AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782369147961
144 pages
Libretto (05/01/2023)
3.53/5   58 notes
Résumé :
Malgré son manque de qualification, un jeune homme est embauché comme serveur dans un restaurant de renom, connu de ses seuls habitués. « Une chance » d'après ses parents qui le conduisent jusqu'à ce lieu bizarrement isolé au beau milieu d’une forêt. À peine le portail franchi que les épreuves se multiplient : pression grandissante, consignes absurdes, indifférence des clients...

Fable contemporaine sur le monde du travail, l’auteur nous livre un réci... >Voir plus
Que lire après La chance que tu asVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (29) Voir plus Ajouter une critique
3,53

sur 58 notes
Un couple assis à l'avant. Lui en complet noir, elle en robe fleurie. Ce sont probablement ses parents puisque ils le disent. Elle, répète qu'il a de la chance. Qu'un boulot comme ça, ça ne se refuse pas. Qu'il sera logé, nourri et blanchi. Lui, insiste que c'est pour son bien. Qu'ils ont fait des pieds et des mains pour qu'il soit accepté à ce poste. Parce que, normalement, ils ne prennent pas les débutants. Un chemin tortueux, bordé d'arbres, mène au Domaine, un célèbre restaurant gastronomique. À peine a-t-il eu le temps de franchir le grand portail en fer forgé que la voiture qui l'a amené s'en va. L'accueil qui lui est réservé est plutôt glacial et austère. Il faut faire vite : le service du soir ne va pas tarder. On lui montre sa chambre, l'envoie à la buanderie chercher son costume, lui fait faire un tour des cuisines rapidement et lui prodigue les premières règles de base. Il ne s'attendait vraiment pas à ce genre de travail...

Denis Michelis nous plonge dans un roman pour le moins déroutant. Serveur engagé au Domaine, ce jeune homme devrait se féliciter d'avoir un tel boulot tant le monde du travail est cruel et impitoyable. Il va d'ailleurs s'en rendre compte dès son entrée dans ce restaurant. Une manager perverse, un cuisinier aux faux airs de gentil, un colocataire directif... le monde du travail est ici caricaturé, dépeint dans ses excès et ses bassesses. le personnage n'a pas de nom, ses parents sont supposés l'être et l'espace-temps est indéfinissable. L'on demeure dans une sorte de flou. L'atmosphère est pesante au possible et les personnages qui entourent le jeune homme sont d'une cruauté bestiale, sadique et retorse. Une satire sociale, certes poussée dans ses extrêmes, mais qui fait malgré tout froid dans le dos. L'écriture est directe et incisive, les phrases courtes, accentuant ainsi le rythme et la tension palpable.
Une fable glaçante et déconcertante...

Merci pour le prêt, Cécile...
Commenter  J’apprécie          595
« La situation est grave, on le répète assez comme ça. La situation est grave pour ne pas dire désespérée, le pays court à sa perte alors il devrait s'estimer heureux d'avoir trouvé un job. » (p. 22)
A qui le dites-vous, ma bonne dame, qu'un travail c'est précieux, que ça ne se trouve pas sous le sabot d'un cheval ! On s'en rend compte même pour décrocher un malheureux stage ou un boulot d'été - non rémunéré, en désespoir de cause, histoire d'alimenter le CV.

« Il » s'est fait pistonner pour un emploi dans la restauration, dans un grand domaine prestigieux. Ah, « la chance qu'[il] a ! »
Mais il a peur, ce jeune homme, il est terrorisé, même. Sont-ce vraiment ses parents qui le lâchent dans cet environnement nouveau, donc forcément hostile ?
Dans le monde des adultes, comme ça, abruptement, sans filet, dans le grand bain, ils le poussent...

Le ton est donné, on se croirait dans la tête du petit Poucet, celle d'Hansel ou de Gretel.
L'angoisse grandit à mesure qu'on approche du lieu de 'détention' : « Et il voit se dessiner un grand portail en fer forgé qui ne donne aucune envie de le franchir... » (p. 19)
Ces impressions se confirment, on va rencontrer une sorcière, un ogre, des lutins malfaisants...

En donnant à son histoire des airs de conte cruel, Denis Michelis ravive parfaitement nos angoisses primaires : maltraitance, harcèlement, séparation d'avec les parents, sentiment d'abandon. Cela pour dresser un tableau très sombre du monde du travail (dérégulation, précarisation...).

J'ai retrouvé le même malaise à cette lecture que lorsque j'avais découvert vers dix ans le conte initiatique 'Blondine' de la Comtesse de Ségur (in 'Nouveaux Contes de Fées', 1856).
Un malaise identique également à celui éprouvé en prenant connaissance de l'organisation sociale au sein d'une meute de loups *, avec l'individu omega auquel personne ne portera secours, de peur de prendre sa place de victime...

Court, intense, ce roman est angoissant et triste à hurler. Grandiose ! ♥

* en visitant ce domaine en Ariège : http://www.maisondesloups.com/
Commenter  J’apprécie          412
Il est assis à l'arrière de la voiture. La femme lui dit « Je suis ta mère et ce travail est la meilleure chose qui puisse t'arriver ». Il en déduit que l'homme au volant est son père. Tous deux le laissent devant les marches du « Domaine », une vaste maison bourgeoise avec une allée de gravier et, juste derrière, une immense forêt. le domaine est un restaurant gastronomique. le plus prestigieux de la région. Ses parents lui disent qu'il a été accepté comme serveur, que c'est un privilège, « presque un miracle ».

En réalité, tel le Petit Poucet, le jeune homme a été abandonné dans un milieu hostile. Dès le premier contact avec Virg, sa responsable, il se doute qu'il vient de mettre les pieds dans un nid de vipères. Ses effets personnels disparaissent mystérieusement et lorsqu'il demande à signer son contrat, on lui réplique qu'il l'a fait depuis longtemps. Commencent alors les humiliations, les engueulades et le harcèlement permanent. du simple bizutage, on passe rapidement au degré supérieur. le chef cuistot abuse de lui sexuellement et, pour mieux le faire obéir, on l'affuble d'un collier et d'une muselière. Avec cet attribut, il devient une attraction pour les clients, un phénomène que l'on vient voir de loin…

Un premier roman inclassable. Inclassable parce qu'au réalisme le plus cru, Denis Michelis a préféré une forme plus énigmatique, proche du conte fantastique. le Domaine semble être un lieu hors du temps et les personnages qui l'occupent sont désincarnés, froids et pervers. le flou temporel demeure tout au long du récit et on ne sait pas combien de jours, de semaines, de mois ou même d'années va durer la torture subie. L'escalade progressive des brimades est terrifiante, cruelle. On assiste à la construction implacable d'une victime, d'un souffre-douleur. On s'étonne du peu de réaction du pauvre garçon mais l'enchaînement des événements prouve simplement que l'« on s'habitue à tout ».

Entre Kafka et « le prisonnier », un texte glaçant.


Lien : http://litterature-a-blog.bl..
Commenter  J’apprécie          190
Étrange histoire que tout ceci, car finalement, en quelques tours de plume tracés avec justesse, ce jeune journaliste n'aurait-il pas, en fait, réussi son premier coup d'essai ?

En effet, en refermant le livre, je me suis dit : "Tu as encore lu trop vite! Tu as dû décrocher et passer des chapitres sans t'en rendre compte!". Mais, en fait, cette impression qu'il manquait des liaisons entre les événements, je l'ai eue tout le long du livre. Je n'ai pas arrêté de faire des marche-arrière, buttant sans cesse sur des "coqs à l'âne". Déjà au début, de but en blanc, le jeune homme semble hors sol, hors réel, en supposant que les adultes à l'avant de la voiture sont ses parents. le livre dans son ensemble sera construit sur ce mode. Les personnages et les événements tombent, sans préparation, comme des pierres dans la soupe projetant leur présence incongrue, leur violence. Et à chaque fois, la sensation, bien réelle, que quelqu'un me frappe la tête, brusquement, sèchement. Peut être était-ce voulu ? Peut être n'étais-je pas disposée à appréhender ce type de conte ? Mais, est-ce un conte ? Peut être que le choix de ce style d'écriture de la part de l'auteur a été choisi pour souligner l'absurdité du monde du travail actuellement ? Son organisation perpétuellement au bord de l'implosion ? Sa hiérarchie où les pouvoirs se conjuguent de prétentions et d'abus ? La résignation lasse de ceux qui en sont victimes ? de ceux qui sont sensés les défendre ?
Seulement voilà, mise à part le souvenir nauséeux du personnage central, affublé d'une muselière entouré de harpies, il ne me reste pour seule sensation qu'un immense vide de sens, de sentiments, d'humains.
Et la souffrance ? Celle du héros ? Celle qu'il est sensé ressentir aux vues et regards des humiliations subies ? Rien ? Et à la fin, le jeune homme que j'appelle celui à « la chance que tu as » qui disparaît, se volatilise avec le silence cotonneux d'une averse de neige alors qu'il croise son remplaçant! C'est tout ? Trois petits tours et puis s'en vont ? Pas de trace ? Pas de crime ? Une âme sans vie est passée entre les serres du domaine ?
Ainsi, je n'ai pas aimé! Mais alors, pas du tout aimé ce que j'ai lu! Car si c'était pour me faire toucher de l'esprit « le monde comme il va », et bien l'auteur a réussi! Mes mains en tremblent encore. Je suis hors de moi!

… Et j'attends son prochain roman avec impatience.
Commenter  J’apprécie          100
Un court récit métaphorique, plein de subtilités, qui dépeint sans en avoir l'air la cruauté des êtres humains dans une société où il faut avoir un métier, être irréprochable, accepter des charges de travail toujours plus importantes sans se plaindre et être mis au rebut lorsque l'on devient inutile.
Ce qui interpelle dans ce livre c'est l'extrême soumission du personnage, qui ne choisit ni son métier ni son lieu d'exercice, qui tente faiblement de réclamer un contrat mais qui finalement accepte toutes les conditions imposées, y compris les brimades, le harcèlement moral, voire physique, sans réagir vraiment par peur de décevoir ou de perdre son statut qui n'a pourtant rien d'enviable et subit une routine extrême à tel point qu'il ne voit pas défiler les jours les mois et les années...
Au delà du texte, je vois une satire acerbe de la société actuelle ou tout est fait pour faire peur aux jeunes et produire des générations de moutons de Panurge, facilement manipulables mais sans passion, ni créativité et au final démotivées.
Cette vision du monde du travail est bien noire et j'ose espérer qu'il y ait encore quelque espoir car l'humain a accès à la parole et donc le pouvoir de dire non... ne l'oublions pas !

Merci à Babelio et aux éditions Stock pour la masse critique, cet envoi rapide et ce beau partage.
Commenter  J’apprécie          100


critiques presse (1)
LeSoir
17 septembre 2014
Le désespoir n’est pas loin, mais on peine à le partager, tant Michelis a vidé de toute substance ses personnages. Pour l’empathie, on repassera.
Lire la critique sur le site : LeSoir
Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
Tout le monde est bien d'accord, on ne veut pas de journalistes ici, c'est la pire chose qui pourrait arriver. Qu'ils aillent déformer la réalité ailleurs ces journaleux mais pas ici, non merci.
On va le retirer de la salle, ça fait une paire d'années maintenant qu'il est au service et on est bien d'accord : il a fait d'énormes progrès.
Comme quoi la pression, ça a du bon.
Comme quoi ce sont encore et toujours les méthodes à l'ancienne qui fonctionnent.
Ils devraient en prendre de la graine tous ces jeunes arrivistes qui débarquent sur le marché du travail croyant tout savoir.
Ceux qui parlent trop, tous ces intellectuels qui ne sont pas fichus de mettre les mains dans le cambouis.
Quand on y pense, c'est vraiment insupportable.
C'est énervant à la fin.
(p. 130-131)
Commenter  J’apprécie          130
On est bien d'accord : il a fait d'énormes progrès.
Comme quoi la pression, ça a du bon.
Comme quoi ce sont encore et toujours les méthodes à l'ancienne qui fonctionnent.
Ils devraient en prendre de la graine tous ces jeunes arrivistes qui débarquent sur le marché du travail croyant tout savoir.
Ceux qui parlent trop, tous ces intellectuels qui ne sont pas fichus de mettre les mains dans le cambouis.
Quand on y pense, c'est vraiment insupportable.
Commenter  J’apprécie          190
Le service commence dans quatre heures.
Tu as déjà servi, au moins ?
Elle pose la question et savoure d'avance la réponse.
Pas vraiment mais j'ai l'habitude du contact avec les gens : j'ai fait pas mal de bénévolat et du sport en équipe, j'ai l'habitude du contact avec les gens.
Ça il l'a déjà dit et il se sent à nouveau honteux, il aimerait disparaître et elle continue de le toiser comme s'il était un vieux chien pelé.
Je vois, je vois.
Et elle part dans un rire joyeux.
(p. 25)
Commenter  J’apprécie          150
L'eau du bassin est fraîche, d'une fraîcheur délicieuse qui permet aux nénuphars de s'éployer comme jamais. Leur couleur nacrée conjuguée au vert soyeux de l'eau est tellement intense qu'elle peut, si l'on prend le temps de bien regarder, infuser légèrement la couleur du ciel.
Commenter  J’apprécie          230
De toute façon que peut-il faire à part fuir, mais fuir vers où ? La route est vraiment tortueuse, ça n'est pas faute de l'avoir répété. Faites bien attention messieurs dames, un accident est si vite arrivé : voilà ce qu'il entend depuis toujours. Il serait capable de se perdre, pire : de ne jamais revenir.
Ici au moins, il est au chaud.
Ici au moins, il est payé, nourri, blanchi.
Ici au moins, il a du travail.
La muselière le fait souffrir certes, mais pense un peu à tous ceux qui souffrent vraiment.
Ceux qui n'ont plus rien.
Alors que toi, tu as une situation et un toit où dormir, ça n'est pas rien tu sais.
Et tu oses te plaindre.
Commenter  J’apprécie          60

Videos de Denis Michelis (18) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Denis Michelis
VLEEL 284 Rencontre littéraire avec Denis Michelis, Amour fou, Éditions Noir sur Blanc, Notabilia
autres livres classés : travailVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (109) Voir plus



Quiz Voir plus

Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (2 - littérature francophone )

Françoise Sagan : "Le miroir ***"

brisé
fendu
égaré
perdu

20 questions
3712 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature , littérature française , littérature francophoneCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..