La troisième voie du vivant

Dans les coups de coeur pour la fin de l'année, de l'un de mes libraires de Point Virgule, Grégoire, il y avait La troisième voie du vivant d'Olivier Hamant. Je ne comptais pas le lire tout de suite... Mais c'était sans compter sur une proche et son partage d'un reportage où Olivier Hamant y expliquait ce qui l'avait motivé à écrire son livre... Je fus tellement emballé par son propos, que son livre a opéré une "remontada" du tonnerre dans ma PAL!

Je vous avoue que j'ai doublement goûté ma lecture! Déjà elle suivait le livre de Starhawk, La voie de la terre, qui avait pu me préparer et m'initier à certaines compréhensions et ce qui s'est avéré également des découvertes dans de nombreux domaines. Mais aussi, Olivier Hamant a su y apporter et compléter les propos de Starhawk par tout un cadre scientifique.

Biologiste interdisciplinaire, oeuvrant en tant que chercheur à l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement ( Inrae ) au sein de l'Ecole normale supérieure de Lyon, il a su trouver les mots pour rendre compréhensible et transmettre le fond de toute sa pensée, ses déductions et conclusions sur les enjeux écologiques confrontés à la connaissance du vivant que nous avons à l'heure d'aujourd'hui. C'est riche! Cela remet un ensemble de discours en perspective mais surtout cela parle de la vie et du vivant! Et repose par la même occasion la question de qu'est - ce que la vie, le vivant? Question importante qui en s'appuyant sur tout ce qui a pu être observé et étudié, pousse ou doit pousser nos sociétés occidentales a se remettre en question, surtout quand on analyse le chemin que nous avons pris il y a deux siècles!

J'ai été particulièrement sensible à ses conclusions qui défendent une sorte de retour à la sous - optimalité, tant ce concept est venu rencontrer, par une autre porte, ce que la vie à mon modeste niveau était venu m'apprendre! Vous l'aurez compris, les propos et moi - même, nous nous sommes bien rencontrés que pour comprendre que les enjeux actuels qui ne concernent pas seulement l'écologie mais vont au - delà! C'est tout notre rapport au monde qui est invité à être revu, réfléchi et surtout "reagit"... Une invitation que j'ai prise à deux mains!...

Pourtant et ce n'est pas négatif puisque c'est une belle invitation au dialogue, j'ai senti les limites d'Olivier Hamant. Nous en avons tous et là je pense que je suis un peu plus radicale que lui. En effet dans ses conclusions, il donne ce qui pour lui sont des indices de nouvelles voies émergentes et des pistes à explorer pour revenir au vivant... Personnellement et cela n'engage que moi, je ne crois pas au fait qu'une structure de fonctionnement toxique puisse se changer d'elle- même et s'assainir en gardant sa structure tel quel, sans la changer structurellement... Vaste débat j'en conviens et pour lequel FB ou autres réseaux ne sont pas les plus à même de les nourrir... Mais au moins enfin, il émerge et il me tardai d'en voir les prémices... Tant les discours clivants du pour ou contre, du oui du non ou de l'aveugle et du voyant ne nous permettant pas d'avancer et avaient plutôt tendance à polariser les attitudes de chacun et donc à nous immobiliser dans l'action! Ce qui non seulement ne doit pas être encouragé mais n'est pas non plus l'objectif visé!

En tout cas, hâte de découvrir où cette porte qui s'entre ouvre, nous mènera en tant que citoyen...

Un an après avoir terminé la lecture de ce livre, je reste toujours aussi stupéfait et fasciné par la pertinence de ses enseignements quant à une multitude de phénomènes. de l'échelle individuelle à celle de la société, la réflexion sur l'opposition robustesse / performance des systèmes complexes est un outil extrêmement puissant de compréhension.

Olivier Hamant est biologiste, mais dispose d'une culture interdisciplinaire très riche. Il met en avant l'injonction de performance dans la société moderne à diverses échelles : la vie de tous les jours, la pratique sportive, l'ingénierie, le travail, la santé, l'enseignement, les systèmes sociaux, l'agriculture, les écosystèmes...
Il montre une profonde incompréhension du fonctionnement des systèmes complexes et donc de tous les systèmes vivants.

L'injonction à la performance est incompatible avec la construction de la robustesse.
Pour maximiser nos objectifs de performance, on simplifie ces systèmes (réductionnisme) et on pratique l'optimisation.
Optimisation de nos vies, des paysages, de l'agriculture, des hôpitaux, de l'enseignement, de la nutrition, de notre force de travail, des écosytèmes.
On fragilise ces systèmes. Et un moment, ça casse : burn-out des individus, désertification des terres, pandémies dévastatrices, pénuries en tout genre etc.

À ce constat, Oliver Hamant propose de prendre les leçons du vivant. Les organismes vivants sont des experts de la robustesse. Les mécanismes de robustesse ont, en effet, été sélectionnés lors des très fluctuantes 3,8 milliards d'années passées.
Et la clé pour faire face à 3,8 milliards d'années de fluctuations, c'est : une dose de sous-optimalité. Incohérences, lenteurs, redondances, gaspillages, hétérogénéités, imprécisions, inachèvements, imperfections…
Des capacités très dévalorisées dans notre modèle de société actuel.

Aujourd'hui, grâce à cet ouvrage, j'ai le sentiment d'avoir aiguisé comme jamais mon esprit critique. Je me sens dorénavant bien plus armé pour déconstruire des discours simplistes.
Mon poil se hérisse dès que j'entends les mots “solutions”, “optimisation”, “efficacité”, “efficience”, “performance”. Lorsqu'on met des chiffres sur des phénomènes complexes, lorsqu'on réduit des phénomènes sociétaux complexes à des problèmes techniques.

Revenir à notre condition d'être, de nature et questionner de manière critique la société dans laquelle nous sommes et les dérives de son impasse néolibérale, tout en ouvrant à ce qui nous entoure : la sous-optimalité de la nature comme voie de salut, de reconnexion, de résilience face aux crises et aux changements de l'Anthropocène.