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EAN : 9782070793198
288 pages
Gallimard (02/06/2016)
3.18/5   607 notes
Résumé :
Olga, trente-huit ans, un mari, deux enfants. Un bel appartement à Turin, une vie faite de certitudes conjugales et de petits rituels domestiques. Quinze ans de mariage. Puis, un après-midi d'avril, une phrase de son mari met en pièces cette existence sereine et transforme Olga en femme abandonnée. Une femme rompue. Lâchée, brisée. Una poverella, comme cette voisine de son enfance napolitaine dont elle croit encore entendre les pleurs la nuit. Frappée de stupeur, Ol... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (121) Voir plus Ajouter une critique
3,18

sur 607 notes
Ouf! J'abandonne enfin Les jours de mon abandon..

Une lecture marquante, une écriture magistrale- mais une épreuve, une véritable souffrance- physique- jusqu'à la nausée, jusqu'au malaise...

A priori, rien que de très banal: le récit à la première personne d'une "femme rompue", Olga, mère de deux jeunes enfants, quittée, après quinze ans de mariage, par un mari attentionné et brillant qui soudain la rejette pour aller vivre avec une jeune femme de vingt ans. Olga se retrouve à Turin, elle, la méridionale, avec ses deux enfants et Otto, le chien-loup, livrée à sa douleur, à sa colère, à sa folie...

Le récit est tout de suite étrange: l'écriture, soignée, au "passato remoto", avec incises distinguées par leurs inversions du sujet (type "pensai-je, m'aperçus-je") , est comme percutée de l'intérieur par des éclats de folie, de brusques accès d'obscénités, de violentes bouffées d'odeurs , des agressions sonores et verbales.

Le monde d'Olga se fissure comme sa raison: les serrures se rebellent, les fourmis grouillent, les enfants vomissent, les chiens s'empoisonnent, les téléphones se cassent, les amis fuient..

Les comparaisons, les images elles aussi décrochent, et on sent la langue, comme la narratrice, gagnée progressivement par une déréliction inquiétante, dangereuse.

Les objets sont eux aussi détournés de leur fonction: une pince à linge sur un bras, un coupe-papier dans un genou servent -follement- à tenter de reprendre pied dans la réalité, un marteau à appeler au secours, un permis de conduire à assouvir sa frustration sexuelle...

Dans ce huis-clos de folie, les deux enfants errent, pas rassurés, le chien, lui , agonise, et le voisin- mélancolique silhouette à la Giacometti, prolongée par l'ombre de son violoncelle- devient de plus en plus proche, alerté, inquiet..

Nous aussi.

Je ressentais un tel malaise en lisant que j'ai dû m'arrêter plus d'une fois, et faire quelques incursions dépaysantes dans des univers moins entropiques...mais j'y revenais toujours, aimantée par cette écriture étonnante, cette façon si sombrement originale d'entrer à vif dans la douleur d'une femme.

Le récit est très bien composé: lente montée, par paliers, d'une vertigineuse angoisse, qui culmine lors d une nuit caniculaire de ferragosto, interminable et proprement atroce, puis lentement, comme un plongeur remonte des fonds, on décompresse, la normalité reprend ses droits, la rationalité aussi, le chagrin s'apaise, les gens se réhumanisent, les gestes se contrôlent, les objets reprennent leur place sur les étagères...La crise est passée...

Mais on sort proprement essoré de cette expérience : on a le sentiment d'avoir accompli un voyage "fantastique" -au sens que lui donne Todorov- non seulement dans l' âme d'une femme blessée mais aussi dans le quotidien halluciné de son appartement , tout peuplé de ses hantises -ah, cette "poveretta" napolitaine qui revient tel un fantôme, un alter ego..

Quand la vie, comme on dit, reprend ses droits, on se pince, nous aussi, et on se donnerait même une légère estocade de coupe-papier pour s'assurer que le cauchemar est bien fini...
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"Était-il possible que Mario me quittât ainsi, sans préavis ? Il me paraissait invraisemblable que, de but en blanc, il se désintéressât de ma vie comme d'une plante arrosée depuis des années qu'on laisserait soudainement mourir sous la canicule. Je ne parvenais pas à concevoir qu'il eût décidé unilatéralement de ne plus me devoir d'attention."

Quand son mari la quitte après 15 ans de vie commune, commence alors pour Olga, la narratrice, une lente mais vertigineuse descente aux enfers. Elle, la femme posée, calme, polie change du tout au tout. Elle devient négligée, violente, ordurière, confond ses pensées et la réalité. Elle ne parvient pas à faire face au sentiment d'abandon suscité par cette rupture, et perd ses repères et son identité. Elle s'enlise dans des interrogations, des incompréhensions, qui flirtent de plus en plus dangereusement avec la folie, ses 2 enfants et son chien dans son sillage. Nous ne pouvons que l'observer sombrer, perdre pied, lutter maladroitement (très maladroitement!) pour sortir la tête de l'eau où elle est train de se noyer... jusqu'à cette journée fatidique, cauchemardesque, où rien ne va plus, où plus rien n'est à sa place, et où elle se retrouve emmurée avec un enfant malade et un chien à l'agonie.

A partir d'un thème banal et maintes fois abordés, l'auteur explore avec talent les méandres tourmentés de l'âme après une rupture. Écrit à la première personne, nous sommes immergés dans les pensées d'Olga, son désarroi, ses désirs, ses illusions perdues, ses angoisses, sa réalité. Point d'apitoiements ni de larmoiements pour autant. Elle fait d'ailleurs son autocritique sans complaisance. L'approche est étonnante, et surtout l'écriture est flamboyante. Il fallait qu'elle le soit pour me tenir accrochée. On est parfois dans l'exagération et la surenchère mais paradoxalement les phases d'acceptation et les émotions sont disséquées avec un réalisme brutal qui rend l'air suffocant et irrespirable. Je suis toujours impressionnée par ces auteurs qui parviennent à instaurer une atmosphère particulière. Et dans ce livre, elle est particulièrement oppressante, au rythme d'un lancinant exorcisme. C'est brillamment amené mais c'est dérangeant. D'ailleurs, si je devais n'utiliser qu'un mot pour résumer cette lecture, c'est celui que je choisirais : une lecture dérangeante.

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Lorsque le roc sur lequel vous pensez avoir édifier votre vie se révèle mouvant comme un sable humide, il est difficile de ne pas s'enliser dans la folie.
C'est ce que nous confie Olga, la quarantaine , deux beaux enfants et un mari parfait…Quinze années de certitudes et d'oeillères vont malgré tout s'envoler comme une brume du matin poussée par le vent.
Le récit est d'une efficacité remarquable. La langue est soignée mais aussi parfaitement imagée pour rendre compte de la lente plongée vers l'aliénation , que la présence des enfants, témoins, acteurs, thérapeutes, rend encore plus angoissante. On n'ose pas imaginer les conséquences psychiques d'un tel épisode sur de jeunes âmes , fussent-elles bien matures pour leur âge .
Il ne s'agit pas seulement de ruminations ou de délires conceptuels. Olga se bat avec la réalité dans toute sa trivialité : ce qui fut son quotidien d'épouse accomplie devient une trame d'un cauchemar nauséabond.
Si le propos est bien éloigné de ce que l'on a connu dans la saga à succès d'Elena Ferrante, on retrouve la force attribuée à la narratrice , même s'il s'agit d'une force négative. Pas de demi-teinte, pas de mièvrerie, Olga est un personnage marquant, attachant et violent.

C'est tout le talent de l'auteur que de faire d'une banale histoire de l'échec d'un mariage, un quasi-thriller .
Lien : http://kittylamouette.blogsp..
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Les jours de mon abandon, on pourrait même dire les mois…

L'auteur Elena Ferrante nous enferme dans un huis clos familial où on plonge dans de l'eau glacée.

Après 15 ans de mariage, son mari, Mario annonce sans injonction à son épouse qu'il la quitte pour aller vivre avec une jeunette.

Olga ne parvient pas à se résoudre à ce changement radical et sans retour.

Elle est à vif, son équilibre émotionnel est tangent puis elle vacille dans la dénégation.

Elle est en proie aux doutes, aux craintes, aux angoisses qui l'envahissent. Elle perd confiance en elle, ses certitudes s'éteignent au fil des pages. Elle est aux abords de la folie.

Elle fait supporter le poids de son immense chagrin à ses enfants et on se questionne comment ils peuvent endurer un climat familial si délétère. C'est le chaos.

Une histoire de séparation, de douleurs qui ne peut se vivre sans dommages collatéraux.

Je me suis demandée comment cette mère de famille allait s'en réchapper, mais la plume d'Elena Ferrante est juste, vraie, réaliste parfois crue et surprenante.

C'est ma première rencontre avec cet auteur et ma lecture s'est déroulée par étapes afin de ne pas tomber dans l'asphyxie !
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Mario quitte Olga, tout simplement, sans préavis et explications...

Elle en reste sonnée, en pure détresse, rageuse, haineuse envers toutes choses, à commencer par elle. Elle doit faire face au quotidien, aux enfants, aux soucis financiers, et à cette douleur de l'âme, qu'elle somatise dans ses tripes.
Introspections et ressentiments stigmatisent la déliquescence d'une vie conjugale de quinze années sans (trop de) nuages et la reconstruction difficile et délirante de "l'abandonnée".

Elena Ferrante produit une radiographie minutieuse d'une épouse bafouée, emmurée dans le tumulte des sentiments. Pourrait-on dire que cette tragédie de crise conjugale sent le vécu? Quand on sait que les rares infos sur l'auteure lui ont fait dire que son oeuvre était d'inspiration autobiographique, ceci pourrait expliquer le réaliste de l'explosion de ce couple fictif.

Écrit en 2002, ce livre se construit sur un beau portrait de femme batailleuse, sensible et intelligente, refusant de céder au pathos de sa situation et déterminée à survivre. Au fil des pages, des anecdotes de vie, rageuses et/ou jubilatoires* donnent une cocasserie salvatrice au récit. Mais l'auteur pêche aussi par excès dans des scènes interminables qui plombent la lecture (même impression que dans L'amie prodigieuse).
L'écriture en est le miroir, percutante, descriptive, triviale parfois, libre et décomplexée.

Une tempête sous un crâne solidement transcrite par la mystérieuse auteure italienne.

*Ah! le pugilat en pleine rue! Excellent !

3 étoiles/5
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Citations et extraits (116) Voir plus Ajouter une citation
Carla avait fait son apparition chez nous au bon moment. (...) Mario devait l'avoir prise pour son futur, mais au contraire, il avait désiré le passé, ce temps de jeune fille que je lui avais déjà offert, et dont il avait maintenant la nostalgie. Elle-même avait peut être cru lui donné un futur, et elle l'avait encouragé à y croire. Mais nous nagions tous en pleine confusion, moi la première. J'attendais un temps qui n'arrivait jamais, tandis que je m'occupais de mes enfants, de Mario, le temps ou je recommencerais à être telle que j'avais été avant mes grossesses, jeune, mince, énergique, effrontément convaincue de pouvoir faire de moi je ne sais quelle femme mémorable. Non, pensais je en tordant la serpillère et en me redressant à grand peine : à compter d'un certain moment et toujours par la suite, le futur est seulement une nécessité de vivre au passé.
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Je passais les nuits et les jours qui suivirent à réfléchir. Je me sentais engagée sur deux fronts: m'en tenir fermement à la réalité des faits en contenant le flux de mes images, de mes pensées ; chercher dans le même temps à me donner du courage en m'imaginant telle une salamandre occupée à traverser un feu sans en ressentir aucune douleur. (...)
Mario écrivais-je afin de me stimuler, n'a pas emporté le monde, il n'a emporté que lui-même. (...) Tu ne jouiras plus de l'éclair de ses yeux, de ses paroles, et quand bien même ? Organise tes défenses, préserve ton intégrité, ne te laisse pas rompre tel un bibelot, tu n'es pas une fanfreluche, aucune femme n'est une fanfreluche. La femme rompue, ah, rompue, rompue mes couilles. Ma tache pensais-je consiste à démontrer qu'on peut rester saine d'esprit. Me le démontrer à moi-même, et à nul autre. Si je suis en butte aux lézards verts, je lutterai contre les lézards verts. Si je suis en butte aux fourmis, je lutterai contre les fourmis. Si je suis en butte aux voleurs, je lutterai contre les voleurs. Si je suis en butte à moi-même, je lutterai contre moi-même.
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Je me décidai, suffit avec la douleur. Aux lèvres de leur bonheur nocturne, je devais faire adhérer les lèvres de ma revanche. Je n'étais pas une femme mise en pièce sous le coup d'une rupture, d'une absence, jusqu'à en devenir folle, jusqu'à en mourir. Seuls quelques menus éclats s'étaient arrachés de ma personne, pour ce qui était du reste, je me portais comme un charme. J'étais intacte, je resterais intacte. A ceux qui me font du mal, je leur rends la pareille. Je suis le huit d'épées, je suis la guêpe qui pique, je suis le serpent sombre. Je suis l'animal invulnérable qui traverse le feu sans se brûler.
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Mais c'étaient surtout les images imperceptibles de mon esprit, les rares syllabes que je prononçais qui me faisaient peur. Il suffisait d'une pensée que je ne parvenais pas même à fixer, d'un simple frétillement de signification violacé, un hiéroglyphe vert de mon cerveau, pour que le malaise réapparaisse et que la panique croisse en moi. Qu'en certains recoins de la maison revinssent des ombres trop drues, humides, avec leurs murmures, les mouvements rapides de masses sombres et j'étais saisie d'épouvante. Alors, je me surprenais à allumer et à éteindre mécaniquement la télévision, rien que pour me tenir compagnie, à chantonner une berceuse dans le dialecte de mon enfance, ou l'écuelle vide d'Otto près du réfrigérateur me causait une souffrance insupportable, ou bien, en proie à une somnolence immotivée, je me retrouvais étendue sur le divan, occupée à me caresser les bras non sans les marquer du tranchant de mes ongles.
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J'aspirais à la plate certitude des journées normales, même si je savais trop bien que dans mon corps un mouvement frénétique vers le haut, un frétillement perdurait, comme si j'avais vu un vilain insecte venimeux tout au fond d'un trou et que toute une partie de ma personne était en train de se retirer en agitant les bras, les mains, tout en ruant. Je dois réapprendre- me dis-je - l'allure paisible de qui croit savoir ou il est en train d'aller et pourquoi.
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Vidéo de Elena Ferrante
L'Amie prodigieuse, l'adaptation télévisuelle de la saga littéraire d'Elena Ferrante est de retour pour une troisième saison sur Canal +.
À l'heure où on retrouve Elena et Lila, les héroïnes nées sous la plume de la mystérieuse écrivaine italienne, les deux jeunes femmes sont bel et bien à la croisée des chemins. Celle qui fuit et celle qui reste, le sous-titre de ce troisième opus, n'a pas été choisi au hasard.
Quels choix de vie, quels renoncements, quels arrachements, parfois, faut-il consentir pour accomplir sa destinée individuelle et gagner sa propre liberté, quand on est une femme ? A fortiori une jeune femme pauvre dans l'Italie violente des années 70, entre années de plomb et forfaits de la Camorra ?
Tel est le fil rouge de cette troisième saison, sans doute la meilleure à ce jour depuis le début de la transposition télévisuelle de l'oeuvre littéraire d'Elena Ferrante. À la fois moins empesée et académique que la première, et beaucoup plus ample, du point de vue romanesque, que la deuxième. Une vraie réussite.
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Elena Ferrante est le pseudonyme de Erri De Luca, le véritable auteur des romans.

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