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EAN : 9782757836026
456 pages
Points (12/09/2013)
3.85/5   68 notes
Résumé :
Publié en 1980, Relevé de terre est le premier grand roman où apparaît la langue si particulière de Saramago. Du début du XXème siècle jusqu'à la Révolution des œillets en 1974, il relate à travers trois générations l'histoire des Mau-Tempo, une famille de travailleurs agricoles de l’Alentejo, une des régions les plus arides du Portugal où existaient les immenses propriétés foncières, les latifundiums
L’exploitation, la misère, l’analphabétisme, la dureté des... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (17) Voir plus Ajouter une critique
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Après avoir lu La perle de Steinbeck, qui évoque la misère des premiers habitants de la Californie et la tentative de changer de vie de l'un des habitants, j'ai enchaîné avec Relevé de terre de Saramago. Dans ce livre, il est également question de misère et de résistance mais d'une façon différente.

Saramago narre la vie de plusieurs générations d'une famille de journaliers agricoles sans terre de l'Alentejo, une région agricole très pauvre. Où les terres appartiennent à quelques familles qui font la loi dans tous les domaines.

Le roman commence par l'aïeul alcoolique qui se suicide. Mais il est également fait référence à un viol d'une jeune femme par un Allemand. Viol originel dont sont témoins les yeux bleus extrêmement rares dans cette région dont héritent certains membres de la famille.

On va suivre la vie de cette famille de la misère la plus crasse aux tentatives d'obtenir de meilleurs conditions de travail et de quoi se nourrir en travaillant, en passant par les mouvements de répression des manifestations et jusqu'à la torture.

Les noms de famille sont très importants chez Saramago.
Ils jouent un rôle dans la narration. Mon hypothèse est confirmée par une thèse trouvée sur le net.

1- La famille des ouvriers agricoles se nomme Mau-tempo (mauvais temps en Portugais).

2- Les prêtres qui se suivent et se ressemblent pour être du côté des propriétaires s'appellent Agamedes. Ils expliquent aux travailleurs journaliers sans terre, véritables serfs du début du 20eme siècle que la société ne doit pas changer et que le paradis viendra après la mort.

3- Les propriétaires des latifundium (Larousse : Grand domaine agricole exploité extensivement et de façon archaïque) ont des noms similaires : Norberto, Alberto, Dagoberto,…

«… en observant les personnages, le lecteur découvre que les latifundiaires sont toujours désignés à partir du même radical proliférant d'origine germanique (Berto signifiant en allemand « brillant »). Au fil des siècles, depuis le temps de Lamberto Horques Alemão aux années immédiates post-Révolution des Oeillets, ils répondent aux noms de Lamberto, Norberto, Alberto, Dagoberto, Sigisberto, Gilberto, Clariberto, Angilberto, etc. …
Les autorités policières ou fonctions affiliées répondent à des dénominations relevant d'une logique associative. Les rimes intérieures enfouies dans ces appellations sont à comprendre dans la double perspective de la sémantique et de la pragmatique. D'ailleurs pour Maria Graciete Besse (2008), des noms comme tenente Contente, cabo Tacabo, sargento Armamento, Escarro ou Escarrilho n'ont pas été choisis au hasard et assument une fonction contrastante, celle évaluatrice qui sert l'effet critique prétendu par l'auteur. »
https://fastef.ucad.sn/liens/LIEN32/liens32_article18.pdf Liens, Revue Internationale des Sciences et Technologies de l'Éducation, N°1, décembre 2021

Ce roman est une vraie mine de références. Elles sont bibliques, historiques (colonisation par les Portugais, Immigration en France, …), littéraires (ainsi José Gato : tel un robin des bois Portugais).

C'est un livre dense et intense. le Temps, le qualifie, de Germinal Portugais. https://www.letemps.ch/culture/livres/releve-terre-jose-saramago-germinal-portugais

C'est un style bien particulier parfois poétique, parfois très factuel. Des images belles et fortes. Une vie de paysan, de misère. Saramago a une connaissance de cette misère et de cette condition. Ses termes reflètent cette connaissance.

Un narrateur qui entrelace ses réflexions à l'histoire de cette famille et à l'Histoire du Portugal.

Une Histoire où les évènements mondiaux, à une époque où la plupart sont illettrés, sont quasiment inaperçus. Il est ainsi question de la première et de la seconde guerre mondiale, de la dictature de Salazar, des guerres en Angola et en Inde dans les ex-colonies Portugaises mais en passant…

Certaines allusions ne sont compréhensibles que par de fins connaisseurs de la culture, de l'histoire lusophones dont je ne fais pas partie. Mais en effectuant des recherches sur internet, j'ai appris beaucoup.

Ainsi j'ai découvert que les deux personnes à qui Saramago a dédié ce livre Germano Santos Vidigal et José Adelino dos Santos et dont Saramago raconte respectivement la torture et l'assassinat dans le roman, n'ont pas de fiche wikipedia ni en français ni en Portugais mais le site du musée dédiés aux résistants et victimes de la dictature salazariste relate leurs histoires :
https://www.museudoaljube.pt/doc/germano-vidigal/
https://www.museudoaljube.pt/doc/jose-adelino-dos-santos-2/
https://www.youtube.com/watch?v=u9DUZlKqIX4

C'est une très belle découverte que Saramago, Nobel 1998. Que je compte bien poursuivre en lisant d'autres de ses oeuvres.

Enfin ayant rencontré de nombreux termes que je ne connaissais pas ou peu, je me suis fait un abécédaire que je vous livre.

Cet abécédaire contient également des termes que j'ai noté car symboliques de cette oeuvre ou dont la définition n'était pas limpide en ce qui me concerne.

A comme :
Agamedes : le nom de tous les prêtres présents dans ce roman qui font alliance avec les propriétaires terriens et tiennent les serfs en leur apprenant que la récompense sera après la mort. Des prêtres très collaboratifs…

Alentejo : région la plus pauvre du Portugal.

Antienne : 1. RELIGION : Refrain liturgique repris par le choeur entre chaque verset d'un psaume.
2.AU FIGURÉ : Chose que l'on répète, que l'on ressasse.

Appert : En droit, être apparent. (Usité seulement à l'infinitif et à la 3e personne de l'indicatif présent : il appert.) ancien français apparoir, du latin apparere, apparaître.

B comme :
Bouteselle : nom masculin invariable. ANCIENNEMENT Sonnerie de trompette annonçant le départ à des cavaliers.

C comme :
Carabe : coléoptères prédateurs de nombreux ravageurs du jardin.

Casaquin : n.m. Au xviiie s., vêtement de femme descendant un peu au-dessous des hanches.

Châlit : Jusqu'au XVIIe s., synonyme de lit. Aujourd'hui, cadre en bois ou armature métallique de lit.

Chassie : Substance gluante et jaunâtre qui s'accumule sur le bord des paupières. Je comprends maintenant l'adjectif chassieux…

Ciste : 1. Dans l'Antiquité, panier, corbeille, d'usage religieux notamment.
2. Coffret en bronze surmonté d'un couvercle.
3. Tombe préhistorique constituée de quatre dalles de chant et d'une cinquième formant couvercle.

Custode : 1. Partie d'une carrosserie automobile située latéralement, à l'aplomb des roues arrière, entre le toit et la ligne de ceinture.
2. Boîte à parois de verre dans laquelle on enferme l'hostie consacrée. Synonyme : lunule

D comme :
Deutéronome ; Cinquième livre du Pentateuque, code de lois civiles et religieuses, charte de la réforme religieuse de Josias (622 avant J.-C.).
Le nom « Deutéronome », ou « Seconde Loi », vient de ce que ce livre est présenté comme une seconde rédaction de l'oeuvre législative de Moïse.

Dévoration : (en langage recherché) fait de dévorer, de manger un être humain, de faire du cannibalisme.

Dilacérer : DIDACTIQUE : Mettre en pièces. Je connaissais lacérer mais pas dilacérer. Dilacérer un acte : PAR EXTENSION : Détruire avec violence.

E comme :
Empeigne : 1. n.f. (cordonnerie) Dessus (d'une chaussure), du cou-de-pied jusqu'à la pointe. Loc., fig., pop. [Le plus souvent employée comme injure] Gueule d'empeigne. Visage laid, désagréable, antipathique ; p. méton., personne désagréable, antipathique
2. Personne bavarde, qui a le verbe haut.

Emphytéotique : L'"emphytéose" ou " bail emphytéotique" est un type de bail fait pour une durée de plus de dix-huit ans minimums et de quatre-vingt-dix-neuf ans maximum.

Entretoise : Pièce qui sert à relier dans un écartement fixe des poutres, des pièces de machine.

F comme :
Fandango : danse

Fressure : n. f. Ensemble des gros viscères d'un animal (coeur, foie, rate, poumons)

Fourmi : Saramago utilise cette image, à plusieurs reprises pour montrer l'insignifiance des gens de cette terre et leur masse compacte (ou perçue comme tel par les propriétaires des terres). Parfois des fourmis, parfois des chiens (suivant qui il fait parler).

G comme :
Gerfaut : faucon

H comme :
Haquenée : Petit cheval ou jument allant l'amble, et qui était jadis une monture de dame ou de voyage. Amble étant une façon de marcher…

Houssine : Vieilli. Baguette de houx ou de tout autre bois flexible, employée notamment pour faire aller sa monture ou battre les tapis, les vêtements.

Huppe : Touffe de plumes érectiles qui coiffe certains oiseaux.

J comme :
José Adelino dos Santos : Un homme assassiné lors des répressions de manifestations. Ce livre lui est dédié.

L comme :
Latifundium : Grand domaine agricole exploité extensivement et de façon archaïque

Lombes : Régions postérieures de l'abdomen, situées de chaque côté de la colonne vertébrale, au-dessous de la cage thoracique, au-dessus de la crête iliaque. (d'où lombaire)

Léviathan : MYTH. Animal monstrueux d'apparence imprécise dans la tradition phénicienne et mentionné dans les livres bibliques comme un poisson ou un crocodile.

M comme :
Myrrhe : gomme-résine aromatique produite par l'arbre à myrrhe

N comme :
Nosologique : Partie de la médecine qui étudie et qui classe les maladies d'après leurs caractères distinctifs.

P comme :
Pélagique : DIDACTIQUE : Relatif à la pleine mer, à la haute mer.

R comme :
Ridelle : Balustrade, pleine ou à claire-voie, placée sur les côtés du tablier d'une charrette, d'une remorque, d'un camion ou d'un chariot de manutention, et destinée à contenir les marchandises.

S comme :
Salmigondis : n.m. Mélange disparate et incohérent. Je trouve ce mot très rigolo.

T comme :
Tilbury : voiture hippomobile

Tomàs : élu président de la République en 1958 et réélu en 1965 et 1972. Pendant cette période, le Portugal est dirigé par le régime autoritaire de Salazar dans lequel le président de la République ne remplit qu'un rôle de figuration.

U comme :
Uniforme : l'armée et la police comme instrument de torture, de gardiennage des intérêts des plus puissants. Avec une réflexion sur le choix de l'individu dans cet uniforme.

V comme :
Germano Vidigal : Ce livre lui est dédié. Mort sous la torture, Saramago décrit une séance de torture, vu par les yeux d'une fourmi.

Y comme :
Yeuse : n.f. Autre nom du chêne vert.
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Le décor est planté dès les premières pages : vous voici dans l'Alentejo, région aride du Portugal où la famille Mau-Tempo (en français, « Mauvais Temps »), exploitée et misérable, travaille la terre.

Domingos Mau-Tempo, cordonnier alcoolique, Sara Mau-Tempo, sa femme, aimante et soumise, Joao Mau-Tempo, leur fils rebelle, et Antonio, un communiste de passage, révolté et martyrisé, sont les principaux protagonistes de cette saga de 452 pages que nous conte José Saramago, écrivain portugais qui a reçu le prix Nobel de littérature en 1998. Paru aux Éditions du Seuil en septembre 2012, « Levantado do Chao » (en français, « Relevé de terre ») est écrit à la mémoire des paysans et travailleurs portugais assassinés. En préface, le lecteur trouvera une invitation d'Almeida Garrett, ardent défenseur d'idées libérales qui lui valurent l'exil au début du 19ème siècle, à réfléchir au nombre d'individus condamnés à la misère, au travail infantilisant, au découragement, à la pénurie et à la détresse dans le seul but de « produire un riche ».

Le ton est donné, partisan, révolté, sans concession, avec la mise en évidence du sang versé par tous ces opprimés, de leur mort lente ou brutale, de leurs hurlements sous la torture, des odeurs de pourriture propres aux corps en décomposition, le tout sous un climat capricieux où plantes, bêtes et hommes se dessèchent inexorablement. Dans cet univers terrible, l'individu est face à son destin : il crèvera, seul, dans l'indifférence la plus complète. La terre que le paysan cultive ne lui appartient même pas : exploité par son maitre, dans le silence assourdissant des prêtres ("Et on dit que Dieu existe ?"), au nom de l'argent, divinité consacrée jusqu'à la consommation des siècles, le travailleur est pressuré par les classes qui l'exploitent.

Révolté contre cet état de fait, l'auteur pétrit, façonne et étale cette boule de haine qu'il a au creux de l'estomac, vomissant au fil des pages une logorrhée obsédante qui ne laisse aucune place aux dialogues. le lecteur est alors pris en otage et suffoque, englué, de ne pouvoir rester trop longtemps en apnée. Au cours de cette relation intarissable et nauséabonde de faits et gestes d'une famille ordinaire et surexploitée, vous découvrirez quelques rares scènes d'affection entre Sara et son fils. Des images fortes, une écriture étouffante (cf. ma citation), des redites fréquentes, un scénario inexistant, une addictivité toute relative, au final peu d'intérêt. Au bout de soixante pages, tout est dit et écrit ; vous pouvez refermer le livre, merci.

Réservé aux passionnés de l'histoire du communisme.
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L'histoire de la famille Mau-Tempo (Mauvais Temps) et ce sont des temps difficiles que vivent ces travailleurs portugais des grandes exploitations agricoles traditionnelles. En filigrane, c'est l'histoire du Portugal au XXe siècle que raconte cet auteur lusophone, prix Nobel de littérature 1998.

C'est un texte dense, une écriture essoufflante, tout en virgules, accumulant les énumérations à perdre haleine, les longues listes, les phrases s'étirant parfois sur dix, quinze lignes, transformant les dialogues en monologues, décrivant l'atrocité, mais s'en détournant à demi, suivant au sol une colonne de fourmis dans la cour où un homme est battu à mort, regardant d'en haut grâce au vol du milan, accompagnant les anges au balcon céleste, utilisant des qualificatifs, des métaphores, des légendes, des images émouvantes, un récit qui conte la naissance et le trépas, qui parle du pays, de la faim, du travail, de la solidarité et de la vie.

Une écriture intense donc, dans laquelle je me prends parfois à espérer des pauses, des alinéas, des points de suspension qui permettrait de relever les yeux et contempler calmement le paysage.

Un roman lourd d'histoire et de misère, une épreuve de fond pour lecteurs d'endurance.
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Ravi de découvrir ce titre dans le dernier arrivage du bibliobus départemental, je me suis en fait fourvoyé… Parvenu à la dernière page de ce roman, heureusement pas trop long, un triste bilan s'impose : seule l'image d'un rat mort accolée à celle d'un désagrément intestinal est fidèle à mon ressenti.
J'en suis marri, contrit même : un auteur nobélisé… chaudement recommandé…
Me revient alors en mémoire, le sourcil fillonesquement désapprobateur qui renforçait le regard navré de Mr M., professeur de lettres du Lycée Joffre. Celui dont je tais le nom, refusant depuis toujours l'étiquette de poucave, me reprochait de ne pas apprécier Beckett mais surtout de ne pas le… comprendre !
Peut-être n'ai-je pas compris « Relevé de terre » ?
« Roman réaliste qui casse tous les codes de la prose et du récit réalistes » nous dit la quatrième de couverture. L'intuition se confirme : je n'ai sans doute pas tout compris…
Je me suis égaré sans les habituels panneaux directionnels que sont les guillemets, les deux points, les tirets, errant parmi ces 8054 virgules, ces longues phrases, ces fourmis, ces chiens, ces lièvres, ces nuages, inventaire à la prés jaunis par le soleil, toutes ces images lumineuses mais rendues ténébreuses par l'accumulation de mots savants. Il est terrible le petit bruit de la feuille du Larousse quand il remue dans la mémoire de l'homme qui se sent bête. Qui est ce « nous » ? Qu'est-ce qui se noue ? Qui est ce « je » ? Quel est ce jeu ? Je ne sais pas, je ne sais plus, je suis perdu. Non mais franchement, tu me vois faire l'oiseau ?
Pourtant, tout était réuni pour m'enchanter. le Portugal. L'histoire. La transmission familiale. L'oppression du sabre et du goupillon. L'injustice des grands propriétaires latifundiaires. L'exil. La révolte… Pour toutes ces raisons, je me suis accroché. Trouvant quelques branches de phrases qui sonnaient juste, j'ai péniblement surnagé pour finalement rejoindre la berge. A mesure que nous nous approchions de la Révolution des oeillets, le courant paraissait moins fort. Mais tout de même, diantre, que cette traversée fut pénible ! Que le Tage est large…
Afin de me remettre de ce pot Tage trop indigeste pour mes rustres papilles, mon petit coeur de potache a eu besoin d'écouter quelques airs de Bobby Lapointe, général en chef d'une faction révolutionnaire dans laquelle je me reconnais plus volontiers. A cracher ainsi dans le potage de la crème littéraire, je prends le risque de perdre quelques-uns de mes rares lecteurs, déçus par ces propos béotiens. Je vais même aggraver mon cas en citant le regretté Sacha Distel : « Décidément, ma pauvre Chantal ! Nobel, ça ne tient pas toujours la route ! »
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Ce livre a été écrit par José Saramago en 1980 et raconte l'histoire séculaire d'une famille de travailleurs agricoles sur ce territoire dit l'Alentejo, qui voudrait dire au-delà du tejo, mieux connu par nous comme Tage, il se trouve à l'est de Lisbonne. Ce sont quatre générations de la famille Mau-Tempo (mauvais temps, un nom très emblématique) qui viennent composer cette saga paysanne, dont l'élément d'union est la misère la plus noire, à une époque qui va de la fin de la monarchie, Elle traverse les années noires du régime de Salazar et se termine par la lumière de la révolution des oeillets (25 avril 1974).
Au cours de cette longue période, alors que se produisent en Europe des bouleversements qui affectent profondément l'histoire, dans ce coin reculé, presque oublié de Dieu, on passe de la dure et impitoyable bataille pour survivre aux luttes pour obtenir une condition de vie au moins digne. Car ce qui manque à ces pauvres paysans, c'est la dignité de l'être humain, c'est l'espérance dans un avenir différent. À la merci des propriétaires fonciers, exploités avec des horaires de travail propres aux esclaves, accrochés à une religion qui devient une mortification ultérieure, vu la connivence entre le clergé et les maîtres:"On naît, on vit et on meurt dans une famine provoquée par les souffrances, les fatigues, les injustices et la pénurie d'aliments."
En fait, le roman commence par:" la chose la plus importante sur la terre c'est le paysage", et les descriptions de Saramago sont vraiment magnifiques, au point qu'il fait voir les plaines, les chênes-lièges, les orages soudains, même les reliefs.
Si cette excellente capacité de l'auteur ne suffisait pas, tout à fait particulière est la forme de l'écriture utilisée, un style personnel, une sorte d'écriture orale qui insère la parole dans le récit, sans qu'il y ait de pause ou même, souvent de ponctuation. C'est très déroutant au début, mais peu à peu Saramago le magicien nous enveloppe dans son univers et nous entraîne dans les joies et les peines de l'âme humaine.
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critiques presse (2)
Actualitte
20 décembre 2012
C'est fort et écrasant à la fois. Le genre d'oeuvre qui justifie un Nobel.
Lire la critique sur le site : Actualitte
Lhumanite
26 novembre 2012
Un livre à la force corrosive, porté par l’amour du peuple, l’insolente souveraineté d’une écriture qui n’aura de cesse alors de réaliser des peintures ironiques en diable de l’histoire du Portugal.
Lire la critique sur le site : Lhumanite
Citations et extraits (25) Voir plus Ajouter une citation
page 289 [...] Joao Mau-Tempo entre de nouveau dans le poste où il avait été emprisonné pendant plusieurs heures quatre ans plus tôt. Tout semble pareil, le temps n'a pas passé. Le garde José Calmedo va informer le caporal que le détenu est arrivé, tout s'est bien passé, mission accomplie, mais s'il vous plait gardez les médailles pour une autre occasion, laissez-moi vivre ma vie, avec mes pensées en forme de nuages, un jour je tiendrai devant moi une feuille de papier cachetée, monsieur le commandant de la garde nationale républicaine, monsieur, et le caporal Tacabo leur ordonne d'entrer et dit, Asseyez-vous, monsieur Mau-Tempo, il ne faut pas s'étonner de cette courtoisie, on se se conduit pas toujours en bourreau, Savez-vous pourquoi vous êtes convoqué au poste. Joao Mau-Tempo est sur le point de dire que si c'est à cause des gerbes de céréales, il ne sait rien, mais il n'a pas le temps d'ouvrir la bouche et heureusement, car il aurait attribué alors une réputation de menteur à José Calmedo, par bonheur le caporal Tacabo ajoute aussitôt, plus il expédierait rondement cette affaire, mieux ça vaudrait, Alors, vous ne savez pas ce que vous avez fabriqué du côté de Vendas Novas, Ça doit être une erreur, je n'ai rien fait, Eh bien figurez-vous que j'ai ici l'ordre du poste de Vendas Novas de vous arrêter en tant que communiste. [...]
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Chaque jour a son histoire, il faudrait des années pour raconter une seule minute, le geste le plus insignifiant, le menu décorticage d’un mot, d’une syllabe, d’un son, sans parler des pensées qui sont choses fort touffues, penser à ce qu’on pense, ou on a pensé, ou on est en train de penser, quelle est donc cette pensée qui pense une autre pensée, on n’en finirait jamais. (p.71)
Commenter  J’apprécie          170
Où as-tu été chercher ce sac de glands, Ou ce fagot de bois, ou Que fais-tu ici à cette heure, d'où viens-tu, où vas-tu, un homme n'a pas le droit de mettre le pied hors de l'ornière habituelle, sauf s'il a un contrat et qu'il est donc sous surveillance.

Cependant, chaque jour apporte avec sa part de peine sa part d'espérance, ou bien s'agit-il d'une faiblesse du narrateur qui a sûrement lu ces mots ou les a entendu dire et ils lui ont plu, car lorsque l'espérance vient avec la peine, la peine n'en est pas amoindrie pour autant et l'espérance n'est pas autre chose que ce qu'elle est, le père Agamedes ne parlerait pas autrement, lui qui a fait justement de la peine et de l'espérance son fonds de commerce, celui qui penserait le contraire serait stupide ou peu instruit.
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Et c 'est quoi, la France. La France, c'est un interminable champ de betteraves où l'on travaille à biner seize ou dix-sept heures par jour, c'est une facon de parler, car les heures sont si nombreuses que ce sont toutes les heures du jour, plus quelques-unes aussi de la nuit. La France, c'est une famille de Normands qui voit entrer chez elle trois bêtes ibériques, deux Portugais et un Espagnol d'Andalousie, c'est-à-dire nommément Antonio Mau-Tempo et Carolino da Avo, de Monte Lavre, et Miguel Hernandez, de Fuente Palmera, lequel connaît quelques mots de français, une science d'émigrant, et grâce auxquels il annonce que les trois qui ont été engagés sont arrivés. La France, c'est un pailler qui abrite mal le manque de sommeil et l'assiette de pommes de terre, c'est un pays où mystérieusement il n'y a ni dimanches ni jours saints. La France, c'est un éreintement, deux poignards fichés dans les reins, ici et ici, un épuisement, un martyre des lombes, une crucifixion sur un lopin de terre. La France doit être vue avec les yeux à quatre empans de la tige de betterave, les forêts et les horizons de la France sont faits de betteraves, il n'y a rien d'autre là-bas. La France, c'est ce mépris, cette manière de parler le regarder de façon moqueuse. La France, c'est le gendarme qui vient vérifier vos papiers, ligne apres ligne, comparant et interrogeant, à trois pas de distance à cause de votre odeur....
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… les gens ont l’habitude de rire et aussitôt après de pousser un hurlement de rage qui s’entende au ciel, [...] un hurlement qui s’entendrait tout autour de la terre pour voir si les hommes nus entendent et viennent à notre rescousse, mais peut-être ne nous entendent-ils pas parce qu’eux aussi crient. (p. 338)
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Vidéo de José Saramago
Charlotte Ortiz, traductrice de "Traité sur les choses de la Chine" de Frei Gaspar da Cruz (ouvrage à paraître) nous fait le plaisir de nous parler de deux livres importants pour elle. "L'aveuglement" de José Saramago, roman parlant d'une pandémie ... elle vous en dira plus et, "Européens et japonais, traité sur les contradictions et les différences de moeurs" de Luís Froís où il est question, entre autres, de genre, de cuisine et de belles perspectives ;) !
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