. Un récit intense.
Lire la critique sur le site : LaCroix
FocusLeVif
17 mai 2021
Dans ce récit poignant, Taina Tervonen accompagne deux professionnelles tentant d'identifier les corps des charniers de la guerre des Balkans.
Lire la critique sur le site : FocusLeVif
Citations et extraits (3) Ajouter une citation
"Tu as de la chance de vivre dans un pays normal, un pays sans guerre. Parce que la guerre, elle nous a tous changés. Tous. D'une manière ou d'une autre. Après la guerre, c'était encore la guerre pour retrouver une vie normale, une vie quotidienne."

De retour dans mon quotidien, en banlieue parisienne, entre les trajets en métro, les devoirs des enfants, les dîners à préparer, les articles à rendre, les fins de mois parfois compliquées, la garde alternée pas toujours simple, les mots de la mère de Senem me sont souvent revenus. C'était la première fois que cette pensée m'était ainsi exprimée, l'idée que d'avoir échappé à la guerre est non pas un état normal des choses, mais bien un privilège, une chance, comme l'est celle, dans un pays d'après-guerre, de retrouver son proche disparu et de pouvoir l'enterrer. Oui, j'ai de la chance.
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"Avec ce projet, je vois combien chacun raconte sa propre vérité sur cette histoire. Je me demande de plus en plus ce que ça signifie pour nous, en tant que nation. Comment est-ce possible que, dans certaines régions de ce pays, Srebrenica soit un génocide, mais dans d'autres non? Comment est-ce possible que, quand on arrive à Banja Luka, Srebrenica n'existe plus?"

Je l'écoute, je n'ai pas de réponse. Je ne sais pas s'il est possible, vingt ans après une guerre, de s'accorder sur une vérité à l'échelle d'une nation.
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puis je pense à Svabo qui me racontait sa visite à Dachau, sur le site du camp de concentration, sa réaction devant le mémorial proclamant, dans plusieurs langues : « Plus jamais » ; « N’importe quoi, Svabo avait lancé. Cinquante ans après Dachau, j’étais dans un camp à mon tour. Ils auraient mieux fait d’écrire : Shit happens. »
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Videos de Taina Tervonen (5) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Taina Tervonen
À l'occasion de la 33ème édition du festival "Étonnants Voyageurs" à Saint-Malo, Taina Tervonen vous présente son ouvrage "Les otages : contre-histoire d'un butin colonial" aux éditions Marchialy.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2642847/taina-tervonen-les-otages-contre-histoire-d-un-butin-colonial
Note de musique : © mollat Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
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