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EAN : 978B08NTNXDCV
208 pages
Noir sur blanc (14/01/2021)
3.62/5   29 notes
Résumé :
Ce sont trois longues nouvelles encadrées par deux contes. Melancolia est un livre sur l’expérience de la séparation, sur ce trauma qui a marqué notre naissance et, par la suite, chacune de nos métamorphoses. L’immense écrivain Mircea Cărtărescu en fait ici l’étude à travers trois étapes de la vie : la petite enfance, l’âge de raison, l’adolescence.

Un enfant de cinq ans, dont la mère est sortie, se persuade qu’il a été abandonné : « C’est l... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (11) Voir plus Ajouter une critique
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."L'homme ne peut faire autre chose que ce que le ciel avait prévu qu'il ferait. À son dernier souffle, chacun considère sa vie et comprend qu'il devait en être ainsi."
Un prologue qui débute avec un conte qui nous annonce la couleur de la suite. Mircea croit à la fatalité. Pourquoi se tuer à courir après des buts fantômes, alors qu'on peut simplement profiter de ce qui est présent et à porté de main, puisque de toute façon ca ne changera pas grand chose à ce qui adviendra. Une vision mi figue mi raisin de la Vie.

Trois contes suivent, dont le premier est l'histoire d'un petit garçon resté tout seul avec ses trois jouets, son méchant clown Hubert, son petit cheval blanc en toile et son chat en bois bleu. Sa maman est partie faire des courses et n'est jamais plus rentrée. Pourquoi ? Comment le petit garçon s'en sort-il ? le premier aucune idée , aucune importance, le deuxième c'est justement l'histoire. le petit garçon part dans un monde onirique pour échapper à la réalité, bien que le lourd fardeau de la solitude continue à l'oppresser et il n'arrive pas à s'en échapper. Magnifique à lire et à visualiser , on dirait Fantasia de Walt Disney , ou Peter Pan et son "Neverland" à Bucarest,
Le deuxième conte est un conte plus sombre, qui m'a fait penser à Hansel et Gretel. Une frère et une soeur, aux parents fantômes, la nuit rejoignent leur " Neverland" où ils sont attaqués par les renards.....La aussi, ils n'arrivent pas a échapper à la solitude.
Le troisième et le dernier est l'histoire d'un ado solitaire, qui mue...oui, oui, vous avez bien lu 😊, et ses peaux il les conserve dans la penderie des parents, entre les costumes de papa et les robes de maman. Son papa muait aussi , tout ses amis au masculin muent aussi ainsi que leurs pères, et à ce sujet d'ailleurs que la fille rousse qu'il va rencontrer va lui en faire une demande indécente, "Apporte-moi ta dernière peau". Quand aux femmes, mystère , mystère, dans le cadre d'un Bucarest d'antan où on trouvait encore des remailleurs de collants pour dames. Comme les protagonistes des deux premières nouvelles, l'ado est dans l'angoisse métaphysique du présent et du futur, "Sa classe était à l'étage, au coin. Il y passait une bonne partie de sa vie, sans aucun sens, contraint par les règles absurdes de ce monde. Il étudierait, ensuite il travaillerait, des dizaines d'années, dans des lieux inconnus, peuplés d'étrangers, plus absents de sa vie que s'ils étaient faits de nuées. Pourquoi vivait-il ?.......lorsqu'il se regardait dans la glace, il ne voyait personne."
L' auteur ferme la boucle avec un épilogue, ultime cri de désespoir !

Melancolia me rappelle le film du grand cinéaste "Andrei Tarkovski", Nostalgia",
où le titre est palpable à travers les mots et images exquis tout au long du film, pareil dans ce recueil. le rêve et l'imaginaire ne débouchent nulle part, sinon à une solitude encore plus profonde. À travers l'enfance et l'adolescence, l'auteur exploite l'angoisse métaphysique aux coeurs de nos existences. Où qu'on aille, ou qu'on veuille s'échapper, de nuit ou de jour ("Quelle félicité ils avaient vécue chaque nuit, serrés l'un contre l'autre dans leur nid sous la terre, où il y avait de l'amour et de la chaleur, alors que dehors la neige et la nuit tuaient toute créature !"), on finit toujours par échouer sur soi-même, ce personnage qu'on aspire tant à réchauffer, guérir, soulager, lui changer de peau 😊, afin de le rendre heureux toute une vie ! Ce personnage si fragile et qu'on connaît finalement si peu, "Qu'une seule infime ligne, d'une papille gustative ou d'une lamelle de peau translucide du bout des doigts, n'entre pas parfaitement dans la fine glace de son existence et toute son enveloppe volait en éclats."
De la belle Littérature.


"Comment neige le destin ? le destin neige en silence."
"Pour ceux du monde du rêve, le monde réel est la plus invraisemblable des contrées."

Je remercie les Éditions Noir sur Blanc et NetGalleyFrance pour l'envoie de ce livre.
#Melancolia#NetGalleyFrance
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Ah la la... Ah la la... Ah la la la la... Je meuble, je meuble, vu que je ne sais pas très bien par où commencer....


Alors voilà : j'ai entendu parler de ce livre je ne sais pas trop comment, mais quand il est sorti, j'étais certaine, ne me demandez pas pour quelles raisons obscures, qu'il était extrêmement intéressant. Pourtant, je n'avais jamais lu l'auteur. Il y a de ces mystères dans la vie, hein... Et quand je suis tombée sur la quatrième de couverture - oui, j'ai conscience de beaucoup trop parler des quatrièmes de couverture -, j'ai senti que ce livre était fait pour moi. Ça m'évoquait tout plein de choses que j'aime, par exemple Solaris, grande métaphore romanesque et mélancolique sur la solitude de l'être humain.


En fait, pas du tout. Non pas que ça ne me corresponde pas du tout, au contraire. le côté ville en ruines, les personnages solitaires, le recours au monde des rêves, les descriptions bizarroïdes du paysage urbain, c'était a priori fait pour me plaire. En fait, j'ai passé mon temps en lisant Melancolia à penser aux textes de fantasy très sombres de Lovecraft, à certains films de David Lynch, à Kafka (ça semble être une grosse référence de ce recueil, pour le coup), et à ceci, et à cela. Oui, mais justement, c'est là que le bât blesse : je n'ai pas cessé d'interrompre ma lecture, non pas pour réfléchir à ce que je lisais, mais pour penser à autre chose, qui m'intéressait davantage.


On se retrouve donc avec trois nouvelles présentées entre un épilogue et un prologue (épilogue et prologue que j'ai trouvés sans grand intérêt), et qui ont pour sujets l'enfance et l'adolescence, la solitude, et, évidemment, la mélancolie. J'en profite pour prévenir le lectorat innocent prêt à se jeter dans l'abîme : si vous êtes déprimé et que vous ne voulez pas sombrer davantage, évitez à tout prix Melancolia. Et si vous êtes sur le point de déprimer, évitez aussi à tout prix Melancolia. Et si jamais vous n'êtes pas déprimé mais que vous êtes, je sais pas moi, hypersensible, évitez aussi Melancolia. En revanche, si vous êtes déjà dans une phase carrément dépressive, ben de toute façon le mal est déjà là, donc peut-être que vous vous sentirez en phase avec les personnages et que ça peut vous convenir.


Il est donc question d'un enfant dont la mère est morte (alors c'est ce que j'ai cru comprendre, mais il semblerait que je sois la seule) et qui se réfugie dans les rêves pour échapper à la solitude, puis, pour se réconforter, dans l'isolement le plus sombre, le plus noir (j'ai compris qu'il se laissait mourir, mais là aussi il semblerait que je sois la seule) ; de deux enfants dont les parents sont comme des ombres, qui vivent dans un monde qui leur est propre, et jouent au jeu des renards jusqu'à ce que la petite fille soit envoyée à l'hôpital et que son frère se retrouve seul. Là, en sus de la solitude et de la mélancolie, il est beaucoup question de la maternité, notamment via le décor de la ville très étrange, mais aussi d'un double du garçon dont je n'ai pas du tout saisi le rôle ; j'ai tendance à voir des métaphores partout, même là où il n'y a pas, ben là j'ai vraiment pas capté à quoi celle du double servait. On commence à s'enfoncer dans un machin énigmatique, voire abscons, voire ésotérique (serait-ce donc un recueil dédié seulement à quelques initiés ?)


Et arrive la troisième nouvelle. Si j'avais cru peiner un chouïa sur les deux premières, là, j'ai carrément souffert le martyre. Et là, j'ai trouvé que Mircea Cărtărescu en faisait carrément des tonnes. Je me dois de préciser que si les deux premières nouvelles font entre trente et quarante pages, celle-ci en comporte environ quatre-vingt-dix. Et c'est beaucoup trop. Beaucoup de répétitions, notamment à propos du questionnement sur le sens de la vie qui, bon, ne va quand même pas bien loin. On a donc là l'histoire d'un adolescent solitaire, dont les parents sont des ombres pour changer, qui lit de la poésie (là, j'ai commencé à trouver qu'on était dans le cliché) et qui rencontre une fille de son âge. Pour évoquer les changements qui marquent la vie des hommes (et pas des femmes, attention), Cărtărescu utilise l'image des peaux : tous les hommes perdent leurs peaux régulièrement au cours de leur vie, et les rangent au fur et à mesure dans un placard ou n'importe où ailleurs. Mais apparemment cette mue ne concerne pas les femmes, et c'est là un grand mystère pour cet adolescent.


Alors comme ça, cette troisième nouvelle a l'air hyper captivante, encore plus que les autres. Mais parce que c'est vraiment très long, que le texte se délite presque à l'infini, qu'on revient toujours aux mêmes images... eh ben j'ai trouvé ça très gonflant. Je n'en pouvais plus de lire cette nouvelle, je n'en voyais pas la fin, j'ai même eu l'impression que jamais au grand jamais je n'en verrais le bout. J'étais harassée, épuisée, crevée, abattue, lasse, exténuée. Pour le coup, ça m'a permis d'entrer en connexion avec le personnage - au prix d'une grande fatigue, vous l'avez compris. J'ai trouvé une bonne partie des métaphores soit lourdingues, soit trop ressassées par l'auteur pour que ça ait une véritable portée. La nouvelle aurait pu être de la même longueur que les deux autres (déjà que je les trouvais un tantinet longuettes), mais non. Je ne sais pas si c'est pour faire plaisir aux lecteurs qui lui sont fidèles, ou parce que simplement Cărtărescu aime tellement écrire de cette façon qu'il a du mal à s'arrêter, ou pour une autre raison encore... mais c'est long, c'est long, c'est long ! Hou la la que c'est long ! J'en suis arrivée à me dire que le texte était complètement écrasé par le style de l'auteur.


Et si je vous ai parlé de mes pauses digressives, que dire du nombre de fois incalculable où je me suis, littéralement, endormie en lisant ces nouvelles (enfin, surtout la dernière, ce qui explique le temps que j'ai mis à terminer le bouquin) ? Pendant et après ma lecture, j'ai eu l'effrayante sensation d'avoir lu et relu les quatre mêmes mots à l'infini : décrépitude, abandon, solitude, mélancolie, décrépitude, abandon, solitude, mélancolie, décrépitude, abandon, solitude, mélancolie, décrépitude, abandon, solitude, mélancolie, décrépitude, abandon, solitude, mélancolie, décrépitude, abandon, solitude, mélancolie, décrépitude, abandon, solitude, mélancolie, décrépitude, abandon, solitude, mélancolie, décrépitude, abandon, solitude, mélancolie, décrépitude, abandon, solitude, mélancolie, décrépitude, abandon, solitude, mélancolie, décrépitude, abandon, solitude, mélancolie, décrépitude, abandon, solitude, mélancolie, décrépitude, abandon, solitude, mélancolie, décrépitude, abandon, solitude, mélancolie, décrépitude, abandon, solitude, mélancolie, décrépitude, abandon, solitude, mélancolie, décrépitude, abandon, solitude, mélancolie...

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Je reviens de loin, de très loin, d'un univers onirique jusqu'à percer la peau du monde comme une croute de laid et aller vers un paradis blanc où l'on oublie le temps comme dans des rêves d'enfant. Et c'est déroutant…
Juste un brin de ritournelle pour se laisser absorber par ces trois nouvelles :
« Les ponts », ou l'effet mère prend tout son sens et ou les peurs naissent d'une absence.
« Les renards », quand la fratrie comme une patrie doit être défendue contre la maladie, quand le renard devient cauchemar.
« Les peaux », quand la vie n'est que solitude, que le monde est transparent jusqu'aux parents et qu'il n'existe plus que ce que l'on voit. Que la métamorphose soit la nouvelle règle du « je ».

Il faut que je sois honnête, j'ai eu du mal à marcher sur les ponts en peaux de truites pour échapper à la frayeur, j'ai âprement lutté contre les renards dans la nuit de la mélancolie éternelle, j'ai habité la détresse d'Ivan sans malgré tout pouvoir me glisser dans ses peaux.

J'avoue avoir perdu mes repères, avoir été englouti par mille émotions, mais je reconnais l'immense talent d'imagination de l'auteur à faire voyager le lecteur dans les entrailles des rêves au-delà du délire. A ce jour je n'avais jamais rien lu d'équivalent. Je dois également louer la qualité de la traduction qui m'a parue d'une magnifique précision dans ces cieux éthérés où le temps se fige autant qu'il s'éparpille en multitudes de fragments.

Par instant, cette lecture est demeurée énigmatique à mes yeux et malgré cela j'ai éprouvé des flashes de bien-être à revivre des images d'enfance enfouies comme on retrouve un peu de soi dans les mots des autres.

Merci encore à Babelio de cet envoi dans le cadre d'une masse critique ainsi qu'un grand merci pour la qualité des ouvrages édités par les éditions Noir sur Blanc.


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Je rends ma copie en retard, j'espère que je n'aurai pas une trop mauvaise note, mais voilà un livre qui n'est pas facile à lire. J'ai pris mon temps, sinon je ne serais peut-être pas allée jusqu'au bout, et d'ailleurs, pour être tout à fait honnête, je n'ai pas encore terminé la troisième nouvelle. Ce livre est constitué de trois nouvelles, encadrées de deux contes.

Dans la première nouvelle, Les ponts, la mère d'un petit garçon est partie faire les courses et n'est jamais revenu. Alors, il tente de comprendre pourquoi elle est partie, peut-être est-ce de sa faute. Il n'a que cinq ans et son imagination s'enflamme vite. Pour tenter de comprendre, à force de regarder le ciel il finit par « voir » des ponts vers les nuages, sur lesquels il peut marcher sans danger. Retrouver Maman, mais aussi Papa qui est étrangement absent…

On a une très belle réflexion sur le temps qui passe, la vitesse à laquelle il passe pour un enfant de cet âge : des mois, des années plus moins la tristesse de l'abandon, la mélancolie liée à l'absence, à la solitude, comment exister en dehors de Maman, comment inventer sa vie…

Dans la deuxième : Les renards on fait la connaissance de Marcel et sa petite soeur Isabel, ils jouent ensemble, la nuit ils se rejoignent pour dormir dans le même lit, pour se rassurer. Marcel lui invente des histoires : ils sont deux petits lapins, bien au chaud et en sécurité dans leur lit devenu un terrier. Mais le danger guette : des renards viennent les attaquer pour leur faire du mal, alors Marcel les affronte héroïquement. Une nuit, Isabel est malade, avec une forte fièvre et on doit l'hospitaliser. Marcel se souvient du jour où il est allé voir sa mère après l'accouchement, de la statue représentant une femme enceinte avec deux bébés dont le ventre est ouvert pour représenter simplement la grossesse mais depuis il en fait des cauchemars. Il va affronter ses peurs pour tenter de sauver sa petite soeur.

Dans la troisième, Les peaux, Ivan retrouve dans une valise, les différentes peaux que son père a perdu durant son existence, elles sont moisies, mitées alors il les regarde quand il est seul à la maison. Il commence à avoir des « mues » lui-aussi et se demande si les filles passent aussi par ce genre de transformation.

Mircea Cartarescu nous expose ainsi les différentes phases du passage de la petite enfance à l'adolescence, avec une fascination pour la solitude et la mort. Les parents sont étrangement absents dans ces nouvelles, physiquement ou affectivement. On passe en revue, mine de rien, les rituels de passage et le chagrin qui les accompagne : il faut perdre quelque chose pour grandir.

J'ai aimé la profondeur de sa réflexion, et la poésie des mécanismes que ces enfants mettent en oeuvre : les ponts pour accéder à une autre dimension et pour combler un manque : Maman est-elle vraiment partie ? Ou a-t-il simplement peur de l'absence qui lui paraît interminable ?

Mircea Cartarescu nous montre comment faire face à l'absence, par l'imaginaire, par des combats contre les renards comme les épreuves des chevaliers du temps jadis. Il joue avec dextérité avec la symbolique dans l'imaginaire de l'enfant qui atteint un sommet dans Les peaux avec les mues, et les transformations du corps chez les garçons et chez les filles.

J'aime beaucoup l'univers de cet auteur mais il m'a fallu du temps pour entrer dans chaque nouvelle, car c'est assez hermétique au départ, ensuite, je me suis familiarisée avec son mode de pensée, et la poésie du texte a fini de me convaincre de l'immense talent de l'auteur.

En voici un exemple :

C'était maman en négatif, la matrice de maman, peut être utilisée un jour pour la fabriquer en un seul exemplaire. Il resta énormément de temps dans le corps de maman, l'explorant en long et en large, pénétrant dans les fiers tunnels de ses bras et de ses jambes vides à l'intérieur, s'émerveillant de ses glandes en sucre candi, de ses dents véritables, des quatre cents perles disposées en grappes dans ses ovaires en chocolat.

La seule manière de s'échapper de l'appartement pour le petit garçon de cinq ans, ce sont les ponts car impossible d'accéder à l'extérieur, par l'ascenseur ou les escaliers qui sont remplis de terre, comme dans un cimetière… Ou les hôpitaux qui sont sinistres avec des chambres communes sinistres qui ont fait remonter un souvenir des profondeurs de ma mémoire : les enfants cachectiques dans les orphelinats à la fin de l'ère Ceausescu…

Un bémol quand même : si vous êtes dépressif, il vaut peut-être mieux éviter de le lire par les temps qui courent… Durant cette lecture, j'ai beaucoup pensé à l'atmosphère étrange de Melancholia, le film de Lars van Triers avec mon actrice chouchou Charlotte Gainsbourg et Kirsten Dunst, même effet anxiogène avec une tension qui monte graduellement mais tellement troublante que l'on ne peut ni ne veut s'échapper, restant bloqué devant l'écran…

Un immense merci à Babelio et aux éditions Noir sur Blanc qui m'ont permis de découvrir ce livre et surtout l'univers de son auteur.
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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Deux contes encadrent une suite de trois longues nouvelles dans ce livre étonnant, rempli à ras-bord d'images fortes et même parfois cauchemardesques.
Si les personnages des nouvelles n'ont pas de point commun évident entre eux, on pourrait tout de même dire qu'elles illustrent les frayeurs de l'enfance puis de l'adolescence.

Dans la première, « Les ponts » un jeune garçon abandonné dans un appartement décrépit hante les lieux depuis une éternité. Il attend le retour de sa mère. Il trouvera un chemin vers le dehors.

La seconde, « Les renards » met en scène un garçonnet d'à peu près le même âge et sa jeune soeur de trois ans. Même si les parents sont présents, ils ne sont guère attentifs à l'intense vie intérieure de leurs enfants inséparables, qui vivent de jeux et de rêves. Ils seront confrontés à des forces obscures, qu'ils nomment renards.

Enfin la dernière, « Les peaux » a pour personnage principal un adolescent qui vivra sa première histoire d'amour, dans un monde où les hommes muent de temps en temps, comme des insectes ou des serpents, et gardent leurs peaux, témoignages de leur évolution physique. Les femmes ne semblent pas soumises à la même épreuve. Mais sont-elles quittes pour autant ?

J'ai été sensible aux thèmes communs de ces trois nouvelles, qui sont réunies par des sensations identiques, la mélancolie, bien sûr, mais aussi l'enfermement (l'image d'un insecte pris dans de l'ambre revient) sans oublier la cruauté d'un monde de solitude et de froid.

Je pensais lire assez vite ce livre, mais il m'a fallu tout mon temps pour assimiler cette expérience de lecture à nulle autre pareille. le style, d'une grande clarté, n'est pas en cause. Ces textes sont si denses qu'il faut seulement leur accorder une pleine attention.
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critiques presse (1)
LeFigaro
15 janvier 2021
L'auteur roumain nous plonge dans un univers onirique.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (42) Voir plus Ajouter une citation
Il ne faisait aucun doute que le pâtissier, dans sa jeunesse, avait rêvé de devenir entomologiste, car, dans les alvéoles en satin crème incroyablement délicates des boîtes de luxe, étaient placés, comme dans des casiers, de lourds insectes en chocolat, des hannetons, des courtilières, des lucanes, des sauterelles géantes, tous disposés selon des plans symétriques compliqués, comme sur les planches de sciences naturelles, et enveloppés dans les mêmes papiers alu colorés. Comme ils devaient être lourds dans le creux de la main, une fois sortis de ces alvéoles parfaitement adaptées à leur forme, avec quelle extravagance et quel exotisme ils brillaient au soleil dans leur peau de métal, fine et légèrement froissée, sur laquelle étaient peints avec réalisme les yeux, les écailles, les pièces buccales, les pattes et les élytres des insectes en chocolat ! Et quand on les sortait de leur enveloppe multicolore, comme leur chocolat était lisse, répandant un parfum de cacao, la plus douce de toutes les senteurs du monde !
(Les peaux)
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…le garçon se creusait un chemin dans l’écorce de chocolat épaisse de la largeur d’une main et, par l’ouverture, pénétrait dans les profondeurs de sa maman énigmatique et dépressive comme une déesse de la solitude. Autrefois droite et haute jusqu’au plafond, remplissant l’entrée de sa silhouette au parfum d’air frais et de quignon de pain, à présent étendue comme une baleine échouée sur le rivage, sur le sol en mosaïque du magasin Concordia. Combien profonde et combien obscure était la grotte couleur café ! Quel bouleversant arome de cacao répandaient ses parois lisses et dures ! Combien vastes étaient les voûtes du ventre et des deux seins qui semblaient les coupoles d’un lieu saint !
(Les ponts, p. 48)
cité par Cristina Hermeziu
https://actualitte.com/article/98415/chroniques/l-enigmatique-melancolia-de-mircea-cartarescu
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L’enfant avait également lu des livres, mais c’étaient des livres qui ne l’intéressaient pas et, dans la plupart des cas, ils étaient impossibles à lire : pleins de schémas, de tableaux de chiffres, ce n’étaient pas des contes ou des romans d’aventures. C’étaient des livres pour les grands. Il avait désormais l’éternité à sa disposition, mais quoi que cela pût signifier, il savait que jamais il ne lirait la plupart des livres de la bibliothèque. L’un d’eux avait au milieu un cahier de pages épaisses et luisantes avec des photos. C’étaient des gens en train de faire des choses confuses. Un autre avait une couverture noire avec écrit dessus en vert Nebunul din Brent. Un troisième n’avait pas de photos et seulement des dessins à l’encre noire. Il s’intitulait Seri albastre. Le plus gros portait comme titre, écrit horizontalement sur le dos, Impudica moarte. Jamais leur contenu ne variait. Tu pouvais ouvrir un livre cent fois à la première page : les mots étaient les mêmes, toujours les mêmes, toujours les mêmes mots. Et cela se passait à chaque page. Les livres se trouvaient derrière des vitres coulissantes. En avant de ces vitres, à un demi-mètre au-dessus du parquet, le meuble faisait un rebord ou il pouvait grimper et se tenir pendant des heures, car la bibliothèque n’était pas tant un rangement pour les bibelots et les livres qu’un meuble que tu pouvais escalader. Il passait des après-midis entiers assis dessus, adossé à la vitrine, les bras posés à l’horizontale sur le haut du meuble. Il avait ainsi devant lui la fenêtre qui donnait elle aussi sur la fabrique de caoutchouc mais par laquelle on voyait les choses confusément à cause du rideau poussiéreux, presque noirci, qui pendait à la tringle en bois jaunâtre. D’en haut, depuis le rebord de la bibliothèque, l’enfant avait vue sur toute la salle à manger plongée dans l’immobilité. Chaque forme était nette et parfaite, chaque coin de meuble brillait dans une solitude sans marges. L’air était froid et silencieux. La lumière se fanait imperceptiblement vers le soir.
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Il aurait voulu être, pour un jour ou pour un an, une fille, voir les choses depuis l'autre versant et ensuite assembler les deux visions en une seule, unifiée, la version qu'aurait eue un ange ou un illuminé. A quoi ressemblerait le monde vu non par une femme ou un homme mais par l'être humain détaché de la servitude des deux sexes?
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Dès qu'elle avait commencé à gazouiller, Marcel avait réfléchi à lui enseigner les mots les meilleurs et les plus vrais qu'il connaissait. Il la distrayait déjà avec l'éternel combat des joujoux, il se mettait déjà en quatre pour la faire rire, mais la parole, c'était autre chose, cela méritait plus d'attention. Il avait pensé pendant des heures à ce que devrait dire en premier la petite fille pour que sa vie prenne du sens dès le début. Il s'était dit que cela ne devait pas être des noms de choses, c'est-à-dire de ce qu'on ne pouvait pas voir. Il n'aurait pas voulu que sa sœur commence, comme tant d'enfants, avec ce mensonge de maman et de papa, car ces mots n'avaient pas plus de sens que cuiller ou mur ou lit ou échelle. Aucun d'entre eux n'avait d'être, ils se présentaient et se défaisaient comme la brume et le vent. Les vrais mots étaient d'autres mots. Alors, grâce à l'infinie patience de son frère, soir après soir, en insistant, à force de bouderies et de sourires d'encouragement, de regards complices et de rires de gnome, Isabel prononça en premier le mot chaud, rapidement suivi par vivant. Ils avaient continué par bleu et profond, ils étaient allés plus loin avec doux et amer. Après seulement la fillette appris les autres, qui n'étaient faits que pour accompagner les premiers, s'ajoutant à eux uniquement pour les différencier un peu, car une douceur pouvait être celle d'une personne, d'un chat ou de nuages dans le couchant, et le bleu pouvait avoir comme ombre une robe ou une balle. Isabel avait appris en premier le nom des choses qui se voyait, comme le souvenir, le temps, la tristesse, le rêve, et bien plus tard celui des choses qu'on ne faisait qu'entrevoir parfois, du coin de l’œil : des gens, une maison, une main, une branche, un parc...
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