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EAN : 9782081336681
254 pages
Flammarion (21/05/2014)
3.68/5   158 notes
Résumé :
472, année fondatrice : Eschyle remporte à Athènes le concours tragique avec "les Perses". La tragédie la plus ancienne de toute l'histoire du théâtre, et la plus jeune par sa vigueur et son audace, ne se déroule pas dans quelque rêve habité par les héros d'une mythologie intemporelle, mais au coeur de l'Orient barbare, à l'automne 480, dans l'attente anxieuse de nouvelles du Grand Roi Xerxès, parti avec cinq millions d'hommes pour conquérir la Grèce ; le destin de ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (21) Voir plus Ajouter une critique
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Vous avez probablement — sûrement — entendu parler des performances rédactionnelles exceptionnelles du robot de conversation chatGPT ? On nous assure que l'intelligence artificielle serait — est — en passe de réaliser des prodiges, de remplacer bientôt — déjà — l'humain dans bon nombre de domaines où l'on le croyait encore irremplaçable il y a peu.

Alors je me suis donné aujourd'hui pour défi — mission — d'écrire exactement le genre de critique qu'une intelligence artificielle ne pourrait pas écrire, ne pourra jamais écrire, même une ultra méga chatGPT du modèle " pluhokmonku " qui sortira dans vingt ou trente ou cent cinquante ans. En effet, je ne m'adresse qu'aux intelligences naturelles avec le peu de cette substance qui m'échoit, aussi imparfaite soit elle. Et si, à la fin, vous pensez malgré tout qu'une IA de chez Microsoft & consort pourra un jour pondre ça, alors sur le champ j'abandonne la critique et m'en vais me suicider avant que le réseau de neurones survitaminé d'une grande firme ne m'en intime l'ordre !

Et d'abord, pour commencer, je pense qu'il y a une nuance entre le fait de trouver un texte fondamental dans l'histoire littéraire et le fait de l'apprécier. Prenons un exemple dans un autre domaine que la littérature (où vous percevrez peut-être un lien avec ce qui précède) : personnellement, je trouve que le premier récepteur de Guglielmo Marconi est absolument fondamental et essentiel dans l'histoire des sciences et de la technique, ouvrant la voie à des avancées fulgurantes dont nous bénéficions aujourd'hui plus que jamais.

De là à me pâmer chaque matin sur les incroyables performances de son récepteur, d'une portée de 2,4 km avec une réception comparable à un bac de friture en pleine effervescence et vis-à-vis de laquelle le bip-bip (nouvelle orthographe bipbip *) de Spoutnik fait figure de réception Dolby digital : il y a un monde. (* Il faut que je vous confie un secret : outre l'étonnant artifice des robots conversationnels, je suis une absolue fan des évolutions typiquement humaines, telles que les réformes orthographiques successives, celles qui viennent mettre du doute là où l'on n'en avait pas, de même que de la somptueuse et luminescente écriture inclusive en littérature.)

Eh bien, Les Perses d'Eschyle, pour moi, c'est un peu ça. Elle est tout ce que les autres en ont dit : la plus ancienne pièce quasi complète qui nous soit parvenue à ce jour ; une pièce qui nous parle d'un événement historique, ce qui est, toutes proportions gardées, très rare pour l'époque. Sans oublier les innovations purement scéniques que nous devons à Eschyle, pas de doute, c'est bien l'un des pères fondateurs du théâtre, de la tragédie et même, je pense qu'on peut aller jusqu'à le présenter comme un des pères de la littérature dans son ensemble.

Ceci dit, j'ai tout de même un peu de mal à m'enthousiasmer plus que ça. Sophocle, par exemple, qui aurait l'âge d'être son fils et qui n'est donc séparé d'Eschyle que d'une génération me semble avoir placé la barre bien plus haut quant aux seules qualités littéraires de ses textes, à l'intensité de ses intrigues, à la profondeur psychologique de ses personnages, au rythme de ses pièces, etc.

Les pièces d'Eschyle sont ultra-courtes (nouvelle orthographe, ultracourtes) mais pourtant, on trouve le moyen de s'y ennuyer. C'est comme un long radotage où l'on vous répète inlassablement le sempiternel « Hélas ! Hélas ! » C'est vrai hélas ! car la lectrice que je suis est lasse. Quoi hélas ? qu'est-ce qu'il y a Hélas ? pourquoi Hélas ? quelles conséquences Hélas ? quelles réactions Hélas ? quels ajustements Hélas ? Merde à la fin avec ton Hélas !

Bon, d'accord, l'armée des Perses est vaincue ; ça, je crois que j'ai bien compris, et ensuite ? « Hélas ! Hélas ! » Oui, mais encore ? « Hélas ! Hélas ! » Okay, mais je voulais dire, qu'est-ce qu'il y a après le hélas ? « Hélas ! Hélas ! » Bon, je crois que c'est sans espoir… « Hélas ! Hélas ! » (profond soupir, immédiatement suivi d'un violent choc des paupières… hélas !)

Donc, en somme, voilà — hélas — ce que j'ai retenu. Les Perses, une gigantesque armée recrutée sur les immensités de l'empire du défunt Darius, les Perses, pas tous perses donc, menés par Xerxès, le fils du grand Darius s'en viennent prendre en tenaille la coalition grecque autour d'Athènes. D'un côté, par la mer, en affrétant une immense flotte de plus de mille navires de guerre (pour les détails, toujours très sujets à caution, se reporter à l'historien Hérodote, qui peut-être bien radote) ; de l'autre côté, par le continent, en franchissant le détroit des Dardanelles par un procédé original : relier des barques d'un bout à l'autre du détroit pour permettre à son armée de sauter de l'une à l'autre à pied sec.

Bref, c'était pas mal pensé mais les Grec.que.s, ayant été les vainqueur.euse.s — et transitoirement ce.lles.ux qui nous ont raconté cette histoire — se sont attribué.e.s un rôle intéressant : moins nombreu.ses.x (à peine 300 Spartiates, dit-on, aux Thermopiles, armés d'une seule boîte de chocolats Léonidas) mais pas affolé.e.s, pas peureux.y.z pour deux drachmes, capables de s'unir sans dissensions, plus rusé.e.s, plus fort.e.s, plus agiles, plus TOUT, quoi !

Tiens, c'est marrant, le coup de l'union des cités grecques contre un ennemi commun venu d'Asie ça me rappelle un peu une histoire qu'on se racontait alors depuis des siècles : l'Illiade. Donc on sent une certaine volonté, pour ne pas dire une volonté certaine, de faire coller la situation actuelle des guerres Médiques (pas merdiques, médiques. Les guerres merdiques, ce sera pour plus tard.) à celle, aux trois quarts fantasmée, de la Guerre de Troie.

Bon, et comme dans toute bonne propagande il faut un système de communication efficace, pourquoi ne demanderions-nous pas à un ancien de la bataille de Salamine de nous pondre un petit spectacle bien senti allant dans ce sens sous des airs d'apitoiements pour les Perses ? Eschyle était né ; l'histoire allait devenir légende, allait devenir spectacle, un peu comme le Jour le Plus Long avec John Wayne, Henry Fonda et Robert Mitchum (à tes souhaits).

D'ailleurs, à ce propos, la fin de la pièce fait dans l'endoctrinement quasi-religieux (nouvelle orthographe kazirelijie) où l'on reconnaît (nouvelle orthographe reconnait ou reconé ou rheu qu'au nez, je ne sais plus très bien) une forme ancestrale du répons des offices liturgiques chrétiens, voire même un proto-gospel (nouvelle orthographe… euh… je ne sais plus, prote aux grosses pelles, je crois) de type call and response (nouvelle orthographe collant de Raiponce).

On voit donc à longueur de pièce la brave maman de Xerxès pleurer et se lamenter sur la défaite de son humilié de fiston. Elle en appelle alors — cas de force majeure — au fantôme de Darius à coup de libations et de prières aux Dieux pour savoir quoi faire en pareille panade. Eschyle ponctue toutes ses phrases d'un « Hélas ! Hélas ! » en nous rappelant bien que la Grèce est forte, qu'Athènes c'est ce qu'il y a de mieux et que surtout, surtout, faut croire aux Dieux, car, en toutes occurrences, ce sont eux, les véritables artisans de la victoire. (Ce que l'on pourrait éventuellement résumer en langage moderne et inclusif par une formule pleine de sagesse du genre : « Si vous ne voulez pas vous faire Niké*, vous vous ferez avoir. »)

Eh bien, merci pour ce conseil Eschyle, j'y penserai en temps utiles ; pour l'heure il faut que j'aille me recoucher car à fin et à force de me percuter les paupières, j'ai senti les bâillements (nouvelle orthographe bayeman) lancer l'assaut (nouvelle orthographe Lens & lasso). Donc, vous aurez peut-être deviné.e que cette pièce n'est pas particulièrement ma tasse de thé (nouvelle orthographe tass2T) mais ceci n'est que mon avis, pas beaucoup plus qu'un tuyau Persé, c'est-à-dire, pas grand-chose.

(* il s'agit bien entendu de Niké, déesse de la victoire, pas de cette marque vaguement sportive symbolisée par un genre de virgule mal positionnée et qui, soi-disant, serait une représentation stylisée de l'aile de ladite déesse à Samothrace.)

P.S. : définitivement, j'aime les autrices, auteuses, professeuses, professrices et autres sautrices en longueur, qui, à la force du poignet, ont enfin été les vainqueuses, vainctrices d'un système anachronique et machiste de désignation. Grâce à iels (ces iels rieu.se.r.s, tacheté.e.s ou rayé.e.s, on ne nous précise pas), notre langue, si boitrice auparavant, est désormais harmognice. À quand la déformation de mignon en moignon ? (On pourrait même récrire les vieux poèmes anachroniques et machistes en inclusif, ce serait un progrès colossal, digne de l'intelligence artificielle, croyez-moi : Mignon.ne, allons voir si la rose... Las ! voyez comme en peu d'espace, Mignon.ne, iel a dessus la place…) Bref, vive les autrices, mot qui rime si bien avec cicatrice et mot triste, et à bas les auteures, mot qui, à coup sûr, sonne désormais bien trop masculin à nos oreilles inclusives !
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Les perses ,
La plus ancienne pièce de théâtre conservée ( dans l'état actuel de la question ).
Un témoin ? Un témoignage ? Pas vraiment
Pour l'histoire , voyez Hérodote.
Cependant , Les perses ( ou plutôt : « autour des perses « ) , c'est de l'histoire , alors je parlerais un peu des guerres médiques et des perses , car cette pièce à une résonnance politique forte dans l'histoire d'Athènes .
En effet si l'auteur était un vétéran , son public l'était également et largement , sur les gradins se tenaient en bon nombre les rameurs de la flotte athénienne à Salamine .
Le théâtre ( de la racine grecque : regarder ) est un évènement religieux à l'origine et le lieu lui-même , scène et gradins , est un lieu annexe du temple , dédié à la récitation mythique , principalement héroïque .
A sa toute origine , le théâtre est associé à Dionysos , au culte féminin et hors poliade ( cité ) .
Par son développement , et son étaiement scénique le théâtre deviendra un aspect majeur de la religion civique et de la vie politique et artistique poliade ( de la cité grecque ) .
En Grèce comme plus tard à Rome , le théâtre ne sera jamais un aspect neutre , des arts littéraires . Il conservera toujours une aura sacrée , sinon toujours le théâtre en-soi lui-même , mais au moins pour l'inspiration des auteurs et pour leur liberté de ton et de sujet .
Le théâtre grec vise fortement à l'émotion et à la connaissance intime . Il vise à procurer une information qui s'alimente d'abord à une forme de mysticisme .
Bref , ce n'est pas , malgré son caractère éminemment politique , ni la Pravda , ni le 20 heures , ou encore ce n'est pas non plus Le Monde Diplomatique , ni encore le dernier roman transcendantal .
C'est plus une religion ( sourire ) , même si le caractère religieux est souvent transcendé ( mais jamais sublimé ) …
Le théâtre a évolué très vite et Eschyle a contribué directement à cette évolution en introduisant et en établissant le principe du deuxième acteur( qui vient s'ajouter au protagoniste , le premier acteur ) .
Lire ce texte , nécessite forcement de mesurer et d'appréhender un décalage culturel énorme qui porte sur le fond , la forme et le contexte historique général et ponctuel .
Un texte assez cour capable de vous émouvoir que les perses ? : oui à mon humble avis , misérablement prétentieux et égotique .
Il y a dans les perses de grandes phrases éloquentes , joliment dites , dont le caractère grandiose et dramatique transporte et émeut .
Le texte est souvent très circonstancié et scénique . Il est vivant et animé .
L'auteur crée un agencement du drame qui ne repose pas sur la simple chronologie évènementielle , mais sur des séquences qui visent à la dramatisation en profondeur , en énonçant des faits qui chantent systématiquement la dévastation intime et secondairement les ruines collectives .
C'est un peu comme de peindre des tableaux et de les voir bruler ensuite , dans l'élan tragique et lyrique des coeurs .
Plus que toute autre texte de théâtre sachez que les perses est récité , déclamé , chanté … bref n'oubliez pas d'imaginer la sono …
Enfin c'est un texte dynamique car , les évènements qui fondent l'émotion lyrique et dramatique sont dans le file narratif insérés comme passés ou bien à venir .
Pour ce qui est de recommander ce texte , je vous inviterais à vous demander si vous aimez lire des récitations entrecoupées de textes lyriques …..
Si Eschyle , contribue à faire évoluer la structure du théâtre , ce qui n'est pas rien en soit , il demeure incontestablement dans Les perses au plus près de la signification première du théâtre .
Les perses sont en effet une récitation héroïque , le texte utilisera les cadres narratifs suivants : la prédiction , la récitation , le songe , la prophétie , la lamentation et la portée du héraut ( du messager ) .
Les perses ne nous renseigne pas tant sur la victoire des grecs que sur les lamentions de Xerxès qui par son insistance aveugle , égotique et acharnée a contribué à ne pas faire mentir les oracles .
La bataille navale d'Himère , épargne au grecs d'occident la destruction et l'asservissement aux carthaginois , de même Salamine et Platées épargne à la Grèce continentale l'asservissement à l'orient despotique.
Ce dont traite cette tragédie c'est d'un véritable cataclysme géopolitique .
Athènes est un état grec , une cité ( polis ) , avec sa chorée ( campagne ) , sa ville ( polis ) et son acropole et ses temples . Elle est avant tout une communauté d'hommes , issus du sol ( autochtones ) ) à l'image de sa divinité poliade tutélaire . La ville est un assemblage humain enraciné dans sol.
L'invasion perse menace de détruire définitivement l'état et le sol avec les symboles de histoire et de l'identité d'un peuple . Une partie de la flotte de Salamine était prête à fuir vers l'occident pour refonder un nouvel état successeur d'Athènes , nouvelle Athènes mais jamais plus Athènes .
Contre toute probabilité la Grèce a triomphé des dissensions internes vives et viscérales , des manoeuvres financières agressives de l'empire ( corruption ) , et des armées innombrables.
Mais non , la Grèce restera libre et Athènes cité démocratique ( en fait une oligarchie du peuple ( des hommes seuls ) plus qu'une démocratie au sens contemporain ) , triomphera , vivra , et opprimera un véritable empire maritime qui causera sa perte militaire et politique ultérieur.
Ce démos ( peuple ) qui est assis sur les gradins qui est héroïsé par l'éloquence tragique de l'auteur , mettra en coupe la coalition maritime, une partie du pacte hostile aux perses et instrument de liberté et fondera un empire despotique . Ce qui est à naitre est déjà lancé et c'est à mesure de la grandeur existentielle , de ce dont nous entretient ce texte .
Car en conclusion ,bientôt , peu après cette représentation , le trésor de la ligue viendra de Naxos à Athènes couronner l'étendard de la liberté en causant sa perte Car l'aveuglement qui causa la perte de Xerxès , causera aussi la perte d'Athènes et aussi de celle de son démos , après avoir nuit à la Grèce toute entière , plus que les perses probablement , mais cela Eschyle ne le savait pas …
Mais nous , nous le savons et nous savons donc que l'histoire , comme la guerre est souvent garce et amère , ….
Les perses c'est de la métahistoire athénienne , et le lecteur assiste à la création de ce ressentis historique collectif d'une communauté nationale étourdie par sa grandeur imprévue et par sa providentielle survie …
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Eh oui, je persiste avec Eshyle. Cette pièce m'effrayait un tant soit peu, parce qu'elle est souvent mentionnée comme LA pièce patriotique du théâtre grec antique, et que, bon, présenté comme ça, ça ne me disait trop rien. Pour le coup, c'est plus agréable à lire que je ne le pensais, même si l'aspect patriotique n'est pas totalement absent - ne serait-ce que parce cette tragédie était destinée à un public grec, qui se glorifiait d'avoir vaincu les attaques des Barbares à Salamine et ailleurs - je vous laisse vous renseigner sur les faits historiques si besoin, j'ai trop peur d'écrire des sottises. Bon, après tout, les Perses avaient voulu envahir et soumettre les peuples grecs, ces derniers avaient donc de quoi pavoiser, si tant est que pavoiser après une guerre soit de bon ton.


La tragédie des Perses a donc été composée peu de temps (huit ans pour être précis) après la fin de la guerre qui a opposés Perses et Grecs, guerre à laquelle Eschyle avait lui-même participé. Pour autant, est-ce un témoignage historique ? Non, et ce n'était certainement pas le but d'Eschyle. Est-ce que c'est une pièce de propagande ? Oui et non. Proposer ce genre de sujet devait assurément aider Eschyle à remporter la première place du concours - même si au final, je n'ai pas d'info sur le résultat qu'a obtenu Eschyle dans le cadre de ce concours-là. Les Grecs sont présentés comme de grands stratèges, c'est certain. de plus, on remarquera que les termes utilisés par les Perses eux-mêmes (car on ne voit ici que des personnages perses) sont choisis à l'intention du public grec ; on n'imagine évidemment pas les Perses se donner le nom de "Barbares" (ce qu'ils font pourtant constamment dans la pièce), alors que ce terme grec (βάρϐαρος / bárbaros) désignait tous ceux qui n'étaient pas... grecs. Mais le propos essentiel ne consiste pas en une exaltation du peuple grec vainqueur, mais bien en une réflexion sur la résistance des humains au destin. Résistance vouée à l'échec.


La tragédie débute en effet après la défaite des Perses à Salamine. Atossa, épouse du défunt roi Darios et nommé ici La Reine, attend des nouvelles de l'armée avec les Fidèles, des conseillers qui devront l'aider dans les décisions à prendre selon les informations reçues. Or il s'avère que Xerxès, fils de Darios et d'Atossa et actuel roi, bien qu'encore vivant, a conduit son immense armée à se faire laminer. Il n'est question, lorsque le messager arrive au palais, que de cadavres dérivant dans l'eau ou pourrissant à terre ; ces images sont d'ailleurs très fortes, et répétées à maintes reprises. Xerxès lui-même n'est plus qu'une loque qui a provoqué la désagrégation de l'Empire de son père. C'est qu'il ne fallait pas, qu'il ne faut jamais, aller contre les dieux et vouloir prendre plus que ce qui vous est destiné. C'est ce que Darios avait compris, c'est ce que Xerxès n'a pas voulu comprendre, et c'est toute la morale de cette tragédie. Ce sont les dieux qui ont été les artisans de la défaite des Perses, c'est dit et redit dans la pièce.


J'ai eu quelques moments de frayeur qui m'ont méchamment rappelé Les Sept contre Thèbes, quand untel commence à nommer un à un les chefs perses et leur alliés, puis, plus tard, les morts dans les rangs des Perses et de leurs alliés. Ça ne dure pas très longtemps, donc nous estimerons (voilà, c'est reparti, je parle de moi à la première personne du pluriel, ah la la) que c'est acceptable pour les lecteurs d'aujourd'hui. Ce qui facilite également la lecture, c'est que, miracle des miracles, Les Perses ne fait pas partie d'une trilogie liée ! Donc pas de début, ou de fin, ou de milieu qui manque (malgré quelques vers perdus) !


Et surtout, le choix qu'a fait Eschyle de présenter les perdants, de centrer sa tragédie sur leurs malheurs, ne peut que nous faire penser à ce qui suivra avec Euripide et les captives troyennes qu'il mettra en scène. de là à conclure qu'Eschyle était un précurseur en la matière, il n'y a qu'un pas - que je me garderai bien de franchir, faute de preuves.



Challenge Théâtre 2020
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On est bien d'accord, la tragédie c'est toujours des vieux bousins dont seuls les érudits un peu snobs ont entendu parler et qui emmerdent tous les autres ?

On est bien d'accord, lire la tragédie c'est encore pire que la voir, on se barbe, dans la tragédie, même si on se barbe avec distinction, en étouffant ses bâillements, discrètement, derrière une main lasse ?

Mais voilà : Les Perses, c'est une tragédie qui sort des clous, à tous les niveaux : côté vieux bousins et côté emmerdement, - et qui mérite qu'on s'y arrête et qu'on réprime, un instant, son bâillement.

Que dirait-on si notre vieux Beckett à tête de hibou déplumé avait écrit une pièce où deux clochards auraient échangé leur point de vue sur la bataille d'Angleterre? ou si Ionesco avait envoyé Bérenger se geler les miches et manger du rat à Stalingrad assiégé par des rhinocéros à croix gammée ? ou si Anouilh, même, le pâle Anouilh, avait confié à Antigone le soin d'aller mettre des fleurs des champs sur les sinistres voies ferrées d'Auschwitz, au nom des lois non écrites?

On dirait qu'ils ont eu un sacré culot, parce qu' écrire une tragédie sur l'actualité, ça ne se fait pas, mais alors pas du tout !

Les Perses, c'est d'abord l'actualité faite tragédie.

Bon, d'accord, c'est une actualité qui a un peu vieilli - qui, à part Javier Cercas, se souvient encore des soldats de Salamine ?- mais enfin, on ne peut pas en vouloir à Eschyle d'en avoir été un, de soldat de Salamine, justement, et de vouloir la raconter, à sa façon, sa victoire.

Tragique. Normal, pour un dramaturge.

Deuxio les Perses, tout barbus qu'ils soient, ne sont pas barbants- attention je n'ai pas dit qu'ils étaient poilants non plus : la tragédie, surtout au temps d'Eschyle, est essentiellement centrée sur le choeur et sur le thrène-un chant de deuil. Et un choeur qui pleure et déplore, en grec ancien, ça donne beaucoup de opopoï opopoï opopoï- ce qui veut dire « hélas », mais en grec ancien, of course.

En traduction, c'est moins rigolo, je vous l'accorde.

En revanche, pour la distraction vous êtes plutôt gâtés : le songe d'Atossa, la reine, et son interprétation quasi en direct, l' apparition de Darius, le roi mort, qui prédit la grosse cata, et la grosse cata elle-même qui se produit tout comme ils l'ont rêvé ou prédit : c'est Salamine- la défaite maritime des Perses, qui arrive comme la cerise sur le gâteau –enfin pas pour les Perses, bien sûr, - je suis vraiment obligée de tout vous expliquer ?-

Parce que pour les Perses, Salamine c'est comme Stalingrad pour les rhino à croix gammée. J'espère que vous me suivez toujours.

En plus, le fantôme du Roi mort se paie le luxe de prédire aussi Platées –la défaite terrestre de nos barbichus pas si barbants que ça- , et ça c'est trop fort, vraiment! On dirait qu'Eschyle lit dans le marc de café, même si nous, on sait que Virgile, dans l'Eneide, nous a déjà fait le coup de la prédiction, avec le bouclier d'Enée, où était annoncé l'avènement d'Auguste, avec huit siècles d'avance…sauf que Virgile , ce gros malin, il a inventé ce bouclier d'Enée sous le règne d'Auguste himself et même à sa demande..

Déguiser la propagande en poésie prophétique ou en tragédie fantastique, avouez que c'est géant : on devrait souffler la recette à quelques dictateurs en mal de popularité…

Je récapitule : actualité brûlante, songes inquiétants, prédictions confondantes, apparitions fantastiques : n'en jetez plus…Il n'y a guère que le cirque, le guignol ou les marionnettes pour vous divertir davantage, pauvres roseaux pensants que vous êtes !

Troizio, les Perses c'est un tour de force d'intelligence et d'humanité. Eschyle donne la parole aux vaincus, il adopte leur point de vue, il épouse leurs angoisses, il évoque leurs cauchemars…

Je ne sais pas, moi, mais si vous racontiez la bataille d'Angleterre, vous feriez une tragédie bien glorieuse, avec Churchill dans le rôle du super héros, et tous les aviateurs anglais joueraient les fanfarons et ramèneraient leur fraise, non ? Pas Eschyle !( j'ai dit Eschyle, pas Churchill, suivez un peu, merde, c'était un exemple !) Eschyle, lui, l'ancien soldat de Salamine, il la joue modeste : ce sont les Perses qui ont le premier rôle, eux qui tiennent le choeur, eux qui voient venir la catastrophe avec ce fou de Xerxès qui est devenu tout à fait mégalo, et qui n'écoute même pas sa maman, Atossa. Il doit faire un complexe d'Oedipe- même s'il n'a pas vu Oedipe-Roi, c'est un peu prématuré- mais Xerxès c'est pas papa Darius, il est tout plein d'Hybris-une sorte de drogue dure d'origine grecque qui a fait son chemin. Il déconne à pleins tubes : il est bon pour la camisole de force …

Bref tout se passe dans le camp des Perses, au point qu'on a la double satisfaction de se la jouer modeste et de faire un peu d'humanitaire – qu'est-ce qu'ils vont devenir, ces pauvres Perses, menés à la cata par leur fils- à- papa- psychopathe ? et cette pauvre Atossa, veuve de guerre et mère d'un looser ?

Opopoï Opopoï Opopoï !!!( je ne traduis plus, suivez un peu, que diable !)

Bon, assez déconné : les Perses, c'est audacieux, c'est moderne, c'est shakespearien.

C'est pas barbant.

C'est juste assez mal traduit, scolaire et plutôt laborieux dans la collection GF Flammarion. Il faudrait dépoussiérer tout cela. Lacarrière aurait dû s'y coller, comme il l'a fait excellemment pour le théâtre de Sophocle – qui dansait dans les choeurs célébrant la victoire de Salamine …non, pas Lacarrière, Sophocle, vraiment vous êtes lourds…

Bon, j'ai complètement raté mon coup, vous êtes en train de tout mélanger : Les Perses, c'est bien cette histoire d'un escadron anglais descendu en flammes par les rhinocéros de Stalingrad, pendant que Churchill et Eschyle fumaient le cigare sur le trône de Darius, en regardant Atossa faire la danse des sept contre Thèbes ?


Opopoï Opopoï Opopoï !!!




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Récit intéressant à plus d'un titre, mais en terme d'émotions tragiques je suis resté sur ma faim.

« Les Perses » situe l'action à la fin de la deuxième guerre médique qui opposa une confédération de cités grecques à l'immense empire Achéménide. Elle conte essentiellement l'histoire la bataille de Salamine, l'aspect tragique étant curieusement rendu non dans l'héroïsme des Grecs au combat mais dans l'apitoiement des Perses face à la défaite.
Car les sujets de la pièce sont bien les Perses vaincus. La scène est à Suse, devant le palais du roi Xerxès. Les Féaux du père de Xerxès, Darius, attendent avec angoisse des nouvelles de l'immense armée partie écraser les téméraires Grecs. Atossa, veuve de Darius, leur fait part de ses rêves inquiétants. Un messager dépenaillé ne tarde pas à confirmer leurs craintes. L'armée a été anéantie. Atossa invoque l'âme de Darius afin d'en obtenir consolation et bénédiction mais n'y gagne qu'une effroyable révélation : les Dieux (Grecs) ont jugé les Perses sacrilèges d'avoir tenté de s'élever à leur niveau en bâtissant un pont de navires permettant aux soldats de traverser l'Hellespont (évènement également relaté par Hérodote). La ruine des armées est leur punition et Xerxès doit à présent renoncer à sa superbe et ployer le genou. La fin de la pièce est une longue et pathétique péroraison de Deuil.

Ce récit est sans aucun doute à classer parmi les témoignages historiques. Car l'auteur a bel et bien vécu la bataille de Salamine et je pense que sa haine des Perses devait être profonde. Eschyle est prolixe dès qu'il s'agit d'évoquer l'histoire récente (pour lui) des affrontements entre Grecs et Perses, les détails géographiques du déplacement des armées perses, les noms des généraux, etc. En écrivant cette pièce il a voulu laisser une trace des évènements qu'il a vécus.
Ce récit est aussi un cri patriotique. Je ne crois pas que choisir les Perses comme sujets puisse leurrer le lecteur. Les Perses se nomment eux-mêmes Barbares, ce qui ne peut-être en réalité que le point de vue d'un Grec ; Darius parle des Dieux, mais de Zeus, de Poséidon, pas d'Ahura-Mazda. Eschyle rappelle que les Perses règnent par la terreur alors que la force d'Athènes repose sur la vertu civique et patriotique. Eschyle montre les Perses angoissés, il les fait pleurer, mais je l'imagine observer la scène avec une joie perverse, et je l'imagine souhaiter à travers cette pièce transférer cette joie à son public, et développer leur sentiment patriotique.

Tout cela a ravi mon intellect mais a quelque peu désappointé mon attente émotionnelle du tragique. Ici pas de lutte entre devoir et passion, pas de Destin funeste imposé par les Dieux, seulement la plainte des vaincus. C'est insuffisant pour se comparer à des chefs-d'oeuvre comme « Oedipe-roi » de Sophocle ou « Hippolyte » d'Euripide.

Pièce lue dans les « Tragiques Grecs, Théâtre Complet », éditions du Livre de Poche.
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LE MESSAGER : Quand la clarté du soleil fut éteinte et la nuit survenue, tous les maîtres de rames montent à bord, ainsi que tous les commandants des soldats de marine. D'un poste à l'autre on s'encourage sur le vaisseau long, et chacun vogue au rang qui lui a été assigné, et toute la nuit les commandants de la flotte tiennent toute l'armée navale en croisière. Cependant la nuit se passe sans que l'armée des Grecs tente sur aucun point de s'échapper furtivement. Mais lorsque le jour aux blancs coursiers a rempli toute la terre de sa clarté resplendissante, on entend tout d'abord retentir du côté des Grecs une bruyante clameur, qui ressemble à un chant et dont l'éclat est répercuté par l'île rocheuse.
La crainte alors saisit tous les barbares déçus dans leur attente ; car ce n'était pas pour fuit que les Grecs entonnaient alors ce péan solennel, mais pour s'élancer au combat, pleins de courage et d'audace, et la trompette enflammait de ses éclats toute leur armée. Aussitôt, abattant leurs rames bruyantes avec ensemble, ils frappent l'eau profonde en cadence et nous les voyons sortir à toute vitesse et paraître à nos yeux. L'aile droite marchait la première en bon ordre, ensuite toute la flotte s'avançait ; en même temps on pouvait entendre un grand cri : « Allez, enfants des Grecs, délivrez votre patrie, délivrez vos enfants et vos femmes, les sanctuaires des dieux de vos pères et les tombeaux de vos aïeux ; c'est pour tout vos biens que vous luttez aujourd'hui. »

(P. S. : Ce n'est pas la première fois que je trouve chez Eschyle des accents qui me font penser très fort à notre Marseillaise — Voir par exemple, Les Sept Contre Thèbes.)
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[apologie d’Athènes]

ATOSSA (mère de Xersès, veuve de Darius): Athènes, où est-elle située au juste sur la terre?
LE CORYPHÉE: Loin vers l'Ouest, où descend le Soleil tout-puissant.
ATOSSA: Cette ville, mon fils la convoitait pour proie?
LE CORYPHÉE: Oui: tous les Grecs seraient alors vassaux du Roi.
ATOSSA: Elle dispose donc d'une armée si nombreuse?
LE CORYPHÉE: Et quelle armée - qui fit beaucoup souffrir les Mèdes!
ATOSSA: La marque de leur armement, est-ce la flèche qu'on encoche?
LE CORYPHÉE: Non, c'est l'épée du corps à corps, avec le bouclier au bras.
ATOSSA: Et puis? Ont-ils chez eux suffisantes richesses?
LE CORYPHÉE: Leur sol est un trésor, plein de filons d'argent.
ATOSSA: Et qui tient la houlette? A quel maître l'armée est-elle assujettie?
LE CORYPHÉE: Ils ne sont point esclaves, ni sujets de personne: point de ces noms, chez eux!
ATOSSA: Comment peuvent-ils tenir bon, alors, dans le combat contre un envahisseur?
LE CORYPHÉE: Ils le peuvent si bien qu'ils ont, à Darius, détruit sa grande et belle armée.
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LE CHŒUR : Les peuples de la terre d'Asie n'obéiront plus longtemps à la loi des Perses, ils ne paieront plus le tribut imposé par leurs maîtres, ils ne se prosterneront plus et ne se laisseront plus commander ; car la force du roi n'est plus.
La langue non plus ne sera plus emprisonnée ; car le peuple est délié et parle librement, dès que le joug de la force est détaché.
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LE CHŒUR. En ses yeux luit le regard bleu sombre du dragon sanglant. Il meut mille bras et mille vaisseaux, et, pressant son attelage syrien, il conduit à l'attaque des héros qu'illustra la lance d'Arès à l'arc triomphant.
Qui serait donc capable de tenir tête à ce large flux humain ? Autant vouloir, Par de puissantes digues, contenir l'invincible houle des mers ! Irrésistible est l'armée de la Perse et son peuple au cœur vaillant.

Oui, mais à un piège qu'a tendu le dessein perfide d'un dieu quel mortel pourrait échapper ? Qui sait alors, d'un pied agile, prendre son élan pour un bond heureux ?
Caressante et douce, Até égare l'homme en ses panneaux, et nul mortel ne peut ensuite s'en évader d'un saut et fuir.
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LA REINE : Amis, quiconque a fait l'expérience du malheur sait que lorsqu'une vague de maux s'est abattue sur eux les hommes s'effrayent de tout, tandis que si le destin les favorise, ils se persuadent que le vent de la prospérité ne cessera jamais de souffler pour eux.
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ESCHYLE — Le Chœur & le Sacré (UNIVERSITÉ NANTERRE, 1994) Un cours audio de Émile Lavielle enregistré le 8 février 1994 pour l’Université de Nanterre.
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