Dans
Ce qui arrive Backstage nous suivons L., une maman célibataire, journaliste abonnée aux piges mal payées sur des sujets aussi divers que variés pour des articles web. Youtubeuse à ses heures perdues afin présenter des chroniques, elle finit par être appelée par une grande chaîne pour être chroniqueuse TV lors du premier confinement fin mars 2020.
De fil en aiguille elle rencontre F., un très célèbre journaliste radio de vingt ans son ainé qui ne va pas hésiter à jouer de son influence pour obtenir de L. une soumission presque totale.
Ce livre est percutant car on se retrouve au coeur d'une emprise psychologique effrayante.
On le sait tous, le milieu des médias est intraitable, encore plus quand on est une femme. Une femme a une date de péremption, lorsqu'elle devient trop âgée, trop occupée par sa vie de famille, on ne la rappelle pas et on engage une minette plus jeune, plus jolie, plus fraîche, désireuse à son tour de se plier en quatre pour toucher son rêve de notoriété du bout des doigts.
Et c'est là que débute le questionnement cruel de « Jusqu'où une femme est prête à aller pour accéder à son rêve ? Jusqu'où elle acceptera de renier qui elle est, ses valeurs et ses désirs ? Arrivera-t-elle à se protéger suffisamment des requins du milieu ? ».
Le milieu audiovisuel est encore trop soumis à l'emprise des hommes. Vous savez ces dinosaures de la télévision ou de la radio que tout le monde craint, et qui ont le droit de vie ou de mort sur tous ces stagiaires, ces chroniqueurs et ces journalistes débutants. Ceux qui vous promettent une place ou une chronique si vous venez travailler avec une mini-jupe ou un haut blanc, si vous acceptez un restau et une drague forcée les jours et semaines qui s'en suivent…
Et bien c'est dans ce milieu là que L. met les pieds pendant ce premier confinement. Et en plus de se faire totalement happée par F., elle va faire face à une solitude désarmante. Que ce soit dans sa vie personnelle, plutôt vide ou dans sa vie professionnelle, personne ne va saisir l'ampleur que cette emprise psychologique va avoir sur L. allant presque jusqu'à l'aliénation.
J'ai personnellement beaucoup aimé ce récit. L. ne cherche pas à se trouver des excuses, elle déroule les faits comme ils se sont passés avec une honnêteté bouleversante, et on ne peut qu'être les témoins impuissants d'une longue descente aux enfers.
Et ce qui est très intelligent, c'est d'avoir aussi donné la parole à F. En effet, les points de vue des deux viennent se confronter et nous avons le ressenti personnel des deux protagonistes sur la situation au fil des mois.
Cependant, ce narrateur omniscient m'a à la fois plu et à la fois dérangé.
Je n'ai pas aimé qu'
Elodie Pinel joue avec cette ambivalence sur l'identité des protagonistes. On lit ici un récit. Ce n'est ni un récit autobiographique, ni un roman.
L., correspond en tout point à
Elodie Pinel, mais jamais il n'est fait mention qu'il s'agit réellement de son histoire ou pas, pourtant, tous les faits cités correspondent bien à la vie réelle d'
Elodie Pinel. Ce flou m'a un peu tenue à distance, m'empêchant de trop rentrer dans l'empathie. J'ai besoin de savoir exactement ce que je lis et si les faits que je lis sont réellement arrivés ou pas. C'est un peu bête et je sais que cela ne gêne pas beaucoup de monde, mais on ne se refait pas !
Il y a aussi quelques longueurs à mon goût. En effet, il se passe toujours la même chose mois après mois, et si cela fait bien sûr partie de l'emprise psychologique que F. exerce sur L., je me demande si certains passages n'auraient pas pu être un peu écourtés.
Excepté cela, j'ai quand même aimé ma lecture qui m'a renvoyée à l'ère explosive du #Metoo, et qui m'a rappelée qu'il faut faire attention aux gens autour de soi, être attentive aux petits détails, aux mots qui peuvent être lancés comme des SOS que parfois on laisse passer et qui pourraient aider.