Pierre a une trentaine d année et est condamné à 4 mois de prison avec sursis pour violences conjugales.
Le livre s ouvre sur ce fait.
On retourne ensuite dans son enfance, ou il a grandi avec 5 frères et soeurs dans une famille bourgeoise, avec un père acerbe et effacé, une maman violente mais parfois câline. Des injures, l école privée, une ambiance détestable, une pression totale pour ne pas faire des études de philo par la suite car être prof c est rater sa vie... Des réflexions racistes, homophobes, des discussions sur la politique qui tournent mal. Non mais quel vertige, quel carnage.
Les enfants finissent par devenir des adultes abîmés. l'un de ses frères plonge dans l anorexie et la dépression. Pierre sent de la haine en lui qu il peine a contrôler.
Plus tard il rencontre Maud. Il la demande en mariage, et c est finalement elle sur qui il va lever la main.
Que dire ?
En fait je me suis attachée à Pierre, à sa souffrance. J ai compris ses efforts pour se maîtriser, sa soif de réussir sa vie, de reprendre pied.
Et j ai détesté Maud. C est purement personnel mais je l ai trouvee vraiment égoïste (dire à son copain qu il a mauvaise haleine, le gifler.. Parce que cela visiblement ne compte pas. Elle lui met une claque, juste parce qu elle est énervée et c est seulement le retour de flamme que l'on va blâmer. J ai détesté qu elle réussisse à critiquer la bague qu il a choisi pour la demander en mariage, qu'elle exige qu il gare son scooter parce qu ils étaient en désaccord). Bref, cette fille assez autocentree n avait pas grand chose à lui apporter. Pareil pour le coup de trop. Même si jamais il n aurait du lever la main sur elle, pourquoi fallait il encore qu elle râle parce qu il avait appuyé 4 fois sur son réveil ?! Comme si finalement son mari devait se moduler à ses désirs à elle. Ça m a littéralement agacée.
J ai beaucoup aimé l histoire, même si parfois les choses m'ont paru superficielles. l'auteur aurait pu creuser davantage. Il aurait pu aller plus loin dans les scènes de violences verbales et physiques dans le passé de Pierre et puis dans sa relation avec Maud.
Le style aux phrases courtes m a plu. On se sent dans la peau de Pierre et cela sonne juste.
Une belle découverte !
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Elle continue à me regarder droit dans les yeux et entame la liste de toutes les choses qu'elle regrette d’avoir faites et me demande pardon pour les coups, les claques, la violence chronique, l'instabilité émotionnelle, l'insécurité, le poids qu'elle a fait peser sur moi, sur nous, le regret infini qu'elle a de ne pas avoir pris les choses en main plus tôt, et la souffrance que c'est encore, pour elle, tous les jours, d'avoir été la mère qu'elle a été.
Je ressens une émotion impossible à accueillir. J'ai envie de lui dire que ce n’est pas de sa faute, que ce n'est pas grave, mais en même temps ma vie est tellement douloureuse parfois.
«Tu sais, j’ai accumulé beaucoup d’'injustices en moi, poursuit-elle. Beaucoup de colère. Et je n'avais pas assez de repères. Avec bonne-maman, Georges, le suicide de Claude. La mort de papa. On ne pouvait pas parler de ces choses-là à l’époque, il n’y avait pas vraiment d'aide. »
Je suis dans un état de confusion totale.
«Alors, quand on souffre, soit on est dans le rejet, soit on s'attache à ce qui nous est le plus accessible, à ce qu'on nous a inculqué. Et parfois, on reste entre les deux.»
Je me sens entièrement démuni. Ma mère, dans un instinct de protection peut-être, cherche à prendre ma main.
J'ai les larmes aux yeux. Je la repousse. C’est trop difficile pour moi.
«Pierre...»
Elle se rapproche de moi, pose sa main sur la mienne. p. 203-204
Elle continue à me regarder droit dans les yeux et entame la liste de toutes les choses qu’elle regrette d’avoir faites et me demande pardon pour les coups, les claques, la violence chronique, l’instabilité émotionnelle, l’insécurité, le poids qu’elle a fait peser sur moi, sur nous, le regret infini qu’elle a de ne pas avoir pris les choses en main plus tôt, et la souffrance que c’est encore, pour elle, tous les jours, d’avoir été la mère qu’elle a été. (pages 203-204)
INCIPIT
À la sortie du tribunal, les gestes d’amants et de réconfort ont disparu.
Je suis condamné à quatre mois de prison avec sursis pour violence conjugale, assortis d’une mise à l’épreuve de dix-huit mois et d’une injonction de soins.
J’ai trente-trois ans.
ENFANCE (1983-1994)
Je suis assis dehors, dans le jardin, devant mon assiette. Ma mère est à côté de moi, bronzée, en maillot de bain. Nous sommes en vacances à Saint-Cast-le-Guildo, j’ai sept ans, nous avons quitté Versailles il y a quinze jours, il fait très chaud – des guêpes rôdent autour de nous.
Je ne veux pas manger mes carottes râpées – la vinaigrette est trop acide pour moi.
Les autres – mes cousins, les enfants de Françoise, la grande sœur de ma mère – sont déjà partis à la plage pour se baigner, faire du bateau, je reste là. Je dois terminer mon assiette mais je n’y parviens pas. Chaque fois que j’approche la fourchette de ma bouche, je sens un regard, une pression, et j’ai envie de tout recracher, de vomir. J’ai les larmes aux yeux mais ma mère ne veut pas céder. Chaque fois que je refuse d’avaler une bouchée ou que je recrache mes carottes râpées, elle me gifle. Une fois sur deux, elle me hurle dessus. Une gifle avec les cris, une gifle sans les cris. Au bout d’une demi-heure, elle me tire par les cheveux et m’écrase la tête dans mon assiette – j’ai déjà vu mon oncle faire ça avec l’un de mes cousins ; lorsque Geoffroy s’était relevé, il avait du sang sur le front, le coup avait brisé l’assiette.
Je sens la vinaigrette et les carottes râpées dans mes cheveux, sur mes paupières. J’ai envie de pleurer mais je me retiens. C’est la même chose que la semaine dernière lorsqu’elle m’a forcé à prendre mon comprimé de Clamoxyl avec quelques gorgées d’eau seulement. Je ne suis pas arrivé à le mettre dans ma bouche, comme un grand, je n’ai pas réussi à l’avaler, il est resté plusieurs fois coincé dans ma gorge et j’ai eu peur de mourir étranglé alors que ma mère me criait : « Tu vas l’avaler ! »
Mais ce jour-là, à Saint-Cast, je décide de résister. Je ne céderai pas. Et je tiens. Je résiste. Elle a beau me gifler, je serre les poings. Une heure passe, deux heures, trois heures, quatre heures. Je vais gagner. Mais vers dix-huit heures, en entendant les premières voitures revenir de la plage, je craque: l’idée que les autres puissent me voir encore à table m’est insoutenable. Je me soumets. Je finis mon assiette. Je mange mes carottes râpées et même si mon dégoût est immense, je ressens un soulagement car les autres ne verront pas la méchanceté ni la folie de ma mère.
Juste à côté de moi, je l’entends dire : « Eh bien, tu vois, quand tu veux. »
Quelques secondes après, elle ajoute : « Ça ne servait à rien de faire autant d’histoires. Il y a d’autres moyens d’attirer l’attention sur toi, tu sais, Pierre. »
Le soir, elle vient me dire bonsoir dans mon lit. Elle me prend contre elle et me dit qu’elle m’aime. Je l’écoute, je la serre dans mes bras et lui réponds: «Moi aussi, je t’aime, maman.»
À Saint-Cast, toutes les familles ont une Peugeot 505 sept places. La même que celle des « Arabes » que nous croisons sur les aires d’autoroute. L’été, il y a autant d’enfants dans leurs voitures que dans les nôtres. Nous sommes des familles nombreuses.
À la plage de Pen Guen, les gens parlent de bateaux, de rugby, de propriétés, de messes et de camps scouts. Toute la journée, tout le temps. Personne ne parle de jeux vidéo ni de dessins animés. Tous les hommes portent un maillot de bain bleu foncé ou rouge. La plupart des femmes, un maillot de bain une pièce. Beaucoup d’entre elles ont des veines étranges sur les jambes ; ma sœur dit que ce sont des varices. Ma mère, elle, a les jambes fines et porte un maillot deux pièces. Elle a les cheveux courts et bouclés ; ils deviennent presque blonds pendant l’été.
L’après-midi, le soleil tape. Nous allons pêcher des crabes avec des épuisettes dans les rochers. Nous devons faire attention aux vipères. Le fils d’une amie d’enfance de Françoise est mort l’été dernier, mordu par une vipère dans les rochers près de Saint-Malo. Il avait neuf ans. Nous avons du mal à croire à cette histoire. Nous rêvons tous d’avoir des sandales en plastique qui vont dans l’eau pour aller dans les rochers, mais c’est interdit, ce n’est pas distingué.
Je soulève une pierre, les crevettes fusent. Les algues me dégoûtent. Mon cousin les prend à pleines mains et me les envoie dans le dos. Une bagarre commence. Je ne sais pas me battre. Puis Bénédicte, ma sœur cadette, vient nous chercher avec la fille aînée de Françoise ; ce sont toujours les filles qui nous disent l’heure à laquelle nous devons rentrer.
À la maison, nous mettons nos crabes dans la bassine bleue, celle qui sert à rincer nos maillots.
Mais Françoise arrive et nous ordonne de jeter tout ça à la poubelle. Ce n’est pas l’heure de jouer de toute façon – nous devons mettre le couvert. « Dépêchez-vous ! » crie-t-elle.
Le dernier soir des vacances, nous allons acheter des glaces. Ma tante refuse que nous prenions un parfum qu’elle n’aime pas ou qu’elle juge trop plouc. Je trouve ça injuste. Elle me regarde droit dans les yeux : « Tu préfères peut-être passer tes vacances au centre aéré avec les Noirs et les Arabes de la cité Périchaux ? »
Ma mère m’attrape la main, elle me tire par le bras – elle me fait presque mal.
« Tu veux quel parfum ? »
Je ne sais pas si c’est un piège. Elle est très énervée. « Tu peux prendre ce que tu veux. » J’hésite entre Malabar et Schtroumpf. Je prends les deux et demande un cornet maison. Ma mère accepte. Lorsque je me tourne vers mes cousins, ma tante est furieuse ; elle remet son serre-tête.
Une heure plus tard, nous retrouvons des amis de ma tante et de mon oncle dans une autre maison. Une dizaine de personnes sont dans le jardin, assises autour de la table. Paul-François, debout, fait un sketch de Michel Leeb. « Dis donc, dis donc, ce ne sont pas mes luu-nettes, ce sont mes naaa-riiines ! » Il fait des grands gestes et mime le singe. Tout le monde éclate de rire et s’enthousiasme : Paul-François imite très bien l’accent noir.
Paul-Étienne, le fils de Paul-François (son grand-père s’appelle Paul-André – c’est ainsi, de génération en génération), qui a deux ans de plus que moi, raconte lui aussi beaucoup de blagues. « Quelle est la deuxième langue parlée à Marseille ? » Nous hésitons : « L’arabe ? » « Non ! s’écrie-t-il. Le français ! » Et il continue : « Un Américain, un Arabe et un Français sont dans un avion… Au milieu du vol, il y a une explosion. L’un des réacteurs ne fonctionne plus. Le pilote dit aux passagers de réduire le poids au maximum. L’Américain, aussitôt, jette des dollars et dit: "J’en ai plein dans mon pays." L’Arabe jette des barils de pétrole; il en a plein dans son pays. Le Français, lui, tout d’un coup, jette l’Arabe par-dessus bord. L’Américain le regarde, très étonné. “Bah quoi, j’en ai plein dans mon pays !” lui répond le Français. » Paul-Étienne ne tient plus en place. Son visage rougit. Je l’observe. Il transpire tellement il rit.
Nous passons la fin de nos vacances en Bourgogne à Marnay, près de Cluny, dans la propriété appartenant à la famille de ma mère. Nous sommes invités à passer un après-midi dans le château des Saint-Antoine, à Dompierre-les-Ormes.
Sur le trajet se trouve Serrières, un village que ma mère déteste. Petite, elle y a vécu chez Georges, son oncle, les pires Noëls de sa vie. Elle nous parle de Claude, son cousin, le fils de Georges, qui s’est suicidé à dix-huit ans avec un fusil de chasse alors qu’il était en première année de médecine. Elle était très attachée à lui. Elle évoque ensuite son père, la seule figure gentille de son enfance. Il s’est marié avec bonne-maman, notre grand-mère, en mai 1939, quelques mois avant la guerre. Elle nous parle de la captivité de bon-papa, de l’attente de bonne-maman à Fontainebleau pendant près de cinq ans, puis de leur vie, à Lyon, rue Vauban. Elle se remémore son enfance, la couleur des murs, des tapis, ses premières années d’école à Sainte-Marie. Puis, soudain, elle parle de sa naissance. Elle n’aurait jamais dû survivre, nous explique-t-elle. Il n’y a qu’une infirmière qui a cru en elle, Annie, et qui l’a soignée pendant six mois à l’hôpital. Les médecins ont dit à notre grand-mère de ne pas venir trop souvent pour ne pas trop s’attacher. Notre grand-père était alors au Maroc pour un projet de chantier – il travaillait dans une entreprise de matériaux de construction, chez Lafarge. C’était quelqu’un d’extraordinaire, insiste-t-elle, il a toujours été de son côté, il lui manque beaucoup. Ils ont déménagé à Paris lorsqu’elle avait dix ans. Bonne-maman a écrasé bon-papa toute sa vie – elle a même refusé qu’il fasse de la photo pendant son temps libre, elle lui a interdit d’aménager une chambre noire dans le cagibi de l’appartement de la rue de Passy.
Elle avait quinze ans quand bon-papa est mort, nous rappelle-t-elle, comme chaque fois qu’elle nous parle de lui. Il avait quarante-sept ans. Une crise cardiaque. Je songe à la photo de lui tenant ma mère enfant sur ses genoux, posée sur la commode du salon dans notre appartement à Versailles. Ma mère a les larmes aux yeux. Je me dis que notre grand-père aurait pu nous protéger. J’ai de la peine pour elle. Nous arrivons au château des Saint-Antoine, à Dompierre-les-Ormes.
Lorsque nous passons la grille, elle pleure.
Au retour, dans la voiture, elle nous dit que plus tard, même si elle adore cette maison, c’est Françoise qui reprendra Marnay, que c’est comme ça.
À Marnay, lorsque mes cousins se disputent ou désobéissent, ma tante les frappe avec une cravache de dressage – elle fait entre un mètre vingt et un mètre cinquante. Ma mère, elle, pour nous frapper, utilise une cravache normale, une de celles que nous prenons lorsque nous montons à cheval au club hippique de La Chaume.
Tous les étés, à Marnay, nous invitons au moins trois fois le prêtre de la paroisse à déjeuner. C’est un privilège, peu de fa
Ma mère ne perd plus ses moyens comme avant, mais tous, autour de la table, avons hérité de cette fragilité et de cette faculté à créer des débordements singuliers. Mon père, lui, ne supporte pas d’être mis en difficulté dans ses émotions ; lorsqu’il est pris à partie et qu’il ne sait pas comment faire, il attaque comme une bête, sans retenue.
En librairie le 19 août
Pierre passe la journée en garde à vue après que sa toute jeune femme a porté plainte contre lui pour violences conjugales. Pierre a frappé, lui aussi, comme il a été frappé, enfant. Comment en est-il arrivé là ? C’est en replongeant dans son enfance et son adolescence qu’il va tenter de comprendre ce qui s’est joué, intimement et socialement, dans cette famille de « privilégiés ».
Dans ce premier roman à vif, Nicolas Rodier met en scène la famille comme un jeu de construction dont il faut détourner les règles pour sortir gagnant.
Toute notre rentrée sur : http://rentreelitteraire-flammarion.com/
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