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4,19

sur 2072 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
En 1938 à Tokyo, Yu, professeur d'anglais et violoniste amateur, est arrêté sous les yeux de son fils de onze ans, Rei, au beau milieu d'une répétition musicale avec trois de ses étudiants chinois restés sur place malgré la guerre sino-japonaise. Rei grandira sans son père, avec deux souvenirs particulièrement obsédants datant de ce jour-là : le violon paternel brisé, et la vaine tentative d'intercession d'un officier mélomane nommé Kurokami.


Ecrit dans un français impeccable par un Japonais de souche, le texte possède un je ne sais quoi d'étrange et de déroutant, issu tant du style que de l'histoire : mi roman réaliste, mi conte féerique, le récit qui pourrait sembler idéaliste et naïf en raison des destins tout à fait improbables de ses personnages très lisses, presque trop « parfaits » dans leurs rôles, emporte le lecteur par son indéniable charme et par l'esthétisme de sa symbolique.


A l'oppression martiale et au bellicisme nationaliste, mais aussi à la rigidité hiérarchique de la société japonaise, l'auteur oppose l'universalité de l'émotion musicale et de la beauté, la puissance de l'amitié et de l'amour, la fidélité de la mémoire et l'inextinguible attachement à ses racines, enfin tout ce qui constitue l'âme humaine et que Rei s'obstine à faire refleurir en consacrant sa vie à la lutherie et à la résurrection d'un violon détruit par obscurantisme.


Certes idéalisé et non exempt de quelques clichés, ce roman est une jolie parabole dont le charme séduit volontiers, une ode à la musique où l'âme humaine se confond de bonne grâce avec celle prêtée par les luthiers à leurs plus beaux instruments.

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C'est avec un peu de retard que je me suis attaqué à ce roman de l'écrivain japonais Akira Mizubayashi, couronné par le Prix des Libraires 2020.

L'âme qui se retrouve brisée est celle du violon de Yu Mizusawa, à Tokyo, en 1938. Ce dernier avait osé jouer une oeuvre de Schubert en compagnie de trois étudiants chinois restés au Japon malgré les prémices de la guerre sino-japonaise. En entendant le bruit des bottes des militaires entrant dans le centre culturel municipal de Tokyo, Yu a le réflexe de cacher son fils Rei, âgé de 11 ans, dans une armoire. Par le trou de la serrure, le gamin voit les soldats fracasser le violon de son père et embarquer le quatuor. Quelques instants plus tard, le lieutenant Kurokami, grand mélomane, découvre la cachette de l'enfant, mais ne trahit pas sa présence et lui confie même les débris de l'instrument de son père…

« L'âme brisée » est l'histoire d'une reconstruction. Celle d'un gamin qui mettra toute sa vie à comprendre les aboutissants de cet évènement tragique qui le sépara à jamais de son père, mais également celle d'un luthier qui vouera toute sa vie à la restauration d'un violon pourtant jugé irrécupérable. Un roman sur le déracinement, sur les origines et sur la musique qui traverse les époques et véhicule les émotions au-delà des guerres…

Si l'auteur nippon, tombé amoureux de la langue française au point d'écrire celui-ci directement en français, livre un roman classique au style simple et dépouillé, il ne délaisse pas pour autant ses origines et baigne son oeuvre dans la poésie et la délicatesse de la culture japonaise. Malgré le déchirement provoqué par la scène initiale et la noirceur qui entoure toute guerre, Akira Mizubayashi demeure positif tout au long du récit et ne s'attarde pas trop sur les fausses notes de l'humanité…
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Roman musical et nostalgique, empreint de douceur et de mélancolie, sur les thèmes éternels de la quête des racines et de ces épisodes de la vie qui constituent les fondations de nos existences.

Tout commence en 1938, au Japon, alors que les relations avec la Chine se sont détériorées. Un quatuor à cordes répète Rosamunde de Schubert peinant sur le premier mouvement. Rei, le fils de Yu, écoute d'une oreille distraite, plongé dans une lecture qui l'absorbe. Des militaires ont irruption dans le centre culturel et tel le petit chevreau du conte de Perrault, Rei assiste à l'arrestation de son père et à la destruction absurde de son violon. Deux âmes brisées. Avant que la scène dramatique ne s'achève, l'un des militaires restitue à l'enfant l'instrument massacré.

Des années plus tard, à Paris, Jacques exerce son art dans son atelier. Il tente de redonner leur perfection à des instruments déréglés ou usés, lorsqu'une amie l'informe que la jeune femme qui a gagné le premier prix du Concours international de violon se nomme Midori Yamazaki, un nom certes commun au Japon, mais tout de même dans ce contexte, évocateur d'un passé enfoui.


Les indices semés au cours du récit sont suffisamment évidents pour que l'on devine la suite, les retrouvailles, les mystères résolus et les failles de la mémoire comblées.

Il est recommandé de prévoir la bande-son du quatuor, ainsi que de la Gavotte en rondeau de Bach pour accompagner la lecture. Lire les caractéristiques et l'évocation du sublime d'un extrait musical n'est pas suffisant, à moins de le connaitre déjà par coeur.

C'est court et même sur le petit nombre de pages, de nombreuses redites, à chaque fois qu'un personnage fait le point, contribuent à une impression de dilution du récit.


L'histoire ne peut qu'être émouvante, portée par une écriture aussi mélodieuse que les oeuvres évoquées. On regrette cependant que le récit ne soit pas un peu plus étoffé.

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Ce roman raconte des histoires qui s'entrelacent en harmonie, comme les partitions séparées d'une oeuvre musicale.

Il raconte l'histoire d'un violon, dont l'âme et les autres pièces furent brisées un jour de novembre 1938 à Tokyo, écrasées à coups de talon par une brute, un caporal de l'armée impériale japonaise de sinistre mémoire. Un violon qui, après restauration, aura retrouvé toutes ses qualités musicales – et peut-être plus ! – lors d'un grand concert donné à Paris au printemps 2005, soixante-sept ans plus tard.

Il raconte l'histoire de deux oeuvres musicales, le merveilleux quatuor à cordes Rosamunde de Schubert et la vivifiante Gavotte en rondeau pour violon seul de Bach, jouées dans des circonstances confidentielles et dramatiques en ce funeste jour de 1938, puis rejouées, en guise de commémoration, au printemps 2005 à Paris devant un public enthousiaste.

Il raconte l'histoire d'un homme, né à Tokyo sous le nom de Rei Mizusawa, dont l'âme fut brisée à l'âge de 11 ans en ce jour terrible de 1938 où son père disparut. Un homme dont l'âme se sera régénérée en France sous une autre identité, et qui aura consacré sa vie à la fabrication et à la réparation de violons. Un homme présent et célébré au concert du printemps 2005 à Paris.

En arrière-plan, il raconte aussi l'histoire d'un autre militaire japonais, un lieutenant mélomane, qui n'aura pas pu sauver le père de Rei, mais qui aura préservé l'enfant et ce qui restait du violon brisé. Et il raconte encore l'histoire de la petite fille de ce lieutenant, une violoniste prodige, vedette du fameux concert de 2005.

Il raconte enfin l'histoire d'un métier, celui des luthiers : des artisans à la patience infinie, capables de prendre le temps qu'il faut pour fabriquer et assembler à la main, au dixième de millimètre près, les pièces constituant les violons, ces instruments magiques sur lesquels des virtuoses interprètent les chefs-d'oeuvre des grands compositeurs.

L'auteur de cette fiction à la fois plurielle et unitaire est un Japonais né en 1951, du nom d'Akira Mizubayashi. Tombé amoureux de notre langue à l'adolescence, il a effectué deux séjours de trois ans en France, une première fois dans les années soixante-dix pour se perfectionner en français et épouser une Française, une seconde fois dans les années quatre-vingt pour suivre des études à Normale Sup. Depuis, il enseigne le français au Japon.

Akira Mizubayashi écrit directement en français, dans un style qui présente un je-ne-sais-quoi d'étrange. Lui-même avoue d'ailleurs que, « quoi que vous fassiez, une langue greffée vous reste toujours un peu étrangère ». le français est, selon son expression, sa « langue paternelle ». Son écriture est élégante, très soignée, très léchée, presque un peu trop, ce qui lui donne une tonalité un peu enfantine, presque naïve.

Même impression fugace de naïveté pour les événements imaginés par l'auteur. A l'exception de l'affreux militaire du début, les personnages sont tous gentils et bienveillants, comme dans les contes pour enfants. le livre est habilement construit en quatre parties nommées selon les mouvements de Rosamunde. de courts chapitres facilitent les sauts dans le temps et dans l'espace, ce qui entretient l'intérêt du lecteur, même si tout ce qui arrive est quelque peu prévisible.

Sans être une oeuvre incontournable, Âme brisée est un roman très facile et agréable à lire. Des passages m'ont sincèrement ému. Ceux qui sont consacrés à l'univers de la lutherie sont très intéressants.

Et j'ai écouté et réécouté les mélodies douces et mélancoliques des cordes de Rosamunde, qui touchent au sublime.

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Âme brisée de Mizubayashi : un beau titre qui nous renvoie à la double histoire dont il est question dans ce roman, celle de Rei Mizusawa, victime d'un traumatisme d'enfance lié à la tragique disparition de son père et celle d'un violon brisé par un soldat chinois ivre de fureur. C'est à ce double héritage que devra faire face notre héros, tout au long de cette histoire qui est liée à une quête de soi et aussi à un processus de réparation dans toutes les acceptions du terme, puisqu'il s'agit à la fois de réparer ce violon qui n'est autre que celui du père de Rei mais également de restaurer de façon posthume le talent et la dignité de ce père brutalement agressé par la soldatesque chinoise et probablement assassiné, car l'histoire se déroule en 1938 lors de la guerre sino-japonaise.
De musique, il est beaucoup question dans le roman et c'est ce qui m'a le plus parlé et touchée. Une thématique qui va se déployer selon deux perspectives complémentaires et indissociables : le métier de violoniste et celui de luthier. C'est cette deuxième voie qu'à choisie Rei, le principal protagoniste de l'histoire. Il incarne un personnage qui, non seulement fait preuve d'une éblouissante maîtrise technique mais se considère également comme le serviteur d'un art - celui de la musique - qui est au service des émotions mais a aussi comme mission d'apaiser voire de guérir les souffrances issues des tragédies de l'existence humaine. Un très beau passage empreint de gravité et de mélancolie illustre d'ailleurs cette conception lorsque, lors d'un concert à la salle Pleyel, une violoniste, Midori Yamazaki va jouer avec le violon du père de Rei, "A la mémoire d'un ange" de Berg, une composition écrite à la suite de la mort soudaine de la fille d'Alma Malher, l'ex-épouse de Gustav Mahler.
Toute la fin du roman est portée par cette vision de l'art musical et l'on sent que la plume de l'auteur s'est envolée car il s'agit probablement d'une conception de l'art à la fois complètement intériorisée et passionnelle.
Mais je dois avouer que mon enthousiasme n'a pas toujours été au rendez-vous. Je ne sais pas si c'est parce-que Mizubayashi est un écrivain japonais qui écrit également en français mais j'ai ressenti parfois - impression toute subjective - que le français n'était pas toujours sa "langue de coeur". Et j'ai trouvé, à certains moments, son écriture un peu guindée ou maladroite comme avec l'évocation de métaphores trop ampoulées pour rendre avec justesse des ressentis émotionnels. du côté des personnages, petite déception également avec, par exemple, le portrait de la femme de Rei, Hélène, archétype de la musicienne accomplie mais rien de plus... A cet égard, il est possible que dans la peinture des personnages certains codes sociaux japonais m'échappent, car j'ai eu la même impression de "personnages lisses" dans un autre roman : Sémi de Shimazaki.
En fin de compte, je garderai en mémoire de beaux passages, notamment la fin du roman que je trouve très réussie mais pas de coup de foudre !
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Un roman rempli de symboles dilués entre les pages pour nous baigner dans l'univers et les souvenirs d'un homme à travers les époques. Un homme évoluant dans l'ombre d'un père parti tragiquement. Pas à pas feutrés, Rei marche sur les traces de monsieur Mizusawa pour construire sa vie.

« Rei avait fait du violon brisé l'objectif et la matière de sa vie. »

Tel un jardin japonais, Âme brisée nous promet une ravissante promenade dans laquelle vont se marier les images du passé et du présent. Parmi les plus éclatantes, la nature se fait omniprésente. Elle nous accueille entre les arbres, les bassins et fontaines, le vent sur les feuilles, les roseaux sous la pluie. Divine pureté, l'eau qui coule, représentation même de la purification, va permettre à Rei de monter les marches vers son futur en toute sérénité.
Le Japon, sa spiritualité à fleur d'eau.

« Tous les bruits disparurent instantanément comme les eaux de pluie absorbées par une terre sèche et aride. »
« Les aigus sonnaient comme une longue enfilade de gouttes d'eau pure versées par un ciel bas et tourmenté, étincelant aux premiers rayons du soleil pénétrant obliquement les feuillages verdoyant d'une forêt boréale luxuriante... »

Longuement et minutieusement, notre personnage s'adonne à réparer le violon détruit comme s'il soignait le corps meurtri de son père. L'instrument et son âme agissent en véritable transfert biologique.
Par ses vibrations, la fine baguette, épicentre de sa colonne vertébrale, lui assure la stabilité nécessaire. Son souffle, son hérédité, son équilibre.

« Une longue période était ainsi passée dans la solitude de son atelier, face à l'instrument mutilé de son père qui, très lentement, retrouvait son visage initial et la brillance de sa santé recouvrée. »

La nature oui, et la musique ?

Âme brisée est un roman sonore.
Le violon charpente le coeur musical de l'histoire. La musique, noyau structuré, nous accompagne tout au long de notre visite au pays des métaphores japonaises.
Lisez, écoutez et vous entendrez.

« Yu jouait les yeux fermés comme si la concentration intérieure détachée de tout l'univers environnant l'aidait à pénétrer le plus profondément possible dans la matière sonore. »
« Les notes de musique s'égrenaient comme une enfilade de gouttes d'eau argentées sur une feuille de bambou après une forte averse. Lorsque l'archet se détacha des cordes, la dernière note fut suivie d'un long silence. »

D'un naturel curieux et fouineur, je suis allée chercher les morceaux classiques interprétés par l'ensemble des musiciens du roman.
Allegro ma non troppo, partie première, annonce la couleur. Je ne connaissais pas le quatuor Rosamunde de Schubert. J'ai également découvert la Partita pour violon seul de Bach. Pour celles et ceux qui souhaitent approfondir avec les titres exacts, les références sont déposées en fin de critique.
Rien que pour ces délectables révélations, ce livre est un enchantement !

« Une mélodie simple, touchante, lancinante, transparente comme un ruisseau de larmes, commença à couler sur les cordes du premier violon. »

Puis le concert final, le bouquet ! Une myriade de cellules résonnantes marquant un timbre sombre et sépulcral… Après la Septième de Beethoven, l'auteur nous présente le Concerto à la mémoire d'un ange composé par Alan Berg, que je vous invite à écouter… Je vous en propose trois extraits. Les mots résonnent et j'espère que leur écho arrivera jusqu'à vous…

« Les graves étaient comme ouatés, glissant sur une étendue de velours, suscitant une impression de chaleur intime émanant d'une cheminée de marbre restée allumée toute la nuit. Il y avait là une saisissante égalité de timbres. La musique avançait, revenait, montait, descendait avec une liberté euphorique. »
« Le second mouvement, d'une rare violence, montrait l'irruption du mal et son inexorable marche vers la mort.
Le violon se tordait de douleur, les violoncelles semblaient indiquer la sourde menace suscitée par le déclenchement de la maladie, les cuivres évoquer la puissance redoutable de l'affection morbide, les tympans signaler le paroxysme des souffrances qui s'emparaient du corps de la jeune fille. »
« La musique glissait tout doucement sur le terrain de l'apaisement pour aboutir à une fin sereine où le violon ne cessait de monter de note en note vers l'infini disparaissant dans le silence... »

Pusiqu'il s'agit de mots… Comment ne pas mentionner Genzaburo Yoshino, ce collégien japonais dont Rei s'applique à traduire le livre « Dites-moi comment vous allez vivre ». Une nouvelle fois, par ce travail consciencieux, le protagoniste se rapproche de son père en pensant mieux pouvoir entendre sa voix. Entouré de ses outils de lutherie, jour après jour, il avance petit à petit, avec patience et persévérance.

« Mon père voulait faire de moi un jeune homme capable de garder sa lucidité en toute situation, de ne pas succomber à la folie collective et de s'insurger contre les aberrations... »

Après la nature, la musique et la langue, Mizubayashi nous fait voyager à travers les époques, avec Shiba, le chien japonais qui portera le même nom tout le long du voyage, quel que soit son sexe. Shiba suit Rei depuis le jour dramatique de son enfance où son père a perdu la vie, et ne le quittera plus.

Et enfin, symbole parmi les symboles, le Kami, esprit vénéré, apprivoise les pages. Dans la religion shintoïste, le Kami peut être une force de la nature et de l'univers ou l'âme d'une personne décédée.
Le lieutenant Kurokami, le dieu noir, sauve le violon brisé en le donnant à Rei le jour où Yu Mizusawa disparaitra.
Le fil conducteur raccommode l'Âme brisée et boucle le roman.


Avec Akira Mizubayashi, l'Âme brisée se conjugue en musique et à tous les temps.


Lu en juillet 2021


Références musicales :

-Répétition
Franz Schubert : String Quartet in A Minor D804 "Rosamunde" - I. Allegro ma non troppo (1824)

-Pour le lieutenant Kurokami
Johann Sebastian Bach : Partita pour violon seul nº 3 - Gavotte en Rondeau
La 3e Partita pour violon en Mi majeur (E major), BWV 1006, est une partita pour violon seul composée vers 1720.

-Concert final
Ludwig van Beethoven : La Symphonie n°7 en La majeur (A major), op. 92, est une des neuf symphonies du compositeur, pour orchestre symphonique, en 4 mouvements, composée entre 1811 et 1812.

Alban Berg : le Concerto à la mémoire d'un ange est un concerto pour violon et orchestre composé par Alban Berg (1885-1935) en 1935, à la mémoire de Manon Gropius, fille d'Alma Mahler, morte à 18 ans la même année.
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Âme du violon
Si essentielle au son
Âme fantôme d'Yu
Pleurant son destin fou

Quel livre bouleversant! Ecrit par un japonais en langue française ( d'où l'étrangeté parfois de certaines phrases, mais c'est ce qui en fait le charme aussi), il met la passion de la musique au coeur de l'histoire.

En pleine guerre expansionniste du Japon, en 1938, le père de Rei, japonais, se réunit avec trois musiciens, étudiants d'origine chinoise pour jouer un quattuor. Et lors d'une répétition, c'est le drame: des soldats pénètrent brutalement dans la pièce et les arrêtent, les soupçonnant sans fondement de comploter contre le pouvoir.

Rei, témoin caché, qui a onze ans à l' époque, sauvé par un des militaires qui tait sa présence et lui restitue le violon brisé de Yu , restera à jamais hanté par cet arrachement paternel.

Devenu Jacques, élevé en France, alors que luthier de talent, il atteint la vieillesse, des événements touchant à son enfance vont réveiller et illuminer tout son être blessé par la perte et le déracinement.

Poignant, délicat, c'est un roman d'une sensibilité infinie, que je recommande chaudement. Merci, Marie-Claire, pour ce beau cadeau!
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Nous sommes en 1938, à Tokyo. Dans une salle de réunion, des musiciens amateurs se sont réunis pour le plaisir de la belle musique classique. Schubert, Beethoven, Berg sont leur passion. L'initiateur est Yu Mizusawa, le violoniste. Ses trois comparses sont chinois, dont une jeune femme, Yanfen. Pendant ce temps, le fils de Yu, Rei, dont la mère est décédée, lit tranquillement. Depuis 1937, le Japon est en guerre avec la Chine. Lorsque des soldats japonais font irruption dans la salle, ils sont soupçonnés de comploter contre la patrie, surtout que Yu commet l'imprudence d'un mensonge en faisant passer Yanfen pour son épouse. Malgré le goût sensible du lieutenant Kurokami pour cette musique, sa hiérarchie ordonne l'embarquement du quatuor. Le beau violon Vuillaume de Yu est détruit, sous l'oeil du petit Rei caché dans un placard. Kurokami va le découvrir, et lui remettre le violon sans dénoncer celui qui n'est qu'un enfant. Cette scène inaugurale se déroule sur près de 60 pages, occupe la première des quatre parties du roman, situant toute son intrigue.

Par la suite, nous sommes transportés en France, dans les années 2005-2006. A Mirecourt, capitale française de la lutherie, le luthier septuagénaire Jacques Maillard, vit heureux plusieurs décennies d'amour aux côtés de sa femme Hélène, archetière. Il tient particulièrement à l'un de ses violons, qui n'est pas à vendre : un Vuillaume, restauré minutieusement. Jacques Maillard-Rei Mizusawa, l'enfant japonais adopté par un couple de français amis de son père au Japon, a toute sa vie gardé la blessure de la perte subite de son père, dont il aura sauvé le violon. Et ce sauvetage n'a été possible que grâce à l'entremise de ce mystérieux Kurokami au nom impressionnant (littéralement « Dieu noir »). Il va s'efforcer, au soir de sa vie, de retrouver les acteurs, parfois fantômes, de ce funeste jour de 1938, et leurs descendants. En toile de fond, comme un fil d'ariane, immortel, ce formidable violon. Car ce violon, autant que les humains des générations suivant le drame, assure le passage de témoin entre les êtres et la pérennité de la mémoire…Il a lié des êtres dont les pays étaient ennemis, a résisté au temps comme des humains ont résisté à l'oppression et à la guerre. C'est aussi le symbole de l'universalité de la musique, qui peut susciter partout le même sentiment d'émotion et rapprocher les êtres.

Âme brisée est un beau roman, à l'ancienne, classique. Parmi ses qualités, et non des moindres, il s'agit d'une véritable oeuvre d'imagination, ce qui n'est plus guère la majorité des cas entre les modes des romans plus ou moins autobiographiques, des biographies romancées, ou de l'Histoire revisitée. Il est porté par une construction agréable, comportant quatre parties aux titres de mouvements de concertos, pour mieux souligner le fil conducteur musical. Il sait nous faire partager son amour de la musique en commentant avec poésie et lyrisme le morceau que nous croyons ainsi entendre avec une étonnante acuité. Les chapitres sont courts, voire très courts, c'est fluide. Et puis Mizubayashi maîtrise à merveille la langue française, bien mieux que la plupart des français, y compris des intellectuels et écrivains français. Je le rapprocherais en cela d'Andreï Makine, et c'est un sacré compliment dans mon esprit.

Alors pourquoi 4 étoiles, et non 5 ? Peut-être parce qu'il est justement un peu trop bien façonné et poli, ce roman, un peu trop fardé de symboles. J'ai trouvé un côté légèrement artificiel à cette histoire tellement il y a de coïncidences qui veulent absolument faire sens (par exemple, il indique que Jacques avait photographié son violon le jour de l'achèvement de sa restauration 44 ans après sa destruction, le 11 novembre 1982 ? Pourquoi ajouter encore une référence à une terrible guerre qui n'était pas celle-là ?). D'autre part, le roman n'est pas à la première personne, c'est l'écrivain qui parle, ce qui crée une distanciation. Le style est ainsi assez journalistique (tout en étant de grande qualité littéraire, je le maintiens, la plupart du temps), ce qui ne permet pas sans doute de saisir suffisamment la charge émotionnelle chez les personnages. Personnellement, je suis un peu resté à l'extérieur, pas vraiment ému comme s'il manquait quelque chose, alors même que je n'aime pas le larmoyant. Et puis par moment, l'inspiration dans les dialogues se tarit, dans le petit cérémonial mais néanmoins trivial des politesses quotidiennes. Pire, les dernières pages d'après le concert final n'ont pas à mon avis un grand intérêt.

Âme brisée est au total un bon roman, parfois très bon, et l'auteur fait honneur à la langue française. Il souffre toutefois de quelques apprêts excessifs, et d'un côté milieu artistique petit-bourgeois bien-pensant un peu trop convenu à mon goût pour emporter une totale adhésion.

Je remercie babelio pour cet envoi, qui m'a permis de rencontrer l'auteur, au demeurant un homme et écrivain de qualité, ce qui comme chacun peut le comprendre, n'a altéré en rien l'indépendance de mon avis !
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COUP DE COEUR!
Une merveilleuse histoire racontée, écrite en français par un japonais( l'auteur était professeur de français au Japon),amoureux de notre langue et qui la manie avec sensibilité et énormément de délicatesse ,qui m'ont souvent fait " monter les larmes aux paupières.

Deux histoires se recoupent et se complètent.
Nous sommes en 1938,au Japon,à Tokyo, au centre culturel : 4 musiciens formant un quatuor, 2 violons ,1 alto et un violoncelle ,par amour de la musique classique se réunissent pour répéter: Rosamunde de F. Schubert.Le fils d' un des violonistes est présent : il s'appelle Rei,il a 11ans ,tous deux sont japonais,les 3 autres sont étudiants ,de nationalité chinoise.
Soudain au milieu de la répétition bruit de bottes,les soldats font irruption dans la salle.N'oublions pas que nous sommes en plein conflit: La Chine et le Japon sont en guerre.
Yu , le père de Rei ,cache vite son gamin dans une armoire.
Sous prétexte d'être des complotistes ou des communistes,les soldats " embarquent" les 4 musiciens,non sans avoir auparavant ,piétiné le beau violon de Yu;
mais parmi eux ,se trouve un lieutenant: Kurokami, mélomane qui involontairement influencera le destin de Rei.
Et nous voilà propulsé en France,quelques années plus tard ,à Mirecourt exactement où un luthier du nom de Jacques Maillard et sa femme Hélène archetière sont connus et reconnus pour leur art dans le monde musical et.....
La suite ,à vous de la découvrir.Passé et présent se rejoignent ,nombreux rebondissements.La plume d'Akira Mizubayashi est d'une telle élégance et finesse,qu'une fois " embarqué dans cette histoire on ne " décroche" plus.
Bien sûr, pour faire ma critique j'ai écouté les différents morceaux évoqués : Rosamunde de Schubert,le concerto pour un ange de Berg et La gavotte en rondeau de Bach étant moi-même assez " accro" à la musique dite classique.Vous l'avez compris un coup de coeur, un petit bijou ce roman.! ⭐⭐⭐⭐⭐
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Je regrette de ne pas partager l'enthousiasme de nombreux Babeliotes pour ce livre vite lu et… assez vite oublié, j'en ai peur. Je n'ai pas été vraiment séduite par ce roman qui s'est mérité le prix des libraires et beaucoup de critiques dithyrambiques. Je l'ai lu rapidement et sans déplaisir, mais sans passion non plus. Peut-être en attendais-je trop ? de plus, j'ai beaucoup aimé la mise en situation, ce qui n'a fait que conforter mes attentes… Après 163 critiques à ce jour, je ne ferai pas de résumé.
***
Le titre Âme brisée est magnifique : la polysémie du mot « âme » lui ouvre une foultitude de possibles. Je suis allée voir la définition de l'âme d'un violon sur Wikipédia, et en plus des détails que donne Akira Mizubayashi sur la matière, la place, etc., j'y ai trouvé deux précisions sur son rôle que je ne me souviens pas avoir lues dans le roman (mais je me trompe sans doute). L'âme d'un instrument à cordes transmet les vibrations des cordes au fond de l'instrument ; elle permet à la table de résister à la pression exercée par les cordes (je cite approximativement). La transposition à l'âme humaine s'en trouve enrichie, me semble-t-il. le parallèle entre le violon piétiné jusqu'à l'âme et les souffrances de Rei, de Yu, de Yanfen et du lieutenant n'en est que plus frappant.
***
Malgré de beaux passages, j'ai été déçue par le fait que le récit tourne en rond, avec pas mal de redites, contrairement à ce que pouvait laisser supposer le plan du roman que l'on retrouve dans la table des matières et qui présente les quatre mouvements du quatuor à cordes numéro 13 de Schubert. le style de l'auteur est parfois émouvant, parfois agaçant dans sa simplicité, et je n'ai pas pu m'empêcher de relever certains lieux communs et des métaphores et autres figures de style presque scolaires. Je n'en citerai qu'une : « La lumière éteinte ne fit pas apparaître Morphée dans la chambre de Jacques » (p. 104). Et puis Hélène… pauvre Hélène. Combien d'années d'attente avec des coups de téléphone sporadiques ? Treize ans ? Patiente Hélène, pour ne pas dire autre chose… En toute sincérité, je crois aussi que, à mon avis, ce roman ne tient pas la comparaison avec le magnifique Opus 77 d'Alexis Ragougneau, lu en avril 2020, et auquel je repense fréquemment avec émotion encore aujourd'hui.
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