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EAN : 9782070727186
294 pages
Gallimard (25/09/1992)
4.03/5   34 notes
Résumé :
Il n'y a peut-être pas de jours de notre enfance que nous ayons si pleinement vécus que ceux que nous avons cru laisser sans les vivre, ceux que nous avons passés avec un livre préféré.

Tout ce qui, semblait-il, les remplissait pour les autres, et que nous écartions comme un obstacle vulgaire à un plaisir divin : le jeu pour lequel un ami venait nous chercher au passage le plus intéressant, l'abeille ou le rayon de soleil gênants qui nous forçaient à ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Il y a au moins deux parties dans cet ouvrage, les "pastiches", et les "mélanges", qui sont un assemblage de textes sur des sujets divers, même si plusieurs sont regroupés sous le sous-tire "En Mémoire des églises assassinées".
Dans les "pastiches", on trouve tout l'humour de Proust, certes connu des lecteurs de la Recherche, mais qui n'est souvent pas accolé à sa réputation, à tort. Il montre ici qu'il sait rire de lui-même et de son propre style. Il y a presque justement des "Exercices de style" à la façon de Queneau et de l'OULIPO avant l'heure dans ces pastiches, où Proust reprend, à la manière de grands écrivains, une anecdote, un fait divers. Je comprends qu'il commence par Balzac, avec la description d'un salon mondain où se croisent hommes politiques, écrivains et grandes dames - en changeant les noms des personnages, qui sont ceux De Balzac, on pourrait être dans la Recherche. Cependant, s'il fait ressortir le snobisme De Balzac - qu'il partage, son goût pour les multiples personnages et le foisonnement de la Comédie humaine, s'il montre la sensualité de Flaubert, l'écriture romantique de Michelet ou le goût des intrigues courtisanes de Saint-Simon, s'il arrive à se moquer de lui-même notamment en évoquant les Goncourt, l'exercice est un peu convenu et répétitif. de plus, je ne connaissais pas de Régnier ni E. Faguet, et je n'ai pas pu être sensible au travail de réécriture.
Dans les "mélanges", il faut d'abord s'accrocher. En effet, Proust livre une analyse de l'oeuvre du critique d'art Ruskin sur les cathédrales gothiques. Mais sans connaître vraiment le contenu du travail de Ruskin, ni avoir des illustrations (sur le portail de la cathédrale d'Abbeville ou la sculpture de la Vierge dorée d'Amiens), il m'a semblé assez ardu de suivre Proust. Je n'ai pas toutes les références sur l'architecture, ni sur les théories d'art médiéval, ni sur l'esthétisme et le mysticisme. Et cela fait plus de dix ans maintenant que j'ai refermé la Recherche sans la relire du tout depuis, et j'avais oublié, non pas les obsessions de Proust sur Venise ou sa fascination pour les cathédrales, ni même l'importance de l'art dans son oeuvre, mais la façon de le lire, de "surfer sur sa phrase" comme me l'avait appris une professeure en khâgne. J'ai donc préféré le texte "Journées de lecture", plus accessible peut-être pour moi par ses références, et qui me parle forcément plus.
Mais c'est aussi pour cela qu'il faut relire Proust, pour la beauté si particulière et si singulière de son style, pour son éloge de la beauté, que ce soit la beauté des cathédrales, celle des lectures d'enfance, celle des sentiments portés à la mère ou la grand-mère, oui, Proust célèbre l'art et la beauté.
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Je demande à Marcel Proust de pardonner la médiocrité des mots de ce pastiche.
Madame,
Votre lettre m'a donné tellement envie de vous voir, et puis au moment même où je l'ai reçue, j'ai réalisé que vous étiez partie, car c'est là la nature même d'un échange épistolaire, un état de joyeuse tristesse dans lequel les deux parties peuvent converser à distance sans jamais goûter au plaisir de se rencontrer, mais qui convient peut-être mieux à ceux dont le tempérament est pétri d'un désir de recréer par la mémoire, même si on ne peut pas le dire avec certitude, puisque la mémoire informe notre compréhension de nous-mêmes et pourtant l'obscurcit d'une manière ou d'une autre, cachant notre latence, notre identité même par notre incapacité à faire la distinction entre le trivial et le conséquent, créant un flux de conscience sans fin qui me rappelle, un peu comme le fragment du quatuor de César Franck que j'ai entendu fugitivement alors que j'étais malade au lit, qu'à travers les fissures de la mémoire vient la compréhension.
Je vous remercie de tout coeur pour la profonde considération que vous m'avez témoignée pour limiter le bruit que font vos ouvriers, mais je vous engage vivement à les encourager à faire le plus de bruit possible entre 15h et 17h mardi prochain, car à ce moment-là j'irai chez le médecin, pourvu que je ne sois pas trop malade pour quitter la maison, auquel cas je devrai vous demander un silence absolu - je ne pourrai pas travailler s'il y a le moindre mouvement au-dessus de ma tête - car des pas me rappellent l'angoisse enfantine d'entendre maman franchir la porte de ma chambre sans savoir si elle entrerait pour m'embrasser.


Je crains, Madame, que votre lettre ait été si intéressante et réfléchie qu'elle m'ait un instant distrait de la gravité de mes nombreuses maladies, un état d'oubli qui est tout à fait en contradiction avec mon souvenir des choses passées, bien que, heureusement, en quelques minutes , peut-être même quelques instants, ma toux soit revenue et que j'aie pu à nouveau me concentrer sur les questions importantes en cours, mais en cette période d'altérité, je me souviens avoir été tenté de monter à l'étage pour vous remercier en personne, mais j'ai ensuite pensé à mieux faire de peur que le le bruit de mes propres pas provoque une autre maladie presque mortelle.
Je dois également implorer votre aide pour insister sur le silence absolu tout au long de la matinée de mardi, car le lundi qui le précède, Le Figaro publie plusieurs de mes articles, je devrai donc quitter la maison pour lutter à la fois avec le brouillard et le grand public, trouver le chemin du marchand de journaux du boulevard Haussmann pour en acheter un exemplaire, le résultat étant que je suis sûr d'être malade au lit le lendemain.
Madame, vos rapports sur une guerre qui se déroule dans le nord de la France sont profondément troublants, et je ne peux que prier pour que les combats ne se rapprochent pas trop de Paris car le bruit m'empêcherait à coup sûr de travailler sur le quatrième volume de mon ouvrage, sans quoi les trois premiers ne peuvent être bien appréciés ni même compris, bien que je suppose que ce qui sera sera, comme disait la duchesse de Guermantes en se promenant parmi les pervenches et les myosotis, et si c'est mon destin être incompris et extrêmement malade du moins je ne suis pas tombé d'un avion comme ma secrétaire, ce qui m'a causé l'inconvénient et l'effort d'avoir à écrire cette lettre en personne.
Pardonnez-moi, Madame, de ne pas avoir répondu plus rapidement à votre dernière lettre, car je suis certain que vous avez dû être désolée de ne pas connaître mes dernières nouvelles, mais la vérité est que j'étais beaucoup trop faible pour ouvrir l'enveloppe et j'espère - si ce n'est pas trop indiscret de ma part - pouvoir vous dire que je n'ai pas été du tout bien ces dernières semaines, et je dois vous demander le silence ce samedi prochain, inconvénient pour lequel j'ai voulu vous envoyer un bouquet de lys ( lointain souvenir d'un fleuriste claquant la porte d'entrée derrière lui à Combray qui m'a fait sortir d'une fièvre dont je ne suis pas sûr de me remettre un jour complètement), mais ceux d'entre nous qui vivent avant tout dans le monde du souvenir sont liés par ses susceptibilités, et Je me surprends une fois de plus à oublier si je vous ai déjà dit à quel point j'étais malade et que j'implore votre indulgence pour ne pas faire autant de bruit.

Lien : http://holophernes.over-blog..
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Voici un recueil complètement disparate. Tout d'abord, les pastiches, l'affaire Lemoine est déclinée selon différents styles. Proust retient très bien la "petite musique" de chaque auteur. Mais, j'ai parfois quelques regrets de puriste de l'exercice du pastiche ; parfois Proust s'extrait trop à mon sens de l'affaire Lemoine, et entre dans des considérations ou des intrigues autres, se rattachant plus à l'auteur pastiché, et va jusqu'à insérer des personnages de l'auteur qu'il est censé imiter. Par exemple, dans Saint-Simon, c'est criant, on est au temps de Louis XIV, et on rencontre des personnages de l'époque, le personnage principal, Saint-Simon lui-même cite l'affaire "Le Moine" comme une préoccupation qui n'est qu'un intrigue bien secondaire dans le récit inventé par Proust. Or, toute la difficulté de l'exercice, c'est de raconter une histoire qui n'est pas du tout liée à l'auteur en empruntant son style. Je sais bien, on m'objectera : "le style, c'est le fond qui remonte à la surface", mais on ne me l'ôtera pas de la tête, Proust a refusé l'une des difficultés de l'exercice. Mais l'imitation du style est quasi-parfaite, ça, personne ne peut le nier. S'agissant des mélanges, qui n'ont strictement rien à voir avec les pastiches, c'est pour l'essentiel un très long passage critique sur Ruskin et sa "Bible d'Amiens". C'est très ardu, même si on y retrouve le style de Proust, les références y sont à la fois nombreuses, et érudites, avec des notes de bas de page impressionnantes. Si l'on n'a pas lu Ruskin, et qu'on n'a pas de connaissances sur l'art Gothique, on n'en retire que très peu. Enfin, Journées de Lecture est très beau (et très cruel pour Théophile Gautier).
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Le meilleur d'un genre assez couru......
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Citations et extraits (30) Voir plus Ajouter une citation
Le Moine, qui avait passé sa vie enterré dans la crapule la plus obscure et ne connaissait pas à la cour un homme qui se pût nommer, ne sut pourtant à qui s’adresser pour entrer au Palais-Royal ; mais à la fin, la Mouchi en fit la planche. Il vit M. le duc d’Orléans, lui dit qu’il savait faire du diamant, et ce prince, naturellement crédule, s’en coiffa. Je pensai d’abord que le mieux était d’aller au Roi par Maréchal. Mais je craignis de faire éclater la bombe, qu’elle n’atteignît d’abord celui que j’en voulais préserver et je résolus de me rendre tout droit au Palais-Royal. Je commandai mon carrosse en pétillant d’impatience, et je m’y jetai comme un homme qui n’a pas tous ses sens à lui. J’avais souvent dit à M. le duc d’Orléans que je n’étais pas homme à l’importuner de mes conseils, mais que lorsque j’en aurais, si j’osais dire, à lui donner, il pourrait penser qu’ils étaient urgents et lui demandais qu’il me fît dors la grâce de me recevoir de suite car je n’avais jamais été d’une humeur à faire antichambre. Ses valets les plus principaux me l’eussent évité, du reste, par la connaissance que j’avais de tout l’intérieur de sa cour. Aussi bien me fit-il entrer ce jour-là sitôt que mon carrosse se fût rangé dans la dernière cour du Palais-Royal, qui était toujours remplie de ceux à qui l’accès eût dû en être inter-dit, depuis que, par une honteuse prostitution de toutes les dignités et par la faiblesse déplorable du Régent, ceux des moindres gens de qualité, qui ne craignaient même plus d’y monter en manteaux longs, y pouvaient pénétrer aussi bien et presque sur le même rang que ceux des ducs. Ce sont là des choses qu’on peut traiter de bagatelles, mais auxquelles n’auraient pu ajouter foi ceux des hommes du précédent règne, qui, pour leur bonheur, sont morts assez tôt pour ne les point voir. Aussitôt entré auprès du Régent que je trouvai sans un seul de ses chirurgiens ni de ses autres domestiques, et après que je l’eusse salué d’une révérence fort médiocre et fort courte qui me fut exactement rendue : – « Eh bien, qu’y a-t-il encore ? me dit-il d’un air de bonté et d’embarras. – Il y a, puisque vous me commandez de parler, Monsieur, lui dis-je avec feu en tenant mes regards fichés sur les siens qui ne les purent soutenir, que vous êtes en train de perdre auprès de tous le peu d’estime et de considération – ce furent là les termes dont je me servis – qu’a gardé pour vous le gros du monde. (p47/48)
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Ne lire qu’un livre d’un auteur, c’est n’avoir avec cet auteur qu’une rencontre. Or, en causant une fois avec une personne on peut discerner en elle des traits singuliers. Mais c’est seulement par leur répétition dans des circonstances variées qu’on peut les reconnaître pour caractéristiques et essentiels. Pour un écrivain, comme pour un musicien ou un peintre, cette variation des circonstances qui permet de discerner, par une sorte d’expérimentation, les traits permanents du caractère, c’est la variété des œuvres. Nous retrouvons dans un second livre, dans un autre tableau, les particularités dont la première fois nous aurions pu croire qu’elles appartenaient au sujet traité autant qu’à l’écrivain ou au peintre. Et du rapprochement des œuvres différentes nous dégageons les traits communs dont l’assemblage compose la physionomie morale de l’artiste
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Quand on travaille pour plaire aux autres on peut ne pas réussir, mais les choses qu'on a faites pour se contenter soi-même ont toujours chance d'intéresser quelqu'un. Il est impossible qu'il n'existe pas de gens qui prennent quelque plaisir à ce qui m'en a tant donné. Car personne n'est original et fort heureusement pour la sympathie et la compréhension qui sont de si grands plaisirs dans la vie, c'est dans une trame universelle que nos individualités sont taillées. S'il on savait analyser l'âme comme la matière, on verrait que, sous celle des choses, il n'y a que peu de corps simples et d'éléments irréductibles et qu'il entre dans la composition de que nous croyons être notre personnalité, des substances fort communes et qui se retrouvent un peu partout dans l'univers.
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"En mémoire des églises assassinées".
Telle qu’elle est, avec son sourire si particulier qui fait non seulement de la Vierge une personne, mais de la statue une œuvre d’art individuelle, elle semble rejeter ce portail, hors du-quel elle se penche, à n’être que le musée où nous devons nous rendre quand nous voulons la voir, comme les étrangers sont obligés d’aller au Louvre pour voir la Joconde. Mais si les cathédrales, comme on l’a dit, sont les musées de l’art religieux au moyen âge, ce sont des musées vivants auxquels M. André Hallays ne trouverait rien à redire. Ils n’ont pas été construits pour recevoir les œuvres d’art, mais ce sont elles – si individuelles qu’elles soient, d’ailleurs, – qui ont été faites pour eux et ne sauraient sans sacrilège (je ne parle ici que de sacrilège esthétique) être placées ailleurs.
"Journées de pèlerinage".
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En m’éveillant je me disposais à répondre à Henri van Blarenberghe. Mais avant de le faire, je voulus jeter un regard sur Le Figaro, procéder à cet acte abominable et voluptueux qui s’appelle lire le journal et grâce auquel tous les malheurs et les cataclysmes de l’univers pendant les dernières vingt-quatre heures, les batailles qui ont coûté la vie à cinquante mille hommes, les crimes, les grèves, les banqueroutes, les incendies, les empoisonnements, les suicides, les divorces, les cruelles émotions de l’homme d’État et de l’acteur, transmués pour notre usage personnel à nous qui n’y sommes pas intéressés, en un régal matinal, s’associent excellemment, d’une façon particulièrement excitante et tonique, à l’ingestion recommandée de quelques gorgées de café au lait. Aussitôt rompue d’un geste indolent, la fragile bande du Figaro qui seule nous séparait encore de toute la misère du globe et dès les premières nouvelle sensationnelles où la douleur de tant d’êtres « entre comme élément », ces nouvelles sensationnelles que nous aurons tant de plaisir à communiquer tout à l’heure à ceux qui n’ont pas encore lu le journal, on se sent soudain allègrement rattaché à l’existence qui, au premier instant du réveil, nous paraissait bien inutile à ressaisir. Et si par moments quelque chose comme une larme a mouillé nos yeux satisfaits, c’est à la lecture d’une phrase comme celle-ci : « Un silence impressionnant étreint tous les cœurs, les tambours battent aux champs, les troupes présentent les armes, une immense clameur retentit : « Vive Fallières » ! » Voilà ce qui nous arrache un pleur, un pleur que nous refuserions à un malheur proche de nous. Vils comédiens que seule fait pleurer la douleur d’Hercule, ou moins que cela, le voyage du Président de la République !
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Vidéo de Marcel Proust
À ceux et celles qui aimeraient connaître une «méthode» simple pour lire « À la recherche du temps perdu » de Marcel Proust. Voici celle que Gaston Gallimard (son éditeur) conseillait à l'éditeur Guy Schoeller, fondateur de la collection "Bouquins" chez Robert Laffont.
Extrait d'une entrevue télévisée de l'émission : « OCÉANIQUES : des idées, des hommes, des oeuvres. » , « Lire Proust » par Pierre-André Boutang et Michel Pamart (1987)
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