Abraham ou La cinquième Alliance

Une tribu de Ur en Mésopotamie, ancien nom de la ville de Tell al Muqayyar dans l'actuel Irak, décide de partir à la recherche de la terre promise. Nous sommes en 1916 en pleine guerre mondiale, le patriarche illuminé a pour nom Terah et son fils Abram doit devenir le nouvel Abraham. Ur serait en effet la patrie du mythique prophète, et notre tribu destinée à revivre l'histoire de la genèse.
A travers ce périple qui va traverser deux guerres mondiales et en souligner les effets, toujours actifs dans le Moyen Orient, on prend conscience de l'origine commune des trois religions monothéistes, le judaïsme, le christianisme et l'islam, et par là même de l'unité de ces peuples qui se déchirent depuis des millénaires, écrasant les plus petits de leur hégémonie.

A la suite de la mort de Terah, Abram, qui a épousé Saraï, sa demi-soeur et cousine, va devenir le nouvel Abraham après avoir reçu l'illumination divine. Et sur les pas de son ancêtre, de Moïse, Jésus et Mohammed, nouer une nouvelle alliance, la cinquième avec Dieu « car la parole de Dieu est une, elle tourne inlassablement dans l'univers. » Et l'homme répète à l'infini les mêmes erreurs et rejoue les mêmes guerres.
Une fois encore on est embarqué par la langue poétique, la vision prophétique et la grande érudition de Boualem Sansal qui nous rappelle que si Dieu est unique, les peuples sont multiples et leurs conflits innombrables et sans fin…A méditer.

Peu d'auteurs osent s'attaquer aux livres religieux, pourtant Boualem Sansal propose une réécriture de la genèse avec Abraham ou la cinquième Alliance.

En1916, Terah décide de quitter Tell al-Muqayyar en Syrie (l'ancienne Ur de la Mésopotamie) avec son clan, pour rejoindre l'antique pays de Canaan, aujourd'hui partagé entre Israël, Palestine, Liban, Syrie et Jordanie. Il est en effet, persuadé que son fils, Abram, est la réincarnation d'Abraham, « père fondateur » du monothéisme, avec le judaïsme, le christianisme et l'Islam.

De Tell al-Muqayyar à Canaan, en passant par Harran, les pèlerins traversent un Moyen-Orient en prise avec les conflits entre Européens et Ottomans.

Abraham ou la cinquième alliance est un roman ambitieux, aux références historiques nombreuses, qui tout en relatant les événements et le quotidien du clan, dénonce clairement les puissances occidentales. C'est avant tout une recherche utopique, d'un monde idéal, d'une unité des peuples tant évoquée par les différentes religions du Livre.

Il faut voir ce livre comme une oeuvre politico-religieuse qui décrypte la transformation du Moyen-Orient au coeur des conflits de plusieurs pays du monde, pour mettre la main basse sur toutes les richesses qu'il représente.

Les Européens, sous couvert de bonnes intentions se sont présentés comme les libérateurs du carcan Ottoman, alors même que c'est l'emplacement géographique stratégique qui les intéresse. C'est une conquête de territoires et de nouvelles richesses, qui modifie en profondeur les frontières du Proche-Orient, avec l'exode et la disparition de plusieurs peuples, pour atteindre son point culminant, avec en 1948, le plan de partage de la Palestine, qui entraîne toute la région dans une guerre sans fin.

La plume de Boualem Sansal, ne peut laisser indifférente, elle invite à la réflexion sur la foi, sur l'évolution des religions et surtout apporte un témoignage historique riche, mettant en lumière les raisons des bouleversements de cette région.
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Qu'elle est donc l'histoire de cette cinquième Alliance ? Les quatre premières Alliances se sont faites, autour d'Abraham, la première, le seul prophète que les trois religions reconnaissent. C'est celui de la Genèse, entre 3000 et 1000 ans avant Jésus Christ. La seconde, autour de Moïse, le premier Prophète du Judaïsme, la troisième, autour de Jésus, le Prophète du Christianisme et la quatrième, autour de Mohammed, le Prophète de l'Islam. En 1916, à Tell al-Muqayyar, en Mésopotamie (anciennement la Chaldée), Terah un seigneur local, chef d'un clan musulman, souhaite faire revivre le Prophète Abraham le Chaldéen, en la personne de l'un de ses fils, Abram, tant il craint l'envahissement du Moyen-Orient et l'anéantissement des multiples peuples qui le composent, pris qu'ils sont entre l'armée ottomane et les armées anglaise et française, auxquelles s'ajoute les tensions entre les différentes religions. En pleine guerre mondiale, les Anglais et les Français signent un accord (l'accord Sykes-Picot) pour faire éclater l'Empire Ottoman qui est l'allié de l'Allemagne et se partager le Moyen-Orient. Terah demande à son fils de l'accompagner et de lui succéder pour entraîner son peuple vers la terre promise, en Canaan l'actuelle Gaza et surtout d'espérer une nouvelle parole de Dieu aux chênes de Mamré, près d'Hébron précisément là ou cela c'est produit la première fois avec Abraham et créer ainsi la cinquième Alliance pour résoudre ces conflits et apaiser les maux. Dans un avertissement qui précède le livre Boualem Sansal précise qu'il a construit cette histoire, après la lecture d'un manuscrit en araméen ancien probablement écrit dans les années 2000. Grâce à son livre d'une érudition incroyable, malgré tout plaisant à lire et en alternant entre l'histoire de cette région de 1916, aux années 50, ainsi qu'en se référant à la Genèse, c'est toute histoire millénaire de ces peuples et de la création des trois religions monothéistes qui défile dans cette lecture. Terah s'entoure des frères de Abram, Nahor, Naïm, Sekkal, ainsi qu'un neveu Loth et une sorte de conseiller étrange qui survit à travers les époques, nommé Eliézer. Il leurs donne régulièrement la parole afin de s'assurer de leur adhésion à son projet. Ainsi ils transforment leur tribu en un peuple transhumant, deviennent des nomades du désert. Ils passent par Babylone, remontent vers l'actuelle Syrie séjournent à Palmyre, puis Harran. Il faut préciser, et personnellement je l'ai découvert, c'est cet accord franco-anglais qui va désigner les pays que l'on connaît, Turquie, Syrie, Irak, Liban, en omettant d'en désigner un pour les Kurdes. le découpage pour la création de ces pays ne tenait pas compte de la multitude de peuples qui occupaient le Moyen Orient depuis la nuit des temps et que le pouvoir turc voulait exterminer tel que les Arméniens, les Kurdes, les Ismaëliens, les Assyro-Chaldéens, les Yézidis et tant d'autres. Au fur et à mesure des déplacements de la troupe autour de Terah et d'Abram, on prend connaissance des divergences entre les trois religions, on apprend les déplacements des différents peuples, ainsi que leurs tentatives de s'exterminer, les antagonismes entre les uns et les autres musulmans entre eux, les sunnites et les chiites et entre les juifs et les arabes. Au fur et à mesure de leur migration, ils se demandent comment en se reconnaissant en Abraham et en croyant en un Dieu unique, cet amour de Dieu peut-il générer de la haine et une telle division du monde. Ainsi il montre qu'un croyant qui s'enferme dans sa croyance finit par n'avoir que du mépris pour ses semblables, qu'il va chercher à soumettre. Dans les entretiens que Terah et Abram ont avec ceux qui les accompagnent, il en est un qui affirme que unifier le Moyen-Orient par des moyens politiques ou pire militaires est impossible, car ces peuples se sont toujours combattus, déjà en cette première moitié du vingtième siècle, et ils affirment que la paix malheureusement ne signifie pas la fin de la guerre, mais son accentuation, d'autant qu'il n'y a pas que les religions, il y a des intérêts stratégiques. le roman se termine en 1947/1948 avec la création de l'état d'Israël et rappelle que aussitôt commence la première guerre israélo arabe, et malheureusement assure que d'autres suivront plus acharnées. Avec les drames qui secouent actuellement le Moyen-Orient, ce livre écrit en 2020 qui se déroule il y a un siècle, est encore malheureusement d'actualité. Je dois avouer qu'il m'a secoué, qu'il m'a appris beaucoup et aidé à mieux comprendre l'histoire terrible de cette région du monde .

Boualem Sansal remonte à la Genèse et au prophète Abraham, à travers une tribu chaldéenne qui, comme l'ancêtre des trois religions monothéistes, doit refaire le périple vers la Terre promise.

“En 1916, alors que le premier conflit mondial s'étend au Moyen-Orient, Terah, un vieux patriarche chaldéen, ayant compris que son fils Abram est la réincarnation d'Abraham, le charge de conduire la tribu vers la Terre promise, comme jadis son ancêtre de la Genèse. Au terme de ce long périple, Abram parviendra-t-il à fonder la cinquième Alliance, susceptible de guider les hommes et d'apaiser leurs maux ?” Sansal, dans ce roman, “actualise l'histoire ancienne de la Genèse dans le but d'éclairer nos temps obscurs. Il nous offre ici une parabole sur la puissance et les faiblesses de la pensée religieuse”.

Voilà un livre qui mérite attention. Boualem Sansal reprend le récit de la Genèse pour interroger le sens du religieux, de la transmission, et la répétition des évènements. « Abraham ou la cinquième alliance » imagine la quête d'une nouvelle alliance avec Dieu, la cinquième, après celles d'Abraham, Moïse, Jésus et Mahomet. Une tribu de la région Tell al-Muqayyar (en Irak), ancienne Ur de la Bible, se pense investie d'une mission divine : fonder une cinquième alliance en suivant l'itinéraire initiatique de leurs ancêtres aux noms bibliques : Terah, Abram, Saraï, Loth…. La situation chaotique de la Première Guerre Mondiale au Moyen Orient et les partages territoriaux issus de la Seconde Guerre Mondiale marquent le cadre temporel du voyage. A la façon des textes anciens, Boualem Sansal présente les échanges entre les membres de la tribu : réflexions sur le sens du voyage, sur la quête du message divin, sur la nature de la foi… Autant d'interrogations qui interpellent le lecteur. L'érudition de l'auteur embrasse les textes bibliques, l'Histoire des religions et celle des nombreux peuples qui ont parcouru ces territoires. L'ouvrage plonge le lecteur dans un espace géographique complexe, renoue l'Histoire à l'actualité. La réflexion philosophique, métaphysique permet de prendre une hauteur d'analyse remarquable. Un livre à conseiller.