AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782070304967
208 pages
Gallimard (28/06/2007)
3.02/5   25 notes
Résumé :

Un peuple - des femmes surtout - sur le chemin de l'exil, un roi et ses proches livrés à la vengeance divine et envoyés au supplice par un tyran odieux proclament leurs souffrances. Pour évoquer, et tenter de comprendre, le scandale des guerres de Religion dans lesquelles il est plongé, Robert Garnier emprunte le modèle désespéré de la tragédie antique et tente d'y injecter un peu d'espérance chré... >Voir plus
Que lire après Les JuivesVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Dernière pièce de Garnier, parue en 1583, Les Juives sont considérées comme le couronnement de l'oeuvre de l'auteur, sa pièce la plus importante, et celle qui reste la moins oubliée, voire qui a encore parfois les honneurs de quelques représentations. Garnier y aborde un genre nouveau pour lui, celui de la tragédie biblique. le sujet est tiré des Livres des Rois et des Chroniques de la Bible, ainsi que des Antiquités Judaïques de Flavius Josèphe. Les événements évoqués se sont déroulés en 587 avant notre ère : la révolte du roi hébreux Sédécias, qui provoqua la prise de Jérusalem (et la destruction du Temple) par Nabuchodonosor, le roi de Babylone ; la cruelle punition du roi séditieux, et enfin la captivité de Babylone, consécutive à la déportation de la population juive.

Malgré le sujet biblique, Garnier le traite en véritable tragédie, finalement pas si éloignée des tragédies à sujet antique qu'il avait surtout pratiqué jusque-là, même si le vocabulaire et les expressions, ainsi que le climat de la pièce laissent apparaître une influence des lectures de la Bible.

Au premier acte, nous suivons un long monologue du Prophète, suivi d'une intervention du Choeur. Les deux sont une lamentation sur les malheurs d'Israël et un appel à la miséricorde divine.

L'acte deux s'ouvre par un dialogue entre Nabuchodonosor et Nabuzardan, son conseilleur. le roi veut poursuivre la vengeance et punir sévèrement Sédécias, Nabuzardan tente de modérer son courroux. le dialogue est suivi par une lamentation du choeur. Puis entre en scène Amital, mère de Sédéicas, qui dialogue avec le choeur, et ce faisant expose l'histoire et les malheurs de sa famille. Survient la reine, la femme de Nabuchodonosor. Amital essaie de la fléchir pour la faire intervenir en sa faveur auprès de son époux. La reine est pleine de pitié pour les souffrances d'Amital, mais ne pense pas avoir beaucoup d'influence sur son mari. le choeur conclut l'acte par une nouvelle plainte.

Au troisième acte, Nabuchodonosor fait à la reine des promesses ambiguës de clémence. Il agit ensuite de même avec Amital, qu'il traite avec respect, en souvenir de son mari. le choeur termine l'acte en jurant d'être toujours fidèle au souvenir de sa patrie perdue.

Le quatrième acte nous montre le roi Sédécias, d'abord dialoguant avec son confident, puis affrontant Nabuchodonosor, qui lui exprime tout son ressentiment. Après une intervention du choeur, le prévôt vient prendre les enfants de Sédécias, en affirmant aux femmes qu'ils seront otages, ce qui permettra au roi de rentrer chez lui. le choeur conclut l'acte.

Au cinquième acte, le prophète vient faire le récit de la cruauté de Nabuchodonosor aux femmes : après avoir tué ses enfants devant lui, le roi de Babylone a fait aveugler Sédécias, en respectant ainsi sa promesse de ne pas le tuer. Survient Sédécias, à qui le prophète promet la punition de Nabuchodonosor par Dieu.

Comme dans toutes les comédies humanistes de la deuxième moitié du XVIe siècle, la pièce est avant tout une élégie, une déploration, ici sur les malheurs d'Israël et de son roi. Il y a toutefois une action, un suspens : Nabuchodonosor, devant l'insistance des deux femmes, fait des promesses de ne pas tuer Sédécias, ce qui peut laisser penser à une issue qui ne serait pas tragique. Mais la fin n'en sera que plus cruelle. Evidemment, il n'y avait pas de véritable surprise pour le lecteur-spectateur de l'époque, forcément lecteur de la Bible, mais l'auteur construit une progression dramatique, dessine des portraits de personnages, même si les monologues, et les longues parties réservées au choeur ont une place centrale dans la pièce, et qu'ils se situent clairement du côté de la poésie, de la déploration.

C'est un bel objet, un peu inclassable.
Commenter  J’apprécie          200
Les Juives reprend un épisode biblique, celui de la prise de Jérusalem par le roi de Babylone Nabuchodonosor (il s'agit de la seconde déportation de la famille royale). Sédécias, roi de Judée, a trahi sa foi en Dieu en commettant le pire des crimes : l'idolâtrie. Il s'est révolté contre Nabuchodonosor, lequel vengea cruellement cette trahison. (L'histoire est empruntée au Deuxième Livre des Rois de l'Ancien Testament).

Cette pièce n'a pas vraiment d'action (du moins pas jusqu'au dernier acte), elle est, dit-on, contemplative : Nabuchodonosor n'a pas encore prononcé sa sentence, et chaque personnage, de celui d'Amital - mère de Sédécias - à celui de la Royne - épouse de Nabuchodonosor - entreprend de toucher tantôt sa raison, tantôt sa bonté (sa quoi?). Mais le roi de Babylone est déterminé à punir l'affront fait à sa royauté (oui oui, à sa royauté).

Les Juives soulève la question du pouvoir royal ; il faut penser que Garnier, qui a vu la France déchirée par les guerres de religion, a également vu la montée en puissance du pouvoir absolu. A plusieurs reprises dans cette pièce, le roi est mis face à ses responsabilités, aussi bien Nabuchodonosor, qui a encore le choix de l'attitude à adopter vis-à-vis de ses captifs, que Sédécias, qui dans son repentir endosse la responsabilité de l'esclavage de son peuple. Un roi a des devoirs, aussi bien envers ses alliés qu'envers ses ennemis. Les débats à ce sujet sont assez intéressants, ils sont même le sel de la pièce.
J'ai adoré cette pièce, et même si le vocabulaire est assez déroutant parfois, ça reste largement compréhensible.
Commenter  J’apprécie          150
Je dois avouer que j'ai beaucoup de mal à commencer cette critique... Je viens de terminer cette lecture et en refermant la quatrième de couverture, j'ai du prendre quelques minutes pour réfléchir à ce que je ressentais, à ce que je pensais. Je vais alors donner des éléments tels qu'ils me viennent à l'esprit. Tout d'abord, l'aspect le plus visible qui peut poser problème à la lecture, c'est la langue qui se rajoute à la difficulté de la lecture en vers si on est pas habitué. Pour ma part, je remercie mon édition d'avoir déjà procédé à quelques modifications orthographique pour faciliter l'appréhension de cette oeuvre. J'ai pu m'y retrouver, pas avec facilité, j'ai du quelques fois relire des tirades ou des vers qui me faisaient obstacles, mais rien d'insurmontable. Ensuite, pour ma part, je ne suis pas une très grande experte en événements bibliques, malgré les notes qui fournissaient une grande aide, ma lecture en a été saccadé. Mais, il semblerait que l'utilisation de plusieurs sources, quelles soient religieuses ( en lien avec son époque ) ou mythologiques, permet au lecteur d'y trouver, de picorer des éléments qu'il connaît.
Cependant, ces aspects syntaxiques qui peuvent poser problèmes ne sont pas la faute à l'auteur qui a seulement écrit à la manière de son époque et qui a sublimement bien mis en lumière la tragédie. En effet, on y retrouve les thèmes qui plus tard forgeront d'autant plus le genre tragique : les personnages de rangs élevés, la vengeance, la souffrance, la passion, les tourments, la mort ...

Cette pièce propose une réflexion intéressante sur ce qu'un roi doit faire et sur ce qu'il peut faire. Ici, Robert Garnier fait penchez la balance vers le "peut faire" puisque le tyran Nabuchodonosor choisit de se venger de Sédécie, et trouve ainsi pour lui un châtiment bien plus cruel que la mort ...
On retrouve également une réflexion sur le pouvoir détenu par un seul homme, presque sur le despotisme, et sur le pouvoir de celui-ci. "Le pouvoir du pouvoir" sur ceux qui le veulent, ceux qui l'obtiennent, ceux qui le possèdent, ceux qui croit en lui et ceux qui le subissent.

En se focalisant sur le dramaturge, on découvre au fil de sa biographie qu'il a été juge en province, il a donc réellement été face à la violence, à la persécution, à la vengeance, au fanatisme religieux, et à la confusion politique. Il a d'ailleurs vécu une partie de sa vie parallèlement aux guerres de religion. C'est peut-être en voulant livrer cette tragédie particulièrement humaine, qu'il a voulu saisir l'humanité de ses lecteurs, et en animer l'espoir, l'humanité.

Bien que n'ayant pas mis la note maximale à cause d'une lecture saccadée, cela ne m'a tout de même pas enlever le plaisir de lire cette pièce, d'en apprécier le topoï, la mise en forme ainsi que l'engagement de l'auteur.

Bonne lecture à tous !
Commenter  J’apprécie          70
Ce fut une belle découverte, malgré les petites difficultés de la langue. Elle garde tout de même un style léger, qui entraîne forcément une lecture rapide de la pièce. Je suis très contente de cette lecture !
Lien : http://la-riviere-des-mots.b..
Commenter  J’apprécie          00

Citations et extraits (19) Voir plus Ajouter une citation
AMITAL

Las que ferons-nous plus? que ferons-nous plus ores?
Qu'avons-nous que la mort pour requerir encores?
Vien mort, vien mort heureuse ! & ne viendras-tu pas?
Tu cours tant de gens qui craignent le trespas,
Et tu me fuis dolente ! au moins vien à cette heure,
Il est temps, si jamais, il est temps que je meure.
Mes filles soupirez, pleurez, soyez en deul,
Ayez durant vos jours cet exercice seul.
Vos enfans sont occis, vostre espoux venerable
Deplore entre ses fers son destin lamentable.
Ses jours sont aveuglez, & vous allez errant
Entre une tourbe serve à ces bords soupirant.
Mes filles soupirez, & lamentez sans cesse,
Alambiquez en pleurs vostre belle jeunesse :
Dediez-vous au dueil, & ne pensez, helas !
Tandis que vous vivrez avoir autre soulas.
Mes filles soupirez, plorez vos enfortunes,
Ils ne sont pas communs, vos pleurs ne soyent communes :
Je vous plains plus que moy, qui vivrez plus longtemps,
Et qui estes encor en vostre beau printemps.
Mais pleurez, soupirez, & que le temps n'essuye
L'eau tombant de vos yeux en une large pluye.

LES ROYNES

O desastres cruels ! ô rages ! ô fureurs !
O détestables faits ! ô Scythiques horreurs !
O la desloyauté d'un monstre sanguinaire !
O des Rois ensceptrez l'eternel vitupere* !
O meurtrier d'innocens ! ô parjure ! bourreau !
Qui au sein des enfans vas tremper le couteau,
Esgorge esgorge nous, ne te feins homicide,
Vien amortir ta soif dans nostre sang liquide :
Nos enfans n'en avoyent pour te rassasier,
Pren le nostre & le boy, nous tendons le gosier.

*honte
Commenter  J’apprécie          70
AMITAL

Pleurons donques pleurons sur ces moiteuses rives,
Puis que nous n'avons plus que nos larmes, captives :
Ne cessons de pleurer, ne cessons, ne cessons
De nous bagner le sein des pleurs que nous versons.
Pleurons Jerusalem, Jerusalem destruite,
Jerusalem en flamme & en cendres reduite :
Ne soyent plus d'autre chose occupez nos esprits,
Ne faisons que douloir*, que jeter pleurs & cris.
Devons-vous plus avoir autre sollicitude?
Pouvons nous autre part appliquer nostre estude ?
Nous est-il rien resté qu'un esprit gemisant,
Qu'un esprit adeulé dans un corps languissant?

LE CHOEUR DES JUIVES

Pleurons donques, pleurons, & de tristes cantiques
Lamentons sur ce bord nos malheurs Hébraïques.

*nous lamenter
Commenter  J’apprécie          50
O peuple malheureux ! peuple cent fois maudit
Tu sçais bien que j'avois tes desastres predit !
Que j'avois annoncé du grand Dieu la menace,
A fin qu'humilié devant sa claire face
Le peusses reconnoistre, & qu'à force de pleurs,
De jeusnes & de cris previnses tes malheurs !
Mais tu as mesprisé ces menaces prophetes,
Et m'as voulu meurtrir pour te les avoir faites,
Ton cœur obstiné fut & tes sens endurcis :
Aussi es-tu butin d'un peuple incirconcis,
Qui a mis au couteau la plus part de tes freres,
Arraché tes enfans du giron de leurs meres,
Tes femmes violé, le saint temple polu,
Mis ses joyaux en proye au soldat dissolu,
Qui les a teint de sang, & fait du sanctuaire,
N'aguiere inviolable, un tombeau mortuaire.
Commenter  J’apprécie          50
LA ROYNE

Il n'est malheur si grand que l'espoir n'adoucisse.

AMITAL

Il n'est malheur si grand que l'espoir ne nourrisse.

LA ROYNE

Voire mais un chacun l'esperance reçoit.

AMITAL

Voire mais un chacun l'esperance deçoit.

LA ROYNE

La mort ne manque point, elle vient trop hastive.

AMITAL

La mort aux affligez vient tousjours trop tardive.
Commenter  J’apprécie          81
Tous les cuisants malheurs qui sur nos chefs devalent,
Et devalerent onc, mes encombres n'égalent :
Je suis le malheur mesme, & ne puis las ! ne puis
Souffrir plus que je souffre en mon ame d'ennuis.
Mais mon plus grief tourment est ma vie obstinee,
Que les desastres n'ont ny les ans terminee.
Je vy pour mon martyre : helas ! ciel endurci
Quand seras-tu lassé de me gesner ici ?
Ne m'auras-tu fait naistre en ce monde immortelle,
A fin que ma douleur me tenaille eternelle ?
O cruelle influence ! ô mechef ! ô destin !
Quand veux-tu m'infecter de ton dernier venin ?
Ne viendra point le jour que mes langueurs je noye
Dans un sombre tombeau, faite des vers la proye ?
Helas ! je croye que non, il y a trop long temps
Qu'en vain je le reclame, & qu'en vain je l'attens.
Non, il ne viendra point, ma peine est perdurable,
La mort promte au secours ne m'est point secourable,
Elle me fuit, peureuse, & n'ose m'approcher,
Son dard, qui ne craint rien, a peur de me toucher.
Elle craint les malheurs où je languis confite,
Ou pense qu'immortelle en ce monde j'habite,
Que j'y erre à jamais, m'ayant l'ire de Dieu,
Comme dans un enfer, confinee en ce lieu,
Dieu du ciel, Dieu d'Aron mets fin à ma misere,
Arrache moy, mon Dieu, de cette vie amere.
Commenter  J’apprécie          10

autres livres classés : théâtreVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (71) Voir plus



Quiz Voir plus

Le Cid (Corneille)

Que signifie "Le Cid" en arabe ?

le seigneur
le voleur
le meurtrier

10 questions
853 lecteurs ont répondu
Thèmes : théâtreCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..