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EAN : 9791095630586
88 pages
Editions du Commun (13/01/2023)
4.49/5   41 notes
Résumé :
Se présentant comme un « texte terroir tout terrain », le recueil d'Aurélie Olivier développe une poésie de l'agroalimentaire, en forme de retour sur son enfance dans une ferme d'élevage. À l'histoire de l'industrialisation de la campagne se mêle celle, plus intime, de sa famille. À l'aune de son histoire particulière, Aurélie Olivier examine ce que l'industrie agro-alimentaire et les fermes qui en sont à la base disent du monde. Catholicisme, genre et sexualisation... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Cet ouvrage sorti aux "éditions du commun "
est un tout petit livret au beau papier.
Du beau papier, et une sacrément belle écriture
pour nous entraîner dans ce monde agricole
très abîmé, qui continue de s'abîmer
mais aussi et surtout d'abîmer la terre,
les consommateurs et les agriculteurs.
C'est un regard triste et révolté qui sonne
Le tocsin sur ce monde à l'envers
qui persiste au nom du profit.
L'écriture est poétique.
Une poésie qui hurle à la mort, au mal-être ..
On croit comprendre
que ce texte serait autobiographique ..
C'est un cri aigu
que nous entendons .
Impressionnant !
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Lors d'une discussion avec ma fille aînée où je lui parlais de Corps de ferme d'Agnes de Clairville, elle m'a tendu ce petit opus, Mon corps de ferme, que je me suis empressée de lire. Ce texte bien que très différent du roman d'Agnès, lui fait écho.

La narratrice y met en mots choisis, économes, sobres, souvent à double sens (elle joue habilement avec et sur les mots, cf le titre !) la dureté de ce monde agricole productiviste où elle a grandi, la pression constante des dettes et de la technologie, la solitude, la présence et le poids de la religion, les non-dits ou les paroles expéditives, l'absence de vrai dialogue, le genre et ses diktats passéistes. C'est un texte étonnant, féministe,  politique et militant , mais avant tout poétique et très touchant que j'ai beaucoup aimé  !

"Depuis mes seize ans, je n'ai plus jamais rencontré de personnes susceptibles de partager avec moi la tristesse des racines essorées par les nitrates"

C'est une très jolie découverte,  d'autant plus que l'objet livre est soigné, du papier à la mise en page et qu'il est édité par une petite maison d'édition coopérative.
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C'est le deuxième recueil de poèmes que je lis chez les Editions du Commun et il confirme mon intérêt pour cette maison. Au départ, j'ai été un peu déroutée par le côté très terre-à-terre des premiers poèmes, où apparaissent des noms d'institutions agricoles et des statistiques. Et puis comme souvent, finalement, c'est dans ce côté inattendu que j'ai vu surgir la poésie.
Sous un ton factuel, la juxtaposition du traitement des bêtes avec le quotidien des enfants de ferme, le sexisme ordinaire de la (non) répartition des tâches domestiques et les slogans publicitaires font émerger le monde agricole tel que je ne l'avais encore jamais vu en poésie. Sans idéalisation ni misérabilisme, c'est tout un pan de la société auquel Aurélie Olivier donne place. J'ai beaucoup aimé son écriture, faussement neutre, et ses jeux de mots qui, parce qu'ils sont rares et bien placés, m'ont semblé très efficaces. C'était une lecture surprenante qui m'a tout à fait convaincue.
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Dans une ferme de Bretagne l'enfant imprévu de pousser un cri
silence le cri du cochon devient comestible
et la mentalité paysanne de devenir carré par modernité
cupidité disent les prés
les patates en poudre aux yeux de s' arrondir sous l'entreprise et la région de devenir un immense abattoir
les femmes de paysans ploient sous les disparités
à élever sans discuter
le nuage transperce le déni et un bébé d'apparaître dans un lit
on se marie dit le prêtre et la bienséance
en silence bête de somme
et si l'engagement en corps dès l'instant
la fille au troupeau inattendu n'échappe pas au conditionnement
le corps de ferme s'ancre tendre sous les bottes de paille
la religion irrite les souffles
conforme chuchotent les messes basses
la poésie à vivre d'autres vies
et ne surtout pas se plaindre du moins pire
avant
et les souillons invisibles de nourrir des rêves paraboles
labourez braves la dette inséminée toxique
les tentations d'annexions en bouffe saine
vain
A l'abattoir
et d'investir les tremblements de l'enfance spectatrice
l'enfant Tchernobyl crie que tu ne souffres pas d'hallucinations
mon oeil reflète
les nitrates du gasoil ou du pas de chance
et les mélanomes de nous absoudre ou dégénérer
les cheveux encore sur tête pour moi la choroïde
et les médias experts de tricher rassurer sans sauver les corps malades
peux-on ?
des larmes se goinfrent d'espoir
je plussoie
et la lumière de démanger les mots de déranger les morts
sans s'effondrer
en corps
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Rien que le titre gifle, joue sur les mots, les images. le contenu dérange aussi, fait de ruralité, d'animaux de ferme abattus, transformés en vulgaire viande à nourrir les humains. Tout ceci dans une poésie brutale en vers libres, à la fois terriblement lucide et magique par sa langue au cordeau.

Tout commence dans les années 50, les paysans sont devenus des forces vives de la Nation. Ils se sont modernisés, nourrissent tant et tant de citoyens, alors que les gouvernements motivent par les remembrements. D'un agriculteur à l'autre, d'une ambition à l'autre, il est toujours possible de finir « paysan directeur général », gérer une grosse exploitation où il sera possible d'exploiter… des ouvriers.

Portes ouvertes sur l'agriculture intensive (des chiffres parlants d'eux-mêmes sont révélés ici), pesticides et diverses bombes à retardement. La Bretagne est prise en exemple, et ce n'est pas précisément joli. le catholicisme, les croyances s'en mêlent, la Terre appartient au Seigneur, alors… Et puis les fêtes de villages, on s'enivre, on oublie tout, on devient à son tour une bête, tandis qu'un peu partout les publicités colonisent l'espace public.

On appuie sur « pause » lors des congés payés, on s'évade. Puis on reprend exactement où l'on s'était arrêté avant les vacances. Un monde qui tourne en vase clos, communautariste, recroquevillé, endetté (ah, les tracteurs hors de prix, qu'aucune famille ne pourrait se payer sans les crédits exorbitants, ni les aides de l'Etat).

Le monde bouge il paraît. Alors tout doit bouger, jusqu'à l'absurdité, jusqu'à la nausée :

« Les cafés du port proposent

des glaces au goût Schtroumpf

mais les algues vertes sont bio



Binic est une petite boutique

qui enfouit l'étable sous la mer

les Bretons ont le teint halé



Les touristes se projettent

lunettes de soleil sur le nez

Armor-Lux prêt-à-porter »

Avec grande habileté, Aurélie OLIVIER joue avec les mots, les malmène, les entortille, les « élastise », les remodèle, les sculpte, les déforme, et nous les renvoie en pleine poire. Car les images sont crues, font mal, nous attaquent au coeur de notre zone de confort, celle où nous préférons restés aveugles. Nous aussi avons été témoins d'émissions de télé-réalité faisant la part belle au quotidien fantasmé de l'agriculteur, tandis qu'invisibles sortaient de terre les pesticides, entraînant de nombreuses maladies graves, parfois mortelles, en une omerta collective et caractéristique.

« Mon corps de ferme » est un récit de vie, une enfance ballottée au milieu de la pollution inodore dans un monde replié, isolé, retranché. C'est ceci que la poétesse Aurélie OLIVIER met à jour, c'est un immense coup de poing, mais de seulement 55 pages de quelques lignes chacune. On aurait bien accepté un peu de rabe. Sans produits chimiques. Paru toute fin 2022 aux éditions du Commun, ce texte est violent, fort, de la poésie historique et documentaire à partager et à transmettre.

https://deslivresrances.blogspot.com/

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Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
En 1976, 67 ans après les salariées,
les paysannes ont un congé maternité
14 semaines pour les salariées
contre 14 jours pour les paysannes.
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Je te tiens tu me tiens par la dette
Celui qui soufflera sera une tapette

le crédit patates attise les appétits :
promesse rutilante porc sur induction
Dès que ça sent le cramé :
labourez, labourez, labourez
votre labeur fera notre beurre

Harnaché pulvérisateur dorsal
le round up élimine les tentations

(31)
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Devoir risquer sa peau...
  
  
  
  
Devoir risquer sa peau
Pour la sauver
Exuvie à vie

Imposer la jachère
Se rêver génisse
S’inventer talus

Je sais la rivière bien polluée
Mais maintenant que tu as lu

Mon corps de ferme déjà sait fondre
Mon corps de ferme s’effondre :
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Cochonou, bien de chez nous
le bien-être animal est une priorité
il est tué selon le protocole
une fois mis en sécurité

Les enfances encore en pyjama
les techniciens sont accueillis au café
lait, Chocapic, produits phytosanitaires
tout est mélangé

Mon corps, de plus en plus, se rend ferme
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Je sais la rivière bien polluée
Mais maintenant que tu as lu

Mon corps de ferme déjà sait fondre
Mon corps de ferme s'effondre :
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