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EAN : 9782330098681
96 pages
Actes Sud (10/01/2018)
4.62/5   4 notes
Résumé :
Iman Mersal est l'une des plus belles voix poétiques de l'Égypte d'aujourd'hui. Cette anthologie retrace son itinéraire à travers quatre recueils. Les deux premiers restituent, non sans autodérision, ses années d'apprentissage au sein de la bohème littéraire du Caire. Dans les deux derniers, composés au Canada où elle réside depuis 1998, elle revient, avec ironie, sur son exil volontaire.
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
On trouve sous la plume d'Iman Mersal (ou devrais-je dire sous le clavier, car l'auteure nous est contemporaine) des associations d'idées et d'images d'une violente pertinence.

C'est une poésie à la fois de contrastes et de liaisons. Les menus détails font la strophe avec les moments les plus intenses de l'existence, ceux qui pressent le coeur, serrent le ventre, coupent le souffle, chauffent les tempes et emplissent d'iode le creux des paupières.

Cette poésie mêle confidences de la vie d'une cairote (désormais enseignante au Canada) et les « grands » les thèmes de l'amour, parfois clandestin, de la famille, de la maladie, du deuil et de la société. Tous abordés par la porte étroite de l'expérience vécue, habilement amenée vers l'expérience universelle qui permets au lecteur de lâcher dans un souffle, comme s'il s'adressait à la page ouverte sous ses yeux : « moi aussi ».

La poétesse nous entraine sur le chemin des silences, des inaperçus, des lèvres pincées, des doigts nerveux, de la buée sur les verres progressifs.
Mais le rendu est tout sauf impressionniste, les vers se suivent en haute définition sous nos yeux et nous prenons plaisir à nous arrêter à chaque détail, à faire le tour des mots, s'enfoncer un peu plus dans notre oreiller pour se donner le recul nécessaire à la perspective.

Si la lecture est parfois difficile c'est que l'auteure est sans concession, à commencer avec elle-même. Les relations père-fille, le deuil, le rapport aux hommes, à la religion, à l'émigration, sont rugueux et amères. Il s'en dégage pourtant une énergie organique comme si c'était plus fort que la vie, la poésie.
Les conventions sociales les plus banales, les plus clichées ou imperceptibles sont férocement mises à nu avec une fine ironie.

Iman Mersal alterne, dans l'instant d'un trait de bic, la vie quotidienne avec les énigmes existentielles sans fonds, exactement comme dans la vie. On ne peut pas mettre la vie sur « pause » et les autres sur « mute » après avoir pris conscience de sa finitude ou pour chercher son âme sous le canapé, il faudra bien aller fermer la fenêtre, éteindre l'eau qui bouille et composter son billet de train.

Je suis ravi d'avoir ajouté ce livre sur babelio, première traduction française de l'auteure égyptienne par Richard Jacquemond, et vous le recommande chaudement. N'hésitez pas à revenir sur l'extrait qui m'a décidé à acheter ce livre en librairie (le poème « C.V » en citation).
Iman Mersal c'est aussi l'art de la chute. le dernier vers doit faire mouche, extraire et répandre l'essence du poème entier, et littéralement scotcher le lecteur. Comme disent les anglo-saxons « touché » !
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Merci à Fabinou 7@ de m'avoir fait découvrir cette auteure. Je ne connais pas beaucoup la poésie arabe mais ces poèmes sont de véritables brûlots contre ce qu'on peut qualifier de certaines "habitudes de vie" dans les pays arabes, bien souvent imposées par les traditions et perpétuées par les régimes autoritaires en place. Histoire de bien maintenir chacun à sa place ! Elle s'attaque en premier lieu aux rapports homme/femme. Certains poèmes disent tout haut ce qui se fait tout bas. Mais attention, ce n'est pas toujours contre les hommes, comme on pourrait le penser. Les femmes sont aussi largement critiquées. L'oppression suinte à chaque ligne. La difficulté de vivre transpire par tous les mots. Il est également question très souvent de la mort, naturelle ou provoquée, et de celle ou celui qui reste. Des enfants que l'on fait « grandir » à la guerre . ( cf l'adolescent dans « La malédiction des êtres minuscules). Iman Mersal prend le parti des gens ordinaires, toujours ceux qui subissent, ceux qui n'ont d'autre choix que de se taire et de s'exécuter. La souffrance fait aussi partie du lot. Souffrance que l'on retrouve partout, pour tout. Vous aurez compris que c'est une poésie terriblement humaniste mais également une poésie qui dénonce les déviances, les outrages, la cruauté. Les souffrances semblent parfois arriver « naturellement », comme si la vie s'acharnait sur les gens qui ne peuvent que subir ce qui leur arrive. Ce n'est pas sans rappeler parfois la poésie de Mahmoud Darwich, par la force de la dénonciation et le soutien apporté à l'opprimé.
C'est aussi une poésie du temps qui passe, des gravats qui restent après la destruction. Certains poèmes sont à ce titre largement autobiographiques. On tourne subrepticement la tête en arrière pour jeter un oeil sur ce qu'on laisse. Je comprends que Iman Mersal vive au Canada. Je ne suis pas sûre qu'en Égypte, elle aurait pu écrire cette poésie.
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
“Un homme décide de m’expliquer l’amour

Un homme a décidé de m'expliquer l'amour. Il finissait de déboutonner sa chemise tandis que l'obscurité gagnait le coin et que l'après-midi basculait de l'autre côté. Perte de repères, comme au moment où l'écran s’obscurcit et où le spectateur se demande de quel côté est la sortie. Là-dessus, il a décidé de m'expliquer l'amour, les lunettes bien calées derrière les oreilles.
La chambre était floue et claire quand il a dit : “L’amour c'est la quête de… “ J’ai ouvert les yeux et vu des bandes de conquistadors qui cherchaient de l’or au Chili, affamés et désespérés, et un Indien terrorisé qui se cachait derrière un rocher. Quand il a dit : “L’amour c'est accepter de…” Je me suis mise à palper une montagne de chocolat noir et à écouter Ella Fitzgerald qui chantait... “Et c'est le bonheur…” Là, je n'imaginais plus rien.
Je ne l'ai sûrement plus jamais revu. Je ne me rappelle pas lui avoir demandé si l'amour, c'était d'oublier sa montre à côté du lit.”
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“L’Etat

Une tête unique envoie des signaux impératifs à tous ces coeurs, membres et organes génitaux. Se forme alors une armée nationale dont absolument aucun soldat n’a de tête. Une génération dont personne n’a besoin naît pour brûler les bibliothèques publiques, chasse la mauvaise musique qui beugle sur une radio locale, ses meilleurs éléments se portent volontaires pour tenir un registre des prostituées de rues afin que l’Etat s’assure que tout le monde paye l’impôt sur le revenu. Alors les hymnes nationaux sortent des bains publics vers les places, d’honorables opposants se rassemblent sous les drapeaux et fondent une SARL pour la diffusion des Lumières, tandis que toi, penché sur ton balcon, tu regardes les rues obscures en te rongeant les ongles.”
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"CV

Classement rigoureux des soupirs,
années sur l'écran, les diplômes avant les emplois
les langues, avec tout leur calvaire, dans la rubrique des langues.
où sont passés tous les jours perdus, l'expérience de la cécité,
les hallucinations qui courent sur les murs de la chambre,
où sont les fautes,
les coups de blues devant une pyramide de fruits sur une charrette dans une rue oubliée ?
Années sans attente ni enterrements,
sans déceptions sordides, ongles rongés,
clés oubliées dans la maison.
Sans la moindre fenêtre ouverte, la moindre envie différée de sauter dans le vide.
Une vie débordante de réalisations,
lavée de la crasse de la vie elle-même,
preuve irréfutable que son possesseur
a enfin réussi à effacer son lien avec la terre."
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Il faut que tu meures sous mes yeux.
La mort des êtres aimés est l'occasion idéale de chercher des alternatives.
Dans les trains de l'Est du Delta, je choisis toujours une femme
prête à ouvrir pour moi le placard de la compassion quand je
lui dis que j'ai perdu ma mère à l'âge de six ans.
En fait, j'avais sept ans quand c'est arrivé,
mais six, ça me paraît faire plus d'effet.
les mères d'âge mûr adorent la tristesse,
peut-être pour se donner une raison de porter le deuil avant
l'heure.
Ces petites retouches dans la conversation
ont un charme
que ne peuvent comprendre
ceux qui n'ont jamais eu besoin de voler l'affection des autres.
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Cet adolescent, l'armée en a fait un homme. Sa carte d'identité est dans la poche de son treillis. Au lieu de fumer dans le débarras au milieu des vieilles affaires dans la crainte des fantômes et de la sanction paternelle, il a le désert tout entier devant et derrière lui.
On lui a donné des rangers pour piétiner le passé. Une pelle pliante sous le bras, il va creuser une tranchée où il n'aura pas le temps de se cacher. Je ne sais pas qui était derrière l'appareil pour le remercier, mais la photo est bien arrivée chez sa mère, grâce à Dieu. Avec la montre, la carte d'identité, et le corps.
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